28 novembre 2025 | Chorégies d’Orange : une démission pour un festival de moins en moins lyrique ?

Ecrit par Andrée Brunetti le 28 novembre 2025

Chorégies d’Orange : une démission pour un festival de moins en moins lyrique ?

Après Raymond Duffaut en 2016, c’est au tour de Jean-Louis Grinda, son successeur à la direction des Chorégies, de jeter l’éponge. Un départ sur fond d’incertitudes planant sur les marges de manœuvres financières du plus ancien festival d’art lyrique du monde qui se voit contraint de réduire la voilure de sa programmation lyrique avec un seul opéra, sans mise en scène, prévu l’été prochain.

‘Bis repetita’… Fin de partie pour le directeur du plus ancien festival d’art lyrique du monde créé en 1869. « Je le regrette amèrement, mais je ne peux pas continuer. J’avais programmé 2 opéras pour 2026, il n’en reste qu’un, faute de moyens. » Ainsi s’exprime Jean-Louis Grinda lors de la présentation de la prochaine saison des Chorégies d’Orange*.
Quasiment ‘Chronique d’une mort annoncée’ puisque le Ministère de la Culture a sabré 200M€ de dotations, que la France n’a toujours pas de budget et que les collectivités locales sont dans la plus grande incertitude concernant leurs dotations.

« En 2026, nous devons alléger la programmation. »

Richard Galy, président des Chorégies et conseiller régional en charge de la culture en Provence Alpes Côte d’Azur.

Pourtant, cette présentation avait commencé tranquillement avec Richard Galy, le président des Chorégies, par ailleurs conseiller régional en charge de la culture en Provence Alpes Côte d’Azur. « Les Chorégies fonctionnent avec une toute petite équipe pour un festival connu dans le monde entier, seulement 7 salariés à l’année. 60% de nos recettes proviennent des billets, auxquels on peut ajouter les subventions de la Région, du Département, de la Ville et de l’Etat, c’est vertueux mais fragile. Par exemple quand Khatia Buniatishvili a annulé son concert de piano en 2024, cela a représenté un déficit de 100 000€, sans parler des intempéries. Cette vulnérabilité ne date pas d’hier. En 2018, un an avant que les Chorégies célèbrent leur 150e anniversaire, elles avaient failli mettre la clé sous la porte. Heureusement, le président de la Région Sud, Renaud Muselier avait renfloué le budget de 2,6M€. Et les années qui ont suivi, il avait fait passer la subvention de 450 000 à 750 000€. Mais la prudence budgétaire reste la règle. Et en 2026, nous devons alléger la programmation. »

Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies d’Orange (à gauche) et Richard Galy, président.

« Une saison ‘light’ ne me ravit pas. »

Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies

Jean-Louis Grinda prend alors la parole. « Certes, une saison ‘light’ ne me ravit pas. D’autant qu’en 2024, nous avions un bilan brut de +300 000€ mais en 2025, nous sommes en déficit de -150 000€. Cette réalité comptable nous oblige, d’autant plus que la ville d’Orange nous demande de libérer plus tôt le Théâtre Antique. Donc d’avoir une programmation moindre dans un laps de temps contracté ».

Le Harlem Gospel Choir. Crédit : DR/Chorégies

Contrarié mais professionnel, le directeur passe en revue le programme des Chorégies 2026. ‘Musiques en Fête’ en juin, ‘The magic of Motown’, la marque de disques iconique de Marvin Gaye, Stevie Wonder, Diana Ross & The Supremes » pour un ‘Harlem Gospel Choir’ le 27 juin. Place à ‘Traviata’ de Verdi le 4 juillet, sans mise en scène – économies obligent – mais avec Nadine Serra dans le rôle de Violetta et Ludovic Tézier, le meilleur baryton actuel dans celui de Giorgio Germont et Paolo Arrivabeni à la baguette face aux musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Marseille.

Philippe Katerine pour élargir le public
Le 7 juillet, un ‘inclassable’, le comédien-musicien-chanteur Philippe Katerine. « C’est une folie, comme quand j’ai fait venir Mika » commente Jean-Louis Grinda. « Mais il va attirer un autre public, peut-être des jeunes qui, à terme, pourraient élargir la fréquentation des Chorégies. »

Philippe Katerine sera aux Chorégies le 7 juillet prochain. Crédit : Ronan Thenadey

De la danse, le 13 juillet avec ‘Cendrillon’ de Prokofiev dans une chorégraphie de Jean-Christophe Maillot et une scénographie du plasticien Ernest Pignon-Ernest « Une soirée qui promet d’être inoubliable pour les amateurs ». Et enfin le 18 juillet, le violoniste Renaud Capuçon. L’an dernier il était déjà venu pour des sonates de Beethoven et Schoenberg et il avait attiré 2 000 personnes. Là, il jouera des musiques de films signées Michel Legrand, Vladimir Cosma, Ennio Morricone, John Williams, Philippe Sarde (pour l’Affaire Thomas Crown, Rabbi Jacob, Cinema Paradiso ou Les choses de la vie).

« Je suis là depuis 10 ans. Il faut se renouveler, c’est la vie. »

Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies

Jean-Louis Grinda insiste « Je regrette amèrement ce qui se passe. Il y avait 13 propositions de spectacles cet été, il n’y en aura plus que 6 en 2026. J’ai fait au mieux avec mon cœur et mon savoir-faire. Mais ce temps suspendu budgétaire, ces incertitudes plombent l’avenir et nous obligent à réduire la voilure. Je peux garantir la programmation mais pas les recettes ».

Jean-Louis Grinda qui est par ailleurs un metteur en scène réputé qui parcourt la planète, du Met de New-York à la Scala de Milan a aussi reconnu que le fait que le statut des Chorégies soit passés de SPL (Société publique Locale) à EPCC (Etablissement public de coopération culturelle) change la donne et l’oblige à renoncer « à des pans entiers » de son activité professionnelle . Il a ajouté « De toutes façons, il n’est pas sain de rester longtemps au même poste, je suis là depuis 10 ans, il faut se renouveler, c’est la vie. Donc je vais tirer ma révérence mais je suis quand même très inquiet pour le personnel qui donne tant depuis si longtemps aux chorégies et à ce public qui les suit avec passion. »

Quel avenir pour les Chorégies ?
En ces temps d’incertitude politique, économique, sociale, la culture n’est pas forcément une préoccupation majeure pour tous. Et nombre de participants à cette présentation qui applaudissent depuis des décennies les grands chanteurs et orchestres internationaux invités des Chorégies, se demandaient si ce n’était pas la fin d’une époque. En tout cas comme festival d’art lyrique. Puisque depuis des années, on programme de plus en plus souvent des concerts rock, des combats de boxe et d’arts martiaux au pied du fameux ‘Mur d’Auguste’, qui réussissent à attirer de plus en plus de monde, en particulier des jeunes.

Andrée Brunetti

*La billetterie de la saison 2026 des Chorégies d’Orange ouvrira le 15 décembre prochain et dès le 8 décembre pour les adhérents de l’Association des Amis des Chorégies d’Orange.

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