19 avril 2024 | Dominique Santoni : « Ce qui compte c’est ce qu’il reste quand on s’en va »

Ecrit par Laurent Garcia le 21 décembre 2021

Dominique Santoni : « Ce qui compte c’est ce qu’il reste quand on s’en va »

Dans un entretien donné à l’occasion de la sortie de l’édition 2021 de notre hors-série ‘Le Vaucluse en Chiffres’, Dominique Santoni, première femme à la tête du département de Vaucluse depuis 1793, évoque les grandes lignes de son mandat à venir. Pour cela, l’élue va bénéficier d’un mandat particulièrement long afin de mener sa politique. Une action qu’elle entend mettre sous le signe de l’investissement et de l’attractivité du territoire.

Par le jeu du calendrier électoral, vous allez disposer d’un mandant de 7 ans. Il faut remonter un siècle auparavant, époque où les conseillers généraux étaient élus pour une durée de 9 ans, pour retrouver une telle durée. Qu’allez-vous donc faire de tout ce temps ?
« C’est vrai que c’est un atout et ce d’autant plus que le précédent mandat nous a permis d’assainir les finances du Département. Mais il faut parfois aussi oser investir de temps en temps. Car l’investissement entraîne des retombées. Nous allons donc disposer de temps, mais aussi des moyens pour réaliser des choses. Il faut d’abord investir pour développer des infrastructures indispensables si nous voulons que des gens viennent s’installer en Vaucluse, surtout si nous arrivons à attirer des entreprises exogènes. Il faut que les gens puissent se déplacer. Cela passe donc par les aménagements routiers et la résorption des nombreux points noirs en Vaucluse, notamment le carrefour de Bonpas, qui permettra une véritable ouverture sur le Nord des Bouches-du-Rhône, mais aussi le contournement de Coustellet ainsi que celui d’Orange ou bien encore la LEO. Cela veut dire qu’à l’horizon 2027-2028, on pourrait avoir un Vaucluse transfiguré en termes d’aménagements routiers. L’objectif étant de réduire les temps de transport des Vauclusiens. Il serait dommage de venir de Paris en 2h40 de TGV, puis de mettre 1h pour rejoindre Agroparc ou 1h30 pour aller dans le Luberon. »

Les grandes lignes du projet de réaménagement du carrefour de Bonpas.

Quels sont les autres axes de votre action ?
« Si nous voulons être attractifs, il faut embellir. Pourquoi les gens viendraient en Vaucluse ? Parce qu’on va leur offrir des choses que l’on ne retrouvera pas dans les départements voisins. Le Vaucluse a déjà des paysages magnifiques à offrir. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si notre territoire accueille deux parcs naturels régionaux. On a une qualité de vie importante. Autant d’atouts qui tombent à pic, dans un moment où la Covid, au-delà de tous les effets détestables que l’on connaît, est peut-être pour nous une sorte d’opportunité dans le sens où beaucoup de gens veulent désormais vivre une vie un peu différente. Des gens qui en ont marre des grandes villes et des grandes métropoles alors que, aujourd’hui, nous sommes un territoire où tout est axé sur un développement durable. Il y a une fenêtre de tir mais, j’insiste, comment faire pour que l’on vienne chez nous plutôt qu’ailleurs ? Pour cela, il faut créer de l’envie et cela passe avant tout par les gens de ce territoire ainsi que par ceux venant de l’extérieur, des gens qui ont choisi ce département et qui veulent en être fiers. »

Est-ce pour cela que vous souhaitez sortir de vos zones de compétence afin de pallier certaines carences sur le territoire ?
« Les collèges, les routes, le social, le handicap… Le Conseil départemental sait déjà bien faire tout cela. Cependant, il faut que les Vauclusiens se sentent concernés par le Département et qu’ils voient ce qu’il fait pour eux au quotidien. Pour cela, il faut se mettre à leur place. Ainsi, à l’image de ce qu’a pu faire la Région lors de la crise sanitaire, Renaud Muselier a su incarner cette collectivité parfois perçue comme éloignée des gens. Il a su réagir, mais il a su aussi innover. La capacité d’innovation des élus c’est important. Mais pour gagner en efficacité, il faut travailler ensemble. »

« Pour gagner en efficacité, il faut travailler ensemble. »

A l’image des aménagements cyclables à Réalpanier, la présidente du Conseil départemental entend travailler plus étroitement avec la Ville d’Avignon. Ici aux côtés de Cécie Helle, maire de la cité des papes.

Vous souhaitez donc que le Vaucluse chasse davantage ‘en meute’ ?
« Nous sommes dans un département un peu spécial, on ne va pas revenir sur la papauté, l’enclave, le Sud du Luberon… Des gens qui ont parfois manqué d’esprit d’équipe. Nous n’avons pas forcément joué collectif, alors que si on additionne toutes les forces je crois que cela peut marcher. C’est cet état d’esprit que nous devons développer afin d’être attractifs. Il faut travailler avec les EPCI et les communes pour les aider à investir. Si demain nous arrivons à avoir des médecins dans tous les Edes (Espaces départementaux des solidarités), si on arrive à créer des maisons médicales avec les communes qui en ont besoin, alors nous aurons relevé ces défis. Idem avec la sécurité et la vidéo-protection où nous serons là pour aider les communes vauclusiennes. »

Où placer Avignon dans ce collectif, sachant que jamais un Avignonnais n’a présidé aux destinées du Département ?
« C’est vrai qu’avec la ville d’Avignon, on a plutôt vécu côte à côte jusqu’à présent. Avignon a une image extraordinaire et c’est la ville la plus importante du département, il faut que l’on travaille ensemble. Il est indispensable de fédérer tous les élus pour mieux vendre notre territoire. Je suis très ‘équipe’ pour ne pas dire ‘clanique’. »

Comment le département peut être le chef de file de cette action collective ?
« Il faut d’abord consulter pour établir un diagnostic avec les forces et les faiblesses de chaque canton. Il faut aussi mettre en place des outils de financement pour aller chercher les aides là où elles se trouvent, notamment en confortant les liens avec la Région qui est la porte d’accès des financements européens. Nous avons toutefois des territoires très différents, on ne peut pas comparer Cavaillon ou Bollène, qui ont un accès direct à l’autoroute, avec le Pays d’Apt où l’on est un peu plus ‘nature’. Le LSBB (Laboratoire souterrain à bas bruit) à Rustrel n’a pas besoin de camions ou d’infrastructures routières. »

« Nous disposons d’une mosaïque de ‘marques’ incomparables : le Ventoux, le Luberon, Châteauneuf-du-Pape, Avignon. Ici on a tout. »

À chacun ses spécificités donc ?
« Effectivement, il faut être complémentaire. Il faut faire une analyse de chaque territoire pour savoir quels serait le cœur de cible et quelles entreprises veut-on y attirer et pourquoi. Définir l’ADN de chacun de nos 17 cantons pour permettre à des personnes très différentes de trouver ce qui pourrait les intéresser dans ce département. Toutefois, on ne va pas installer Amazon non plus, cela n’aurait pas de sens car notre développement passe par la qualité de vie et l’image que nous en donnons. C’est notamment pour cela que nous devons proposer un tourisme raisonné basé sur la qualité de vie, la qualité des paysages, la qualité des produits, la qualité du patrimoine. Hors de question de proposer un tourisme de masse alors que nous disposons d’une mosaïque de ‘marques’ incomparables : le Ventoux, le Luberon, Châteauneuf-du-Pape, Avignon. Ici on a tout. »

Votre volonté est-donc de faire du Département un ‘accélérateur’ de développement ?
« Oui, en axant notre stratégie sur le cyclotourisme, le soutien à notre université, le développement de filières autour de l’intelligence artificielle, le cinéma, la ‘Silver économie’, les jeux vidéo… pas forcément des entreprises qui ont besoin de beaucoup de foncier. Le tout en s’appuyant sur des outils comme VPA (Vaucluse Provence attractivité) qui, au-delà du tourisme, accompagne l’arrivée des entreprises sur notre territoire. Mais attention, avant d’aller en chercher d’autres, la priorité c’est de s’assurer que les entreprises déjà installées sur notre territoire se portent bien et qu’on les aide à y rester notamment en termes de recherche de foncier. Il y a aussi plein de talents dans ce département. Des gens possédant de la matière grise, des idées, de l’argent, des réseaux qui ont envie de créer et de s’investir pour ce territoire. Le rôle du département s’est aussi d’aller les voir pour en faire des sortes ‘d’ambassadeurs’. »

« Il y a plein de talents dans ce département. »

Bonpas va desservir les Bouches-du-Rhône, la LEO alimente les zones d’activité de Rognonas et Châteaurenard, les communes gardoises du Grand Avignon sont délaissées par leur propre département ainsi que par la Région Occitanie… Vous êtes aussi contrainte par des réalités administratives qui ne vous facilitent pas la tâche ?
« Nous avons déjà beaucoup de choses à faire aujourd’hui. À commencer par tous les chantiers que nous devons lancer. Mais après, pourquoi ne pas mener une réflexion afin de repenser les limites administratives de notre département en fonction de la réalité de nos bassins de vie ? J’y suis plutôt favorable même si ce n’est pas nous qui, au final, déciderons. L’idéal serait d’initier un collectif fédérant les élus et les décideurs économiques concernés afin de porter cette réflexion, mais cela sera dans un deuxième temps. Pour l’instant, ce serait déjà bien de bâtir des projets communs pour débuter. »

Le Vaucluse en 2028 il ressemblera à quoi ?
« Ce sera un département où on vivra bien, où l’on travaillera mieux, avec de nouveaux citoyens. Qui ne sera plus en queue de peloton des départements les plus pauvres de France. Avec des bâtiments en harmonie avec la beauté de ses paysages, avec des entreprises adaptées à ce territoire. À partir du moment où l’on se déplacera facilement, que l’on aura des médecins, des collèges, du très haut débit internet, je suis persuadée que les gens viendront. Attention toutefois, il ne faut pas se louper. C’est bien de se fixer des objectifs, mais il faut que les projets sortent car ce qui compte c’est ce qu’il reste quand on s’en va. »

https://www.echodumardi.com/politiqueetterritoire/dominique-santoni-ce-qui-compte-cest-ce-quil-reste-quand-on-sen-va/   1/1