25 avril 2024 | L’AOC Ventoux veut atteindre des sommets d’engagement d’ici 2030

Ecrit par Laurent Garcia le 30 septembre 2021

L’AOC Ventoux veut atteindre des sommets d’engagement d’ici 2030

L’AOC du Ventoux est la première Appellation d’origine contrôlée à adopter ‘une raison d’être’. Une initiative qui vise à ne pas limiter les entreprises à la seule recherche du profit, mais aussi à intégrer les enjeux sociaux et environnement liés à leur activité et à leur territoire.

« Tout cela est l’inverse d’un coup de marketing, c’est un changement de paradigme, une soif d’exemplarité », insiste Frédéric Chaudière, président de l’AOC Ventoux depuis un peu plus d’un an maintenant.
En annonçant être la première AOC (Appellation d’origine contrôlée) à adopter le principe d’une ‘raison d’être’ comme défini dans la loi pacte de 2019, le syndicat vigneron, créé en 1949, entend s’engager dans une démarche particulièrement ambitieuse en faveur de son territoire de production s’étendant sur 5 700ha. Objectif : « devenir un exemple de développement harmonieux et durable en protégeant le vivant et sa culture ».

Un terroir exceptionnel à préserver
Il faut dire que ce territoire ne manque pas d’atout naturel : 2 parc régionaux (le Ventoux et le Luberon), 2 réserves de biosphères classé par l’Unesco, 30 000 ha de forêt… Les 141 vignerons (13 caves coopératives et 128 caves particulières) installés sur les contreforts du Ventoux bénéficient d’un cadre exceptionnel dont la préservation devient un enjeu majeur.
« En cette période de vendanges 2021 historiquement basses marquées par des épisodes climatiques exceptionnels, les enjeux de préservation de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique sont plus que jamais une urgence, confirme le président de l’AOC. C’est aux acteurs des territoires de s’engager concrètement et d’apporter des réponses locales à ces enjeux planétaires. » Et ce d’autant plus, que par sa spécificité montagneuse, l’AOC bénéficie d’un des climats les plus frais du Sud de la vallée du Rhône.

« Réponses locales pour enjeux planétaires. »

Des mesures concrètes pour protéger le vivant
Dans cette optique, l’AOC Ventoux s’engage désormais à « protéger le vivant », « réduire son impact et s’adapter au changement climatique » ainsi que « partager et cultiver la vie locale ».
Concrètement, il s’agit de préserver les sols en limitant les usages de produits phytosanitaires en développant le couvert végétal dans, et aux abords des vignes. Le but étant d’au moins multiplier par 3 les surfaces d’enherbement naturel ou semé de l’appellation Ventoux pour atteindre 2 000ha contre 700 actuellement. L’AOC souhaite aussi planter 30 000 arbres. Elle, qui représente 5 à 6% des émissions de carbone du territoire, se fixe également pour but de réduire son impact de 30% d’ici 2030 avant d’atteindre ‘la neutralité carbone’ imposée par l’Union européenne en 2050.
Autre initiative : le développement d’un réseau de consigne de bouteilles de verre visant à réutiliser, à partir de 2023, 300 000 bouteilles minimum chaque année, sur les 20 à 22 millions produites par an.

De gauche à droite : Frédéric Chaudière, président de l’AOC Ventoux, Marie Flassayer, directrice, Ken Reyna, directeur du parc naturel régional du Mont Ventoux et Gilles Vève, président de la Cave Clauvallis et maire de Saint-Didier.

« Parce que le terroir de l’AOC Ventoux se définit d’abord par son climat, nous avons pris très tôt la mesure de l’impact du changement climatique sur notre écosystème », précise Marie Flassayer, directrice de l’AOC dont 16% de la production globale (54% rouge, 40% rosé et 6% blanc) est constituée de surface ‘bio’ (et au-delà de 20% d’ici 2030). Par ailleurs, les vignes HVE (Haute valeur environnementale) devraient également constituer 50% des surfaces cultivées en 2025.
Pour anticiper ces mutations, l’appellation développe désormais avec l’Inrae des données cartographiques qui intègrent les cartes climatique pour permette de mieux piloter le contexte de production de demain comme l’expérimentation de nouvelles variétés de plants de vigne en lien avec l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité).

Une prise de conscience de longue date
L’AOC Ventoux n’a cependant pas attendu aujourd’hui pour prendre pleinement conscience des enjeux climatiques. Depuis près de 20 ans, l’appellation a travaillé à la mise en place d’une charte paysagère et environnementale en élaborant notamment avec ses vignerons un guide des bonnes pratiques. Deux MAE (Mesures agro-environnementales), permettant d’accompagner les exploitations agricoles qui s’engagent pour la préservation de la qualité de l’eau et de la biodiversité, ont aussi vu le jour. En 2019, un forum sur l’avenir de l’agriculture dans le Ventoux a réuni plus de 150 participants, prouvant la mobilisation du secteur sur ces problématiques.
« Les engagements pris aujourd’hui s’inscrivent dans la continuité de ces initiatives, assure Frédéric Chaudière. Nous sommes dépositaires de cette biodiversité. »

« De la ‘raisin d’être’ à la ‘raison d’être’. »

« Mais nous voulons aller au-delà de la ‘simple’ production de vin, qui reste évidemment notre raison d’être, pour évaluer l’impact de nos activités sur l’ensemble de notre territoire », poursuit le président. Cela passera pour les vignerons par une participation active au recensement de la biodiversité avec les 1 500 espèces végétales et les nombreux animaux (20 espèces de chauve-souris, 14 de reptiles, 8 d’amphibiens, 2500 d’insectes sans compter les cerfs, chevreuils, chamois, mouflons, sangliers…) présents dans l’écosystème du Ventoux.
Cette défense du territoire Ventoux passe aussi par une présence plus active à la vie locale en étant partenaire des grands événements autour du Ventoux (festival annuel Ventoux Saveurs, rencontres de Puyméras, soutien aux Carnets du Ventoux et Ventoux Magazine…)
« L’AOC est au cœur de l’attractivité de notre territoire », rappelle Gilles Vève, président de la Cave Clauvallis et maire de Saint-Didier. Pour y arriver, ce dernier estime qu’il faut développer « l’attractivité oeno-touristique et agricole » et « associer systématiquement à tous les évènements de promotion de l’AOC les acteurs du tourisme ou les producteurs de notre territoire comme partenaires engagés : truffes, olive, cerise, fraise, muscat, petit épeautre, etc. » Le tout en mobilisant agriculteurs, éleveurs, professionnels du tourisme, artisans, restaurateurs, commerçants, élus autour d’un projet de tourisme de qualité et non de masse.

Une dynamique positive collective
« C’est cette méthode participative et cette envie de faire ensemble qui nous ont séduit dans cette démarche, confirme Ken Reyna, directeur du parc naturel régional du Mont Ventoux. Il y a certes des inquiétudes sur l’avenir avec ces changements climatiques mais il y a aussi cette dynamique collective positive qui se met en place. »
Gilles Vève veut aussi privilégier les circuits courts et porter l’AOC auprès des habitants pour qu’ils deviennent des ambassadeurs de leur propre territoire.
L’ambition de l’AOC Ventoux se traduit enfin par le souhait de transmettre les savoir-faire. Une volonté qui devrait se matérialiser par des transferts de compétences via des ateliers animés par un ou deux vignerons, sur des thèmes essentiels pour le développement de l’appellation. Objectif : accompagner et encourager l’accueil des néo-vignerons.

Un comité de pilotage pour rendre des comptes
Pour que l’ensemble de ces intentions ne reste pas lettre morte, l’AOC Ventoux a recruté cet été, Isabelle Fabre, chargée de mission climat et changement environnemental.
« C’est un véritable effort pour une petite structure comme la nôtre, reconnaît Frédéric Chaudière. Cela prouve cependant la détermination de notre engagement. »
L’appellation s’est aussi dotée d’un comité de pilotage qui, bien que consultatif, sera chargé de suivre régulièrement le bon déroulement de la démarche. Il sera constitué de 12 membres : 6 représentants de l’AOC, d’un du parc naturel régional du Ventoux ainsi que d’un du parc du Luberon, d’un de la Chambre d’agriculture de Vaucluse, d’un de VPA (Vaucluse Provence attractivité), d’un de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et d’un du secteur de l’Economie sociale et solidaire (ESS) représenté par Solène Espitalié, fondatrice des jardins de Solène.
« Il s’agit de rendre des comptes sur nos actions ainsi que des rester ouverts sur les bonnes idées que pourraient apporter les autres, souligne Frédéric Chaudière. Notre objectif étant de montrer que ‘cultiver le vivant’ ce ne sont pas des paroles en l’air. »
L’appellation célèbrera ses 50 ans 2023, l’occasion certainement de dresser un premier bilan de cette nouvelle raison d’être pour les AOC Ventoux qui maintenant veulent « vivre en relief ».

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