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Biodynamic Wine, un vignoble familial pas comme les autres

Magali et Fabien Leperchois

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Biodynamic wine c’est le nouveau nom du Domaine des carabiniers tenu par la famille Leperchois à Roquemaure. A la tête des 50 hectares le frère et la sœur. Fabien est chef de culture et maître de chai tandis que Magali veille sur les ventes France et à la gestion du domaine. Tavel, Lirac, Côtes-du-Rhône, Pays d’Oc et Châteauneuf-du-Pape, la 5e génération vigneronne continue à bousculer les codes au gré de ses 320 000 bouteilles annuelles.

Fabien et Magali Leperchois sont la 5e génération à œuvrer sur le domaine qui était, au XIVe siècle, une ancienne écurie des gardes italiens à cheval, les Carabinieri, une page de l’histoire inscrite dans l’ADN de la famille Leperchois qui en fait le Domaine des Carabiniers avec, pour symbole, le cheval.

Terre des hommes
Comme souvent l’histoire familiale se mêle à celle de la terre et du sang des pierres. La famille Leperchois vient du Sud de la Toscane où ses ancêtres, pour une partie, avaient embrassé le métier de tanneur et d’autres la culture du raisin de table et la vinification. En 1920 la crise économique les pousse vers un ailleurs français. La famille loue ses bras à plusieurs domaines, le temps d’acquérir, dès 1930, 3 hectares dont les raisins sont traditionnellement apportés à la coopérative.

Le foudre Copyright Mireille Hurlin

Innover
En 1974, Christian Leperchois, le père de Fabien et Magali étend le domaine à 9 hectares et commence à commercialiser ses bouteilles en Côtes-du-rhône dès 1974 puis en Tavel et Lirac dès 1980. Auparavant, il a construit son propre chai. C’est lui qui entamera une politique d’expansion des vignobles. La famille dispose alors de 33 hectares de vignes. Mais pas seulement car dès 1990 Christian Leperchois parie sur l’innovation. Il se lance dans la culture biologique sur tout le domaine et obtient la certification Ecocert en 1997. La profession ne comprend pas ce virage à 180°. Qu’importe, il persiste.

Observer
Pourquoi a-t-il fait cela ? « En utilisant les produits sanitaires mon père a compris que la vigne s’amenuisait. Les pieds semblaient se rétracter comme fragilisés. La terre, autour, se compactait, durcissait, il n’avait plus de doute : le sol mourrait. Toutes ces saisons, durant des décennies, à observer la vigne et la terre l’avait conforté dans sa décision de changer totalement de mode d’accompagnement de la culture. Dans le métier on continue à ne pas comprendre ce qu’il fait. Pourtant lui ne doute  pas… Ce qu’il avait observé de la dégradation du milieu par les produits phytosanitaires le poussait à révolutionner son approche de la vigne.»

Magali et Fabien Leperchois à la tête du domaine Biodynamic Wine Copyright Mireille Hurlin

Agrandir le domaine, puis travailler autrement
C’est au tour de Fabien, entré au domaine dès 2006, d’acquérir de nouvelles terres. Celui-ci compte désormais 50 hectares. «C’est assez pour gérer un domaine à taille humaine,» précise-t-il. C’est aussi le moment qu’il choisit pour faire du Domaine des carabiniers Biodynamic wine, le vin en culture biodynamique.

Biodynamic wine
Biodynamic wine pour biodynamie avec, à la clef, la certification internationale Demeter dès 2009. Tout comme son père, Fabien s’est tout de suite interrogé sur l’égarement les années 1970, l’utilisation à outrance des produits phytosanitaires sans véritable protection pour les travailleurs de la vigne. Il observe ses méfaits sur l’homme, la nature, l’environnement, la flore et la faune. Fabien en profite pour se spécialiser en biologie, accompagnant divers domaines dans leur conversion biologique. Il décrypte avec finesse la biodynamie, du début du XXe siècle selon Rudolf Steiner (1861-1925). Expert, il devient aussi consultant en France et aux Etats-Unis.

La biodynamie ? L’homéopathie au service de la culture
«Le concept va bien plus loin que la viticulture biologique, souligne Fabien. On y minore l’utilisation du cuivre et du soufre. On traite la vigne, de façon préventive, avec des tisanes de plantes, de la silice de quartz –appelée ‘501’- pour les feuillages ce qui permet à la plante de mieux capter la lumière- et de la bouse de corne ‘nom de code 500p’–conçue à partir de cornes creuses enterrées dans la terre ce qui en fait un compost très nutritif dévolu au renforcement du sol, à la stimulation des racines et à la fréquentation de la faune auxiliaire. J’ai vu la petite faune, auparavant absente des vignes, réapparaitre comme les vers de terre, les myriades –mille pattes-petits mulots, souris, lapins, hérissons, serpents. Les insectes et les petits oiseaux faisaient renaitre la vie dans les vignes… »

Le travail de la vigne, l’observation des cycles
«Le plus gros du boulot s’exerce tout au long de l’année dans les vignes », relate Fabien Leperchois. Ses instruments ? Le climat, la météo et le calendrier lunaire… Et surtout l’observation fine des cycles.

La cuve ovoïde où sont élevés les blancs Copyright Mireille Hurlin

Un nouveau cycle
«Janvier est l’époque de la taille, on sélectionne les sarments qui porteront les grappes. Février ? C’est le moment d’épandre le compost qui ravira les lombrics gloutons et pourvoyeurs d’humus. Mars annonce le printemps, les bourgeons gonflent pour éclore en Avril. C’est le moment d’épandre le ‘500P’ la bouse de cornes de vache pour nourrir le sol. En Mai, on observe les pousses et la floraison puis la formation des petites grappes qui se développent jusqu’à l’Automne. Mai est le mois où l’on tremble, où la qualité des vendanges déjà s’annonce. Juin est donc le mois de la préparation des tisanes de plantes : Orties, Camomille, Pissenlit, Prêle, Achillée Mille-feuilles, Osier et, s’il le faut, cuivre et soufre en minuscule quantité. C’est aussi le moment d’aider les feuilles à mieux capter la lumière pour ‘pousser’ la photosynthèse. Juillet ? C’est la véraison, le changement de couleur des raisins, le murissement, le moment où les baies se chargent en sucre. On regarde le calendrier lunaire ce que l’on fait d’ailleurs tout au long de l’année. Août, c’est le moment de la récolte, lorsque le raisin est mur à point. Avant, c’était en Septembre mais le changement climatique et les épisodes de canicule ont changé la donne.»

Biodynamic wine est largement médaillé
Le travail porte ses fruits et les vins du domaines gagnent leurs médailles. Au challenge millesime bio 2021 ce seront la Médaille d’or pour le Côtes-du-Rhône Rouge sans sulfite ajouté + + – – 2020 ; celle d’argent pour le Lirac Rouge 2020 ; La médaille d’argent pour le VSIG Lune rose sans sulfite ajouté 2020 ; La médaille d’argent aux Vinalies internationales pour le vin de Pays d’Oc Rouge Syrah 2020. Des récompenses aussi avec le Jancis Robinson pour les Lirac et Côtes-du-Rhône. Les médailles Decanter World wine awards 2019 pour les Lirac blanc AOP 2018 Silver (avec 92 points) ; Lirac rouge AOP 2018, Silver (avec 90 points) ; ++– Côtes-du-Rhône rouge AOP 2018 Bronze (avec 87 points) ; pays d’Oc Syrah IGP 2018 Bronze (avec 86 points) ; Tavel rosé AOP 2018, Commended. Somelier Wine awards 2019 pour le Lirac rouge 2017, silver ; Côtes-du-rhône rouge 2018 bronze ; tavel 2018 commended…

Moment de dégustation. Copyright Mireille Hurlin

Toutes les médailles ici.

L’interview
Nous visitons le chai qui vient d’être agrandi. Coût de l’investissement ? Plus de 700 000€. Dans l’entrée un foudre de 100 hectolitres, Fabien y mène quelques expérimentations. Un peu plus loin, dans la rangée des cuves neuves et bien alignées se cache l’intruse, une cuve en forme d’œuf. Elle est dévolue à l’élevage des blancs. «La forme ovoïde permet de garder les lies en suspension et d’obtenir des vins blancs plus gras et plus amples en bouche,» explique le maître des lieux.

Une cathédrale de cuves
Les rangées d’immenses cuves sont éclairées de leds aux couleurs changeantes produisant un effet cathédral. «C’est une idée de mon épouse. L’ambiance siéra parfaitement aux événements que nous comptons donner dans le chai. La capacité de cuverie est désormais passée à 6 400 hectolitres pour une production annuelle entre 2 500 et 2 800 hectos par an pour la plupart en rouge avec un peu de blancs et de rosés. Dans le détail ? Une IGP Oc, un Côte-du-Rhône sans sulfite, un Côte-du-Rhône traditionnel, un Lirac rouge et un Tavel. Mon épouse m’a demandé de créer un ‘rosé piscine’ bas en degrés et vraiment sur le fruit, titrant à 10°, voire 11°. Nous avons aussi un Lirac blanc.

Une cathédrale de cuves Copyright Mireille Hurlin

85% de la production part à l’export
«Nous travaillons à 85% à l’export, au Nord de l’Europe, au Japon, en Chine, en Amérique du Nord et du Sud, aux Antilles, en Europe, en Asie Centrale, en Asie et en Océanie Un héritage de notre père, Christian, dont la production de vin a été certifiée en bio dès 1997 et dont ces pays étaient notamment friands. Il y a un vrai engouement pour le bio et maintenant pour la biodynamie. Chez nous, c’est vraiment une philosophie de travail et de vie en prenant en compte le contexte social. Nous sommes une petite équipe, 5 à l’année et notre but est de collaborer avec des salariés heureux, bien rémunérés, qui s’entraident. Finalement, nous sommes une petite famille. C’est aussi çà l’esprit de la culture bio.»

Ca a commencé ainsi
«Je suis entré en 2006 et jusqu’en 2009 nous avons essayé de faire de la biodynamie pour être sûrs de tenir cet engagement puis être certifiés, se remémore Fabien. Nous avons vu qu’en 2018, année où il y a eu beaucoup de maladies comme le mildiou -qui peut engendrer des pertes de récolte-, on s’en est mieux sortis en étant en biodynamie – que les viticulteurs en culture en conventionnel. Le remède adéquat ? La bouillie bordelaise très peu dosée en métal à l’hectare ainsi que le traitement de la vigne avec la Prêle, qui produit de la silice, qui à son tour booste les défenses immunitaires de la vigne. Infusion, décoction, purin, macérât à froid, jus, Fabien est devenu le thaumaturge de la vigne.

Des tisanes pour renforcer et soigner au long cours la vigne
Le succès de la recette ? « Chauffer l’eau à 77°, 78° et pas plus afin de conserver les principes actifs de la molécule de la plante, tout comme le feraient les amateurs de thé. La décoction d’orties –très riche en fer- servira d’engrais. L’osier arrive en complément de la Prêle pour enrichir la plante en silice et l’aider à capter davantage de lumière. La Camomille aura un effet calmant en cas de grêle et de gel. Le pissenlit des près aidera à la pousse de la vigne.

En savoir plus
La décoction de Prêle est un préventif du Mildiou tout comme le purin ou l’infusion d’ortie, tout comme l’infusion de reine des près et l’écorce de Chêne en décoction ; l’écorce de Bourdaine est un anti-sporulant du Mildiou, la Consoude en infusion et en purin est à la fois un stimulant, un insectifuge, un préventif mildiou et un anti-stress. L’osier en infusion sera un préventif mildiou, oïdium et interviendra pour bloquer le froid ; la Valériane en jus sera également un anti-stress ; l’Achillée mille feuilles en infusion sera un préventif de l’oïdium et stimulera la floraison ; le pissenlit en infusion renforcera les tissus ; La camomille matricaire en infusion accompagnera les périodes sèches ainsi que la maturation ; enfin, la fougère en purin est un excellent insectifuge et fera fuir les escargots.

Les tisanes Copyright Mireille Hurlin

L’irrigation de la vigne une bonne chose ou une hérésie ?
«Nous arrosons une partie de notre vigne pour la préserver et la conserver car il s’agit, le plus souvent, de la vieille vigne, car si elle brûle au soleil dans les 2 à 3 ans elle dégénèrera. Cependant les anciens disaient qu’il fallait que la vigne souffre pour offrir une belle production. Le problème ? Depuis 7, 8 ans les canicules brûlent les feuilles. Alors on a irrigué en faisant des essais au goutte à goutte et à l’aspersion. C’est cette dernière qui consomme moins d’eau –contrairement aux idées reçues- car lors du goutte à goutte l’eau s’évapore très vite et n’arrive pas à créer cette zone humide recherchée au pied de la vigne. Autre chose, lorsque la vigne est au repos six mois de l’année, nous avons remarqué que la faune auxiliaire du sol, les micros organismes faisaient un meilleur travail que nous, qui, auparavant travaillions la terre en profondeur avec de gros tracteurs.»

Que s’est-il passé depuis les années 1990 ?
«Alors que j’étais encore au lycée en 1990, nous parlions déjà du réchauffement climatique, pourtant 33 ans plus tard, rien n’a vraiment été fait. Nous avons été fustigés pour irriguer une partie de nos vignes, mais comment faire autrement ? Nous restons dans cette optique d’écologie et d’une coopération environnementale. Ainsi nous avons posé des ruches dans nos vignes, conçu et posé des abris à chauve-souris. Les lapins, lièvres, renards, sangliers, toute une faune est revenue.»

Est-ce que nous avons des problèmes avec les sangliers ?
«Non pas du tout. Avec la sécheresse les chênes ont cessé de produire des glands qui sont les aliments favoris, avec la petite vermine, des sangliers. L’accès à l’eau a disparu des campagnes forçant les sangliers à se rafraichir et à manger des raisins alors que cela les rends malades puisque les baies fermentent dans leurs intestins. Au lieu de se dire : Il y a des sangliers, on va mettre des grillages ou des clôtures électriques et organiser des battues administratives, nous devons réapprendre à penser autrement. C’est parce qu’ils n’ont plus accès à l’eau et que le sol est devenu stérile que les sangliers se sont mis à manger des fruits. Les sangliers n’abîment pas mes vignes, ils y mangent la petite vermine et, au pire, retirent un peu d’enherbement. C’est tout notre mode de pensée qu’il faut changer pour non plus se battre contre mais coopérer ensemble avec la faune existante.»

L’espace dégustation Copyright Mireille Hurlin

Prendre le temps d’observer
«Pour faire du bon vin il faut prendre le temps d’observer sa vigne. Voici encore une phrase des anciens. J’essaie de comprendre ma vigne, ce que je peux lui apporter, et de ne pas penser : un problème égal un pansement. Je veux penser plus global. C’est le principe de biodynamie du domaine. Nous faisons la même chose en vinification, notamment en travaillant sans sulfite sur certains vins car tous les marchés ne réclament pas du ‘sans sulfite’.»

Consommation de l’énergie & Enedis
«Nous nourrissons le projet, depuis 5 ans, d’apposer du photovoltaïque sur notre toit qui s’étend sur 790m2. Mais, pour cela, il faudrait qu’Enedis change un câble d’alimentation qui coûte entre 15 et 18 000€ car les installations du quartier datent des années 1950. Pour aboutir à notre projet, Enedis nous demande de financer nos lignes et celles environnantes devenues obsolètes. Les premiers devis successifs sont passés de 48 000€ à 60 000€.  Je ne comprends pas, parce que ces panneaux photovoltaïques seraient parfaitement adaptés au bâtiment, nous permettant de produire trois fois notre consommation et d’être totalement auto-suffisants.»

A l’avenir ? «J’aimerais accueillir un ou deux chevaux de traits pour travailler une parcelle de deux, trois hectares et retourner aux labours traditionnels pour faire une cuvée 100% traction animale.»

Magali nous invite à une dégustation Copyright Mireille Hurlin

Les infos pratiques
Biodynamic wine. Domaine des Carabiniers. RN 580 à Roquemaure, juste en face de la sortie d’autoroute. 04 66 82 62 94 contact@biodynamicwine.bio Chef de culture et maitre de chai Fabien Leperchois. Administration et ventes en France Magali Leperchois. Dégustation et achat des vins du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 16h30.

Le blason de Biodynamic Wine le Domaine des carabiniers à Roquemaure Copyright Mireille Hurlin
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