5 mai 2024 |

Ecrit par le 5 mai 2024

MIN de rien, l’ancienne économie n’est pas morte !

A l’heure où le commerce en ligne triomphe et met à genou nombre de distributeurs, les MIN (Marchés d’Intérêts Nationaux) pourraient apparaitre comme une survivance du passé, voire une anomalie. Mais que nenni ! Dans notre région ils sont plusieurs à faire quotidiennement la démonstration que l’ancienne économie n’est pas morte et qu’elle a même consolidé ses positions. Qui l’eut cru ?

Crée par le Général (de Gaulle) au début des années 60, les MIN (une vingtaine en France et cinq en Provence-Alpes-Côte d’Azur*) sont un modèle d’interventionnisme de l’État original et très intéressant. Loin des modèles collectivistes et de leur planification aussi imbéciles qu’inutiles, il s’agissait au sortir de la deuxième guerre mondiale de rationaliser et moderniser les circuits de distribution alimentaire. L’enjeu était de taille, il fallait nourrir les habitants des grandes villes dont les populations se développaient à la vitesse grand V.

Une simple place de marché pour les professionnels
L’idée des MIN est simple, et c’est ce qui en fait sans aucun doute son succès. Il s’agit, dans une unité de lieu et sur un temps donné, de mettre en relation des vendeurs, en l’occurrence des producteurs, avec des acheteurs, commerçants, restaurateurs, grossistes… Une simple place de marché pour les professionnels, où on laisse justement le marché organiser son activité. Les MIN bénéficient d’un statut juridique particulier, et aujourd’hui, bien que leur autorisation d’exercice relève toujours d’un décret du Premier Ministre, les régions en sont, depuis 2004, les collectivités de tutelle. Chaque MIN a la possibilité de choisir la structure de gestion qui lui convient le mieux, souvent une régie municipale (forme de délégation de service public).

Là, la vente en ligne ne peut pas s’aligner
Grâce à ce modèle original, cet acteur économique, incontournable dans la filière des produits frais, est autonome et indépendant. Et la différence des autoroutes, ces petites pépites de notre économie nationale ne sont pas cessibles…
Certes, ce type de commerce nécessite de se lever dés poltron minet, entendez par là 3h00 du matin, quand même. Mais on peut y voir, y sentir, voire y goûter les produits proposés par les producteurs. Là, la vente en ligne ne peut pas s’aligner… Et puis il y a les rapports humains qui restent fondamentalement indispensables à toute vie en société.

Les MIN reste un canal de distribution qui compte
Mais tout n’a pas toujours été facile. Au milieu des années 70, avec le développement de la grande distribution, qui a créé ses propres filières, les MIN ont perdu beaucoup de terrain. On leur prédisait même une fin inéluctable. Mais ils ont résisté et se sont adaptés en jouant la carte de la qualité et des produits locaux.
Les MIN reste un canal de distribution qui compte, aux côtés de la grande distribution et des circuits courts. Aujourd’hui, 35 % des produits alimentaires frais y transitent, contre 80 % dans les années 60. Ils sont un contre point nécessaire aux évolutions actuelles du commerce et de la distribution. Et franchement il y a quelque chose de réconfortant dans ce modèle.

*Avignon, Cavaillon, Chateaurenard, Marseille et Nice


MIN de rien, l’ancienne économie n’est pas morte !

Allez comprendre. Alors qu’ils exercent une activité qui nous ait totalement indispensable, qu’une majorité de français aime et soutient cette profession, les agriculteurs n’ont pas la considération qu’ils méritent, et en particulier économique. On parle même de déclassement social. Comme bien d’autres territoires, le Vaucluse est concerné par cette crise qui dure et qui ne semble jamais trouver de solutions.

On a tous des racines dans le monde agricole, et je n’y fais pas exception. Mon grand-père paternel était un éleveur et l’un de mes fils et sa compagne sont agriculteurs. D ‘ailleurs, Il préfère qu’on l’appelle « paysan ». Autrefois péjorative, cette terminologie claque aujourd’hui comme une revendication : le respect du terroir avant tout.

« On aura toujours besoin d’agriculteurs pour nourrir les hommes »
Alors qu’il n’était encore qu’un jeune enfant, mon fils se vit poser la question par son arrière-grand-père : « qu’est-ce que tu veux faire comme métier plus tard ? ». Sans hésiter, il lâcha : « agriculteur ! ». On ne saurait avoir fait meilleur plaisir à cet aïeul qui voyait là une filiation salvatrice après deux générations d’égarement. Le grand-père ne s’empêcha pas de poursuivre, affirmant avec conviction : « Tu as raison on aura toujours besoin d’agriculteurs pour nourrir les hommes ». La sagesse de ceux qui ont travaillé dur ne s’est malheureusement pas vérifiée ou en tout cas pas de la manière dont ils l’entendaient.

“En fait, il ne faut pas chercher bien loin les causes de la crise du monde agricole : on s’est éloigné du bon sens.“

L’avoine que gagnent aujourd’hui nos agriculteurs est loin de les nourrir totalement
A un autre moment, alors que j’étais derrière mon ordinateur, pendant des vacances à la ferme, ce même grand-père, étonné que je travaille pendant mes congés, m’interrogea : « dis-moi, est-ce que tu manges toute l’avoine que tu gagnes ?  Cette question, qui à l’époque m’avait beaucoup interpellé, résonne maintenant différemment. En effet, l’avoine que gagne aujourd’hui nos agriculteurs est loin de les nourrir totalement, c’est même eux qui en ont la plus petite part. En fait, il ne faut pas chercher bien loin les causes de la crise du monde agricole : on s’est éloigné du bon sens. Les agriculteurs comme d’autres métiers d’ailleurs, se trouvent à ne pas être du bon côté du manche alors que sans eux les industries agroalimentaires, les intermédiaires, la distribution ne sauraient exister. Un rapport de force qui serait juste et nécessaire de rééquilibrer.

Souvenons-nous, il n’y a pas si longtemps l’agriculture française était un des fleurons de notre économie nationale, un ambassadeur de notre excellence en matière alimentaire. Un secteur qui assurait à la France une balance commerciale excédentaire. Mais où avons-nous merdé ? Il est urgent que le bon sens conduise les décisions et les organisations mises en place. Le bon sens paysan évidemment, comme tous les grands-pères du monde sauraient avoir.


MIN de rien, l’ancienne économie n’est pas morte !

Première femme à diriger le MIN d’Avignon depuis sa création, Laëtitia Vinuesa recevait tout récemment dans le Hall H ses homologues venus des Marchées d’intérêt national (MIN) de Châteaurenard, Carpentras, Cavaillon, Marseille-Les Arnavaux, Nice, Grenoble, Strasbourg, Perpignan, Lyon, Haute-Corse et de Rungis, n°1 en Europe. Au cœur de leur réunion : le lancement de ‘La 1ère Semaine des circuits-courts et produits français’ qui se tiendra du 18 au 24 septembre 2023. Objectif : répondre à nos besoins alimentaires et environnementaux.

« Une façon de mettre à l’honneur l’ensemble des acteurs ‘Du champ à l’assiette’, producteurs, grossistes, expéditeurs, négociants et détaillants qui s’engagent pleinement dans la mise en avant des produits agricoles de chez nous » explique Marcel Martel, patron du MIN de Châteaurenard et vice-président de la Fédération des Marchés de Gros de France. D’ajouter « Alors que les consommateurs expriment un intérêt croissant pour les achats de proximité dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat et qu’ils cherchent à concilier maîtrise de leur budget et aspiration à une consommation durable et responsable, les prix de l’alimentation ne cessent de grimper. La mise en avant de nos produits de terroir permettra de les promouvoir avec le savoir-faire de nos agriculteurs ». Lors de cette semaine des visites d’exploitations seront organisées au cœur des MIN avec les scolaires et avec une implication des chefs cuisiniers.

Près de la moitié des Marchés de France
Sur les 26 MIN de France, une douzaine étaient représentés et leurs responsables ont pris la parole pour d’abord définir ce que sont des ‘circuits-courts’ et en quoi le rôle des MIN et de leurs plateformes agro-alimentaires est incontournable pour le sourcing des produits, leur traçabilité, leur qualité gustative et nutritionnelle et leur état sanitaire. Le directeur du MIN des Arnavaux, Marc Dufour explique par exemple que « L’endive vendue sur le carreau de Marseille vient de Lille. Certes, elle traverse toute la France du nord au sud, cela fait beaucoup de kilomètres, mais on n’en cultive nulle part ailleurs dans l’hexagone. L’ananas ne pousse pas aux Pennes-Mirabeau, il vient de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion, il est donc produit en France ultra-marine mais il arrive de loin. » Il conclut « Ne parlons pas du coût de la main d’œuvre, en France, un salarié, charges comprises, est payé 2 000€ quand un marocain touche 10 fois moins ». Pareil pour Doris Ternoy, présidente du MIN de Strasbourg : « Le local, pour nous c’est ce qui pousse le long des rives du Rhin, mais des deux côtés, donc nous avons beaucoup de maraîchage allemand et il vient d’à côté ».

Le MIN d’Avignon.

Répondre à nos besoins alimentaires et environnementaux
Gilles Bertrand du ‘Grand Marché de Provence’ intervient : « Nous avons des spécificités puisqu’en plus des fruits et légumes, nous avons une filière riz de Camargue et un abattoir à Tarascon pour les taureaux, donc la facture carbone est très basse. » La représentante de Rungis, Valérie Vion intervient : « Comme notre site, malgré ses 234 hectares, est plein à 97%, il est envisagé un autre lieu sur une centaine d’hectares avec des entrepôts, une agora des producteurs, des professionnels de la transformation et mise en conserve avec encore plus de débouchés vers le commerce, la restauration, les cuisines scolaires, les maisons de retraite, les crèches, les hôpitaux de la Grande Couronne parisienne. »

C’est au tour de Benoît Mathieu, président du MIN de Cavaillon d’intervenir. « En hiver, nous avons moins de fruits et légumes français, mais nous tournons quand même autour de 70% de production hegaxonale en moyenne sur l’année. Dans nos locaux mûrissent bananes de Martinique et de Guadeloupe. Nous travaillons main dans la main avec nos voisins des MIN d’Avignon, Châteaurenard, Nîmes ou Marseille, une synergie qui fait de nous le service public de la distribution alimentaire sécurisée ». Le responsable du MIN d’Agen ajoute : « Nous, nous sommes un marché de producteurs de fleurs, fruits et légumes. Le seul du Tarn et Garonne, entre Bordeaux et Toulouse et nous proposons 80% de local. Mais entre les problèmes climatiques, le manque d’eau, de main d’œuvre saisonnière, de transmission des exploitations quand les paysans partent à la retraite, les surfaces cultivées fondent comme neige au soleil. Sans parler du problème d’enclavement, d’absence d’autoroutes, du coup les transporteurs rechignent à travailler avec nous. »

L’activité du MIN d’Avignon, comme tous les autres MIN de France, débute très tôt le matin.

Enfin, les représentants de Haute -Corse venus en force de la Chambre d’Agriculture, ont rappelé en quelques mots les données socio-économiques de l’Ile de Beauté : « 340 000 habitants, 3 millions de touristes en haute saison, seulement 4 à 5% de production locale et 70 000 hectares de friches qui renforcent l’appétit d’ogre des spéculateurs et promoteurs immobiliers. Nous avons un retard indéniable. »

Un peu d’Histoire…
En attendant cette ‘Semaine des circuits-courts’ en septembre prochain, un brin d’histoire sur le « MIN d’Avignon » qui n’a pas toujours été installé à l’angle de la rocade Charles de Gaulle et de la rue Pierre Sémard. Avant 1960, il y avait un marché aux fleurs place du Change, une halle aux grains place des Carmes, un marché aux bestiaux et aux chevaux boulevard Saint-Roch, un marché des producteurs boulevard Limbert, un marché quotidien des fruits et primeurs boulevard Saint-Michel, des centaines de producteurs tout autour des remparts d’Avignon. Les Halles métalliques de la place Pie datent de 1899.

C’est en 1961, le 29 septembre précisément, qu’est publié au Journal officiel le décret ‘portant création du MIN d’Avignon’ co-signé par Michel Debré, Premier Ministre, Roger Frey, Ministre de l’Intérieur, Edgard Pisani, Ministre de l’Agriculture et François Missoffe, Secrétaire d’Etat au Commerce extérieur. Sa définition juridique : « Aménager le territoire, améliorer la qualité environnementale et la sécurité alimentaire ». Il a été ensuite inauguré 1960 par Henri Duffaut, maire d’Avignon et Robert Dion, président de la Chambre d’Agriculture de Vaucluse.

Son premier directeur, Richard Sébillotte (1962-1980), qui vécut plus de 100 ans, se rappelait, lors du 50e anniversaire du MIN : « On a construit à tour de bras à Saint-Chamand, le bâtiment des expéditeurs, la mûrisserie de bananes, le bâtiment des négociants, celui des denrées diverses ». Au début, les paysans apportaient leurs cageots sur des carrioles tractées par des chevaux, puis des 203 camionnettes Peugeot ou des fourgons Citroën. En 1963, le Général de Gaulle a été boycotté par les syndicats agricoles, des clous avaient même été jetés sur le parcours de la voiture présidentielle vers ce qu’on appelait encore le marché-gare.

De 11 à 25 hectares
Des centaines de camions en provenance d’une vingtaine de départements du sud de la France ralliaient le carreau des producteurs dès 3h du matin, chargés de tomates, aubergines, melons et abricots, mais aussi de dattes et d’ananas, de viande et de poissons pêchés au large de Marseille et du Grau du Roi. L’usine Produits Agricoles de Provence (PAP), 20 000m2 de chambres froides est directement reliée à la voie ferrée et exporte dans des wagons frigorifiques vers l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre. Dans les années 70, on estime que les volumes ont été multipliés par 3 en 10 ans et que les transactions atteignent 150 000 tonnes, faisant d’Avignon la plus forte zone d’influence de France.

Entre 1960 et 1980, la superficie est passée de 11 à 25 hectares, celle des bâtiments totalise 42 000m2, des parkings et voies de circulation 87 000m2 et les installations frigorifiques 37 000m2. Face au développement de la grande distribution et des hyper-marchés qui enserrent Avignon au nord et au sud, le MIN d’Avignon s’adapte aux nécessaires mutations, il innove, se-réinvente, accueille Promocash et Métro. Avec Didier Auzet, directeur général délégué, puis Patrick Tralongo, directeur-adjoint, il se diversifie en pôle économique aux diverses facettes. Il s’agrandit, change de look. A partir de 2005, 2 000m2 de bureaux d’acier et de verre sortent de terre, 5 000m2 de hangars supplémentaires pour un investissement de 22M€.

Un CA annuel de 238,5M€
Depuis les années 60 où on ne trouvait que producteurs, maraîchers et grossistes, le MIN a évolué. Classé 4e en France, il accueille une banque, un point poste, deux crèches, des traiteurs, des restaurants, des transporteurs. « Le secteur tertiaire à lui seul occupe 5 000m2 » précise Laëtitia Vinuesa, sa directrice depuis janvier 2022.

A ce jour, 138 entreprises y sont implantées avec 1 360 emplois à la clé et un chiffre d’affaires de 238,5M€. Nul ne doute que, mine de rien, à deux pas des autoroutes, du TGV et de l’aéroport, il va continuer à s’agrandir, se métamorphoser, se doter de bornes de recharges électriques, de panneaux photovoltaïques sur les toits, de composteurs et d’unités de traitement des déchets. On en reparlera !


MIN de rien, l’ancienne économie n’est pas morte !

La 7ᵉ édition du Forum Agrilocal a eu lieu le mercredi 22 mars à Monteux. L’occasion pour le Département de Vaucluse de mettre en avant l’agriculture de proximité et de faire la promotion de la plateforme Agrilocal84.fr, qui permet aux acheteurs publics, tels que les Ephad ou encore les cantines d’écoles, de se fournir très simplement chez les producteurs locaux.

« Soutenir nos agriculteurs de toutes nos forces, c’est plus qu’une mission, c’est notre devoir », affirment Dominique Santoni, présidente du Conseil départemental de Vaucluse, et Christian Mounier, président de la commission Agriculture, Eau et Environnement. Le 7ᵉ forum Agrilocal, à l’instar de la plateforme éponyme, a pour objectif de mettre en avant les circuits courts en restauration collective.

Les visiteurs de l’événement ont pu en apprendre plus sur l’approvisionnement local et bénéficier d’un repas ‘speed dating’ entre acheteurs et fournisseurs. L’après-midi a laissé place aux visites de deux entreprises vauclusiennes : l’exploitation Âme des Champs à Monteux, et l’entreprise artisanale Biovence à Entraigues-sur-la-Sorgue.

Au-delà de la découverte de la plateforme, cet événement a permis de mettre en avant les potentielles améliorations à lui apporter. « Ce forum est l’occasion d’échanger avec ceux qui l’utilisent au quotidien et de mettre les choses à plat, explique Christian Mounier. Il y a des habitudes à trouver, une organisation à mettre en place. » Ainsi, le dispositif devrait être davantage performant dans les mois et années à venir, tout en gardant ses objectifs principaux, à savoir la promotion des produits du terroir vauclusien, le dynamisme de l’agriculture locale et une restauration de qualité.

V.A.

https://www.echodumardi.com/tag/agriculture-de-proximite/   1/1