Le changement climatique redessine déjà notre environnement : assèchement des sols, canicules plus fréquentes, rivière au faible débit… Dans les villes méditerranéennes comme Avignon, la sélection des essences végétales devient un enjeu central pour préserver des espaces urbains vivables et rafraîchis. Une nouvelle publication de l’Agence d’urbanisme de la région Avignon –AURAV– livre des pistes concrètes pour repenser l’urbanisme végétal face aux aléas climatiques.
Les projections climatiques les plus récentes indiquent un réchauffement marqué dans le sud de la France d’ici 2100, avec des étés nettement plus chauds et une pluviométrie estivale diminuée. Dans la vallée du Rhône et ses environs, cela se traduit par une multiplication des périodes de sécheresse et un stress hydrique accru pour les sols et les végétaux. Dans ce contexte, il est estimé qu’une grande majorité des essences actuellement plantées en milieu urbain seront sous pression, voire en risque, avec des impacts directs sur leur survie et les services qu’elles rendent comme l’ombrage et le rafraîchissement.
Des stratégies urbaines fondées sur la science
Les végétaux en ville ne sont pas un simple ornement : ils forment une infrastructure climatique. Ils modèrent la chaleur via l’ombrage et l’évapotranspiration, réduisent les îlots de chaleur urbains, facilitent la gestion de l’eau et améliorent la qualité de vie des habitants. Des projets comme InteGREEN se penchent précisément sur ces bénéfices, mais aussi leurs limites, pour conseiller les villes sur les espèces à planter et leur implantation. À Marseille, par exemple, un vaste plan de plantation d’arbres et de désimperméabilisation accompagne la création d’espaces plus frais et perméables, intégrant des solutions « naturelles » pour gérer l’eau et lutter contre la surchauffe des rues historiques.

Choisir les bonnes essences : une révolution culturelle
Historiquement, les villes privilégiaient des arbres classiques comme les platanes ou les tilleuls. Mais ces choix esthétiques ne tiennent pas forcément compte des défis climatiques de demain : des programmes comme Avec (Adaptation du VEgétal au Climat de demain), portés par l’Adème, le Cerema et Plante & Cité, évaluent aujourd’hui plus de 1 300 essences (arbres, arbustes, plantes grimpantes) selon leur potentiel de rafraîchissement et leur capacité à résister à des conditions plus chaudes et sèches. Cette approche scientifique encourage une diversification des plantations plutôt que des alignements monospécifiques, ce qui augmente la résilience globale des milieux urbains et diminue les risques liés aux maladies ou aux chocs climatiques.
Des solutions concrètes pour demain
Quelques tendances fortes émergent des recommandations comme : Conserver et valoriser la végétation existante : protéger les arbres matures et les haies, intégrer les aménagements autour des plantations en place ; Diversifier les strates et les espèces : mélanger hautes et basses plantes, arbres, arbustes, plantes grimpantes, pour une meilleure adaptation et une biodiversité accrue ; Expérimenter et innover : des projets comme les forêts urbaines ‘Miyawaki‘ ou l’installation de fruitiers et de plantes indigènes enrichissent le paysage urbain tout en augmentant les services écologiques et Prendre soin des sols : la qualité des sols urbains, souvent compactés et pauvres, conditionne la réussite des plantations, alors leur renaturation et leur désimperméabilisation sont des leviers essentiels.
Des essences locales
Le choix d’essences locales adaptées au climat actuel et aussi la possibilité de tester des plantes plus résistantes à la chaleur inspirées de milieux secs voisins, sont au cœur des discussions professionnelles, sans solution unique mais avec un ensemble de pistes complémentaires à explorer.

À Avignon, une intelligence collective au service de la nature en ville
Sur le Grand Avignon, la réflexion sur le végétal urbain s’organise de plus en plus de manière collective, associant collectivités, experts et acteurs de terrain. L’Aurav joue un rôle central d’animation et de production de connaissances, en mettant en réseau communes, services techniques et partenaires scientifiques autour des enjeux d’adaptation climatique. Les Parcs naturels régionaux du Luberon et du Mont-Ventoux constituent également des laboratoires à ciel ouvert : leurs équipes accompagnent les collectivités dans le choix d’essences adaptées aux sols calcaires, aux vents violents et à la raréfaction de l’eau, tout en favorisant les continuités écologiques entre espaces naturels et urbains.
La biodiversité en question
À l’échelle régionale, l’Arbe (Agence Régionale de la Biodiversité) Provence-Alpes-Côte d’Azur impulse une dynamique de partage de pratiques à travers des groupes de travail, des guides techniques et des retours d’expériences sur la végétalisation durable. Elle fédère élus, paysagistes, pépiniéristes et gestionnaires d’espaces verts autour d’une approche plus sobre et plus résiliente du végétal.

Cruciale gestion de l’eau
Des structures comme Plante & Cité, l’Inrae ou encore les syndicats de rivières locaux (Sorgue, Rhône, Durance) contribuent également à cette réflexion, en croisant les enjeux de biodiversité, de gestion de l’eau et d’aménagement urbain.
Expérimentations
Enfin, certaines communes expérimentent des démarches exemplaires, à l’image de la Ville d’Avignon avec sa pépinière communale et ses partenariats avec des jardins botaniques méditerranéens. Ces initiatives locales illustrent une volonté partagée : sortir des recettes toutes faites pour bâtir, pas à pas, une culture du végétal adaptée au climat de demain, ancrée dans les réalités du territoire et nourrie par l’échange entre acteurs.
Anticiper les défis climatiques
Penser le végétal dans les villes, c’est anticiper les défis climatiques tout en améliorant la qualité de vie. Cela exige un changement de paradigme : de l’ornement à la stratégie climatique, de l’esthétique à la résilience écologique. En combinant savoirs scientifiques, choix d’essences adaptés, diversité végétale et soin des sols, les villes peuvent devenir des environnements durables, rafraîchis et vivables, même sous des climats plus chauds.
Toutes les infos
Toutes les infos sur ce sujet traité et produit par l’aurav ici. Echanges et collaborations : Grand Avignon avec Véronique Arfi, Nelly Guédon et Magali Chabrier ; Inrae d’Avignon avec Michel Valério, Etienne Klein et Bruno Fady ; La Ville d’Avignon, Le min d’Avignon, Pépinière Cérès Flore et le CAUE de Vaucluse.
Mireille Hurlin



