25 mai 2024 |

Ecrit par le 25 mai 2024

Les droits de la femme dans le cadre du divorce

Dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, le Barreau d’Avignon fait le point et réfléchit aux avancées possibles afin de se battre contre les inégalités. C’est ainsi que les Robes noires prennent la parole dans l’Echo du mardi.

«Dans 75% des divorces, c’est l’épouse qui prend  l’initiative de la procédure divorce,» relate Anne Derobert Drujon d’Astros, avocat au Barreau d’Avignon, spécialisé en droit de la famille.

Et très souvent, c’est au domicile de celle-ci que la résidence des enfants va être fixée. L’épouse est ainsi susceptible de se retrouver dans une situation de fragilité économique et matérielle dans la mesure où elle se voit contrainte d’assumer seule, la garde quotidienne des enfants tout en assurant la gestion de sa vie professionnelle.

Le   Code civil permet de  protéger l’épouse qui divorce
Ainsi 
– la jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu’à la demande en divorce ;
–  le logement pourra être attribué par le juge à l’épouse qui réside dans le domicile conjugal avec les enfants ;
– une contribution à l’entretien et l’éducation  devra être versée par l’époux à l’épouse au domicile de laquelle résident les enfants
– pour compenser la disparité que crée la rupture du mariage, une prestation peut être versée par l’époux, prestation qui est fixée selon la durée du mariage, l’âge  et l’état de santé de l’épouse, sa qualification et sa situation professionnelle, les conséquences des choix professionnels pour l’éducation des enfants, son patrimoine, ses droits en matière de pension de retraite ;
– l’épouse qui travaille et bénéficie d’une certaine renommée dans le cadre de son activité professionnelle sous le nom de son époux, pourra conserver l’usage du nom de celui-ci après le divorce.
* Ces dispositions  sont appliquées par les avocats dans les divorces par consentement mutuel par acte d’avocat.
* Ces dispositions légales ne sont pas réservées qu’à l’épouse, l’époux se trouvant dans cette situation de fragilité peut également en bénéficier. »
Anne Derobert-Drujon d’Astros

Anne Derobert-Drujon d’Astros bénéficie d’une expertise en matière de divorce, droit de garde, prestation compensatoire, pension alimentaire… et plus généralement, en droit civil. Avocat au Barreau d’Avignon. 30 boulevard Raspail à Avignon. 04 90 83 23 19. Contact ici.
MH

 


Les droits de la femme dans le cadre du divorce

C’est par un prompt renfort, celui d’un vent de liberté que l’amitié se transmet. La Juris cup soude, depuis 30 ans, des équipages très attachés à leurs professions et au plaisir de se rencontrer. La belle équipe de voile du Barreau d’Avignon nous a invité à partager ce moment de légèreté…

La Juris cup a 30 ans
Crée en 1991 par un groupe d’avocats Marseillais et organisée par maîtres Geneviève et Denis Rebufat, la Juris’Cup est devenue la plus grande régate du monde juridique et judiciaire en France. Manifestation internationale avec plus d’une dizaine de nations représentées – hors vagues Covid – son édition 2021 qui s’est déroulée le week-end dernier a réuni plus de 2 200 participants et 100 voiliers de 9 à 22 mètres. Ce qui en fait la première régate sur la plan d’eau marseillais en nombre de participants et en qualité de ses embarcations, mêlant classiques (Eileen, sloop Marconi de 1938) et modernes.

Les amarrages, ramassés au pied du Fort Saint-Nicolas à l’entrée du Vieux-Port offrent au village nautique un air à la fois frénétique et serein, varié comme la météo. La Juris cup tient la corde et ne la lâche pas, assurant la fidélité des équipages au moyen d’une belle promesse : se retrouver, naviguer, fêter, rencontrer d’autres professionnels (notaires, magistrats, huissiers, étudiants, assureurs, agents immobiliers, experts, etc.), participer à un colloque annuel reconnu pour avoir contribué avec ses spécialistes, depuis 30 ans, à faire émerger un Droit de la plaisance en France.

Sac de nœuds
Sur le ponton, les premiers arrivants tombent le baluchon et se saluent. Voici maître Laurence Bastias et sa collaboratrice Charlotte, misant modestement sur « la chance des débutantes », lorsque l’on évoque un pronostic de victoire.
« Trois jours par an, sortant des difficultés et rugosités de la vie quotidienne, nous venons nous baigner dans une grande épreuve sportive » poétise le bâtonnier de l’ordre des avocats d’Avignon Guillaume de Palma.
Dame Bastias oblique alors du regard vers le bateau du Barreau de Paris où elle a exercé – ça ne s’invente pas – en spécialiste de la diffamation et avocate du journal Le Monde. Elle asticote l’équipage adverse, nous déclarant à voix bien haute : « au-delà de notre détermination à gagner, il nous paraît encore plus important de devancer, à chaque épreuve, le bateau parisien pour avoir pleine satisfaction lors de cette édition qui devrait nous voir triompher ».
Yeux brillants, sourires gourmands. « La Juris cup fait perdurer notre esprit potache, la légèreté des années estudiantines. Elle nous permet de voir à quel point nous sommes en réalité soudés, car il est très compliqué de nos jours de garder de bonnes relations entre confrères, tant le métier est parfois devenu stressant », explique le bâtonnier, cependant prêt à en découdre pour la plaisanterie.
– Fluctuat nec mergitur* : « Vous rêvez d’une victoire à la barre ?», grince l’avocat parisien, « rassurez-vous, c’est un projet de découverte, pas le périple de Christophe Colomb ».
– « A bec et griffes » : « Arrêt au Château d’If ? »

La possibilité d’un île
L’heure est venue d’embarquer. Michel Peyrol, propriétaire du ‘Léopard Normand’ accueille le Barreau d’Avignon avec le cocktail du bord, la ‘caresse du léopard’, composé de rhum brun, jus de pamplemousse, cannelle, gingembre. « Ce yawl de 15 mètres avait été construit par Jack Grout pour revivre les heures de gloire de la marine en bois et entreprendre un pèlerinage à l’Ile de la Tortue. Cette aventure qu’il avait racontée « Dans le sillage de la flibuste », ouvrage que j’ai lu dans les années 70, m’avait marqué. Dix ans plus tard, je me balade sur un ponton et je découvre Léopard Normand portant une affiche ‘à vendre’. Voici 40 ans que je l’ai décrochée et que je navigue avec ce bateau ».
Le romanesque n’est jamais loin à la Juris cup, comme en témoigne Guillaume de Palma. « Une année, impossible prendre le départ. Nous étions privés de notre skipper qui, n’ayant pas rempli les obligations d’usage de son bracelet électronique, délaissait une armée d’avocat sur le quai ! ».
La bonne nouvelle de cette édition 2021, catégorie classique (sept participants) : les parisiens ont fini à l’avant dernière place. La mauvaise : notre barreau a fini dernier.

Epilogue
La caresse du Léopard ne cachait-elle pas de redoutables griffes ? Les parisiens n’ont-ils pas triché ? Les commissaires avaient-ils les yeux en face des trous ? Le débat reste ouvert pour l’année prochaine.
Les ‘anciens’ (Jean-Maxime Courbet, Hugues de Chivré, Guillaume de Palma) raconteront avec nostalgie l’année 2006, lorsque le premier voilier qui a coupé la ligne d’arrivée était le ‘Penn Duick VI’, le ketch mythique d’Eric Tabarly aux couleurs du barreau d’Avignon, devançant le barreau de Marseille et celui de Carpentras sur ‘Pen Duick III’.
« Nous avions eu une tornade vers le Frioul. Au milieu de ce gros temps, le skipper avait sorti un spi. Nous étions hors d’haleine brassant les moulins à poivre (winchs) pour dresser la voile, filant 17 nœuds vers la victoire. Face à la Nature qu’on ne dompte jamais, nous nous adaptions au mieux de nos capacités. C’était simplement grandiose », se souvient Jean-Maxime Courbet. Ces mêmes anciens verront aussi, avec bonheur, que tous ceux qui les ont rejoints depuis lors ont gardé intacte cette amitié créée comme un fil rouge dans l’épreuve comme dans la joie.

Que font les avocats d’Avignon pour réunir la profession ?
En dehors de la Juris cup, événement phare dont le budget, soutenu par des sponsors, est conséquent (+ de 10 000 €), le barreau participe a une équipe de foot participant à des tournois régionaux. Le concours d’éloquence qui se déroule depuis une quinzaine d’année aura lieu en octobre. Des rencontres de l’Eloquence ouvertes faisant la part belle aux sujets fantaisistes et au sens théâtral, ville de festival oblige. « Les ‘procs’ sont les bienvenus », rappelle le bâtonnier. Celui-ci mise aussi sur les randonnées à vélo, les tournois de tennis et espère organiser une sortie au ski d’ici la fin de l’année. Comme si on était à la fac, quoi.

*Devise de la ville de Paris dont le blason représente un navire. « Il est battu par les flots, mais ne sombre pas ».


Les droits de la femme dans le cadre du divorce

« Homme de bien » [1], l’avocat doit exercer son ministère en respectant un certain nombre de principes, parmi lesquels on trouve le désintéressement. Il s’agit même de l’un des principes essentiels du Barreau français, car il est indéniable que « toutes les vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer » [2]. On le retrouve ainsi dans plusieurs textes régissant l’exercice de la profession, tel le décret du 14 décembre 1810 [3] ou celui du 12 juillet 2005 [4], même si aucun n’en précise le sens. Toutefois, la doctrine et la jurisprudence s’accordent pour assimiler le désintéressement à la probité financière de l’avocat dans le cadre de ses relations avec ses clients, ce qui renvoie, plus concrètement, au principe de la modération des honoraires [5]. Il s’agit donc d’une vertu cardinale du Barreau qui, paradoxalement, est peu développée dans les ouvrages de déontologie, quand elle n’est pas tout simplement ignorée. Ce constat est d’autant plus surprenant que le désintéressement est l’un des principes les plus anciens de la profession (I) dont le contenu a fait l’objet d’âpre discussion aux xixème et xxème siècles (II).

I. Les fondements du principe
Puisant sa source dans la tradition romaine cristallisée dans le droit de Justinien (A), le principe du désintéressement de l’avocat est réceptionné en France dès le milieu du xiième siècle, à la faveur de la renaissance du droit romain. Il devient ainsi l’une des valeurs essentielles de la profession, dont les juristes du xviiième siècle se feront encore l’écho (B).

A. Le legs romain
Dans les premiers temps de l’Histoire romaine, le ministère d’avocat n’existe pas. L’assistance judiciaire est assumée par les patriciens, c’est-à-dire par les chefs des grandes familles, qui sont les seuls détenteurs du droit et qui ont noué un lien de patronage avec leurs clients ; celui-ci désigne, en effet, un engagement bilatéral par lequel le client s’engage à fournir des services au patron qui, en contrepartie, assure sa sécurité et sa défense juridique. La situation évolue au vème siècle avant notre ère, lorsque les patriciens perdent le monopole de la connaissance des coutumes. Des juristes plébéiens apparaissent alors sous le nom d’advocatus et les anciens clients se tournent progressivement vers eux, convaincus que leurs intérêts seront mieux défendus par des professionnels du droit. Néanmoins, la tradition de gratuité issue du système du patronat interdit aux avocats de recevoir un salaire, si bien que leur rémunération est assurée indirectement par des présents honorifiques effectués, soit en nature, soit en espèces [6].

En 204 avant J.-C., le tribun de la plèbe Marcus Cincus Alimentus fait adopter la loi De donis et muneribus (« des dons et des présents »), dont seuls quelques fragments nous sont parvenus. Plus connue sous le nom de « loi Cincia », elle prohibe, de manière générale, les dons effectués au bénéfice de personnes revêtues de fonctions publiques ou agissant dans un intérêt public. Il ne s’agit donc pas d’un texte visant spécifiquement le Barreau, même si Tacite affirmera, rétrospectivement, que celui-ci trouve son origine dans les honoraires excessifs des avocats[7]. Il est évident, toutefois, que cette prohibition est trop absolue pour être efficace ; elle est d’ailleurs rapidement contournée par les avocats et leurs clients grâce au système des legs, ce qui revient à verser des honoraires à titre posthume. La loi Cincia ne met donc pas un terme aux abus du Barreau romain. Il faut attendre, pour cela, un décret sénatorial adopté sous le règne de l’empereur Claude (41-54), qui autorise la rémunération des avocats tout en organisant son encadrement[8]. Ce double principe sera ensuite ponctuellement rappelé dans la législation impériale, avant d’être consacré dans le droit de Justinien.

B. La réception du legs romain
Selon toute vraisemblance, l’institution du Barreau est introduite en Gaule à la suite des conquêtes de Jules César, de sorte que le ministère d’avocat se répand rapidement dans ces territoires et se substitue aux autres formes d’assistance judiciaire. Cependant, les modalités d’exercice de la profession restent environnées par les brumes de l’Histoire. La situation ne change guère avec l’avènement de la féodalité et la lente émergence du royaume de France sur les ruines de la Francie occidentale. En revanche, elle commence à s’éclaircir aux alentours du xiie siècle. On assiste alors à la redécouverte du droit romain et, par voie de conséquence, à la réception du legs antique par les autorités laïques et religieuses. Cependant, les deux institutions adoptent une démarche différente : tandis que l’Église transpose les prescriptions du Corpus Juris Civilis en réorganisant la profession sur cette base, le pouvoir royal s’en inspire pour créer un système original qui constitue l’assise du Barreau contemporain. C’est ainsi que réapparaît le droit à des honoraires modérés, le but étant de permettre aux avocats de vivre de leur art tout en garantissant leur désintéressement. Le premier texte à évoquer ce droit est l’ordonnance de Philippe III du 23 octobre 1274, qui limite les honoraires à trente livres tournois[9]. Il sera ensuite confirmé par plusieurs textes analogues, comme l’ordonnance de mars 1498 adoptée sous le règne de Louis XII, ou l’ordonnance de Blois promulguée en mai 1579.

La législation se borne toutefois à fixer le montant maximal du salaire de l’avocat [10], sans fournir davantage de précisions. La jurisprudence du Parlement de Paris apporte, en revanche, deux informations complémentaires. En premier lieu, le salaire peut être calculé de deux manières : soit l’avocat plaide pour une somme fixe, dont le montant est convenu par avance, soit son salaire est calculé en prenant pour base le nombre de vacations ou de journées consacrées à la plaidoirie ; mais, dans les deux cas, le total de ses honoraires ne peut pas excéder le montant fixé par les ordonnances [11]. En second lieu, l’avocat peut demander en justice le recouvrement de ses honoraires, peu important l’issue du procès. Si les exemples ne sont pas nombreux, ils n’en demeurent pas moins révélateurs. C’est ainsi qu’en avril 1340, les avocats parisiens Pierre de Maucreux et Jacques de la Vache sont autorisés à faire saisir la maison de leurs clients qui n’avaient pas payé la somme de trente livres tournois [12]. De même, alors que la monarchie absolue brille de ses derniers feux, un arrêt du Parlement de Paris décide que « les avocats ont une action personnelle et solidaire contre tous ceux qu’ils ont défendus dans un même procès » [13]. Cela signifie-t-il que les avocats sont libres de réclamer en justice le paiement de leurs honoraires ? La réponse est délicate car, si l’institution judiciaire les y autorise, certains représentants de la profession s’y opposent avec une fermeté croissante dès la seconde moitié du xviième siècle.

Sous l’influence de la redécouverte du droit romain, envisagé principalement au prisme de la loi Cincia, les auteurs de cette période considèrent que le principe du désintéressement interdit aux avocats de poursuivre en justice le recouvrement de leurs honoraires[14]. Dans un premier temps, la critique est simplement morale. C’est ainsi que Julien Brodeau énonce, dans son commentaire de la coutume de Paris, que les avocats bénéficient d’une action contre leurs clients défaillants, mais il observe que celle-ci est rarement intentée devant le Parlement car elle est susceptible de mettre à mal la dignité de la profession [15]. Pour autant, il n’évoque aucune forme d’interdiction institutionnelle. Il faut attendre le début du xviiième siècle pour que celle-ci apparaisse à l’initiative du Barreau de Paris, qui interdit à ses membres de revendiquer le paiement des honoraires sous peine de radiation [16]. Le paradoxe est donc patent : si l’avocat agit ainsi contre son client, l’institution judiciaire lui donnera raison mais il sera exclu de la profession par le conseil de l’Ordre [17]. Bien que cette pratique reste limitée à la région parisienne, elle annonce une mutation plus globale du principe de désintéressement qui, bientôt, deviendra synonyme de prohibition du droit aux honoraires.

II. Les mutations du principe
Lorsque la profession renaît de ses cendres après la Révolution, le législateur impérial mentionne le désintéressement parmi les vertus de l’avocat, mais sans en préciser le sens [18]. C’est ainsi que, dans le silence de la loi, la discordance entre les Barreaux et la jurisprudence se poursuit et s’étend (A), avant d’être progressivement remise en cause sous l’impulsion de la jurisprudence (B).

A. La rupture entre la déontologie et la jurisprudence (1810-1861)
La consultation des ouvrages de déontologie de la première moitié du xixème siècle permet de constater que la prohibition du recouvrement des honoraires ne concerne plus seulement l’Île-de-France : elle se diffuse sur l’ensemble du territoire national, à quelques exceptions près [19]. Toutefois, l’origine géographique des auteurs et le prestige du Barreau de Paris font que la plupart des exemples concernent la pratique parisienne. C’est ainsi que l’on cite souvent ces propos du Bâtonnier François-Laurent Archambault, qui exprime clairement l’hostilité du Conseil de l’Ordre à la revendication des honoraires : « Les avocats à la cour royale de Paris n’exigent rien de leurs clients ; […] ils se contentent de ce qu’ils veulent bien leur donner, et celui qui aurait recours à la justice pour se faire payer de ses honoraires annoncerait, par là même, qu’il ne veut plus être avocat et serait à l’instant rayé du tableau » [20]. Les honoraires ne doivent donc pas être considérés comme la contrepartie de la réalisation d’un travail, mais comme un don soumis au bon vouloir des clients, de sorte que les avocats ne peuvent pas le revendiquer. Ce raisonnement se retrouve logiquement dans les arrêtés du conseil de discipline de Paris. Citons celui du 8 janvier 1829, aux termes duquel « il est répréhensible de faire dépendre le ministère professionnel du versement d’un honoraire », ou encore celui du 4 janvier 1859 qui indique que « les honoraires ne peuvent être exigés ni avant ni pendant le procès » [21].

Toutefois, cette interdiction du recouvrement des honoraires s’avère largement théorique. Il est évident, en premier lieu, que tous les avocats ne peuvent pas se permettre de vivre de leurs rentes. Ils utilisent donc des stratagèmes leur permettant d’obtenir une rémunération indirecte. On relèvera, parmi les techniques les plus utilisées [22], celle de la provision qui consiste à requérir le versement préalable d’une somme destinée à couvrir les frais qui devront être engagés pour l’exercice de la défense. Or, il faut constater que la plupart des affaires ne supposent pas de réaliser des dépenses particulières, de sorte que cette demande cache souvent un premier versement d’honoraires [23]. Il faut observer, en second lieu, que la jurisprudence permet toujours aux avocats de réclamer le recouvrement des impayés[24]. La plupart des décisions se fondent sur l’article 44 du décret impérial du 14 décembre 1810, aux termes duquel « les avocats feront mention de leurs honoraires au bas de leurs consultations, mémoires et autres écritures ; ils donneront aussi un reçu de leurs honoraires pour les plaidoiries ». Les avocats de la première moitié du xixème siècle se retrouvent donc dans une situation analogue à celle de leurs confrères parisiens de la seconde moitié du xviiième siècle : ils sont libres d’agir en justice pour obtenir le paiement de leur travail mais, s’ils se comportent ainsi, les instances disciplinaires du Barreau prononceront leur radiation pour violation du principe de désintéressement.

B. L’alignement progressif de la déontologie sur la jurisprudence (1861-1957)
Il faut attendre le Second Empire pour que la jurisprudence commence à battre en brèche cette incohérence. C’est ainsi que, le 10 avril 1861, la cour d’appel de Bordeaux sanctionne pour la première fois une décision disciplinaire concernant un avocat qui avait réclamé ses honoraires en justice [25]. Après avoir rappelé que les avocats ont le droit, comme tous les autres citoyens, d’exiger une juste rémunération de leur travail, elle en déduit que « l’action qu’ils forment à cet effet n’étant que l’exercice d’un droit parfaitement légitime, ne saurait les exposer à […] une peine disciplinaire, pourvu qu’ils n’en fassent pas un abus contraire à la dignité de leur profession » [26]. D’abord cantonnée aux juridictions du fond, cette solution est confirmée en 1887 par la cour régulatrice, qui accorde à l’avocat défenseur un privilège primant les frais de justice[27].

Cependant, cette évolution de la jurisprudence ne se répercute pas immédiatement chez les représentants de la profession. C’est ainsi qu’un arrêté du conseil disciplinaire de Paris continue d’affirmer, en 1867, que « l’honoraire offert par le client doit toujours constituer, de la part de celui-ci, une rémunération essentiellement volontaire et spontanée », ce qui implique que « l’avocat doit s’abstenir de toute démarche, sollicitation ou réclamation personnelles » [28]. Au niveau national, pourtant, un mouvement de reconnaissance du droit aux honoraires s’amorce au niveau des Barreaux. D’abord timide, celui-ci s’accentue dans la première moitié du xxème siècle, engendrant des situations fort différentes d’un ressort à l’autre. On constate ainsi, dans l’entre-deux-guerres, que certains Barreaux ont abandonné la conception stricte du désintéressement, comme ceux de Strasbourg ou de Lille, tandis que d’autres continuent à prononcer des sanctions disciplinaires contre les avocats ayant agi en justice pour le recouvrement de leurs honoraires, même s’il faut reconnaître que les sanctions prononcées se sont adoucies, les radiations se faisant de plus en plus rares [29].

De nouvelles voix s’élèvent au lendemain de la Libération, à la faveur, notamment, de la démocratisation de la profession, mais elles ne suffisent pas à unifier les pratiques des Barreaux. Il faut attendre l’intervention de la loi pour que la notion de désintéressement soit définitivement éclaircie. Il s’agit, en l’occurrence, de la loi n° 57-1420 du 31 décembre 1957 (N° Lexbase : L4053IRK), qui autorise les avocats à agir en justice pour obtenir le paiement de leurs honoraires, pourvu qu’ils respectent une procédure particulière où figure une phase de conciliation préalable devant le Bâtonnier [30]. Il n’y a donc plus d’ambiguïté législative, si bien que les derniers Barreaux qui faisaient encore de la résistance sont forcés à rendre les armes. C’est ainsi que s’achève une révolution, au sens astronomique du terme : le principe de désintéressement revient à ses fondements romains, comme synonyme de droit à des honoraires modérés.

Par Guillaume Wattelin, Docteur en droit – Membre de l’IHD (EA 7401 – Université de Montpellier)


[1] P. Biarnoy De Merville, Règles pour former un avocat, Paris, 1778, p. 2.
[2] F. de La Rochefoucault, Réflexions ou sentences et maximes morales, Paris, 1678, maxime 171.
[3] Décret du 14 décembre 1810, préambule.
[4] Décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat, art. 3 (N° Lexbase : O5951AS9).
[5] Voir, en ce sens, notamment : CA Paris, 20 septembre 2017, n° 16/23527 (N° Lexbase : A5151WSL) ; Cass. civ. 1, 20 février 2019, n° 17-27.967, FS-P+B (N° Lexbase : A8983YYD), publié ; Th. Revet, J. Laurent, B. Chaffois et al., Déontologie de profession d’avocat, Paris, 2020, p. 110-111.
[6] Ce don connaît plusieurs appellations, mais on retiendra surtout celui d’honorarium, dont découle le terme « honoraires ».
[7] Tacite, Annales, XI, 5 ; XV, 20.
[8] Th. Grellet-Dumazeau, Le Barreau romain, Moulins, 1851, p. 114.
[9] On retrouvera le texte intégral, en latin, dans les Ordonnances des roys de France de la troisième race, Paris, 1723, t. i, p. 300-301. On observera, au passage, un lien de filiation avec le xixe canon du concile de Lyon qui, quelques mois plus tôt (7 mai – 17 juil. 1274), réorganisait l’exercice de la profession devant les juridictions ecclésiastiques sur le modèle du droit de Justinien. Seulement, le montant des honoraires est limité à 20 livres tournois pour une même cause devant les juridictions ecclésiastiques, tandis qu’il est de 30 livres tournois devant les juridictions séculières.
[10] Jusqu’au début de la Renaissance, le terme de « salaire » est régulièrement utilisé dans la législation et la jurisprudence, sans qu’il soit revêtu d’une connotation péjorative. Il faut donc attendre le xvie siècle pour qu’il lui soit préféré la notion d’honoraires, sous l’influence de la redécouverte de la loi Cincia, qui revient régulièrement sous la plume des juristes à compter de cette période.
[11] R. Delachenal, Histoire des avocats au Parlement de Paris (1300-1600), Paris, 1885, p. 280.
[12] Parlement de Paris, arrêt du 12 avril 1340 (Archives nationales, X1A 8, fol. 107).
[13] Parlement de Paris, arrêt du 15 mars 1766 (Bibliothèque municipale de Lyon, ms 385480).
[14] La rupture est nette avec les auteurs de la première moitié du xviie siècle qui, dans leur grande majorité, estiment que le principe du désintéressement n’interdit pas de revendiquer le paiement des honoraires, mais impose simplement un salaire modéré (voir, par exemple : B. De La Roche-Flavin, Treize livres des Parlements de France, Genève, 1621, p. 339 et s.).
[15] J. Brodeau, Coustumes de la prévosté et vicomté de Paris, Paris, 1669, t. II, p. 194.
[16] Voir notamment le discours du Bâtonnier de Paris du 9 mai 1723, rapporté par Armand-Gaston Camus, Lettres sur la profession d’avocat et sur les études pour se rendre capable de l’exercer, Paris, 1772, p. 15-16.
[17] Voir, en ce sens, notamment : C.-J. De Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, Toulouse, 1779, t. I, v° avocat, p. 135 ; Ph.-A. Merlin (dit Merlin de Douai), « avocat », dans J.-N. Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Paris, 1784, t. I, p. 796.
[18] C’est ainsi que le préambule du décret du 14 décembre 1810, qui réglemente l’exercice de la profession, fait du désintéressement l’une des « bases essentielles » de l’état d’avocat. L’importance de ce principe est confirmée, sous la Restauration, aux articles 14 et 44 de l’ordonnance du 20 novembre 1822.
[19] Voir, en ce sens, notamment : F.-É. Mollot, Règles sur la profession d’avocat, Paris, 1843, p. 76-78.
[20] Lettre adressée par le Bâtonnier de Paris au procureur général près la cour d’appel de Paris, 17 sept. 1819 (rapportée notamment par Ernest Cresson, Usages et règles de profession d’avocat, Paris, 1888, p. 316).
[21] Arrêtés rapportés par notamment Ernest Cresson, op. cit., p. 317.
[22] Voir les explications de Marie Lamarque, L’avocat et l’argent (1810-1972), thèse Bordeaux, 2016, p. 345-350.
[23] Lachapelle-Montmoreau, Études sur la profession d’avocat. Première étude : exercice de l’action de l’avocat pour honoraires, Douai, 1879, p. 49.
[24] Voir les arrêts d’appel rendus entre 1821 et 1861 cités par Achille Morin, De la discipline des cours et tribunaux, du barreau et des corporations d’officiers publics, Paris, 1867, t. I, p. 129, n. 1. On complétera cette liste, pour la période postérieure à 1861, par les nombreuses références mentionnées par Louis Gardenat, Traité de la profession d’avocat, Paris, 1931, p. 171-172.
[25] Il faut préciser, en effet, que les radiations prononcées par le conseil de discipline peuvent faire l’objet d’un appel interjeté, soit par l’avocat, soit par le procureur général (ord. du 20 nov. 1822, art. 24 et 25).
[26] Bordeaux, 10 avril 1861, S. 1961, II, 529. Ce faisant, les juges bordelais tirent toutes les conséquences d’un arrêt quelques années plus tôt par la Cour de cassation, en vertu duquel elle interdisait aux instances disciplinaires du Barreau « de considérer comme une infraction disciplinaire et de flétrir comme acte de déloyauté professionnelle le recours aux tribunaux ordinaires qui n’est que l’exercice d’un droit légitime » (Cass. Civ., 30 juil. 1850, D. 1850, I, 216).
[27] Cass. Civ., 18 mai 1887, D. 1887, I, 349.
[28] Arrêtés rapportés par Ernest Cresson, op. cit., p. 317.
[29] J. Appleton, Traité de la profession d’avocat, Paris, 1928, p. 418-419 ; L. Gardenat, op. cit., p. 171.
[30] Ce texte sera ensuite abrogé, à l’égard des avocats, par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, qui reprend le même principe.


Les droits de la femme dans le cadre du divorce

L’Efacs (Ecole de formation des avocats) Centre-Sud organise une université de droit social. L’événement, qui se déroulera du 24 au 28 août prochain à Ajaccio, se tiendra sous la direction de Paul-Henri Antonmattei, professeur à l’Université de Montpellier, doyen honoraire de la faculté de droit et des sciences politiques de Montpellier. Ce dernier dressera notamment un état des lieux de l’actualité législative, jurisprudentielle et réglementaire.

Le mercredi 25 août, cette université sera également animée par les interventions par Arnaud Martinon, professeur, Droit privé et sciences criminelles, codirecteur du laboratoire de droit social de l’Université Panthéon-Assas Paris 2 sur le thème de la rupture du contrat de travail ainsi que de Francis Teitgen, ancien Bâtonnier, avocat au barreau de Paris et Agnès Viottolo, avocate au barreau de Paris sur le droit pénal du travail.

Jeudi, place à Yves Struillou, conseiller d’Etat avec le thème de la jurisprudence administrative sur les relations de travail puis à Jean-Louis Borie, ancien Bâtonnier, avocat au barreau de Clermont-Ferrand, spécialiste en droit du travail ainsi que Michel Morand, avocat au barreau de Clermont-Ferrand, spécialiste en droit du travail sur l’actualité du droit de la durée du travail.

Enfin, le vendredi Sophie Selusi, maître de conférences en droit privé, membre de l’école de droit social, directrice DU (Diplôme universitaire) Droit et pratique de la protection sociale abordera l’actualité jurisprudentielle et législative en matière de protection sociale. Cette dernière présentera ensuite  la réforme santé au travail.

Retrouvez ici le détail du programme de cette université d’été

Retrouvez ici le bulletin d’inscription


Les droits de la femme dans le cadre du divorce

Elodie Spony devient avocate associée du cabinet PVB Avocats. Cette dernière rejoint les 8 autres associés de ce cabinet spécialisé dans les problématiques juridiques des entreprises locales du Sud de la France implanté à Avignon, Nîmes et Montpellier.
Rentrée au sein de l’antenne avignonnaise en 2017, Elodie Spony co-animera maintenant le cabinet PVB de la cité des papes et ses 8 collaborateurs installés passage de l’Oratoire dans l’intra-muros.
Auparavant, après avoir fait ses études de Droit à Montpellier notamment, elle a travaillé pendant 8 ans au sein du département ‘Corporate’ du cabinet Fidal dont elle a été le référent pour le Sud-Est du secteur non marchand (fond de dotation, association, fondation…). Puis, en 2014, elle a créé son propre cabinet à Avignon.

Ancrage de proximité
Créé en 1987, PVB regroupe plus d’une soixantaine de professionnels et de collaborateurs. « PVB Avocats met un point d’honneur à proposer des solutions globales à l’ensemble des problématiques juridiques des entreprises locales, explique le cabinet. Combinant proximité et transversalité, le cabinet sécurise le cadre juridique de ses clients et favorise durablement leur création de valeur. Attaché à ses racines, le cabinet revendique son identité locale et se distingue par une réelle compréhension des enjeux locaux spécifiques à ses clients. Ancré régionalement, PVB Avocats dépasse le simple cadre du conseil, afin de mettre à disposition de ses clients un écosystème efficace de proximité. »


Les droits de la femme dans le cadre du divorce

Il convient d’être vigilant lors de la rédaction d’une clause de non concurrence en prévoyant à la fois le principe de renonciation par l’employeur mais également ses modalités (délai, forme), sous peine de voir cette renonciation privée d’effet. Dans sa dernière publication, Olivier Baglio du cabinet d’avocat avignonnais Axio revient sur ces principaux points.

La comptable d’un cabinet d’avocat avait signé un contrat de travail prévoyant son embauche à compter du 11 septembre 2015 et le principe d’une clause de non concurrence assortie d’une contrepartie financière avec faculté de renonciation par l’employeur dans le mois suivant la rupture par lettre recommandée.

La salariée devait mettre fin à sa période d’essai le 27 octobre 2015. L’employeur devait lui faire parvenir un mail dès le 28 octobre 2015 la libérant de la clause de non concurrence.

Par un arrêt rendu le 21 octobre 2020 (Cour de Cassation n°19-18.399), la Cour de Cassation devait considérer que la clause de non concurrence n’avait pas été valablement dénoncée et faire droit au versement de l’intégralité de la contrepartie financière au bénéfice de la salariée.

La Cour de Cassation, cassant en cela l’arrêt contraire rendu par la Cour d’Appel, rappelle en effet que :

  • l’employeur peut insérer dans le contrat de travail une clause de non concurrence ayant vocation à s’appliquer à l’expiration des relations contractuelles dans les conditions d’espace et de temps déterminées et en contrepartie du verse­ment d’une indemnité financière ayant la nature de salaire.
  • la renonciation à l’application de cette clause est toujours possible à condition toutefois qu’elle ait été prévue par les dispositions contractuelles ou conventionnelles et qu’elle intervienne dans les formes requises par ces dernières.

 

Au cas d’espèce, la renonciation était intervenue par mail et non par lettre recommandée si bien qu’elle était inopposable à la salariée quand bien même l’employeur rapportait la preuve que celle-ci avait parfaitement été informée dans le délai de la levée de ladite clause.

Faute pour l’employeur de respecter strictement les modalités de renonciation prévues dans le contrat de travail, la renonciation sera privée d’effet et la clause de non concurrence applicable avec toutes les conséquences de droit.

Il convient par conséquent d’être vigilant lors de la rédaction des clauses de non concurrence en prévoyant à la fois le principe d’une renonciation par l’employeur mais également ses modalités (délai, forme). Il conviendra surtout de respecter à la lettre les modalités de renonciation stipulées sous peine d’inopposabilité au salarié.

Par Olivier Baglio

Par un arrêt rendu le 21 octobre 2020 (Cour de Cassation n°19-18.399), la Cour de Cassation considère que la clause de non concurrence n’ayant pas été valablement dénoncée, le versement de l’intégralité de la contrepartie financière au bénéfice du salarié fait droit.


Les droits de la femme dans le cadre du divorce

Le député Raphaël Gauvain, membre de la commission des lois de l’Assemblée nationale est l’auteur du rapport visant à « Rétablir la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale ». En ce début d’année, il revient sur la possible expérimentation de l’avocat en entreprise et ses effets.

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a récemment annoncé qu’il envisageait la possibilité d’expérimenter, dans certains barreaux, le statut d’avocat en entreprise. Pensez-vous que ce soit une bonne nouvelle pour la profession ?
Raphaël Gauvain : « C’est avant tout une très bonne nouvelle pour le pays. De nombreux rapports tirent la sonnette d’alarme depuis 20 ans : la réflexion juridique interne à l’entreprise n’est pas protégée en France, et peut servir de base à une incrimination pénale future ainsi qu’à une exploitation par son adversaire dans un procès civil. »
« La France est le dernier pays au monde à ne pas protéger la confidentialité des avis et consultation juridiques des entreprises. De ce fait, nos entreprises sont aujourd’hui en situation de très grande vulnérabilité dans les procédures extraterritoriales au civil comme au pénal. Il existe également un risque important à court terme de délocalisation des directions juridiques des grands groupes français mettant en périls plusieurs dizaines de milliers d’emplois à haute valeur ajoutée. »
« Notre inertie jusqu’à maintenant s’explique par une double opposition de certains avocats et des autorités d’enquêtes. Il faut le reconnaitre que la réforme est difficile, car il n’existe pas de solution alternative. »
« Une profession réglementée de juriste d’entreprise dotée d’une confidentialité limitée aux seules procédures civiles serait totalement inefficace. Tous les experts qui ont travaillé la question s’accordent sur le sujet. Seule la création d’un statut d’avocat en entreprise permet de s’assurer de la portée et de la reconnaissance de la confidentialité de la réflexion juridique des entreprises. Et, cette confidentialité doit être globale, et être opposable aux autorités d’enquête pénale ou administrative. Il ne peut pas y avoir de réforme a minima. »

« Les effets bénéfiques de la réforme seront nombreux. »

Aujourd’hui, les freins sont les craintes de certains avocats, notamment celle que les entreprises ne fassent plus appel à leurs services d’avocat. Qu’en pensez-vous en tant qu’ancien avocat ?
« C’est à mon sens une erreur. Il faut sortir d’une vision malthusienne de la profession. L’offre crée la demande. Les avocats présents dans l’entreprise feront évidement appel à leurs confrères restés en Cabinet. La réforme profitera à tous. C’est une évidence. »
« Il faut rappeler que la profession n’est pas contre la réforme, elle est historiquement divisée sur le sujet. Je pense néanmoins que l’on peut arriver aujourd’hui à une solution qui réunisse le plus grand nombre. »
« La voie de l’expérimentation est excellente, en laissant à chaque barreau le choix d’instaurer l’avocat en entreprise. L’autre point important est celui de maintenir le principe de l’accès à la profession institué par l’article 98 du décret du 27 novembre 1991. Les juristes d’entreprise devront ainsi avoir le CAPA ou une expérience d’au moins 8 ans pour devenir avocat en entreprise. C’est une garantie essentielle, et légitime, pour sortir de ce fantasme d’une arrivée massive et immédiate de 15.000 juristes dans la profession. »
« Surtout, cette réforme de l’avocat en entreprise doit être menée de concert avec celle du renforcement du secret professionnel. Cette nouvelle confidentialité de l’avis juridique en entreprise est le prolongement naturel de l’actuel secret professionnel. Le Garde des Sceaux est très mobilisé sur le sujet. C’est une opportunité historique d’avoir un confrère à la tête de la chancellerie. Il faut l’aider. Les avocats doivent se mobiliser. »

Et en ce qui concerne l’opposition des autorités d’enquête comment peut-on les convaincre ?
« Il faut se méfier des arguments sur la prétendue paralysie des enquêtes qui résulteraient de la réforme. Ces mêmes allégations avaient été utilisées pour s’opposer à la présence de l’avocat en garde à vue. Elles avaient conduit la France à une humiliante condamnation par la CEDH en 2011. Nos principaux partenaires économiques protègent les avis et consultations juridiques des entreprises sans que cela n’empêche le recueil matériel des preuves ni le succès des enquêtes pénales. La réforme proposée consiste simplement à donner à nos entreprises le même niveau de protection dont bénéficient leurs principaux concurrents. Ni plus, ni moins. »
« Il n’y aura pas de « boîtes noires » dans les entreprises. Les opérations de perquisitions dans les entreprises devront être facilitées en s’inspirant d’exemples étrangers, par exemple l’obligation d’identification préalable des documents protégés, ou la sanction pénale dissuasive pour en limiter les abus. »
« Les avis et consultations juridiques de l’avocat en entreprise devront enfin recevoir une définition matérielle strictement encadrée. La protection ne s’étendra pas aux discussions d’affaires, et les faits demeureront toujours accessibles aux enquêteurs, comme en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, de même que les documents établis dans le but de commettre une infraction. »

« La réforme offrira surtout de nouvelles opportunités aux avocats et aux juristes. »

Durant combien de temps cette expérimentation devrait-elle être menée ?
« En principe, c’est au moins 3 ans. Il faut le rappeler : c’est une liberté qui sera offerte à chaque barreau d’être ou non candidat à cette expérimentation. La méthode du Garde des Sceaux est la bonne. Qui peut être contre le fait d’essayer ? Si véritablement les craintes exprimées sont avérées, alors on arrêtera. »
« Il existe un alignement des planètes. Outre le volontarisme affiché du Garde des Sceaux, l’élection des nouveaux représentants des avocats au CNB et de son président Jérôme Gavaudan pourrait permettre d’avancer sur le sujet et d’abandonner les postures. »

Autre crainte majeure des avocats, celle de perdre leur indépendance en travaillant pour une entreprise, dans une entreprise…
« C’est une opposition de principe très aisément surmontable. Il faut arrêter avec les totems. Les avocats français peuvent être salariés d’un cabinet d’avocat en France depuis 1991, et certaines pratiques de la collaboration libérale s’apparente souvent à des contrats de travail. Surtout, le salariat pour les avocats se pratique dans le monde entier, et pas qu’aux États-Unis ou en Angleterre. Pourquoi ne pourrait-on pas le faire en France ? Ce qui caractérise l’exercice de la profession, c’est l’indépendance intellectuelle. Cette indépendance, la pratique de son art par un avocat, est parfaitement compatible avec le salariat. »

Certains contradicteurs s’appuient sur l’arrêt Akzo Nobel rendu par le juge européen qui écarte le ‘legal privilege’ aux avocats en entreprise. Qu’en pensez-vous ?
« Je n’ai pas du tout la même lecture. Cet arrêt concerne le droit de l’Union européenne et une situation propre au droit de la concurrence. L’arrêt Akzo Nobel n’est pas un frein et on peut avancer tout en étant en conformité avec le droit européen. Une fois encore, cela est le cas partout en Europe, donc je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire en France. »
« La réforme contribuera à valoriser la place du droit et des juristes dans les entreprises en France. Elle favorisera également la conformité des entreprises françaises à la règle de droit, et aura in fine un effet vertueux. C’est d’ailleurs le cas chez nos principaux partenaires économiques en Europe et dans le monde qui protègent l’avis juridique des entreprises depuis fort longtemps, tout en disposant d’une culture de la compliance plus ancienne et plus performante. »

« La réforme contribuera à valoriser la place du droit et des juristes dans les entreprises en France.»

En tant qu’ancien avocat, comment appréhendez-vous ce possible agrandissement de la profession du droit ? Vos confrères ont-ils raison d’être inquiets ou vont ils y gagner ?
« Je vous l’ai dit. Je suis persuadé que la profession va y gagner, collectivement. La réforme va contribuer à valoriser le droit, les avocats et les juristes. Collectivement, tout le monde sera gagnant. Les craintes sont compréhensibles car la profession, comme l’ensemble des acteurs économiques, connaît depuis quelques années des transformations profondes avec l’avènement du numérique. Les pouvoirs publics sont là pour accompagner ces mutations. Ne rien faire serait irresponsable. L’inaction n’est pas une option. »
« Les effets bénéfiques de la réforme seront nombreux. La mobilité professionnelle sera favorisée. La réforme offrira surtout de nouvelles opportunités aux avocats et aux juristes, notamment pour les jeunes actifs et les étudiants arrivant aujourd’hui sur le marché. Cette question de l’emploi des jeunes est essentielle alors que la crise commence à faire des ravages dans une profession déjà fragilisée. »

Contrairement aux avocats, les experts-comptables ont demandé de concert la création d’un statut d’expert-comptable en entreprise, qui a été adopté. Faudrait-il s’inspirer de cet exemple ?
« Bien entendu. Les autres professions réglementées avancent, et concurrencent les avocats à commencer par les experts comptables dans le conseil à l’entreprise. Le risque pour les avocats à refuser toute transformation est de disparaître progressivement. Souvenez-vous du Guépard de Visconti et de la célèbre réplique d’Alain Delon : « il faut que tout change pour que rien ne change ».

Boris Stoykov, Les Affiches Parisiennes pour Réso hebdo éco


Les droits de la femme dans le cadre du divorce

La grande nouveauté, cette année, est la mise en place de forfaits pour les annonces de constitution de sociétés. Attention : ne pas respecter ce nouveau tarif, identique pour toute la France, peut entraîner la nullité de l’annonce !

Les tarifs

Depuis 1er janvier 2021, 8 tarifs différents ont donc été mis en place en fonction de la forme juridique des sociétés constituées (voir tableau ci-dessous). Ces tarifs forfaitaires sont d’application nationale. Le tarif d’une annonce de constitution de société sera donc identique quelle que soit le département d’habilitation (à l’exception de certaines zones de l’Outre-Mer).

Un conseil

Le conseil de l’Echo du mardi qui dispose d’une habilitation numérique : n’hésitez pas à faire figurer des mentions complètes, concernant particulièrement l’objet social. A l’inverse, plus besoin de multiplier les abréviations puisque la longueur de l’annonce n’influe plus sur le prix.

Légifrance

Pour rappel, selon Légifrance, le service public de la diffusion du droit, « le tarif d’insertion d’une annonce judiciaire et légale ne peut faire l’objet d’aucune remise ou ristourne » (article 5 de l’Arrêté du 21 décembre 2012 relatif au tarif annuel et aux modalités de publication des annonces judiciaires et légales – version consolidée au 8 juin 2020). Attention donc, une annonce légale qui ne serait pas payée à son juste prix (celui voulu par le législateur) ne serait donc pas ’légale’ et pourrait entraîner sa nullité. La mise en place d’un forfait va donc faciliter les contrôles en mettant en lumière les mauvaises pratiques du secteur.

Ce que dit la Direction des médias

C’est d’ailleurs pour cela que la DGMIC (Direction générale des médias et des industries culturelles) souhaite la mise en place progressive au fil des années d’une tarification forfaitaire pour les autres catégories d’AJL (Annonces judiciaires et légales).

En attendant, pour le reste des annonces, le tarif de base reste inchangé cette année (4,07€ hors taxe la ligne) en Vaucluse.

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Tarif forfaitaire 2021 des annonces légales de constitution

Arrêté du 7 décembre 2020 du ministère de la Culture

SA (Société anomyme)

395 € HT

SAS (Société par actions simplifiées )

197 € HT

SASU (Société par actions simplifié unipersonnelle)

141 € HT

SARL ( Société a responsabilité limitée)

147 € HT

SARLU/EURL (Société ou entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée)

124 € HT

SNC (Société en nom locatif)

219 € HT

SCI (Société civile a objet immobilier)

189 € HT

SC (Société civile a objet non immobilier)

221 € HT

 

 

 


Les droits de la femme dans le cadre du divorce

L’avocat avignonnais Frédéric Guittard, intervenant en contentieux commercial, procédures collectives, droit des sociétés, droit pénal, responsabilité civile, droit social et contentieux Prud’hommes, revient sur obligation du port du masque dans les entreprises à partir du mois prochain.

A compter du 1er septembre 2020, le port du masque devient obligatoire dans « tous les espaces de travail clos et partagés » pour tous les employeurs et salariés, le bureau individuel demeurant l’exception à la règle. Le pouvoir disciplinaire appartenant à l’employeur, il lui appartient de décider des fautes répréhensibles ainsi que de l’échelle des sanctions appliquées et s’il est peu probable qu’un premier manquement débouche sur un licenciement, un comportement désinvolte et réitéré pourrait parfaitement conduire à une rupture du contrat de travail en ce compris pour faute grave s’agissant d’une insubordination caractérisée (Cass. Soc. 11 octobre 2000, pourvoi n° 98-41.183).

A l’employeur de faire respecter l’obligation

En outre, l’employeur doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (Code du Travail, article L.4121-1) et il ne peut courir le risque d’une infection sur le lieu de travail de telle sorte qu’il lui appartient de faire respecter cette obligation avec la plus grande célérité, quitte à pratiquer une certaine sévérité.

Pour se faire, n’oubliez pas non plus de modifier votre règlement intérieur pour les structures qui en sont dotées ou de diffuser une note de service à l’attention des salariés.

Par ailleurs, il appartient aux employeurs de se doter des stocks de masques utiles puisqu’en application des dispositions de l’article R.4321-4 du Code du Travail, « L’employeur met à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés…Il veille à leur utilisation effective ».

Possibilité d’un droit de retrait

A défaut, les salariés pourraient exercer un droit de retrait s’il apparaissait qu’ils « se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux » comme le dispose l’article L.4131-3 du Code du Travail, par exemple si l’employeur laisse des salariés pénétrer dans les locaux sans masque.

Frédéric Guittard, avocat au barreau d’Avignon

 

https://www.echodumardi.com/tag/avocat/page/4/   1/1