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Le BTP vauclusien entre stagnation et défis structurels : appel à une relance urgente

Daniel Léonard, président de la Fédération du bâtiment et des travaux publics 84 Copyright MMH

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Dans un entretien accordé à la rédaction de l’Echo du mardi, Daniel Léonard, président de la Fédération du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP) du Vaucluse dresse un diagnostic sans concession de la situation du secteur de la construction dans le département. Tandis que l’activité des travaux publics reste globalement stable, le bâtiment neuf et la rénovation plongent. Face à ce ralentissement, les acteurs du BTP réclament des mesures structurelles pour relancer investissements et chantiers dans le Vaucluse. Quant à la construction de son nouveau siège rue Jean Dausset à Avignon, la Fédé BTP 84 prendra possession des lieux début décembre.

Le secteur du bâtiment-travaux publics (BTP) du département du Vaucluse est à un tournant. Selon l’analyse de Daniel Léonard,  la Fédération du BTP 84, qui rassemble près de 400 entreprises (et quelque 6 000 salariés), joue un rôle central dans l’économie locale, tant pour la construction neuve que pour la réhabilitation. Pourtant, les perspectives apparaissent aujourd’hui fragiles.

Un rôle structurant, des missions multiples
La Fédération se reconnaît trois missions principales : rassembler les entreprises de la construction et de la réhabilitation, renseigner quotidiennement ses adhérents et les représenter auprès des pouvoirs publics. Elle couvre l’ensemble de la chaîne : entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics, architectes, bureaux d’études, loueurs de matériels, marchands de matériaux, industriels, avocats.
«Le BTP est un secteur clé de l’économie du département», affirme Daniel Léonard rappelant que la filière représente, «via ses adhérents, 50 % des effectifs salariés du BTP, dans le département». Il évoque le rôle majeur de la construction pour la création ou la rénovation de logements, d’écoles, d’infrastructures routières ou de réseaux d’énergie.

Une activité qui se grippe
Malgré l’importance du secteur, la dynamique s’essouffle. Sur le volet travaux publics, l’activité reste ‘stable’, sans envolée notable. Mais sur le bâtiment, en particulier sur le logement neuf et la rénovation, la situation est plus préoccupante : «on est sur une stagnation avec un léger fléchissement vers le bas. […] Sur le diffus et l’individuel, là on est entre moins 40 et moins 50% d’activités.»

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Conjoncture
Ce constat trouve un écho dans les données de conjoncture : selon une étude Vaucluse du Cerc Paca, l’activité des travaux publics affichait –7,2 % sur un an au quatrième trimestre 2024. Par ailleurs, le secteur de la construction dans le département représente aujourd’hui 10 % des établissements et 10% des salariés, mais son effectif a diminué de 1 701 salariés sur deux ans (selon une étude de la CCI 84). Daniel Léonard pointe plusieurs explications : le peu de projets structurants en préparation, hormis quelques exceptions comme la déviation d’Orange et le carrefour de Bonpas, un ralentissement global du bâtiment, et un manque d’élan nouveau.

Des freins multiples et combinés
Plusieurs obstacles freinent les entreprises locales : Le coût des matériaux et de la main-d’œuvre, qui s’ajoute à des surcoûts ‘d’environ 10 %’ liés aux normes environnementales telles que la RE‑2020 (réglementation environnementale), aux dispositifs de responsabilité élargie des producteurs (REP, gestion des déchets) ou à l’inflation des matériaux liée notamment à la guerre en Ukraine. Le durcissement des conditions d’accès au crédit, malgré un léger recul des taux, les banques restant ‘très prudentes et pointilleuses’. L’impact des dispositifs réglementaires comme la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN), qui, selon lui, pousse à la spéculation foncière et retarde les décisions : «ce qui est de plus en plus rare devient de plus en plus cher.» L’attentisme politique, entre un gouvernement sortant pilotant les affaires courantes, des élections municipales et présidentielles qui freinent les décisions et des maîtres d’ouvrage privés en attente de visibilité au regard de la fiscalité et des règles du jeu. Enfin, côté marché public, un signal faible : «seul le secteur tertiaire se maintient ; les marchés publics et privés ont beaucoup de mal à se lancer.»

Transition écologique et innovation : un potentiel mais un frein budgétaire
Sur les défis de la transition énergétique et de l’innovation, Daniel Léonard se veut modérément optimiste : «Les entreprises savent s’adapter et possède un réel savoir faire pour peu qu’on leur donne un cap.» La RE-2020 est désormais entrée dans les pratiques, les matériaux bio-sourcés sont en développement, le BIM et le Lean sont mis en œuvre. Mais l’obstacle majeur reste budgétaire : «Le frein aujourd’hui, c’est la prescription du maître d’ouvrage et son budget. L’entreprise, elle, sait faire, à condition qu’elle soit rémunérée à sa juste valeur.» Un autre point mis en relief concerne la commande publique : «Elle n’est pas suffisante» estime-t-il. Le président de la Fédé BTP84 insiste pour que les «maires-bâtisseurs», dont certains existent bien dans le département, soient encore soutenus.

Les coulisses du bâtiment Copyright MMH


Formation, métiers et attractivité : un chantier d’avenir
Le secteur fait face également à une pénurie de main-d’œuvre, tant dans les métiers d’exécution que d’encadrement. Daniel Léonard évoque les métiers ‘en tension’ : compagnons expérimentés, plaquistes, peintres, électriciens, carreleurs… La Fédération développe des actions : accueil de jeunes sur des chantiers, partenariats avec les établissements scolaires et les CFA (Centre de formation d’apprentis) de la région, collaboration avec le GEIQ BTP Vaucluse pour raccrocher des jeunes adultes en reconversion. L’objectif : former la main-d’œuvre d’aujourd’hui et de demain. Par ailleurs, les événements ‘Les coulisses du Bâtiment‘ en octobre dernier ont reçu plus de 500 élèves et jeunes adultes ; ‘Les worldskills‘, organisés en octobre dernier à Marseille avec 25 000 visiteurs ; ‘les BTP Days‘, organisés à Avignon en juin 2025, a mobilisé plus de 100 exposants pour faire connaître les métiers.

Relance, visibilité et simplification : les priorités
Pour engager un redressement, Daniel Léonard identifie trois axes : Accélérer les décisions et réduire les délais : «Ce que l’on pouvait faire en un an prend aujourd’hui 3, 4 ans.» Soutenir les élus-bâtisseurs et donner de la visibilité aux maîtres d’ouvrage. Mettre la construction, le logement, l’infrastructure au cœur des débats publics : «Aujourd’hui, cela ne transpire pas dans les débats du budget.» Il rappelle que les défis sont aussi sociaux : le logement individuel reste plébiscité (78 % à l’échelle nationale), mais les conditions d’accès se dégradent.

En clair
Le secteur du BTP en Vaucluse traverse une phase délicate : si les travaux publics marquent une accalmie plutôt qu’une rupture, le bâtiment neuf et la rénovation connaissent un recul marqué. Dans ce contexte, la Fédération du BTP 84 insiste pour que le dialogue entre les opérateurs, les maîtres d’ouvrage et les collectivités s’amplifie et que l’enjeu de la commande publique, de la simplification administrative et de la formation soit placé au cœur de la stratégie de relance. Car sans une impulsion renouvelée, le chantier d’avenir du territoire risque de s’enliser dans l’attentisme.
Mireille Hurlin

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