25 avril 2024 | Rencontres de l’Eloquence : du grand Art sur la scène du Théâtre du Chêne Noir

Ecrit par Michèle Périn le 2 novembre 2022

Rencontres de l’Eloquence : du grand Art sur la scène du Théâtre du Chêne Noir

Pour la 18e année consécutive, le Théâtre du Chêne Noir a accueilli les Rencontres de l’Eloquence organisées par le Barreau d’Avignon.

Ce concours – qui est aussi un concours de bonne volonté – permet à de jeunes avocats, récemment inscrits au Barreau de montrer leur talent d’orateur devant leurs pairs mais également devant le public régulier du Théâtre du Chêne Noir. Un constat cependant : le public est venu nombreux mais  3 candidats seulement sont volontaires. Deux femmes et un homme fort courageux car  l’exercice est périlleux et risqué. Il en faut du courage pour oser monter sur des planches inconnues avec un public face à soi – et non pas derrière comme dans une salle d’audience – et être jaugé et jugé par ses pairs. Il en faut du courage et du talent pour – après avoir choisi parmi une liste de questions improbables – traiter le sujet en 15 minutes maximum d’une manière sérieuse et légère à la fois.

Un avocat doit-il être éloquent ?
L’éloquence renvoie à deux caractéristiques : l’art de bien parler, de bien s’exprimer et celui d’arriver à persuader, à convaincre. Alors oui ! La question ne se pose pas. Un avocat doit être éloquent puisque son rôle est de représenter son client et de bien plaider sa cause devant la Cour.
Au talent d’orateur les organisateurs de ces Rencontres ont ajouté l’humour et la liberté de ton qui pointent déjà dans l’intitulé des sujets car c’est aussi de cela qu’il s’agit au vu des thèmes abordés.

Le Bâtonnier Maître Jean-Maxime Courbet ouvre une parenthèse
Maître Jean-Maxime Courbet – lauréat des Rencontres en 2004 et élu Bâtonnier en janvier 2022– voit dans ces Rencontres une parenthèse pour «nous offrir un moment de bonheur, de gourmandise, nous nourrir de bons mots, de phrasés, de diction». Il nous promet au cours de cette soirée une parole libérée mais aussi domptée et domestiquée. En citant Paul Valéry «la fonction la plus élémentaire d’un être humain est de créer l’avenir» il veut croire que «l’avenir est là présent, derrière ce rideau avec 3 jeunes confrères du barreau d’Avignon.»

Effets de manches, de regards, de bons mots et même de silence,
l’Eloquence est un Art et l’avocat est seul en scène

Maître Marisa Santa lauréate de l’édition précédente en maîtresse de cérémonie
Choisie pour «chauffer » la salle avant chaque passage, la lauréate de 2021 Maître Marisa Santa (pour mémoire «Faut il allumer le feu ? ») succède à Maître Courbet pour présenter avec humour les 3 candidats nouvellement inscrits au Barreau d’Avignon : 1 homme et 2 femmes en marquant oralement l’écriture inclusive. Elle rappelle la règle du jeu de ces Rencontres. Sur la base du volontariat, une liste de sujets est proposée. Il s’agit de transformer les quelques mots de départ, la question quelquefois absurde ou loufoque en un cheminement logique et drôle et persuader un public juridico-artistique de la pertinence de la réponse.

Maître Nina Dorchies
La peine est-elle aménageable ? Sous des dehors hésitants et timides, la  candidate n’a pas hésité à tromper son monde en montant en puissance dans son argumentaire. Elle a choisi de décliner en jeux de mots la peine, les peines de cœur et même les pennes rigata… ainsi que les différents sens d’aménager ou de ménager. Avec en guise de conclusion «Tout reste aménageable quand on a de la peine.»

Maître Alexia Bérard
Plus volubile – qui nous avoue même être chanteuse dans une autre vie – Maître Alexia Bérard a choisi «Peut-on dire d’un mi-grant qu’il est mi-petit ? Sujet farfelu s’il en est que la candidate n’a pas hésité à définir très sérieusement en répondant d’abord à la question qu’est-ce qu’un migrant ? On lui sait gré d’avoir imagé son propos à travers le récit d’un enfant ce qui a emporté l’émotion dans la salle. Puis, très vite, elle a décliné le sujet en multipliant les jeux de mots autour du préfixe mi, tout en rappelant avec humour la mi-toyenneté, d’un mi-grant qui est toujours à mi-chemin.

Maître Michaël Vieira
Le seul candidat masculin a eu à composer autour de «La justice est-elle une balance» ?
Il a choisi de traiter le sujet sous l’angle astrologique tout en emmenant une balance sur scène, afin de capter notre regard interrogateur sur cet objet du quotidien. Si la Balance représente la justice et l’équilibre elle ne tranche pas alors que la Justice doit trancher. S’ensuit alors ce que la Justice est ou n’est pas à travers les différents signes astrologiques : forte, courageuse, loyale, belle… De l’humour et même une certaine irrévérence pour conclure plus prosaïquement «La justice est née avant la balance, donc elle ne peut pas être une balance.»

Le jury a mis plus de 30 minutes pour rendre son verdict
Sous la présidence de Madame Florence Berthier, procureure de la République du Tribunal judiciaire d’Avignon, le jury a délibéré pendant plus d’une demi-heure car le niveau était en effet très homogène et de qualité. Mais la Justice devant trancher, c’est Maître Michaël Vieira qui repart les bras chargés de cadeaux, sous l’adhésion de ses deux consœurs heureuses, dans tous les cas, d’avoir participé.

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