5 mai 2024 |

Ecrit par le 5 mai 2024

Mort de Paul Auster, icône littéraire publié depuis 1987 à Arles par Actes Sud

« Paul Auster et Actes-Sud, c’était un long compagnonnage, une amitié sans failles depuis des décennies » explique Françoise Nyssen, ancienne Ministre de la Culture et fille d’Hubert Nyssen qui a fondé cette maison d’édition en 1978, près du Rhône.
« Mon père était fou de littérature américaine, il avait fait connaissance de Paul Auster à New-York, à Brooklyn où il était né et il trouvait qu’il renouvelait le genre littéraire, du coup, il n’a eu de cesse de le faire traduire et de le publier en français ».

Une œuvre qui a fait grandir Actes Sud
« Paul Auster n’est pas, dans le catalogue d’Actes Sud, un auteur parmi d’autres, confirme Bertrand Py directeur éditorial des éditions Actes Sud. Sa rencontre avec nos éditions – à l’époque presque aussi inconnues qu’il l’était lui-même dans son propre pays – date d’un voyage d’Hubert Nyssen à New York, au milieu des années quatre-vingts. Dès que fut traduit (par Pierre Furlan) Cité de verre, Paul Auster vint à Paris où la modeste maison arlésienne avait organisé, dans l’enthousiasme, comme s’il s’était agi du nouveau prix Nobel, une ‘conférence de presse’ ! C’est qu’immense était alors en France le désir de lectures neuves, l’appétit de traduction. Et rapidement, la subtilité narrative et les chausse-trappes existentielles de la Trilogie new-yorkaise, portées par le charisme, la poésie et l’érudition francophile de Paul Auster, allaient s’imprimer – le mot dit bien la chose – dans l’identité littéraire de toute une génération. Être son éditeur – ou son éditrice, en l’occurrence Marie-Catherine Vacher – était une chance, et devint pour Actes Sud une carte de visite circulant amplement dans le cercle toujours plus large des amis de Paul Auster… Son œuvre n’en était qu’à ses débuts – mais déjà nous faisait grandir. Et quand ici ou là sont cités les noms des fondateurs d’Actes Sud, il faudrait ajouter qu’assurément, la confiance que Paul Auster leur a accordée fut aussi bienfaisante que déterminante dans leur histoire. »

Une quarantaine d’œuvre publiée
En tout, une quarantaine d’œuvres sont sorties de chez Actes Sud, dès 1987 avec « La cité de verre », premier volume de la fameuse trilogie new-yorkaise, puis « Le voyage d’Anna Blume », « Moon palace », « Leviathan », qui a reçu le Prix Medicis étranger, « Mr Vertigo », « Le livre des illusions », « Brooklyn Follies », « Sunset Park ». Francophone et francophile, il était régulièrement invité d’honneur des émissions de Bernard Pivot ou François Busnel à la télévition qui ont contribué à le faire connaître au grand public.

Son dernier roman « Baumgartner » vient tout juste de sortir chez Actes-Sud, il y est question de la puissance de l’amour et des méandres du deuil. Paul Auster avait 77 ans et il avait perdu son fils, victime d’une overdose, en 2022.

Bibliographie
Trilogie new-yorkaise ; Babel no 32 :
– Vol. 1 : Cité de verre, 1987 ;
– Vol. 2 : Revenants, 1988 ;
– Vol. 3 : La Chambre dérobée, 1988.
L’Invention de la solitude, 1988 ; Babel no 41.
Le Voyage d’Anna Blume, 1989 ; rééd. Sous le titre Au pays des choses dernières, Babel no 60.
Moon Palace, 1990 ; Babel no 68.
La Musique du hasard, 1991 ; Babel no 83.
L’Art de la faim, 1992.Le Carnet rouge, 1993.
Le Carnet rouge / L’Art de la faim, Babel no 133.
Léviathan, 1993 (prix Médicis étranger) ; Babel no 106.
Disparitions (en coédition avec les éditions Unes), 1994 ; Babel no 870.
Mr Vertigo, 1994 ; Babel no 163.
Smoke / Brooklyn Boogie, 1995 ; Babel no 255.
Le Diable par la queue, 1996 ; Babel no 379.
La Solitude du labyrinthe (entretien avec Gérard de Cortanze), 1997 ; Babel no 662, édition augmentée.
Lulu on the bridge, 1998 ; Babel no 753.
Le Noël d’Auggie Wren, Actes Sud Junior, 1998.
Tombouctou, 1999 ; Babel no 460.
Laurel et Hardy vont au paradis suivi de Black-Out et Cache-Cache, Actes Sud-Papiers, 2000.
Je pensais que mon père était Dieu, 2001 ; Babel no 556.
Le Livre des illusions, 2002 ; Babel no 591.
Constat d’accident, 2003 ; Babel no 630.
Histoire de ma machine à écrire (avec Sam Messer), 2003.
La Nuit de l’oracle, 2004 ; Babel no 720.
Brooklyn Follies, 2005 ; Babel no 785.
Dans le scriptorium, 2007 ; Babel no 900.
La Vie intérieure de Martin Frost, 2007 ; Babel no 935.
Seul dans le noir, 2009 ; Babel no 1063.
Invisible, 2010 ; Babel no 1114.
Sunset Park, 2011 ; Babel no 1177.
Chronique d’hiver, 2013 ; Babel no 1274.
Ici & maintenant. Correspondance 2008-2011 (avec J. M. Coetzee), 2013.
Excursions dans la zone intérieure, 2014 ; Babel no 1384.
La Pipe d’Oppen, 2016 ; Babel no 1490.
4 3 2 1, 2018 (Prix du Livre Inter étranger) ; Babel no 1660.
Une vie dans les mots. Conversations avec I. B. Siegumfeldt, 2020 ; Babel no 1774.
Burning Boy. Vie et œuvre de Stephen Crane, 2021.
Pays de sang. Une histoire de la violence par arme à feu aux États-Unis (avec Spencer Ostrander), 2023.
Baumgartner, 2024.
Dans la collection “Thesaurus” :
Œuvres romanesques, t. I, 1996.
Œuvres romanesques et autres textes, t. II, 1999.
Œuvres romanesques, t. III, 2011.


Mort de Paul Auster, icône littéraire publié depuis 1987 à Arles par Actes Sud

Jean-Paul Capitani, président du directoire de la maison d’édition Actes sud qu’il a contribué à créer en 1978, vient de décéder suite à une chute de vélo. L’accident s’est déroulé en milieu d’après-midi dans le centre-ville d’Arles.
Agé de 78 ans, cet ingénieur agronome de formation qui était aussi l’époux de l’ex-ministre de la culture Françoise Nyssen, aurait roulé sur une borne escamotable qui se serait relevée lorsque ce dernier aurait tenté de rejoindre la place de la République. Selon nos confrères de la Provence, il aurait alors lourdement chuté sur la tête. Malgré l’arrivée rapide des premiers secours, Jean-Paul Capitani n’a pu être ensuite ranimé.

Un attachement sans faille à Arles
Créées dans un village de la vallée des Baux, par Hubert Nyssen et sa femme, Christine Le Boeuf, bientôt rejoints par les autres fondateurs, Françoise Nyssen, Bertrand Py, Jean-Paul Capitani, les éditions Actes Sud ont su développer une politique éditoriale généraliste.
Très vite, elles se sont distinguées non seulement par leur implantation en région, leur identité graphique (format des livres, choix du papier, couvertures illustrées…), mais aussi par une ouverture de leur catalogue aux littératures étrangères.
Installées depuis 1983, au lieu-dit Le Méjan, en bord de Rhône à Arles, les éditions Actes Sud ont poursuivi « leur développement dans une volonté d’indépendance et un esprit de découverte et de partage, entretenant sans cesse la dynamique de la chaîne dite de conviction, qui va de l’auteur au lecteur en passant par les principaux prescripteurs, libraires, bibliothécaires, médias, partenaires culturels.».

L.G.


Mort de Paul Auster, icône littéraire publié depuis 1987 à Arles par Actes Sud

Demain, le mercredi 7 décembre, l’Autre Scène à Vedène va accueillir la conférence ‘Planter des arbres, la solution miracle ?’. Organisée par le Grand Avignon en collaboration avec les éditions Actes Sud et le magazine Sans transition !, cette conférence sera animée par le botaniste et biologiste Francis Hallé, spécialiste des arbres et forêts primaires, et le scientifique et ingénieur forestier Ernst Zürcher.

Les deux experts évoqueront la gestion des milieux vivants, le dérèglement climatique ou les menaces qui pèsent sur la biodiversité. Ils dialogueront également sur la captation du CO2, la régulation du climat, la réserve de biodiversité, la reconstitution des ressources hydriques, ainsi que les bénéfices apportés par les arbres.

Mercredi 7 décembre. 19h. Entrée gratuite. Inscription en ligne. L’Autre Scène. Avenue Pierre de Coubertin. Vedène.

V.A.


Mort de Paul Auster, icône littéraire publié depuis 1987 à Arles par Actes Sud

Il était une fois Marc Nucera, le confident des arbres. Celui qui sculptait l’éternité de ces géants aux âmes pas encore envolées. Muni de sa tronçonneuse, il met au jour colonnes, bancs verticaux ou colosses en torsion, formes plissées, prieuses et autres caryatides … Le plus étonnant ? Normalement imposantes, ces sculptures en pruniers, platane, cyprés, cèdre, pin Douglas se fondent en extérieur comme en intérieur, distillant force douce et sérénité, là où elles se posent. Le plus étrange ? L’impression de ce qu’elles communiquent avec ce qui les entoure.

Là où tout commence

Rendez-vous à Noves, pas loin de la Mairie, en entrée de village. Un chemin buissonnier pour rencontrer un homme très discret. Un minuscule parking improvisé sous les frondaisons, un autre petit chemin débouchant sur une clairière habitée. Il y a là comme un refuge, sorte de maisonnette en bois, sur pilotis dont les fenêtres en bandeau laissent le regard épouser, sans entrave, le dehors. Un peu plus loin, comme venue de nulle part, une galerie met en scène les œuvres du maître des lieux et de ses amis artistes. Comme un sanctuaire silencieux dédié à la méditation dont les œuvres seraient les gardiennes «C’est mon lieu de présentation», indique Marc Nucera. Plus loin, sous un hangar, les sculptures géantes se sont organisées en groupe. Difficile d’en discerner la beauté, la particularité, d’en appréhender l’émanation. Elles discourent entre elles, sages parmi les sages.

Marc Nucera et ses salons de jardin ré-emboîtés

Mais l’essentiel est ailleurs

L’essentiel est cette clairière, paysagée, ponctuée d’œuvres en murissement ou en achèvement. L’espace compte de multiples perspectives où, partout, le regard s’échappe et ne bute sur rien, « alors qu’en réalité il est très clôturé », sourit Marc Nucera. Et pour un peu de volupté, au cœur de la fournaise de l’été, un bassin un peu haut, gardé par une sculpture bleue, prête à s’élancer, tel un oiseau géant, pour renforcer l’azur du ciel. C’était un vieux prunier. «Je ne peux pas me résoudre à faire du bois de chauffe des arbres qu’ils soient modestes ou aient été des monuments, comme les grand arbres. Je crois que c’est pour cela que je me suis mis à les sculpter,» observe Marc Nucera. Au creux du jardin, au détour des multiples paysages façonnés, des œuvres d’art monumentales, des buissons en topiaire. Au sol,  des pâquerettes indiquent le chemin… Et l’antre, à ciel ouvert, à la fois proche de tout et pourtant dissimulée, cachée, livrera peut-être, aujourd’hui, un peu de ses secrets.

Rencontre

Marc Nucera est arrivé doucement à notre rencontre. C’est François Cance, président d’Artothèque qui nous invite à découvrir le travail de cet ami artiste avec Dominique Vingtain, conservatrice du Palais des papes et du Petit palais à Avignon. Yeux clairs, Bonnet enfoncé sur la tête, silhouette vive mais pas lent, Covid oblige, nous nous saluons de loin. Nous déambulons dans la clairière où l’atmosphère, hors du temps, émerveille. «J’ai appris, en travaillant avec Nicole de Vésian que l’art topiaire, inspiré des jardins japonais, ne rigidifiait pas l’image. Ici, il est traité avec notre culture et le paysage qui nous entoure. On ne construit qu’avec nos acquis, notre vécu, notre lieu. C’est un métissage culturel. Ce qu’il y a en nous est plus fort que nous et nous rattrape. On le modifie et on le transporte. Là, on travaille dans l’onctuosité de la matière.» Sa voix est basse et légèrement grave et son élocution, à ce quelque chose de lent, comme d’un homme dont chaque mot est pesé, livré au plus proche de sa pensée. 

François Cance, Marc Nucera et Dominique Vingtain

Le topiaire avec Nicole de Vésian

«Il y a 25 ans, j’ai été élu meilleur artisans du Var pour le suivi que je faisais sur les vieux arbres, entame Marc Nucera. On me confiait des arbres classés, un travail d’élagage de taille douce. Je maîtrisais ces patriarches, les amenant à leur pure et propre expression, pour leur liberté, leur épanouissement, leur déploiement. Avec cette bourse, j’ai pu m’acheter ce jardin –au départ un peu plus d’un hectare de ronces, de vieux pruniers, thuyas et cyprès –  et commencer à sculpter avec l’existant. Dans un même temps, Nicole de Vésian –ancienne styliste de Hermès connue mondialement pour avoir insufflé le jardin à la française contemporain, dont le jardin de la Louve à Bonnieux- m’a montré son travail de topiaire. J’y ai trouvé de la fluidité de la souplesse. Là, nous sommes sur de la sculpture du vivant avec des végétaux qui ont leur identité propre, l’arrêtant à un moment donné de son évolution pour conserver cette première tendance. Le paysage est un jeu d’optique, on travaille sur des transversales pour ne pas arrêter le regard.»  

Ce que je suis

«Mon père était ébéniste, je suis né dans la sciure de bois, puis avec mon travail d’élagage sur les vieux arbres, mon outil est resté la tronçonneuse. Je dis souvent : ‘Je n’ai pas fait les Beaux-Arts, j’ai fait les beaux arbres !’ Ce que je recherche dans mes sculptures ?  Le mouvement. Ce que je fais ? De la danse autour de l’arbre. Je tente une improvisation parce qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. J’assume mon acte. Je donne une humanité à la sculpture. C’est l’imperfection qui la rend au moins émouvante. Une sculpture réussie ? C’est toute son aptitude à capter la lumière et à la redistribuer. Je respecte les failles, les blessures de l’arbre. Mon souhait ? Redonner la vie à ce bois. Je travaille ce qui est en vertical en vertical et ce qui est horizontal de façon horizontale. L’arbre à la verticale, est sanglé entre deux poteaux, tout comme l’échelle depuis laquelle je vais travailler. Je sculpte en trois étapes : la forme en général qui est la ligne directrice, la deuxième étape m’amène à creuser, évider, animer et, après vient le travail de la patine. Je ne suis pas coloriste. Derrière une couleur il y a le souci de préserver la sculpture», bleu pour cause de cuivre issu de la bouillie bordelaise, ou encore cet aspect foncé du à l’huile de lin. «J’achète mes bois à des amis forestiers qui viennent de Lozère ou d’Ardèche. Mes acheteurs ? Ce sont des collectionneurs privés. Ils viennent ici, je les accueille et présente le travail de l’année ou de la saison. Avant, ils exposaient mes sculptures dans leurs parcs et jardins, aujourd’hui elles sont entrées dans leur intérieur.»

Les sculptures monumentales sont abritées en attendant de rejoindre des collections privées

Ce qui se passe

«On ne le voit pas et on ne le sent peut-être pas mais il y a du mouvement dans l’arbre et Marc semble grossir ce mouvement pour qu’on le voit, et cela passe par son corps qui danse autour de l’arbre lorsqu’il le sculpte», observe Dominique Vingtain. « Oui, il y a toute cette énergie, répond Marc Nucera, il y a toute cette puissance intrinsèque de la nature, il y a des failles que je n’ignore pas et avec lesquelles je travaille, à construire, à animer la matière… Pour pérenniser l’arbre. La singularité de mon travail ? Tout cet éventail de formes, d’inscription : drapés, ciselés, torsion… Je créé environ 15 sculptures par an. Ma définition d’une sculpture réussie ? Ça n’est pas la sculpture elle-même mais le dialogue, l’ouverture qu’elle instaure autour d’elle, et ce qui en émane en termes d’atmosphère. Mon travail est ma signature, même dans des formes très différentes, on la reconnaît. J’ai aussi fait des salons de jardin gigognes avec des troncs de 6 m de long comprenant des fauteuils, des banquettes. Une fois l’ensemble ré-emboîté, on retrouve l’arbre à l’identique et chaque arbre, souvent du platane, est traité de façon différente.»  

Intimité

Mon père était ébéniste et faisait de la marqueterie. J’étais émerveillé par son travail. Il disait : ‘Applique toi dans ce que tu fais.’ J’ai eu deux grands mentors : Alain Davididou et Gérard Drouillet, peintre à Eygalières. Ma réputation ? Je la dois à 30 ans de travail, mais j’ai mis 15 ans à dire que j’étais sculpteur. Quand on est autodidacte on n’ose pas dire que l’on est artiste. C’est quoi un artiste ? En France on est répertorié, si on n’est pas dans la bonne case, on perturbe un peu. Lorsque je présentais mon travail à quelques institutions, j’étais refusé parce qu’on me disait : ‘Vous n’avez pas fait les Beaux-Arts, vous n’êtes pas sculpteur !’ Ça a été très lent, très difficile. Je me sentais illégitime et on faisait tout pour je le ressente ainsi, jusqu’à ce que je me rende compte qu’être artiste c’est être hors cadre, justement. Ceux qui sont légitimes sont justement dans le cadre et sont prisonniers de quelque chose. Moi, je veux être totalement libre dans mon expression, c’est ce qui sauve ma sculpture. Ce qui m’intéresse ? Aller au-delà du beau.»

Ouvrage

Les sculptures de Marc Nucera‘. Monographie. Préface de Chantal Colleu-Dumond. Textes d’Elisabeth Couturier et Françoise Bertaux, photographies de Bruno Suet avec la collaboration de Michel Jouve et Joanna Maclennan. Editions Actes Sud. Mars 2020. 32€. www.actes-sud.fr

https://www.youtube.com/watch?v=ydwDVUPoC_A


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