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Stratégie : Avignon veut réinventer le tourisme de demain

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Après une année 2019 exceptionnelle, la fréquentation touristique d’Avignon a ensuite connu un sévère coup d’arrêt avec la crise sanitaire du Covid-19. Depuis, le redémarrage a eu lieu par à-coups mais le secteur ne sera plus jamais le même. La remise en cause est à l’échelle mondiale. Si le tourisme de masse et le sur-tourisme sont ainsi montrés du doigt, des grandes tendances commencent déjà à s’imposer, comme le tourisme durable, l’éco-tourisme, le tourisme réflexif… Pour répondre à ces défis, la ville d’Avignon vient de dévoiler sa stratégie ‘Avignon ambition tourisme 2022-2030’. Un plan qui se décline en près de 60 actions concrètes pour ce secteur qui représente 1 emploi sur 6 dans la cité des papes.

Fin novembre 2021, la ville d’Avignon avait réuni l’ensemble des acteurs du tourisme de la cité des papes afin de lancer son initiative ‘Avignon ambition tourisme’. Pour débuter cette réflexion devant définir la stratégie de la ville pour les années à venir, la démarche a commencé par trois ateliers de travail afin de déterminer le tourisme de demain.
Organisé sur les thèmes ‘La nouvelle donne écologique : vers un tourisme durable et responsable’, ‘La nouvelle donne humaine : vers un tourisme hospitalier et solidaire’ et ‘La nouvelle donne territoriale : vers un tourisme expérientiel et insolite’, ces trois rendez-vous ont ainsi permis de donner la parole aux professionnels du secteur (hôteliers, restaurateurs, cafetiers, hébergeurs, transporteurs, prestataires, organisations professionnelles…) ainsi qu’à tous ceux qui, de près ou de loin, sont concernés par les retombées de l’activité touristique (collectivités, chambres consulaires, commerçants, acteurs culturels, riverains, ou simple citoyen).

Avignon veut jouer la carte d’un tourisme apaisé à taille humaine. ©Hocquel A. – VPA

La porte d’entrée de la Provence
« Il faut vraiment penser le tourisme de demain, avait alors expliqué Cécile Helle, maire d’Avignon, en préambule de ces ateliers. Le tourisme patrimonial et historique ainsi que le festival sont aujourd’hui les piliers du tourisme avignonnais et de sa notoriété internationale. La situation géographique d’Avignon, au sein d’un espace touristique plus vaste, est également un des principaux facteurs de son attractivité : c’est une véritable porte d’entrée pour découvrir la Provence pour nombre de touristes. Sa taille humaine constitue tout autant un atout considérable car elle permet de percevoir très rapidement l’art et la qualité de vie propre à une ville provençale du Sud de la France. »
Une position idéale qui a notamment permis à la cité des papes d’afficher une année 2019 record avec 682 650 visiteurs au palais des papes, 452 000 au pont Saint-Bénezet et 1,5 millions de nuitées. Mais ça c’était avant le Covid.
Depuis, la crise sanitaire a en effet rabattu les cartes du tourisme mondial en mettant le secteur à l’arrêt pendant de long mois.
« Cette crise a mis en avant les faiblesses et les fragilités de ce secteur tout en accélérant l’émergence de nouvelles aspirations et attentes des touristes ou voyageurs, obligeant les acteurs du territoire à mieux se projeter dans l’avenir et se renouveler, en repensant notamment la manière d’accueillir les visiteurs et les touristes », constate la maire d’Avignon.

« Sauver nos vacances, sans détruire le monde. »

Rémy Knafou

Invité lors du lancement de cette réflexion, Rémy Knafou, géographe et professeur à la Sorbonne, spécialiste du tourisme, avait constaté les effets de plus en plus pervers de la sur-fréquentation. L’auteur de l’ouvrage ‘Réinventer le tourisme. Sauver nos vacances sans détruire le monde’ avait notamment mis en avant l’insoutenabilité d’un modèle touristique exponentiel (entre les années 1980 et 2020 le flux des touristes a été multiplié par près de 7 dans le monde).
Et tout cela n’est pas sans conséquences pour la planète quand l’on sait que les touristes consomment +211% d’eau, +287% d’énergie et produisent +27% de déchets que les populations résidentes. Sur notre territoire, les visiteurs émettraient ainsi l’équivalent de 1 800kt de CO2.
« Le tourisme, confirme ainsi la maire d’Avignon, est donc à un moment charnière où il doit se réinventer afin de répondre à ces nouvelles aspirations et transitions plus globales actuellement en cours – climatique et sanitaire, et leur incidences écologiques, humaines et territoriales – tout en poursuivant sa dynamique d’innovation. »

Un tourisme de masse destructeur ?
Protestations des riverains comme à Barcelone ou à Venise, le tourisme de masse semble avoir aussi des effets destructeurs sur le territoire en opposant visiteurs de quelques jours et résidents. Plus près de nous les Calanques ou l’Isle-sur-la-Sorgue ont souffert de cette trop forte présence, générant nuisances pour les habitants et insatisfaction pour les touristes.
Prenant notamment les exemples d’Amsterdam, Rémy Knafou évoque « l’appel à la décroissance comme solution à la marchandisation de la ville asservie à un tourisme de masse destructeur » lancé il y a quelques années par le médiateur de la capitale néerlandaise.

« Il s’agit notamment de sortir de la seule logique d’attractivité de la ville pour se diriger vers un tourisme qui sera vécu par les habitants comme un atout supplémentaire », insiste Cécile Helle.
« En ville, la population résidente doit aussi être au centre du système pour une conscience plus forte de l’acceptabilité du tourisme », confirme Rémy Knafou qui prône la régulation d’un système touristique mondialisé. Le tout en conciliant la présence des touristes qui, là aussi, « ne sont pas clairement au centre du système, alors qu’ils le font vivre. »

Afin de repenser l’offre en lien avec le changement climatique, la Ville veut que l’office de tourisme commercialise l’offre de loisirs du nouveau stade nautique notamment en l’intégrant dans ‘l’Avignon city pass’.

Un plan en 60 actions concrètes
Cinq mois après ces ateliers, la Ville est donc maintenant en mesure de lancer son plan ‘Avignon ambition tourisme’ qui décline sa nouvelle stratégie touristique jusqu’en 2030 imaginée en partenariat avec l’Aurav, l’Agence d’urbanisme Rhône Avignon Vaucluse, et Avignon tourisme, l’office de tourisme de la Ville.
Pour cela, la commune, qui vient de voter le principe de sa mise en application lors du dernier conseil municipal, prévoit un plan d’une soixantaine d’actions. Elles seront déclinées en 3 temps : 2022-2023, 2023-2026 et 2026-2030.

Pour débuter, la stratégie 2022-2023 comprend 19 actions (à découvrir ici dans leur intégralité) permettant un meilleur accueil des cyclistes et des cyclotouristes, des tarifs dégressifs de stationnement, un encadrement des locations meublées touristiques, une meilleure gestion des déchets pour les professionnels du tourisme, l’extension de la charte ‘Eco-festival : objectif zéro plastique’, la création d’une charte de vie nocturne, une meilleur signalétique ou bien encore l’incitation des professionnels à s’approvisionner en produits locaux.
L’initiative intègre également des formations à l’accueil et aux langues étrangères, le partage d’expérience entre les différents acteurs ainsi que la création d’un réseau d’ambassadeurs. Autres idées : la mise en place d’un passeport Unesco permettant de visiter les 7 sites classés situés dans un rayon de 90 km (une concentration unique au monde), dont 2 à Avignon et la création de parcours urbains insolites.
« Les actions que nous voulons engager prennent parfois plus de temps ou demandent davantage d’investissements, précise Marc Simelière, conseiller municipal délégué au tourisme et aussi président d’Avignon tourisme. C’est pour cela qu’elles seront échelonnées jusqu’en 2030. »

Cécile Helle, maire d’Avignon, et Marc Simelière, conseiller municipal délégué au tourisme.


Les étapes suivantes prévoient également la mise en place d’un ‘pass transport visiteur’ valable 24h à 48h, l’alimentation de tous les bâtiments publics en énergie propre, décliner le principe des bistrots de pays en bistrots de quartier, collecter en amont les déchets des bateaux croisières pour éviter conteneurs le long du Rhône, améliorer l’accessibilité pour toutes les formes de handicap, proposer des tarifs réduits aux habitants lors des grands événements, augmenter les zones de fraîcheur et d’ombre, transformer la foire d’Avignon en salon du ‘Made in local’, développer les événements insolites…

Place à ‘la ville nature’
« Le tourisme responsable et durable n’est plus objectif mais bel et bien une nécessité, une priorité absolue, martèle Cécile Helle.
Avec la proximité d’espaces naturels comme l’île de la Barthelasse et 700 ha, les nombreux terrains agricoles de la ceinture verte, le secteur encore préservé de Courtine ou bien encore les 11km de voies vertes, Avignon ne manque pas d’atouts pour revendiquer le titre de ‘ville nature’.
« Le tourisme à venir sera encore plus diversifié, plus authentique, plus expérientiel », poursuit la maire de la cité des papes pour qui ces nouveaux modes de tourisme responsable ne doivent pas être qu’un simple « positionnement marketing mais une démarche transversale indispensable dans toutes les activités ».

Pour Cécile Helle, l’objectif est tout particulièrement « d’accroître la durée du séjour sur Avignon ainsi que de passer d’une saison touristique à une année touristique. Il s’agira de veiller à une meilleure répartition des flux de visiteurs et des retombées pour meilleur gestion dans le temps et dans l’espace. » Les clientèles de ‘proximité’ venant de Lyon, Marseille, Nice, Paris, Toulouse, Montpellier sont clairement visées là où 50% des visiteurs étaient étrangers avant le Covid.

De nombreux atouts pour atteindre les objectifs
Pour atteindre ces objectifs, la cité des papes ne manque cependant pas d’atouts. Disposant déjà d’une capacité de 4 200 chambres d’hôtel, Avignon regroupe 700 restaurants dont 3 établissements étoilés. Capitale des Côtes-du-Rhône et accueillant des Halles particulièrement reconnues ainsi que de nombreux marchés, la ville est l’incarnation de l’art de vivre gastronomique provençale.

Avignon veut capitaliser sur son art de vivre et sa gastronomie. ©Jeff Habourdin – Inter-Rhône

Côté culture, son attractivité ne se limite pas à son festival et ses monuments classés, puisque la commune compte 4,3km de remparts ainsi que 8 musées dont 5 entièrement gratuits. Tout cela sans oublier le tourisme d’affaires et ses 16 salles de congrès ainsi qu’une gare TGV qui a dépassé toutes les estimations de trafic de la SNCF.
L’enjeu est de taille pour Avignon où les secteurs de l’hébergement et de la restauration représentent près de 2 900 salariés alors que l’ensemble de l’activité touristique pèse 9 600 emplois au total, soit 1 emploi sur 6 dans la cité des papes.

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