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Avignon, Théâtres, Houhou, y-a-quelqu’un ?

De gauche à droite et de haut en bas : Stéphane Roux Le théâtre des vents, pancarte, Aïni Iften comédienne et conteuse, Nicole Trinquart Théâtre des tréteaux, Laurent Rochut Théâtre la Factory et Julien Gélas Théâtre du Chêne noir.

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Avignon, Place de l’horloge jeudi 4 mars à midi. Quelques théâtres et comédiens se sont donné rendez-vous. On entend : ‘Que fait Roselyne Bachelot ? Sait-elle seulement de quoi elle parle ? Les lieux de culte, les magasins sont ouverts mais pas les théâtres ni les autres lieux de culture ? C’est dit, Avignon fait sécession ! La journée mondiale du théâtre aura lieu le 27 mars et certains théâtres promettent déjà d’ouvrir ce jour-là.

A l’appel de l’ensemble de la profession du spectacle, des rassemblements partout en France sont organisés pour la réouverture des lieux culturels et la protection des métiers du spectacle et de la culture.

Ecosystème d’Avignon
Ce que demande l’écosystème culturel d’Avignon ? Des Etats-généraux, un plan de relance en urgence, de l’aide financière pour les petites compagnies, grandes oubliées du système de soutien mis en place pour les ministères de l’économie et de la culture. Et surtout la réouverture de tous les lieux de culture et bien sûr des théâtres.

La culture ?
‘Voilà plus de 4 mois que les lieux de culture sont fermés au public, la culture et le moral d’une grande partie de la population sont exsangues ! Retrouvons nous place de l’Horloge, pour ensuite marcher jusqu’à la place Vialia où siège la Préfecture afin d’appeler ‘le Ministère de la culture à décréter un état d’urgence culturel’.

Protéger la profession
‘Cet état d’urgence doit passer par le renouvellement immédiat de l’année blanche de l’intermittence et par la tenue d’Etats généraux de la Culture dans le but de parer aux lacunes actuelles du système d’indemnisation des acteurs les plus fragiles devant la pandémie, insiste Laurent Rochut, dirigeant de la Factory à Avignon. Il est nécessaire de mettre en œuvre un plan de relance ambitieux du secteur avec les Festivals d’été pour point de départ et une saison 2021/2022 de renaissance pour le déployer.

Les intermittents au coin depuis 1 an
‘Tous les 15 jours, nous interpellons un Ministère ‘hors sol’ sur les difficultés du métier, la grande précarité et une deuxième vague psychiatrique qui arrive pour les intermittents. Oui, psychiatrique ! Les intermittents vont très mal. Ils sont en très grande difficulté psychique parce que leur métier c’est d’aller vers les autres, de jouer et qu’on les a mis au coin depuis bientôt un an. Ensuite les gens pensent que l’année blanche est une année qu’on leur a offerte, or, sans jouer du tout dans l’année, ils subissent des pertes de revenus, tous les mois, entre 30 et 50% et parce qu’ils ne roulent pas sur l’or, cette perte de revenu est dramatique.’

Une chaîne TV pour l’art vivant… Pfff !
‘Et là, on a une ministre, Roselyne Bachelot, telle Catherine II de Russie, qui nous dit que tout va bien, que l’activité est magnifique, qui s’enorgueillit d’avoir créé une chaîne télévisée –Culturebox– pour l’art vivant. La DGCA (Direction générale de la création artistique) lui sert une sorte d’art vivant rêvé du ministère qui se situerait entre l’Ile aux enfants et les villages Potemkine, ce qui n’a rien à voir avec la réalité !’

Un ministère lunaire ?
‘Aujourd’hui les compagnies vont très mal, certaines sont au bord du dépôt de bilan parce que le dispositif de soutien aux compagnies imaginé par les ministères de l’Economie (pour les TPE, très petites entreprises) et de la Culture avec les fonds FUSV (Fonds d’urgence pour le spectacle vivant privé) ne tient pas compte de la disparité des situations des compagnies. Le ministère de la Culture est lunaire !’ On a l’impression que la ministre ne comprend pas le monde duquel elle parle.’

Un écosystème en grande fragilité
‘Je suis là en tant que représentant en bonne santé d’un écosystème qui ne l’est pas. Nous, directeurs de théâtre, sommes bien aidés parce que nous détenons des murs et des chiffres d’affaires constants. Le ministère de l’économie nous a bien aidés. Pourtant, le ministère de la Culture ne voit que le grand théâtre public et les grosses boîtes de production privées qui sont très soutenues par l’Etat,   alors que l’écosystème de l’art vivant est composé d’une multitude de situations intermédiaires de compagnies qui ont un développement très artisanal, et celles-ci passent à côté des systèmes d’aide. Elles sont donc mal ou pas du tout aidées !’

Ce qu’il en résulte
‘Il s’agit soit d’un effet d’aubaine et, dans ce cas, dans moins d’un an il y aura moins d’intermittents, moins de compagnies et donc moins d’offres de spectacle sur le marché en France, ce qui serait très cruel, soit d’incompétence, mais dans les deux cas, cela exige que l’on bouge.’

Les théâtres lieux de refuge des compagnies ?
‘Nous, les lieux, tout comme les théâtres publics devrions être le refuge des compagnies, des lieux de sécession. Notre propos ? Ecoutez le monde de l’art vivant qui ne sera pas le même à la sortie de la pandémie si le ministère ne se met pas autour de la table, avec tous les acteurs et pas seulement celui des théâtres publics et les gros producteurs privés, pour comprendre quel est son écosystème et concevoir des Etats généraux avec un grand plan de relance ambitieux pour une vraie première saison 2021 et 2022 et reprendre dès octobre, lorsque tout le monde sera vacciné.’ 

Aïni Iften, comédienne
Aïni Iften est comédienne et conteuse. ‘En juillet et septembre j’ai pu travailler un peu mais maintenant ça fait plus de 7 mois que je n’exerce plus mon métier. C’est compliqué de n’être plus sur scène. J’ai travaillé via le net mais ça n’est pas pareil. Seule, dans une pièce, face caméra, c’est terrible. Ça commence à faire long. Nous avons eu beaucoup de chance que l’intermittence ait été prolongée jusqu’à fin août.

Et maintenant ?
‘Maintenant que se passera-t-il au 31 août ? Car nous avons très très peu travaillé alors qu’il nous faut 507h dans l’année pour renouveler notre statut. Ça va être très compliqué parce qu’on n’a pas réussi à faire notre travail complètement et convenablement. Ma demande ? Rouvrir les lieux ! On ne peut pas vivre sous cloche éternellement. Comme pour les églises qui sont ouvertes, il y a de solutions pour rouvrir les lieux de culture. Notre statut nous a aidés mais je pense à ceux qui n’ont rien, mais vraiment rien… Qui sont encore en plus grande précarité que nous comme les intérimaires. Nous avons eu la chance d’avoir ce prolongement d’aide qui est assez unique.’

Nicole Trinquart, Présidente des Tréteaux de Lagnes
Nous sommes une association culturelle sans lieu propre, qui programme des spectacles toute l’année, en complément de ce qui se passe à Avignon, mais hors Avignon. Nous jouons dans des lieux différents selon les spectacles que nous accueillons. Par exemple dans la salle de Lagnes lorsque le spectacle nécessite une proximité entre les comédiens et les spectateurs, soit à l’auditorium du Thor avec des spectacles de plus grande facture, ou, encore en plein air.

La culture en milieu rural
‘Nous sommes une structure sans existence de murs mais possédons plus de 3 000 contacts d’un public en attente d’ouverture. Nous avons ouvert vite, vite, en août et avons affiché complet avec la jauge normalement de 500 où nous avons accueilli 320 spectateurs. En octobre nous avons pu mener à bien deux représentations mais en doublant le spectacle, (en faisant deux spectacles pour, à chaque fois 130 personnes au lieu des 210 habituelles), ce qui coûte fort cher. Le public, très en demande, était enchanté. Il vient d’Apt à Caumont en passant par Carpentras faisant de notre petite structure un lieu regroupement culturel au service de tous ces petits villages.’

La culture au cœur des villages
‘Nous avons une vraie exigence en matière de qualité de spectacle ‘Adieu M. Hoffmann’, ‘la Machine de Turing’, ‘Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ?’, des spectacles, des fois, aux 4 Molière ! Ce qui correspond aux demandes de public des villages qui ne prennent pas la voiture pour venir à Avignon –parce qu’ils ne peuvent pas y stationner- et qui ont besoin de ce cœur de la culture tout près d’eux de janvier à décembre.’

Des lieux pas des clusters
‘Je viens ici pour dire que les lieux de culture ne sont pas des lieux de contamination. Il y a aucune raison de garder ces lieux fermés. Ça n’est pas parce qu’on a pris une position à un moment donné qu’il ne faut pas avoir l’intelligence de reconnaître que l’on a eu tort, et de remettre tout à plat. Des mesures sanitaires doivent être conservées mais pas au détriment de la culture et être employées dans tous les lieux. Nous espérons être entendus et dire que ce qui fonctionne en Espagne peut aussi fonctionner chez nous, comme l’a relevé Victoria Abril.’

Julien Gélas, directeur du Théâtre du Chêne noir
‘Cela fait plus de 4 mois que les théâtres sont fermés. C’est du jamais vu ! Les théâtres et lieux culturels tiennent grâce aux aides de l’Etat mais les perspectives restent floues. On ne comprend pas cette fermeture, particulièrement que, depuis, des études ont mis en évidence qu’il n’y avait pas de clusters et très peu de contaminations dans ces lieux, du fait de l’application stricte des mesures sanitaires. Nos lieux sont fermés alors que d’autres dits ‘essentiels’ sont ouverts.’

Essentielle culture
‘C’est incompréhensible. Nous ne partageons pas l’idée que la vie et l’avenir d’un pays peut dépendre de la pression hospitalière. Concrètement ? Beaucoup d’intermittents n’arrivent plus à vivre. Il ne se passe plus rien depuis plus de 7 mois. La casse va être lourde. Nous sommes là pour dire que nous voulons travailler et c’est faisable. Nous sommes prêts à ouvrir à tout moment. Le festival d’Avignon ? Nous ne savons s’il aura lieu, il n’y a aucune annonce dans ce sens. Nous sommes en mars, au moment où les compagnies s’engagent et elles ne le font pas parce que tout reste incertain. Moi ? Je pense que le festival d’Avignon aura lieu, il le faut !’

Stéphane Roux, Théâtre des vents
‘On se mobilise parce que la culture est en danger. Mais c’est plus que la culture qui est en danger. Le président de la République parle de la réouverture des lieux de culture, cinémas et théâtre à partir du 15 avril mais à la condition d’avoir téléchargé une application sur le modèle ‘Tous anti-Covid’ où on collectera le fait que vous ayez eu le vaccin, passé un test PCR. On va faire des acteurs, des directeurs de théâtre des auxiliaires de la politique du gouvernement ! On vit, aujourd’hui, quelque chose de plus grave que le problème de l’économie du spectacle.’

Attendre, pour quoi faire ?
‘Il faut attendre encore 4 à 6 semaines mais pour quoi ? Pour nous enfermer définitivement dans nos maisons ? Alors que l’on rêve de possiblement faire le festival ? Et on tend la main en disant ‘si on fait 1 place sur 2 ? Et, après, ça va être quoi ? La co-directrice et moi-même du Théâtre des vents avons décidé, dans ces conditions, de ne plus recevoir de public mais des adhérents, des militants qui viendront soutenir nos actions. J’espère que partout en France, des gens auront le courage d’ouvrir à leurs adhérents. Le théâtre des vents ouvrira entre le 20 mars et 3 avril faisant plus de 20 propositions à ses adhérents. Adhésion à 10€ par an’.

Une quarantaine de personnes est venue manifester.

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