18 avril 2024 | Avignon, Plan faubourgs, la Ville persiste et signe !

Ecrit par Mireille Hurlin le 27 janvier 2022

Avignon, Plan faubourgs, la Ville persiste et signe !

Hôtel de Ville. Dans la salle du conseil tous les micros sont éteints et les fauteuils en velours rouge arborent des ressorts prestes à vous faire déguerpir ou tout du moins à ne pas vous éterniser. Face à une palanquée de journalistes, tous les titres de la presse avaient répondu présent, Fabrice Martinez-Tocabens, adjoint délégué à ‘la ville apaisée et respirable’, entouré de Frédérique Corcoral adjointe déléguée au quartier Ouest et Julien de Benito, adjoint délégué au quartier Nord-Rocade, est prêt à entrer dans l’arène. A l’ordre du jour ? Le point d’étape du ‘Plan Faubourgs l’esprit village d’Avignon’.

C’est que l’apaisement des Faubourgs met en boule et déverse pas mal d’encre. En cause ? La mise en place de nombreux sens uniques dans les quartiers adjacents de l’intramuros d’Avignon et la concentration de flux routiers dans les artères principales de la ville. Conséquence ? Une augmentation des bouchons aux heures de pointe, de la perte de temps et de carburant, une complexification de la circulation, du stationnement, le ralentissement des transports en commun dont le fameux tramway, la pollution… Mais à la Mairie ça n’est pas le constat qui est fait.

Rappel des faits
Fabrice Martinez-Tocabens prend la parole et ne la lâchera pas pendant plus d’une heure. Sa stratégie ? Des chiffres sonnants et trébuchants, de longues, très longues réponses, des périphrases un peu vagues aussi et la distribution de la parole comme en classe. Il plante le décor : «130 000 véhicules quotidiens qui transitent, engorgeant les quartiers et détériorant la vie de 30 000 habitants asphyxiés par la pollution de l’air, sonore, visuelle, l’absence de sécurité pour les usagers de l’espace public… »

La ville ? Un concentré de paradoxes, un puzzle aux mille équations

Les objectifs ?
«Éliminer le transit constitué de 60 000 automobilistes qui empruntent les faubourgs les traversant d’Est en Ouest et vice-versa », précise-t-il. Et dans la foulée aussi ? « Créer de l’aménagement pour développer les mobilités, détaille Frédérique Corcoral, précisant l’aménagement de 7,5km de pistes cyclables sécurisées, de trottoirs et de couloir de bus.» 

Premiers résultats
La mise en sens unique des boulevard Sixte Isnard et Jacques Monod aurait réduit le trafic de 75% avec 10 800 véhicules/jour en moins et de 30% soit de 1 800 véhicules sur l’avenue des deux routes et la rue Jean Macé. L’avenue Monclar aurait comptabilisé 1 500 véhicules (-44%), 2 670 pour l’avenue des Sources (-47%), 3 350 pour l’avenue de la Trillade (-45%) et 3 105 pour l’avenue Eisenhower (-21%). Quant à la piste cyclable Monclar mise en service en juillet 2021, elle induirait une augmentation en été de 50% de sa fréquentation et 20% les mois suivants. « Des chiffres encourageant à pondérer cependant puisque nous sommes actuellement en période de télétravail, » observe un cadre commercial natif d’Avignon.

Le point noir à résorber ?
C’est sur l’absence de fluidité de circulation dans l’axe Saint-Ruf-Tarascon où deux carrefours Saint-Ruf-Monod et Isnard ainsi que Gambetta et Moulin de Notre Dame que les élus se sont penchés constatant un enchevêtrement de voitures, bus, et vélos eux-mêmes bloqués par le tramway. Résultat ? Plus de 45mn de bouchons ont été constatés les après-midi.

Fabrice Martinez-Tocabens, adjoint délégué à ‘la ville apaisée et respirable’, entouré de Frédérique Corcoral adjointe déléguée au quartier Ouest
et Julien de Benito, adjoint délégué au quartier Nord-Rocade

Pour répondre à cette problématique
Mercredi 2 ou jeudi 3 février, les sens uniques sur les Boulevards Monod et Isnard seront maintenus à l’approche de Saint-Ruf, permettant de rompre le trafic de transit, tandis qu’un double sens sera rétabli sur les portions les plus éloignées de St-Ruf au bénéfice de l’accessibilité des riverains. Précisément passage du Boulevard Monod en double sens entre l’Avenue Monclar et les rues Dahlias / Villas – passage du Boulevard Isnard passe en double sens entre l’Avenue de l’Arrousaire et la place Robert Blanc. Cette mesure s’accompagnera d’ajustements complémentaires dans les quartiers Universelle, Robert Blanc et Loti afin d’éviter que les voitures s’y engouffrent.

Dans les semaines à venir
Il sera question de l’inversion du sens unique des Boulevards Monod et Isnard. Cette mesure permettra de continuer à contraindre le trafic de transit tout en déchargeant durablement l’axe Saint-Ruf au profit de la fluidité du tramway. Cette mesure sera réalisée dans quelques semaines, après accord du Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés (STRMTG) seul organisme d’Etat habilité à valider les changements de circulation aux abords du tramway.

Apprivoiser le labyrinthe
N’empêche la rue gronde. Pourquoi ? Parce que, pour beaucoup de riverains, sortir ou entrer de chez eux est devenu stressant en termes de temps, de stationnement, ou d’intégration dans le flux routier. Car dorénavant la circulation se fait par le tour des remparts, les avenues Pierre Sémard et Eisenhower et la rocade Charles-de-Gaulle, pour accéder aux remparts puis par des boucles de circulation pour s’en éloigner. Le plan en détail ici.

Une configuration des routes hasardeuse
La configuration de certaines routes laisse en réalité peu de manœuvre aux voitures, particulièrement lorsque celles-ci en compilent les usages, comme c’est le cas pour la route de Tarascon où voitures, cycles et tram font la queue leu leu. Ce qui devient particulièrement problématique aux heures de pointe. Des tensions se font jour, notamment dans le tram ou conducteurs et contrôleurs sont quotidiennement pris à partie par les usagers qui les pressent d’ouvrir les portes avant les stations, pour s’extraire de ce non-sens où la promesse de gagner du temps en transport en commun n’est pas tenue et qu’aller à pied va plus vite. Ce qui pourrait d’ailleurs mettre à mal le maintien la ligne. «Nous avons hérité d’un tracé qui n’était pas le nôtre,» relève Fabrice Martinez-Tocabens adjoint à la Ville apaisée et respirable.

Dans les rectangles, les ajustements décrits ci-dessus qui auront lieu la semaine prochaine et dans les suivantes.
Le problème ? Il réside dans la concentration de la circulation sur la voie du tram qui n’est pas en site propre.

Retrouver l’esprit village
Pourtant, la mise en place de ce plan par la Ville, partait d’un bon sentiment, tout d’abord en arrêtant d’asphyxier les faubourgs, c’est-à-dire les quartiers des plus proches des remparts et en promettant l’apaisement avec le retour de ‘l’esprit village’. Pour cela, les élus ont décidé de détourner la circulation de ‘transit*’ de voitures et transports en tout genre sur des voies ponctuées, pour certaines, de larges voies cyclables. S’agissait-il vraiment de la circulation de transit ? Les professionnels de la santé, les juristes et parfois les habitants eux-mêmes ont été nombreux à témoigner du contraire, vivant mal les boucles des sens uniques, allant même jusqu’à prévenir leurs amis de préférer certains horaires et indiquant scrupuleusement les nouveaux chemins à emprunter.  
(Circulation de transit* : flux routier traversant la ville sans en faire sa destination.)

Des décennies d’inertie urbanistique ?
Mais le seul Plan faubourgs est-il en cause où met-il en exergue l’absence d’une politique de la ville remontant à plusieurs décennies, là où d’autres communes ont réalisé des contournements autoroutiers et autres ceintures périphériques pour désengorger la ville ? Ne vivons-nous pas les conséquences de décennies de retard d’infrastructures routières destinées à contourner la ville ?

Le tram conçoit des difficultés à circuler lorsqu’il n’est pas en site propre

Limitrophe bannissement ?
En coulisses également, certains évoquent le fait de faire payer aux Gardois et aux Bucco-Rhodaniens de travailler et de stationner à Avignon tout en étant rétifs à y habiter. Une cheffe d’entreprise, en lien avec de grands groupes s’était faite, il y quelques jours, l’ambassadrice d’Avignon. Alors qu’elle demandait benoîtement, à l’un des dirigeants, pourquoi il ne souhaitait pas investir dans Avignon, celui-ci lui répondit qu’il fuyait une ville où l’on ne pouvait pas circuler et où le centre-ville s’était vidé, depuis plusieurs années, des professions libérales séduites pas la fiscalité des ZFU (Zones franches urbaines). Pour eux Avignon perdait chaque année un peu de son lustre et peut-être même ses habitants, rendant les projets d’investissement trop hasardeux.

La charrue avant les bœufs ?
Pour autant n’y-aurait-il pas d’alternatives à tout ce charivari ? Comme la demande de gratuité de l’autoroute entre Avignon Nord et Avignon Sud dont on rêverait qu’elle se poursuive jusqu’à Orange. Car on se souvient que Maurice Chabert (ancien président du Département) en son temps, puis récemment Dominique Santoni, présidente du Département, Cécile Helle maire d’Avignon, Joël Guin président du Grand Avignon et même le préfet y sont favorables. « La demande a bien été faite et la balle est encore dans le camp de Vinci, se souvient Fabrice Martinez-Tocabens mais quel est le poids de la puissance publique face à une société condamnée à gagner de l’argent ? » recentre l’élu qui ne veut pas s’éloigner de ses faubourgs.

La Léo ?
Son acronyme –Léo, Liaison Est-Ouest- a ressurgi cette semaine dans les colonnes du Canard Enchaîné (du 26 01 22) où l’on se plaît à évoquer «des travaux qui devaient démarrer à l’Automne, mais un projet attaqué en justice par un collectif Anti-Léo pour absence d’études d’impact alors que 142,7M€ issus du Plan de relance ont été dégainés par le 1er ministre Jean Castex. Le projet ? La création de deux ponts sur la Durance et d’un autre sur le Rhône, mais aussi une emprise de 20 hectares de terres agricoles dans la ceinture verte d’Avignon. Ce qui a sans doute fait tousser Cécile Helle qui ne veut peut-être pas toucher à ce poumon vert d’Avignon –avec la Barthelasse- d’autant plus que le tracé de la Léo arrivant au rond-point de l’Amandier n’est sans doute plus d’une grande pertinence. Alors la Léo, Cécile Helle la veut-elle vraiment ? Fabrice Matinez-Tocabens fait silence, happé par la contemplation de son bureau.

Quand Souad Zitouni met la pression
Alors que la conférence de presse s’était déroulée hier (mercredi 26 janvier) en début d’après-midi, la députée de Vaucluse, Souad Zitouni, elle, avait devancé l’agenda, en rencontrant, la veille et un peu plus tardivement dans la journée, les riverains de l’Avenue Saint-Ruf, des Boulevards Sixte Isnard et Jacques Monod. Autour d’elle ? Des membres du collectif, des familles, des commerçants, des personnes en situation de handicap, des pharmaciens et des soignants, tous lui faisant part de leur inquiétude.

Partout, les mêmes points d’achoppement
Ils soulèvent les nuisances qui découlent de la mise en place des sens uniques au carrefour de ces boulevards ; la dégradation de la qualité de l’air due aux embouteillages, la circulation perturbée du tramway avec des retards de plus de 45 minutes, des commerces désertés, des tensions entre piétons, cyclistes et automobilistes. 

Carrefour, feux trop rapides, la circulation peine en fluidité, » les réajustements prévus seront efficaces » promet Fabrice Martinez-Tocabens

Une plume pour dire les maux
Du coup, Souad Zitouni a pris sa plus belle plume, engageant une conversation polie par missive avec Cécile Helle, la priant, toutefois, d’écouter les personnes impactées par le plan et de bien vouloir la rencontrer.« Je ne doute pas que le Plan Faubourgs parte d’une bonne intention de pacifier la vie au sein des quartiers où il est mis en place, mais les conséquences générées par les dernière mesures semblent montrer une nécessité de concertation de l’ensemble des personnes impactées par ce plan.»

Pour l’heure ?
Cécile Helle a revêtu sa cape d’invisibilité sur la question. Interrogé sur le fait de mettre en place un Plan Faubourgs qui aurait, auparavant, nécessité que soient aménagés, a minima, les parkings relais prévus en 2023, Fabrice Martinez-Tocabens conclut : « Il y avait urgence à agir et c’est ce que nous avons fait.»

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