13 mai 2025 | Démoustication de la Camargue : quel bilan depuis son lancement en 2006 ?

Ecrit par Didier Bailleux le 12 mai 2025

Démoustication de la Camargue : quel bilan depuis son lancement en 2006 ?

Le Département des Bouches-du-Rhône lançait, en 2006, une expérimentation de démoustication de l’embouchure du Grand Rhône. Aujourd’hui, tous les acteurs concernés viennent d’en établir le bilan et apportent des premiers éléments de réponse à cette question en forme de dilemme : comment concilier démoustication « de confort » et respect des écosystèmes naturels ? Les réponses ne sont pas tout-à-fait celles qui étaient attendues…

Si les démoustications d’envergure du littoral méditerranéen ont démarré dans les années 60 avec le développement du tourisme, celle de la Camargue, plus récente, a été lancé sous forme d’une expérimentation à partir de septembre 2006. Initiée par le Conseil Général des Bouches-du-Rhône (aujourd’hui Conseil Départemental), cette mission a été confiée pour sa partie publique à l’EID (Entente Interdépartementale pour la Démoustication du littoral méditerranéen). L’institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes, la Tour du Valat, a également été associée à cette expérimentation conduite sur 2 300 hectares, depuis presque 20 ans. L’objectif était clair : « assurer le contrôle de la population des moustiques afin de protéger en terme de nuisance les agglomérations des Salins-de-Girault et de Port-Saint-Louis-du-Rhône ».

L’expérimentation avait pour mission la réduction des populations de moustiques sans nuire aux équilibres naturels et perturber les zones humides

En Camargue, les mises en eaux des marais, qu’elles soient naturelles ou artificielles, sont à l’origine de la production des moustiques, en moyenne à hauteur de 25 % et jusqu’à 70 % à certaines périodes de l’année. L’expérimentation avait pour mission la réduction des populations de moustiques sans nuire aux équilibres naturels et perturber les zones humides. Pour cela l’EID, a utilisé un larvicide d’origine organique, le B.t.i (Bacillus thuringiensis israëlensis). Les traitements larvicides utilisant des insecticides de type organo-phosphorés insuffisamment sélectifs et surtout hautement toxiques sont aujourd’hui interdits.

Pour tuer les larves (le moyen le plus efficace pour endiguer la prolifération) il faut d’abord les localiser. La lutte engagée par l’EID s’est d’abord concentrée sur l’établissement d’une cartographie des gîtes potentiels de développement des larves, avant l’éventuel traitement au B.t.i (80 % en aérien et 20 % en terrestre) et au suivi environnemental.

Un bilan scientifique contrasté

Le bilan de l’expérimentation a été établi sur la période allant de 2007 à 2011. Si sur les zones traitées les baisses de population de moustiques sont réelles des incidences sur les écosystèmes sont avérées. Concernant la flore, l’utilisation du B.t.i n’a pas d’incidence sur les algues et leur prolifération. Par contre, il y aurait un risque sur un autre insecte, le chironome (mouche ressemblant à un moustique). Une baisse des effectifs a également été observée du côté des libellules. Pour les oiseaux, il a été constaté que les ressources alimentaires et la reproduction étaient affectées. Sans parler des dérangements occasionnés par les traitements qui peuvent également avoir des incidences sur les effectifs de plusieurs espèces.

Un bilan tout aussi contrasté sur le plan sociologique

Des enquêtes d’opinion réalisées auprès de populations résidentes ont montré que la gêne occasionnée par les moustiques était vécue comme forte et que les traitements utilisées étaient jugés, par une très large majorité de personnes, comme efficaces. Cependant, près de la moitié des populations interrogées se prononce pour l’arrêt des traitements et déclarent même vouloir s’y opposer, à la fois pour des raisons liées à la protection de l’environnement et les incidences pour l’homme. La conclusion est claire. Les réponses apportées par le traitement au B.t.i n’est pas la solution idéale compte tenu des incidences sur les écosystèmes et sur les hommes.

Il s’agit d’utiliser des pièges sélectifs qui attirent et capturent les moustiques grâce à l’émission de C02

Le bilan de cette expérimentation établi par les experts invite à s’orienter dans deux directions : agir sur les écosystèmes et en particulier sur une meilleure gestion de l’eau à l’origine de la prolifération des moustiques. Ainsi par exemple, en modifiant les calendriers de mise en eaux des marais (date et fréquence) ont pourrait réduire de manière sensible le développement des populations des insectes ciblés. Ensuite les experts préconisent d’effectuer des traitements mais uniquement dans les zones habitées et sans emploi de pesticides même d’origine organique. Il s’agit d’utiliser des pièges sélectifs qui attirent et capturent les moustiques grâce à l’émission de C02 . Le projet consisterait à installer un réseau de pièges autour des zones habitées. Ce dispositif offre plusieurs avantages : moindre coût, aucun impact sur les milieux naturels et contrôle de tous les insectes piqueurs, incluant le moustique tigre et les arabis.

Ces pièges, comme ceux mis au point par la société Qista à Sénas, dans les Bouches-du-Rhône, permettent également grâce à leur interconnexion d’effectuer des comptages des populations et d’établir des cartographies précises et évolutives. Les données récoltées permettraient également de faire de la prévention. D’abord destinés à de usages domestiques (particuliers ou activités commerciales) ces pièges nouvelle génération développés par Qista sont destinés à équiper l’espace public. Une solution qui utilise les nouvelles technologies loin des pesticides traditionnels dont on connaît dorénavant les effets néfastes pour les écosystèmes et l’homme.

Comment fonctionnent les pièges à moustiques ?

Les pièges qui attirent et détruisent les moustiques et autres insectes piqueurs sont apparus il y a quelques années sur le marché. Initialement destinés aux particuliers, ces pièges attirent les femelles moustiques dans un rayon allant jusqu’à 60 mètres en dégageant du CO2 comme un humain au repos.

Un olfactif à base le plus souvent d’acide lactique ou d’octénol attire la femelle lorsqu’elle arrive à proximité du piège et celle-ci se retrouve aspirée grâce à un ventilateur. Ces pièges ont l’avantage de réduire la gêne là où elle est ressentie sans affecter le fonctionnement (réseau trophique) des écosystèmes naturels.

Contrairement à la démoustication de confort qui ne cible que deux espèces de moustiques, ils sont efficaces contre tous les insectes piqueurs et notamment contre le moustique tigre et le Culex pipiens, qui fréquentent principalement les zones habitées.

Une expérimentation menée au Sambuc en Camargue de 2015 à 2018 a permis de démontrer que ces pièges étaient aussi efficaces que la démoustication au Bti pour réduire la nuisance causée par les moustiques.

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