Plein comme un oeuf le Théâtre Antique. Les 8 313 places étaient toutes occupées par un public grisonnant et soixante huitard qui assume. Et voyage sous le charme de la voix de velours de notre infatigable bourlingueur. A Bahia, Fortaleza, Recife, Copacabana, San Salvador, au Brésil, en Argentine, en Jamaïque, en Afrique du Sud.
Dans le sillage de Léo Ferré, l’artiste anarcho-rebelle était accompagné par les musiciens de l’Orchestre National Avignon Provence. A la baguette, un Raphaëll Merlin qui connaît la musique de Lavilliers sur le bout des doigts, les influences piochées au fil de ses destinations sud-américaines et africaines. Salsa, reggae, rock, tango, bossa nova. Lui qui avec « Noir & Blanc » lutte contre l’Apartheid quand Mandella était en prison, lui qui a avec « Fensch Vallée » soutenu les sidérurgistes de Lorraine pendant le démantèlement des laminoirs et hauts-fourneaux de De Wendel-Sidélor dans les années 80. Il a recommencé en 2011 pour les ouvriers d’ArcelorMittal à Florange en 2011 avec « Les mains d’or ». Entre opprimés et dictateurs, il a toujours choisi son camp, celui de la lutte, au Brésil comme en France. Quand MalIk Oussekine avait été matraqué à mort en 1986, à l’époque d’un mouvement étudiant opposé au projet de loi Devaquet (qui imposait la sélection à l’entrée de l’université) quand le duo Pasqua-Pandraud régnait en maître sur la Place Beauvau.

Au pied du Mur d’Auguste, entre les cordes et cuivres de l’orchestre symphonique d’Avignon, ses musiciens complices (guitare, contrebasse, claviers et accordéon) tiennent leur place acoustique. Et le chanteur (79 ans en octobre prochain), dans son pantalon de cuir noir, esquisse même quelques pas chaloupés et aériens sur une bossa et sous les applaudissements décuplés d’un public conquis avant même d’avoir franchi les gradins de pierre.
Entre « le goût amer de coco et de citron vert », « les cicatrices et les tatouages », « l’odeur de Camel et de Gauloise mêlée », Lavilliers taille sa route, sublime « le crescendo du vague à l’âme » et on le suit aveuglément jusqu’au bout de la nuit.
« Je t’aime encore » hurle-t-il à la foule qui lui répond à l’unisson, debout, sous le charme du « Dernier des Mohicans ». Maintenant qu’elle n’a plus les Ferrat, Ferré, Nougaro, Bécaud, Brel et Brassens que sur 33 tours en vinyle.
