5 octobre 2024 | La gauche avignonnaise se mobilise pour avoir un député de Vaucluse et pas d’ailleurs

Ecrit par Laurent Garcia le 19 juin 2024

La gauche avignonnaise se mobilise pour avoir un député de Vaucluse et pas d’ailleurs

Alors que les élections législatives se dérouleront les dimanches 30 juin et 7 juillet prochains, c’est entre la gauche et le RN que devrait se jouer la 1re circonscription de Vaucluse. Le choix par les appareils nationaux d’un candidat ‘parachuté’ pour mener la liste du nouveau Front populaire semble cependant loin de faire l’unanimité au sein des différents courants de gauches locaux qui craignent, qu’après l’erreur de casting de 2022, ce choix très controversé ne débouche, cette fois-ci, sur un ‘accident industriel’ en offrant le grand chelem au parti de Marine Le Pen dans toutes les circonscriptions du département.

« Nous avons souhaité que notre candidat à ces prochaines législatives connaisse le territoire et ses attentes. C’était un impératif », insiste Lucien Stanzione, sénateur socialiste de Vaucluse, afin d’évoquer le profil des postulants à la députation dans la 1re circonscription du département lors des élections des 30 juin et 7 juillet prochains.
Rappelons qu’auparavant, l’annonce du parachutage d’un candidat LFI (La France insoumise) lyonnais pour briguer ce siège de député pour Avignon, Le Pontet et Morières-lès-Avignon avait fait l’effet d’un véritable électrochoc au sein de la gauche avignonnaise.

Gauche de rupture
Il faut dire qu’avec Raphaël Arnault, ce choix imposé par les états-majors parisiens suscite de vives réactions. Co-fondateur en 2018 à Lyon de l’organisation antifasciste La Jeune garde, dont il a été aussi pendant longtemps le porte-parole, le militant d’extrême gauche de 29 ans, prône « une gauche de rupture ». Un activisme qui lui aura notamment valu d’être agressé en 2021 à la gare de Lyon à Paris par plusieurs militants des ‘Zouaves Paris’, groupuscule d’ultradroite dissout en 2022.
Pour ses détracteurs, le parcours de Raphaël Arnault suscite surtout des inquiétudes. De quoi d’ailleurs s’attirer les foudres des médias du groupe de Vincent Bolloré. Fiché S pour des faits de violences selon Europe 1 notamment, cet assistant d’éducation aurait eu aussi maille à partir avec la militante ‘féministe identitaire’ Alice Cordier, qui a déposé une main courante contre ce dernier pour avoir proféré de menaces de mort à son encontre. Jamais condamné, Raphaël Arnault a aussi été entendu tout récemment par la police nationale pour apologie du terrorisme suite aux attaques du Hamas en Israël le 7 octobre dernier. Une convocation « contre ceux qui défendent ardemment les droits des palestiniens » dénoncée par la Jeune garde.

Raphaël Arnault, co-fondateur à Lyon du mouvement anti-fasciste la Jeune garde,  et sa suppléante Mathilde Millat, militante du NPA sur Lyon également.

Candidat ‘antifa’ contre candidate ‘antifada’
Du pain béni pour Catherine Jaouen, députée RN sortante qui n’en demandait pas tant alors que son parti venait déjà de virer en tête sur Avignon lors des dernières européennes avec 28,67%, suivi par LFI (22,10%) et Raphaël Glucksmann (10,97%). La suppléante de Joris Hébrard – ce dernier ayant été élu à l’Assemblée en 2022 avant de lui céder sa place l’an dernier pour retrouver son fauteuil de maire du Pontet – voyait là l’occasion de jouer la carte de la modération en communiquant, sitôt l’investiture nationale de Raphaël Arnault connue, sur le fait que « la violence politique n’a pas sa place en Avignon. »
Une ‘victimisation’ qui permettait dans la foulée à l’élue vauclusienne de lancer un appel au rassemblement de « tous les partis de l’arc républicain et démocrate afin de dénoncer cette candidature et à se mobiliser pour faire barrage à l’extrémisme politique des LFI. »
La recette semble fonctionner à merveille. ‘L’épouvantail’ Raphaël Arnault mobilisant à 200% les sympathisants RN et finissant de convaincre une partie des électeurs de la droite républicaine locale de rejoindre le camp des pro-Bardella. Pire encore, l’effet repoussoir est tel que même certains militants de gauche excédés se déclaraient anonymement prêt à franchir le Rubicon du vote en faveur du parti de Marine Le Pen. Et les proches de la députée RN de jouer la carte d’une proximité pagnolesque par opposition à ce parachutage au parfum des Gones : « C’est peut-être le candidat antifa, mais nous c’est la candidate antifada. »

Réaction d’urgence
Ces retours du terrain de l’électorat vauclusiens seront tels qu’il ne faudra pas plus de 48 heures pour que les élus de gauche locaux prennent conscience des risques que fait peser cette candidature sur les résultats de la 1re circonscription de Vaucluse.
« L’électorat de gauche ne se reconnaît pas dans cette candidature aussi clivante prônant la violence dans la lutte contre l’extrême-droite, explique Cécile Helle, maire d’Avignon. Ce parachutage, c’est irrespectueux ! Il était donc inenvisageable que j’apporte mon soutien à une candidature qui est à l’inverse des valeurs que je défends. »
Même constat pour le sénateur Stanzione pour qui ce candidat « développe des idées qui ne correspondent pas à la vision et les attentes de notre territoire ».
Au final, dans sa très grande majorité, la gauche local a donc décidé de ne pas se soumettre aux insoumis tout en annonçant dans la foulée son soutien à une candidature alternative.

La candidature Philippe Pascal
C’est donc Philippe Pascal, un ancien LFI aujourd’hui militant au sein de la Gauche démocratique et sociale (GDS), qui partira à la conquête de cette 1re circonscription. Suppléé par Annie Rosenblatt, élue au conseil municipal d’Avignon sous l’étiquette Les écologistes-EELV, c’est ensemble qu’ils porteront les couleurs du ‘Front populaire de Vaucluse’.
Si elle est considérée comme dissidente par LFI, cette démarche est toutefois soutenue au niveau départemental par le parti socialiste, les Ecologistes, GDS, Génération.s et Place publique dont les logos apparaissent sur les tracts officiels de ce Front Populaire ‘made in Vaucluse’. Le PCF 84 ainsi que le PRG 84 ont aussi depuis annoncé leur ralliement.

« D’inspecteur voyou, je suis passé à Robins des bois de l’Urssaf. »

Philippe Pascal

Face au profil antifa de Raphaël Arnault, Philippe Pascal présente un parcours qui a également tout pour séduire les ‘purs’ du peuple de gauche. Âgé de 67 ans, ce natif de la Croix des Oiseaux, habitant aujourd’hui aux Rotondes, est un ancien inspecteur de l’Urssaf. A ce titre, c’est lui qui, missionné en 2010 par le Codaf (Comité opérationnel départemental anti-fraude), contrôlera le restaurant les Agassins au Pontet. Une affaire qui débouchera ensuite sur une très longue procédure qui l’opposera à François Mariani, propriétaire des lieux et alors aussi président de la CCI de Vaucluse. « J’ai gagné 3 procès contre lui et d’inspecteur voyou je suis passé à Robins des bois de l’Urssaf. »

Engagement humanitaire de longue date à Gaza
Militant au MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) dès 1974, ce diplômé des sapeurs-pompiers est aussi un infatigable humanitaire. Présent au Niger, il a également fait partie de la première mission mondiale qui est entrée dans Gaza en 2009, au lendemain du cesser le feu suite à l’opération militaire israélienne ‘Plomb Durci’. Président de l’association ‘Un pont pour la paix’ il retournera à Gaza « en passant par des tunnels » en 2011 puis en 2013. En février dernier, il tentera à nouveau vainement d’apporter son aide mais le passage vers Gaza sera finalement jugé trop dangereux. Il restera alors bloqué côté égyptien, à Port-Saïd, où il travaillera avec le Croissant Rouge ainsi que dans plusieurs hôpitaux du secteur.

« Côte à côte comme un symbole : un militant pro-palestinien et une militante juive contre l’extrême-droite. »

De son côté, sa suppléante rappelle aussi son engagement : « Dès que le RN dérape, je suis toujours en face que ce soit au conseil municipal ou au Grand Avignon où je suis aussi conseillère communautaire. »
« Je suis en phase avec les idées que défend Philippe Pascal, poursuit Annie Rosenblatt. J’apporte une touche écologiste en étant mobilisée sur des sujets comme la Zac d’Entraigues, l’aéroport, la LEO… mais surtout, nous sommes aux côtés des gens pour entendre leurs souffrances et leurs espoirs. »
« C’est important que nous nous trouvions côte à côte, insiste Philippe Pascal. Comme un symbole : un militant pro-palestinien et une militante juive contre l’extrême-droite. »
« Cette candidature, c’est une gauche de combat contre les inégalités », martèle Cécile Helle.

Règlement de compte chez les LFI ?
Avec un tel ADN ayant toutes les chances de fédérer les électeurs de gauche, on peut légitimement s’interroger sur les raisons qui ont empêché ce binôme d’obtenir l’investiture nationale du Front populaire.
« Quand j’étais chez LFI, j’ai eu des discussions musclées avec Manuel Bompard (ndlr : coordinateur national des Insoumis). Depuis, il ne me porte pas dans son cœur », avance Philippe Pascal pour expliquer ce court-circuitage. Il poursuit : « nous avions le soutien de nombreuses familles politiques de la gauche vauclusiennes, nous avions le soutien des élus locaux de gauche, nous avions le soutien de François Ruffin ou bien encore de Raphaël Glucksmann, mais ‘monsieur’ Bompard a choisi la candidature de la dissidence. Ce parachutage a été décidé pour que je ne sois pas élu. »

« Il y avait donc nécessité d’agir rapidement car nous prenions le risque de perdre alors que nous avons la légitimité du fruit de notre travail que nous réalisons à Avignon depuis 10 ans, justifie la maire de la cité des papes. Si nous ne l’avions pas fait, on nous l’aurait reproché. »
Seul hic, en arrivant en tête des partis de gauche à Avignon aux élections européennes, la direction nationale de LFI estime que c’est à elle seule de décider qui doit être partir sur Avignon. Quitte à investir Raphaël Arnault qui n’avait pas hésité à se lancer face à la Nupes dans la 2e circonscription du Rhône aux législatives de 2022 (6,81% au 1er tour). Une circonscription aujourd’hui conservée par les écologistes. C’est donc en Vaucluse que le jeune antifa lyonnais, qui a été auditionné à l’Assemblée nationale sous le nom de Raphaël Archenault dans le cadre d’un débat sur la lutte contre le terrorisme d’extrême droite, sera candidat avec sa suppléante Mathilde Millat, une militante du NPA de 26 ans travaillant dans le milieu associatif sur Lyon.

« Il y a déjà eu un candidat LFI. Il a échoué. »

Cécile Helle, maire d’Avignon

« Il y a déjà eu un candidat LFI. Il a échoué, rappelle Cécile Helle. Pourtant, quand on voit le profil de cette circonscription, nous devrions déjà avoir un député de gauche depuis 2022. »
La maire d’Avignon fait ainsi clairement référence aux précédentes législatives où le choix du candidat Insoumis Farid Faryssy (sous la bannière Nupes), un proche de Manuel Bompard, n’avait pas permis de mobiliser pleinement dans cette circonscription pourtant constituée d’un solide socle d’électeurs de gauche. Certains reprochant à l’avocat avignonnais d’être une ‘erreur de casting’ en ayant permis l’élection d’un député RN à 656 voix près.
Ne voulant pas renouveler cette erreur et ainsi éviter cette fois-ci ‘un accident industriel’ en permettant au RN de réaliser un potentiel grand chelem dans les 5 circonscriptions de Vaucluse, la quasi-totalité de la gauche vauclusienne semble déterminée à mener ce combat jusqu’à son terme.
« J’ai besoin d’avoir un député de gauche, persiste la maire d’Avignon. Un député de combat qui puisse accompagner, défendre et comprendre ce territoire. Et je sais de quoi je parle puisque j’ai été députée de cette circonscription. »

« On gagnera avec ou sans lui. »

Philippe Pascal, candidat du Front populaire Vaucluse

Place à une campagne éclair
« Nous irons jusqu’au bout, prévient dans la foulée Cécile Helle. On fera campagne, on se mobilisera. Toutes les voix vont compter. Le seul barrage au RN c’est Philippe Pascal et Annie Rosenblatt et cela dès le 30 juin. »
« Nous avons déjà fait barrage au RN. On sait faire et on a l’expérience des campagnes », assure David Fournier, adjoint au maire d’Avignon qui promet une mobilisation sans faille sur le terrain durant les quelques jours que durera cette courte campagne électorale.
« Soit on laissait faire et on avait la certitude d’aller à l’échec, soit on se donnait une chance de gagner alors que l’on en avait aucune », résume Eric Deshayes, adjoint au maire d’Avignon (membre exécutif de Génération.s) et directeur de campagne de Philippe Pascal et Annie Rosenblatt.
« On gagnera avec ou sans lui », prévient Philippe Pascal qui espère cependant encore que Raphaël Arnault jettera l’éponge d’ici l’élection. Une demande partagée par Fabien Roussel, secrétaire national du parti communiste français, qui aussi réclamé ce retrait.
« Il y a la lutte contre le RN, mais il y a surtout la lutte pour les Français », rappelle le sénateur Lucien Stanzione qui a peut-être compris que l’enjeu était davantage d’élire un député pour le Vaucluse que pour Rafah…

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