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Pac citron, un zeste de fraîcheur dans le patrimoine provençal

Il se dit en Provence que les gens qui n'ont jamais goûté Pac citron ne sont pas de vrais Provençaux... Crédit photo : Linda Mansouri

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Pac citron de la distillerie A.Blachère à Châteauneuf-du-Pape ? Une madeleine de Proust qui a su traverser les époques pour demeurer la star des rayons.

Le nectar qui se dépose, l’eau qui dilue la matière, le tintement des verres au cours du toast et l’acidité qui fait renaître le palais. « C’est le sirop Pac citron qui fait que l’on est toujours là », nous confie Raphaël Vannelle dans son bureau. Ce dernier a pris les rênes de la distillerie Blachère en 1993 avec son épouse Sandrine Blachère Vannelle. Les deux dirigeants et actionnaires sont complémentaires, monsieur gère la production et la commercialisation, madame s’occupe du volet administratif. Aucune intrusion dans le capital, la société tient à son indépendance : « on investit si on a les moyens, sinon, on ne fait rien. » La stratégie s’avère payante, 800 000 bouteilles de Pac citron s’écoulent en une année, 200 000 bouteilles de son petit frère, le Fun blue. Le tout pour un chiffre d’affaires de 3,5M€ en 2020 et un outil de production utilisé à 30% de ses capacités. Les reins sont solides.

Pac : Pierre, Annick, Christian et Colette

La naissance du Pac citron ? Elle remonte à 1962. À la suite d’étés torrides, Louis Guiot, dirigeant de la distillerie Auguste Blachère, la plus ancienne de Provence, installée depuis 1835 en plein cœur d’Avignon, décide de créer une nouvelle boisson capable de désaltérer les Provençaux. Ce sirop naturel à base de sucre et de citron, sans colorants, devient rapidement une réussite dans toute la région, et deviendra le produit phare de la distillerie. On doit son nom, Pac citron, à Louis Guiot qui le compose de chaque première lettre du prénom de ses enfants : Pierre, Annick, Christian et Colette.

Côté liqueur, trois bouteilles ont rendu la distillerie vieille de 200 ans célèbre : l’élixir du Mont Ventoux, la comtadine et l’origan du Comtat. Cette dernière demeure la plus étroitement liée à l’âme provençale. En 1882, lors de l’épidémie de choléra, elle soulage beaucoup de malades. A l’époque, la distillerie fabriquait déjà le rhum Zoulla avec lequel on frictionnait le corps des personnes souffrantes. Pour lui rendre hommage, la ville d’Avignon scelle alors de grands bas-reliefs de céramique sur les trois portes de ses remparts. Germain Béraud, compositeur de la région, dédie même une valse en l’honneur de la liqueur salvatrice. « La liqueur la Camarguaise, à base de thym et de romarin de l’arrière-pays, est issue d’une recette ancienne. Les produits naissent en fonction des localités, ils s’inspirent des lieux, des cultures dans lesquels ils sont ancrés », nous explique Raphaël Vannelle.

Un panneau installé sur l’une des trois portes des remparts d’Avignon. Crédit photo: Linda Mansouri

Décisions stratégiques en cascade

Par la suite, Sandrine Blachère et Raphaël Vannelle s’installent à Châteauneuf-du-Pape, village réputé pour son célèbre vignoble. « Nous avons la chance d’être ici, quelques vignerons nous présentent aux importateurs du monde entier », se réjouit le dirigeant. De vastes entrepôts sont aménagés, la gestion est améliorée et le secteur d’activité est élargi de Valence à Toulon. Raphaël mène également une longue réflexion de repositionnement. La distillerie passe de de 40 marques d’alcool à 20. « Il fallait rationnaliser les coûts, certains produits ne se vendaient plus, la réduction de gamme était nécessaire », explique Raphaël Vannelle qui se tourne alors vers la production de sirops, sans toutefois abandonner la fabrication d’alcools.

La charte graphique se refait également une beauté. Plus d’homogénéité entre les supports, un logo plus moderne, une écriture plus harmonieuse, une palette de couleurs plus vive. « Pour avoir une meilleure visibilité à l’export, c’était indispensable », reconnait-il. Les liqueurs centenaires prennent une nouvelle apparence, les bouteilles s’affinent mais gardent intacte la beauté et le charme de leurs étiquettes.

Crédit photo : Linda Mansouri

« Fun blue égalera les volumes de Pac citron »

Fun blue ne tarde pas à pointer le bout de son nez. Ce sirop, à base de sucre et d’essence de menthe, affiche son originalité, couleur bleu Méditerranée et étonnant goût chlorophylle. Rapidement adopté par les jeunes, il devient le digne petit frère du Pac citron. « Avec Fun blue, on pense au dentifrice, le sirop connait une progression à deux chiffres tous les ans, souligne Raphaël Vannelle. Dans une dizaine d’années, il égalera les volumes de Pac citron. » Selon Raphaël, tout est question de génération, au-dessous de 13 ans, les enfants privilégient le Fun blue et son goût bonbon à l’acidité du Pac citron. Au-dessus de 15 ans, le palais s’éduque et s’accoutume au Pac.

Durant 5 ans, les efforts se concentrent sur les sirops, la gamme Couleur Provence voit le jour. L’innovation reste la clef, douze parfums surprenants sont déclinés, tels que pêche, châtaigne, pomme, melon ou réglisse… Pour assouvir son désir d’ouverture toujours plus grand, une nouvelle liqueur grossit les rangs, l’Ardéchoise. Une crème de châtaignes inspirée par Jean-Claude Blachère natif de l’Ardèche. Pour ce qui est de la stratégie de distribution, elle fait l’objet d’un remaniement. Le réseau qui était principalement axé sur la branche CHR (café, hôtellerie, restauration) pendant 20 ans se déporte essentiellement sur les GMS (Grandes et moyennes surfaces). En quelques années, la petite PME familiale réussit le défi d’être référencée dans toutes les centrales qui alimentent la grande distribution et les brasseurs, un circuit hors duquel il est quasiment impossible d’exister désormais.

Une affiche historique devenue institution provençale. Crédit photo : Linda Mansouri

« Les négociations en GMS sont très difficiles si vous n’avez pas de marque »

L’idée générale de la distillerie ? Consacrer le plus de temps possible à Pac citron et Fun blue qui restent les produits leaders, totalisant environ 85% des volumes. Pac citron est référencé dans tous les réseaux, à hauteur de 20% en CHR et 80% en GMS, avec deux formats adaptés évitant ainsi que « les marchés ne se confondent. » Aucun circuit n’est délaissé, « on travaille avec tout le monde. Il ne faut pas oublier que l’on commercialise un sirop à 3,50€, donc il doit être disponible de partout. » La gamme Couleur Provence équivaut à 150 000 bouteilles produites cette année dans les divers parfums.

« Les négociations en GMS sont très difficiles si vous n’avez pas de marque. Les interlocuteurs varient souvent, c’est assez compliqué lorsque vous négociez avec des personnes à Paris par exemple, explique Raphaël Vannelle. Concernant la GMS intégrée de type Géant Casino, vous êtes obligé de passer par des structures centralisées, impossible de vendre en direct. » En revanche, en local, la négociation résulte de « la volonté de chaque patron de magasin. »

Dans la région, Pac citron caracole en 1e ou 2e place des sirops les plus vendus en GMS, dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse ou le Gard. « Si nous ne sommes pas 1er, c’est en général en raison d’une rupture de stock », poursuit Raphaël Vannelle. Le Pac se gratifie d’un positionnement haut de gamme en matière d’image, le produit hérite d’une histoire. « Les consommateurs ont fait leur choix, et cela fait 60 ans que ça dure », se réjouit le dirigeant.

Hezra Akbar, à droite, règne en maître dans la boutique. Un duo gagnant à Châteauneuf-du-Pape. Crédit photo : Linda Mansouri

Diversité des réseaux de distribution

« On travaille aussi bien en centrale d’achat qu’en direct, les relations en direct sont très bonnes », explique Raphaël Vannelle. Un millier de magasins proposent les produits de la distillerie aujourd’hui. Le secteur ? Montpellier, Sète, Montélimar, Valence, Toulon, Hyères, un triangle de diffusion stratégique. Ajoutez à cela quelques belles enseignes parisiennes. Aucune exclusivité accordée mais une attention particulière à ce que les prix affichés en rayon respectent le positionnement de la distillerie et que le conditionnement soit propre à chaque marché.

« Il faut rester cohérent avec notre image, mais quand on fait du commerce, il faut que tout le monde gagne un peu », reconnait Raphaël Vannelle. Et d’ajouter : « ce problème de positionnement dans les réseaux, c’est un faux problème, Ricard et Martini sont dans tous les réseaux, idem pour Nutella ou Coca cola. Ce n’est pas parce que notre produit est en cave qu’il ne sera pas en GMS. Encore une fois, on vend un sirop à 3,50€. Tout est question de positionnement marketing. »

Les équipements de la chaîne de production sont doublés pour maintenir la production en cas de panne technique. Crédit photo : Linda Mansouri

60% des ventes annuelles en 3 mois

Sur les deux dernières années, la distillerie a connu une stagnation du chiffre d’affaires, « c’est déjà bien d’avoir maintenu malgré le contexte et les six mois de fermeture des cafés et restaurants. La GMS a bien travaillé, on livre par exemple France boissons, Promocash ou Metro, qui redistribuent ensuite nos produits. » Deux commerciaux continuent à livrer 500 clients en direct.

« On gardera à terme une centaine de clients directs pour conserver la remontée d’informations en CHR. C’est un secteur qui peut être précurseur, dans lequel les tendances s’affichent plus rapidement qu’en GMS », remarque le dirigeant. Concernant les concurrents, la distillerie n’a pas vocation à faire des millions de bouteilles comme certains acteurs du sirop positionnés sur le marché, mais à rester une entreprise régionale. « Si on fait trop de volume, on perd notre âme », conclue poétiquement Raphaël Vannelle. L’outil de production est certes très performant avec quatre personnes dédiées, mais soumis à une forte saisonnalité. En 3 mois d’été, 60% des ventes annuelles sont réalisées.

Les prix pratiqués en GMS

Concernant l’indicateur de prix, beaucoup de facteurs entrent en ligne de mire. Le produit d’appel, la marge, la région, la stratégie de vente, la sensibilité de la clientèle… « Je peux me retrouver face à des prix différents selon la ville, pour une même enseigne donnée. Pour Pac citron, on est sur le cas d’un produit régional leader. Certains magasins attirent la clientèle en le proposant comme produit d’appel tout en réduisant leur marge dessus, explique Raphaël Vannelle. Il peut arriver que dans une enseigne 10 fois plus grosse, le Pac se vende 5 fois moins car la clientèle est moins sensible aux produits locaux. Concernant le prix, on ne rentre pas dans ces discussions, ce n’est pas notre problème si le prix varie sensiblement. Le seul impératif, respecter le positionnement et l’image de nos produits. »

Les produits sont disponibles dans la boutique, route de Sorgues à Châteauneuf-du-Pape. Crédit photo : Linda Mansouri

Stratégie d’export

L’export était à l’arrêt depuis 20 ans. Quand le couple reprend la distillerie, certaines exportations reprennent vie, en direction de la Chine, du Japon ou de l’Allemagne. Puis la covid s’installe et bloque les voyages. « Il est toutefois plus facile de vendre à l’export qu’en France. Nous avons l’image de la plus vieille distillerie de Provence, souligne Raphaël Vannelle. En Chine cela fait trois fois que l’on envoie de la marchandise, on renouvelle également en Belgique. Cela va aller en se développant, pas de stress. L’année prochaine, nous fêtons les 60 ans du Pac. Nous repousserons le gros des exportations jusqu’à l’horizon 2023. »

Les verriers, nerfs de la guerre

Concernant les approvisionnements, le sucre est de Saint-Louis, le jus de citron provient d’Amérique latine et le verrier est Français. « L’approvisionnement en verre est compliqué, on est contraint de stocker 400 000 bouteilles pour éviter la rupture de stock, déplore Raphaël Vannelle. Le peu de concurrence sur le marché des bouteilles en verre rend les choses plus complexes. En France, il ne subsiste plus que deux verriers. » Le dirigeant a bien pensé opter pour le plastique, mais l’impact sur la planète et le goût qui s’en retrouverait altéré l’ont stoppé net dans sa réflexion. Le verre recyclable est pour lui le meilleur contenant noble. « C’est comme les liqueurs, vous avez des capsules métalliques, j’estime qu’il faut du liège. C’est quelque chose de naturel en contact avec mon produit et qui me parait sain », juge-t-il.

Détrompez-vous, il ne s’agit pas d’un épisode d’Astérix mais bien du local d’épices au sein de la distillerie. Crédit photo : Linda Mansouri

Et le bio ?

Quelques alcools bio verront le jour d’ici deux ans. Pour autant, hors de question de dénaturer le goût et la qualité du produit. « Les plantes que nous utilisons sont déjà bios. Quant à l’alcool, il est déjà à 96 degrés. On ne veut pas surfer sur la vague du bio pour proposer une moindre qualité gustative, se défend Raphaël Vannelle. Quand on pourra remplacer un ingrédient par le même ingrédient bio sans dénaturer le goût, on le fera. Et puis on ne va pas faire du bio pour qu’il coûte 30% plus cher pour rien, il faut trouver l’équilibre. » L’étiquette bio rassure le consommateur, concernant Pac citron, nul doute, le public n’a pas besoin de cautions supplémentaires… Un Pac à l’eau s’il-vous-plaît !

Boutique de la distillerie A.Blachère : 1695 route de Sorgues, 84230 Châteauneuf-du-Pape, 04.90.83.55.65, magasin@distillerieablachere.com. Site internet, cliquez ici.

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