25 avril 2024 | Piolenc, Frédéric Saintagne, 40 ans, Dirigeant de Groupement d’artisans

Ecrit par Mireille Hurlin le 10 janvier 2023

Piolenc, Frédéric Saintagne, 40 ans, Dirigeant de Groupement d’artisans

Comment j’ai écrit mon histoire de chef d’entreprise ? Ca n’était pas prévu à l’origine !  J’ai eu la chance de faire toute ma carrière dans le bâtiment. Au départ ? J’ai fait un stage de fin de DUT (Diplôme universitaire de technologie) chez Lafarge plâtre à Carpentras alors que j’avais 19 ans.

Un maître de stage attentif
«C’est alors que mon maître de stage, qui était content du travail fourni, m’a proposé de financer mes études si je réussissais le concours d’entrée à l’école d’ingénieur, relate Frédéric Saintagne, patron de groupement d’Artisans. Moi ? Je n’étais pas parti pour ça, car je voulais arrêter mes études après le DUT. Mais cette conversation avec mon maître de stage a tout changé. Cela m’ouvrait de nouveaux horizons et j’ai donc passé le concours d’entrée, que j’ai réussi alors que je ne l’avais pas très bien préparé.»

Ce qui m’a motivé ?
«Que l’on porte de l’attention à ma personne. Mon maître de stage s’était intéressé à ma personne et je crois que je voulais l’en remercier. Je me suis dépêché de réviser, de préparer le concours d’entrée ce qui n’est pas gagné lorsque l’on vient d’un DUT sans faire de prépa, mais finalement j’ai été pris. Une fois le concours d’entrée obtenu, j’ai étudié durant mes trois ans en alternance. C’est le groupe Lafarge qui m’a payé mes études me permettant d’accéder au diplôme d’ingénieur des arts et métiers. J’y ai ensuite travaillé durant 10 ans.»

Copyright Gordon Israël

Une année charnière
«En 2014, j’ai décidé de faire construire ma maison avec Groupement d’artisans. C’était à une période charnière car je devais partir à l’étranger, or, je suis très sensible à mon environnement familial et à ma terre et il se trouve que, dans le même temps, l’ancien patron de Groupement d’artisans venait de fêter ses 64 ans et me proposait de racheter ses parts. Là encore ça n’était pas prévu. Ça m’est tombé dessus. C’était de l’ordre de l’alignement des planètes. J’étais à un carrefour de ma vie professionnelle et l’on me propose de reprendre une entreprise.»

J’ai accepté le challenge
«Sans doute parce que j’aimais beaucoup l’approche client de cette société, sa notion de personnalisation car toutes les constructions sont à 100% personnalisables, maisons en briques, en agglo, j’aimais cette proposition diversifiée. J’ai repris cette structure avec des idées d’organisation propres au groupe duquel j’étais issus ce qui nous a permis de, littéralement, exploser les compteurs passant de 30 maisons par an à 130 et de 3 personnes salariées à 26. dans le même temps, nous sommes passés à la construction de bâtiments collectifs, ce qui est l’origine de mon métier.»

Notre atout ? La diversification de nos métiers
«Nous sommes en difficulté depuis la première crise Covid de 2019. Notre atout ? La diversification de nos métiers : villas, hangars, bâtiments. Avoir une multitude de cordes à son arc permet de moins subir un coup de ‘mou’ sur un segment du métier. C’est d’ailleurs ce qui m’avait plu dans le groupement d’artisans : que l’entreprise ne soit pas mono tache. Notre cœur de métier ? Proposer des solutions à nos clients. Et si l’on veut continuer à exister, développer la diversification de nos métiers pour toujours s’adapter, notamment dans la réhabilitation, le changement de destination des lieux… Ce qui nous fera gagner ? Proposer un large choix de solutions à nos clients.»

La recherche de foncier
«C’est le problème majeur de notre métier et pas seulement en Vaucluse mais en région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui est celle qui affiche le plus cher prix au m2 en France, même face à la région parisienne ! Comment en sommes-nous arrivés là ? Tout a commencé avec le dispositif Zan –Zéro artificialisation nette-. C’est une façon de dire que l’on ne peut plus construire sur du terrain agricole, ce que je trouve très bien. Cela induit aussi de travailler sur les dents creuses, c’est-à-dire des espaces vides au cœur du tissu urbain.»

La solution
«Nous aimerions que la préfecture, les communautés d’agglo, de communes, les élus travaillent mieux avec notre fédération, reprend Frédéric de Saintagne -également président départemental du Vaucluse, pôle habitat de la fédération française du bâtiment, et administrateur au sein de la Fédération du BTP84 – car les gens ont besoin de se loger et les terrains épars déjà enclavés dans le tissu urbain peuvent et doivent être optimisés.»

Situation de crise
«La pénurie de foncier, la hausse des prix des terrains et des matériaux sont en train de faire ‘sauter’ la classe des primo accédants. D’ailleurs les primo-accédants sont désormais des cadres moyens, ce qui veut dire que le jeune qui veut construire ne le peut plus, et le cadre moyen se retrouve primo accédant, et là, nous créons une tension sociale. D’autant plus qu’il n’y a plus de logements sociaux qui, au départ, existaient pour aider les gens à se lancer dans la vie, à travailler, puis à aller vers l’accession, ou encore aider les gens en difficulté. Sauf qu’aujourd’hui, le volet des gens en difficulté inclut les jeunes et les travailleurs actifs. Lorsque l’on travaille, on ne devrait pas être en difficulté or, aujourd’hui c’est le cas ! Un couple avec un enfant et un salaire correct chacun se retrouve en difficulté parce qu’il ne peut plus aller vers l’accession. Le problème est devenu profond.»

Les coulisses du bâtiment Copyright Mireille Hurlin

Le zéro artificialisation nette
Le zéro artificialisation nette aura-t-il ‘dumpé’ l’immobilier ? «C’est toujours une question d’offre et de demande. Si la demande est plus forte que l’offre alors les prix grimpent. On le voit bien avec le coût de l’énergie. La demande est exponentielle et la rentrée d’énergie est moindre. Ce qui est rare est cher, le prix de l’énergie progresse.»

Les maisons positives et passives
Travaillez-vous sur les maisons positives ou passives ? «Il s’agit d’un montage spécifique, c’est donc une niche, par contre, nous constructeurs, avec l’Etat via la règlementation environnementale 2020, nous travaillons sur l’amélioration du logement, de nos prestations, sur l’exposition des maisons, le confort d’été et d’hiver, en proposant des solutions techno-économiques aux clients. Nous travaillons, par exemple, avec les briques, ou de l’agglo rectifié, avec un coefficient thermique supérieur, en construisant de petites caquettes –avancée en béton sur le haut du bâtiment pour protéger la construction du soleil-, l’isolation intérieure au plafond et au mur, le doublage… Le but ? Bonifier la carcasse de la maison puis travailler sur la consommation des équipements : ballon thermodynamique et systèmes de chauffage repérés pour leurs très bons rendements afin de limiter la consommation d’énergie, tout en maintenant la qualité de la prestation.»

Quelles mutations de l’acte de bâtir voyez-vous poindre  ?
«Notre métier, qui était à l’origine de bâtir, est en train d’évoluer pour devenir un métier de recherche de financements pour accéder au terrain puis construire. C’est une mutation importante. Derrière, nous devons travailler sur la performance technique de nos bâtiments à faibles émissivités, consommation, tout en conservant un aspect économique attractif pour permettre aux gens de se loger. Nous sommes donc face à des mutations techniques et administratives. Nous devons aller plus loin et proposer une solution globale : trouver du terrain, aller chercher du financement, dialoguer avec des partenaires bancaires et, enfin, construire. Le hiatus ? Nous, constructeurs, remarquons que la construction neuve n’est plus la priorité de l’Etat, ni des élus.»

La formation
«Je suis très sensible à l’ouverture de nos métiers, comme leur présentation lors des Coulisses du bâtiment, aux collégiens, lycéens, chômeurs, personnes en formation parce qu’un jour, un maître de stage a porté attention à qui j’étais et ce que je faisais. D’autant plus que les métiers du bâtiment, depuis de nombreuses années, sont dévalués alors que nos métiers regorgent de choix et d’options. On peut aller du CAP au diplôme d’ingénieur -et j’en suis un bon exemple-. L’ascenseur social fonctionne dans le BTP ce qui n’est pas le cas ailleurs. Ce sont aussi des métiers très accompagnés par les dernières technologies et l’Intelligence artificielle. Des métiers à forte valeur ajoutée et surtout à forteSvaleur humaine. Ce qui propulsera l’homme de base en haut de l’échelle ? Aimer et savoir travailler en équipe, les uns avec les autres, collaborateurs et clients.»

Frédéric de saintagne, patron de groupement d’artisans, Copyright Mireille Hurlin

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