18 mai 2024 | Le Canal Saint-Julien, à l’origine du développement économique de la plaine de Cavaillon

Ecrit par Didier Bailleux le 25 avril 2024

Le Canal Saint-Julien, à l’origine du développement économique de la plaine de Cavaillon

Construit au 12ème siècle, le canal Saint-Julien n’est pas uniquement la veine nourricière de la plaine cavaillonnaise qu’il irrigue. Il a été un enjeu de pouvoirs où se sont affrontés, pendant des siècles, les puissants : ecclésiastiques, nobles, riches familles, élus de Cavaillon… L’histoire du canal Saint-Julien n’a rien d’un long fleuve tranquille.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser le canal de Saint-Julien n’a pas été construit à l’origine pour irriguer. Ce n’était pas sa vocation première. Petit retour en arrière. Nous sommes au début du 12ème siècle, Cavaillon n’est alors qu’un port fluvial de la Durance et le siège d’un évêché influent. A cette époque-là, pour moudre les blés de ses terres, l’évêque Benoit, lance la construction d’un moulin, près de la chapelle de la porte Saint-Julien à Cavaillon (aujourd’hui portail d’Avignon). Il est actionné par l’eau d’un canal dérivé de la Durance, qu’il fait construire par la même occasion. L’évêque avait compris toute l’importance du rôle que pouvait jouer l’eau. Pas uniquement nécessaire à la vie, l’eau était aussi une source d’énergie, un outil de prospérité, donc de pouvoir. Le premier tronçon, d’une lieue (soit environ 6 000 mètres), comprenait également des canaux dit de fuite qui servaient à alimenter les douves des remparts de la ville.

« Le canal St-Julien a transformé un désert en oasis ! »
Il fallut ensuite attendre un demi-siècle (1235) après son autorisation d’exploitation officielle en 1171, pour que l’eau de ce canal puisse être aussi utilisée pour l’irrigation. Une concession faite par les ecclésiastiques en échange de la prise en charge de la moitié des dépenses du canal. Mais l’utilisation de la force hydraulique pour les moulins restait prioritaire. Charité bien ordonnée commence par soi-même. Cet accord marqua le début de la diversification et du développement des activités agricoles de la plaine de Cavaillon. A cette époque, cette dernière n’avait pas la physionomie qu’on lui connaît aujourd’hui. Entre les crues dévastatrices de la Durance et du Coulon, et ses terres asséchées par le mistral, la plaine n’avait rien d’un jardin d’Eden. Ainsi, le Canal Saint-Julien, comme les autres construits après, ont permis d’irriguer les terres et d’y développer la culture des fruits et des légumes. Ces canaux sont à l’origine de toute la filière économique que l’on connaît aujourd’hui. Yvon Sarnette, un des anciens Président du Canal, a l’habitude de dire : « le canal St-Julien a transformé un désert en oasis ! ».

La distribution et les modes d’arrosage depuis le canal Saint-Julien

En 1382, la ville de Cavaillon prends totalement la main sur ce canal
En 1322, une autre étape importante fût franchie dans l’histoire du canal. Les ecclésiastiques lâchèrent progressivement son contrôle en acceptant une cogestion avec les laïques. Et c’est en 1382, que la ville de Cavaillon prends totalement la main sur ce canal tant convoité. Une taxe pour le prélèvement de l’eau y fût ensuite instaurée. Elle existe toujours, c’est elle qui finance le fonctionnement et l’entretien de l’ouvrage. Mais, très rapidement le débit du canal n’y suffisait plus. Il a fallu capter l’eau de la Durance plus en amont, à Mérindol exactement. Mais cette commune appartenant au royaume de France (donc hors de la concession de 1171), il fallait l’autorisation du roi. Pas moins que cela. Et c’est grâce à l’intervention du marquis Meynier d’Oppéde que François 1er accorda l’autorisation. En contrepartie, le marquis influent pouvait utiliser l’eau pour ses propres moulins. Ensuite, il utilisa aussi les fuyants du canal pour irriguer ses terres. Pas totalement désintéressé le bonhomme. Et c’est à lui que l’on doit le fameux pont-aqueduc de la Canaou qui permet au canal de franchir le Coulon. Voir encadré. Ce même marquis a même envisagé un moment vendre l’eau qui s’y écoulait. Mais l’évêque de l’époque, qui avait encore quelque influence, s’y opposa. Il y a des limites à ne pas dépasser, quand même.

©DR

En appartenant à tout le monde, personne ne peut plus en prendre le contrôle
Ensuite, ce fût une longue période de tensions entre la ville de Cavaillon et la puissante famille d’Oppéde pour le contrôle du canal. La révolution française mis un terme à ces conflits, et en 1818, ce fût la création d’un syndicat regroupant tous les utilisateurs du canal (plus de 5000 personnes). En appartenant à tout le monde, personne ne peut plus en prendre le contrôle. C’est encore ce principe qui prévaut aujourd’hui avec l’ASA (Association Syndicale Autorisée) du canal Saint-Julien, qui au fil de l’eau a repris en gestion les autres canaux de la plaine. Un bel exemple de modèle d’économie associative qui mériterait bien de faire des émules, s’agissant particulièrement de la gestion de nos ressources naturelles…


ASA St Julien – Cuvelage Islcles de Milan et mise en eau du Canal Maître from TODD Développement Digital on Vimeo.

Le pont aqueduc de la Canaou
Inauguré en 1537 par le roi François 1er, ce pont-aqueduc, qui enjambe le Coulon à Cavaillon, faisait le lien entre les quartiers Entre Deux Valats et du Petit Grès. Sa conception, dite en double arche, en fait un ouvrage unique au monde. Elle aurait été inspirée d’un dessin de Léonard de Vinci. L’utilisation d’une double arche permet de résister aux fortes pressions de l’eau, notamment en cas de crues. Classé monument historique en 2011, le pont-aqueduc de la canaou, propriété de l’ASA du Canal Saint-Julien est en cours de restauration.

L’ASA du canal de Saint-Julien :
– Une structure juridique originale : association syndicale de propriétaires, présidée par Yves Jean et dirigée par Hervé Roullin, directeur général
13 collaborateurs
– 6 canaux : le canal Saint-Julien (22km), le canal des sables (9 km), le canal du plan oriental (6 km), le canal des Balaruts (4,6 km), le canal de Feugueyrolles (3 km), et le canal d’amenée (2,5 km)
– 170 km de filioles (canaux secondaires)
– 6 000 hectares de terres dominés sur 7 communes
– 15 000 parcelles desservies
– Droit d’eau annuel: 144 Mm3
– Prélèvement moyen annuel 84 Mm3 (60 Mm3 économisés chaque année grâce aux travaux de modernisation)
– Budget annuel : 3.9 M€ dont 1.79 M€ en fonctionnement et 2.12 M€ en investissements (chiffres 2023)

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