4 mai 2024 |

Ecrit par le 4 mai 2024

Marchés publics : mieux disant ou moins disant ?

Rémy Canuti, consultant pour la société vauclusienne Care conseil & management spécialisée en conseil aux collectivités locales et accompagnement de dirigeants basée à Uchaux, réagit à l’étude des offres des marchés publics par les commissions d’appels d’offres et les conséquences que cela peut engendrer pour les usagers et les citoyens.

Un maire m’affirmait il y a quelques années que durant ces années de mandat, il avait systématiquement privilégié le moins cher (le moins-disant) au détriment du mieux-disant. Selon ses termes, les critères techniques émis par son administration pour départager les concurrents relevaient de la plus pure rigolade. 

« Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché. »

article L. 2152-5 du code de la commande publique

Rions un peu, si vous le voulez bien.
En effet, le mieux est un critère de sélection d’un prestataire d’un marché qui se base sur les caractéristiques techniques, écologiques ou de délai. Le – moins-disant est un critère de prix : l’emporte celui qui a le prix le moins élevé. Une aubaine sur laquelle certaines collectivités se jettent, arguant de la gestion en bon père de famille. C’est non seulement une erreur, mais encore une imposture intellectuelle. C’est une erreur, car la posture n’est tenable que sur des marchés simples, dans lesquels le service ou l’objet acheté possède des caractéristiques techniques ou d’emploi de grande simplicité. Acheter des parpaings peut effectivement s’effectuer sur la simple base du prix.  C’est une imposture intellectuelle, car croire que l’on peut acheter simplement des services complexes relèvent de la posture idéologique plutôt que de la connaissance fine des besoins de la collectivité.

« Une offre 20 à 25 % plus basse que la moyenne des autres, voire que la deuxième peut légitimement apparaître comme suspecte.»

Je me contenterai de dire qu’une offre 20 à 25 % plus basse que la moyenne des autres, voire que la deuxième peut légitimement apparaître comme suspecte. Sur un marché d’environ 30M€, une offre anormalement basse est donc celle plus basse de 6 à 7M€ de la moyenne des autres, ou de la deuxième… On n’est pas très loin de la réalité que connaissent les usagers du service de collecte du Grand Avignon…


Marchés publics : mieux disant ou moins disant ?

Où comment ne pas transformer cette heureuse idée en grosse usine à gaz ?

« Je travaille ces derniers temps avec une commune de la région Rhône Alpes à la mise en place d’une démarche QVCT. Il y a une littérature florissante sur ce domaine sur le web mais pour résumer je dirai que cette démarche de transformation organisationnelle part du principe que qualité des services publics et qualité de vie au travail des agents sont intimement liées et qu’un bon moyen d’accroître la première et de réfléchir à augmenter la seconde. »

« Il est en effet passé le temps où la simple idée d’avoir un job à vie pouvait vous assurer de la fidélité professionnelle de vos équipes. Il faut encore que leurs missions aient un sens et c’est tant mieux. Il s’agit donc d’une démarche assez complète qui entend s’intéresser à l’ensemble des domaines de la vie des agents : pratiques managériales, organisation, contenu et conditions de travail, compétences professionnelles, relations sociales et égalité professionnelle, afin de les améliorer quand c’est possible et souhaité.»

« Un comité de Pilotage représentatif (mêlant personnel des services ressources et opérationnels) s’assure d’abord de dresser la liste des enjeux que la collectivité souhaite surmonter ou prendre en charge et assure un premier bilan en la matière. Ensuite, ce même COPIL établit un programme d’actions, mises en place par expérimentation et destinées après ajustements à être globalisées. L’ensemble est enfin soumis à évaluation et à une veille continue. Je trouve la démarche réellement passionnante et se lancer dans cette aventure demande une réelle envie de tenir compte de l’avis (la vie) des agents d’une collectivité, qui restent le fer de lance de l’action municipale.»

« Cependant, inutile de se voiler la face, le risque est toujours présent de voir se transformer la démarche en un truc sans fin, animé par des comités bidules, rendant rapport sur rapport, sans que rien n’avance. Bref un cauchemar pour tout maire qui considère déjà que son administration ne va pas assez vite.»

Ouvrir la boîte de Pandore
« Le second point qui peut effrayer, là encore je parle d’expérience, c’est le côté ‘je viens d’ouvrir la boîte de pandore’… Jusqu’où vont-ils aller, ces agents qui se mettent à discuter de leurs conditions de travail… ? Et bien oui, jusqu’où peuvent-ils aller justement ? »

« Il faut en première instance rassurer les édiles municipaux, la démarche QVCT n’est pas une démarche révolutionnaire, ni même un rejeton de l’autogestion des années 80. Il s’agit d’une démarche centrée sur la capacité des agents à tenir compte de leurs missions tout en s’intéressant à la qualité de leur vie personnelle. En gros, une démarche adulte, pour adulte, si je puis dire. De toutes façons, s’intéresser aux conséquences de son travail sur sa vie personnelle est un exercice très répandu ! Autant l’assumer collectivement. »

«Ne pas parler des choses qui fâchent peut amener à ce que la situation soit invivable. »

« Par ailleurs et comme je le disais dans un dernier article, les stratégies opérées par les individus pour accommoder leur travail à leurs ambitions et besoins personnels existent et les risques de glissement vers un fonctionnement irrationnel sont bien plus importants quand on s’abstient d’évoquer les problèmes. »
« En gros, cela fonctionne comme dans un couple. Ne pas parler des choses qui fâchent peut amener à ce que la situation soit invivable, alors que se mettre autour de la table afin d’évoquer les problèmes objectivement tout en cherchant honnêtement à les résoudre me parait être une bien meilleure solution. »

« Quant à la direction que prendra l’étude et bien elle dépend tout d’abord étroitement du comité de pilotage. En effet, s’il n’est a priori pas question d’éluder un des 6 domaines présentés, on peut en varier l’intensité de l’étude. C’est donc le COPIL qui va fixer les limites de la discussion. Ensuite, la qualité de la démarche dépend de la qualité du pilotage. Je n’ai pas encore évoqué la nécessité d’un pilote pour accompagner, guider et mener à bien la démarche mais ce pilotage est impérieusement nécessaire : de sa qualité dépend étroitement le résultat car c’est lui qui va communiquer, interroger, animer, synthétiser et réguler les débats. Une bonne connaissance des mécanismes de fonctionnement interne est ainsi requise et on évitera sans doute d’y placer le ou la jeune chargé(e) de mission. On lui préfèrera le vieux briscard rusé et apprécié de tous, un peu madré, diplomate, calme et efficace, qui discute aussi bien avec les élus qu’avec les agents de services techniques ou le personnel de cantine. »

« Souvent la réussite tient plus aux individus qu’à la méthode. »

« Sa capacité de synthèse est primordiale mais on lui demandera aussi d’être en mesure de défendre le projet devant le COPIL, les organes de validation et bien sûr d’orienter les débats et les ateliers effectués au plus près du terrain. COPIL et Pilote sont donc les deux rouages essentiels de cette démarche. Ce sont eux qui assurent la réussite et la pérennité de la démarche.»

« Pour ne pas transformer votre démarche QVCT en un exercice fastidieux, il faut donc la confier à un collectif de motivé et de pragmatique et à un pilote qu’il l’est tout autant. Souvent la réussite tient plus aux individus qu’à la méthode : plus que jamais cette assertion est vraie dans le cas de la démarche QVCT ! »


Marchés publics : mieux disant ou moins disant ?

Dans le cadre de la mise en place du nouveau régime juridictionnel unifié de responsabilités des gestionnaires publics au 1er janvier 2023, le contrôle des infractions aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens publics est désormais partagé entre l’ordonnateur et le comptable et tend à « limiter la sanction des fautes purement formelles ou procédurales qui doivent désormais relever d’une logique de responsabilité managériale ».

Deux mécanismes viennent appuyer cette nouvelle logique de responsabilité : des mécanismes préventifs et des mécanismes curatifs.
Les mécanismes curatifs intéressent la saisine du juge pénal et depuis le 1er janvier 2023 celle de la chambre des cours des comptes qui jugera les manquements à la gestion des biens publics quand ceux-ci ont causé un « préjudice financier significatif » à la collectivité.
Les mécanismes préventifs quant à eux prennent la forme de l’adoption d’un règlement budgétaire et financier qui s’intéresse a minima aux Les autorisations de programme (AP), aux autorisations d’engagement (AE) et aux crédits de Paiement (CP).
Cette nouvelle logique de responsabilité permet donc de sanctionner celui qui commet la faute, et non celui qui avait, jusqu’à alors, le devoir de contrôle, c’est-à-dire le comptable public.

« Sont donc concernés par cette responsabilité, les DGS mais aussi tous les agents qui disposent d’une autorité d’action sur l’un des moments de la chaîne financière de la dépense publique. »

Sont donc concernés par cette responsabilité, les DGS mais aussi tous les agents qui disposent d’une autorité d’action sur l’un des moments de la chaîne financière de la dépense publique. La liste est longue…
Ce principe de sanction possible du commettant (de la faute) impose donc un contrôle partagé entre l’ordonnateur et le comptable sur l’ensemble de la chaîne financière.
Ainsi, si le comptable dispose largement d’un droit d’alerte face à des pratiques illégales ou dangereuses, qu’en est-il de l’ordonnateur ?

Pour l’administration locale, l’enjeu est d’assurer des contrôles qui lui permettront de s’assurer de la légalité de l’intégralité de la chaîne de ses dépenses. Or, la mise en place de ces contrôles impose un certain nombre de préalables et la mise en place d’une culture de gestion souvent inédite. Parmi ces préalables, il y a la réalisation d’un auto-diagnostic qui est un état des lieux des contrôles déjà appliqués sur l’ensemble des chaînes financières.
Cet auto-diagnostic s’établit en amont ou en aval de la stricte cartographie des risques pénaux ou financiers connus qui permettra la mise en place d’un plan de contrôle.
Ce plan de contrôle favorisera de préférence la sélectivité des contrôles (en fonction de la cartographie préalable) au détriment de l’exhaustivité.
La création de la cartographie des risques ainsi que la mise en place d’un plan d’actions visant à assurer contrôle pérenne de toutes les chaînes financières amènent l’ensemble des acteurs de la dépense publique à une nouvelle forme de responsabilité managériale qui devra favoriser par une gouvernance ad hoc le contrôle interne et l’évaluation des gestionnaires des gestionnaires publics.

L’auto-diagnostic ou le référencement des procédures de contrôle
Il est intéressant dans un premier temps de procéder à un auto-diagnostic qui s’apparente au récolement des procédures de contrôle déjà existantes. La question de savoir si on doit effectuer ce récolement en première instance se pose, car il peut fixer l’attention des services sur les risques pour lesquels ils sont déjà préparés, en leur ôtant l’agilité qui leur permettra collectivement de parer aux risques pas encore identifiés.
Cette première étape peut être effectuée par l’entremise d’un questionnaire envoyé aux chefs de service.
Elle peut-être aussi effectuée pendant l’étape de la cartographie.

La cartographie des risques
3 étapes a minima sont nécessaires qui permettront collectivement et service par service de collecter et de déterminer les risques connus ou inconnus dans la chaîne financière propre à chaque direction.

1. Déterminer les risques : Rencontrer tous les services, et partant des risques-métiers qu’ils connaissent et pourront d’eux-mêmes établir la liste, faire émerger les risques adjacents.

2. La cotation des risques : selon leur probabilité, l’importance de leur impact et la capacité à les maîtriser. Selon cette dernière par exemple, un risque important pour la collectivité pourra être compensé par l’agilité de l’administration.

3. La mesure de l’écart entre réalité et procédure idéale : permet la réforme de certaines procédures ou la mise en place de nouvelles.

Le schéma suivant permet de sélectionner les risques sur lesquels des procédures de contrôle vont être mis en place.

Le plan de contrôle
Le plan de contrôle consiste en la réforme des procédures de contrôle existantes ou en la création de nouvelles procédures de contrôle.
Ce plan de contrôle permet la mise en place de procédures et d’actions visant à sécuriser la chaîne financière propre à chaque service.
Il existe 2 niveaux de contrôle indispensables à la sécurisation de la procédure.
Le 1 er niveau correspond à la mise en place de procédures visant à réduire la cotation du risque jusqu’à un niveau nul ou acceptable. Il est établi sur la base des risques identifiés précédemment.
Le 2ème niveau correspond au contrôle du respect des procédures mises en place. Il établit un plan d’action visant à faire connaître de tous, les mesures de contrôle qui seront effectuées, leur régularité et les personnes qui seront concernées. Il permet aussi la mise en place d’outils de reporting qui favorisent ce contrôle.
Pour les deux niveaux et en fonction de la cotation du risque ou du risque résiduel, il sera précisé la nature dudit contrôle : exhaustif ou par sondage ; ponctuel ou permanent ; a priori ou a posteriori.

La mise en place d’une gouvernance interne favorisant la responsabilité managériale
La mise en place d’un plan de contrôle pérenne met en valeur un certain nombre d’enjeux qui n’apparaissaient pas forcément jusqu’alors.
Les actions de contrôle et de réduction des risques vont par ailleurs affirmer la responsabilité professionnelle d’un certain nombre d’agents tout au long de la chaîne de la dépense publique.
La prise de conscience liée à cette responsabilité ne peut être cultivée sur le long terme qu’à l’aide d’un système de gouvernance qui permet la fluidité du passage de l’information et la transversalité d’un certain nombre de fonctions.
C’est ainsi que l’organisation même de certaines fonctions pourra utilement être revue à cette occasion.


Marchés publics : mieux disant ou moins disant ?

Le mandat de maire ou de président d’EPCI est déjà bien engagé et à mi-parcours, il est toujours intéressant de procéder à un bilan formel de son organisation. Qu’on l’appelle diagnostic de fonctionnement ou bilan organisationnel ou encore de manière un peu usurpée, audit organisationnel, la tâche consiste à vérifier auprès des directions et des services si leur manière de fonctionner correspond à la volonté politique et si des moyens d’améliorer les processus de production existent.

Et pratiquement cela ressemble à quoi ?
Pour ma part, et cette méthode n’engage que moi bien entendu, je procède à des entretiens individuels. Individuels, car pour que la parole soit la plus libre possible, il faut bien trouver un moyen de mettre en confiance. La parfaite confidentialité des entretiens rassure la plupart du temps. Ces entretiens sont assez longs. Il faut dire que je parle beaucoup, mais mon avis est que si l’on veut se montrer digne de confiance, il faut donner un peu aussi.

« Pour que la parole soit la plus libre possible, il faut bien trouver un moyen de mettre en confiance. »

Au cours de dialogue assez libre, on évoque autant que faire se peut les procédures utilisées, les méthodes de travail habituelles, on y teste la transversalité, le niveau de délégation acquis, et on y repère les stratégies mises en place pour éviter ou pour contourner les plus gênants des ‘process’ ou des autorités.
On peut retenir à ce sujet deux phénomènes assez commun : d’abord l’élaboration de stratégie individuelle visant à réduire la dépense énergétique de l’agent pour arriver à ses fins (cette dépense énergétique est à prendre dans le sens freudien du terme à savoir la recherche de l’utilisation la plus profitable à l’agent de sa propre énergie libidinale, dans le but, de maximiser son plaisir et de diminuer toute forme de souffrance ou d’accéder à son ‘désir’).

« Il recherche l’efficience, c’est à dire l’économie des moyens pour atteindre ses buts. »

Autrement dit, il maximise à son profit toute procédure mise en œuvre dans le but de remplir l’objectif qui lui a été fixé par sa hiérarchie. En ce sens, en sus de rechercher l’efficacité, c’est à dire l’atteinte des buts fixés, il recherche l’efficience, c’est à dire l’économie des moyens pour atteindre ses buts.
Il est assez remarquable de constater que la plupart du temps cette recherche d’économie est étayée par de les principes fondateurs du service public (l’intérêt général, la continuité de l’action administrative etc.) et ce, de toute bonne foi. Néanmoins ce rappel aux grands principes de l’action administrative n’empêche pas certaines dérives dont nous reparlerons plus tard.
Ensuite, nous trouvons systématiquement, une stratégie de groupe. En effet, le service ou la direction, constitué en tant que groupe homogène élabore lui aussi, de manière plus ou moins directe une stratégie visant la recherche de l’efficacité et de l’efficience et donc la moindre dépense d’énergie.

Cette stratégie quand elle est consciente, c’est-à-dire volontaire et objective, prend parfois la forme d’un projet de service, rarement il est vrai. Plus généralement, cette stratégie s’est constituée avec le temps, par petites touches. Parfois de manière positive : des procédures et une organisation sont mises en place de manière à servir un but formalisé sous forme d’objectifs.
Parfois de manière négative en interprétant les voies possibles pour accéder à son objectif de manière à assurer de sa probité, de la légalité de son action et du sérieux de son intention et non plus dans un but d’efficacité pure : bref, en se couvrant.

« Une partie de l’énergie d’un service est dépensée dans le but de justifier de sa propre existence. »

C’est ici que l’on retrouve les procédures qui multiplient les validations, les signatures de responsables, d’élus, de directeurs, voire même de Maire ou de Président. Cette itération rassurante a donc comme fonction principale de montrer que le travail est bien fait. Elle a cependant une autre fonction. Elle permet de légitimer une certaine partie du travail du service et donc les moyens devant lui être alloués.

J’ai ainsi pu constater à de nombreuses reprises qu’une partie de l’énergie d’un service est dépensée dans le but de justifier de sa propre existence. En émettant des critères d’excellence qui n’ont qu’un rapport ténu avec la mission principale, il organise une partie de la dépense énergétique qui vise à faire se dépenser l’énergie présente. En d’autres termes, le calcul est le suivant : nous sommes 5 je dois donc trouver du travail à faire pour 5, même si la réalité du travail de mon service n’est égal qu’à 4.

Vous savez c’est la fameuse peur de manquer qui fit pendant des années dépenser aux services l’intégralité de leur budget de fonctionnement pour ne pas que celui-ci se voie dégradé, c’est à dire baissé l’année d’après. Si le hasard a fait que je me retrouve avec un agent supplémentaire, une partie de ma stratégie va être de lui trouver du travail à faire, sans que ce travail ne soit en fait nécessaire à l’atteinte de mes objectifs. Au lieu de faire profiter de cette ‘ressource’ la collectivité, c’est à dire potentiellement un service en manque de personnel, je garde pour moi ladite ressource et l’occupe à faire des trucs, plus ou moins utiles, plus ou moins demandés.
On peut imaginer que plusieurs années de ce régime peuvent mener à de sérieuses dérives.

« Ce qui ajoute à la difficulté de procéder à la transformation. C’est que ça résiste. »

Ceci étant dit, je ne suis pas dans le jugement. J’ai connu assez de mécanismes plus ou moins conscients, élaborés par les services et les individus qui les composent pour savoir que la plupart du temps, tout ceci est fait en toute bonne foi.
Ce qui ajoute à la difficulté de procéder à la transformation. C’est que ça résiste. Ce que l’on entend par « on a toujours fait ça », c’est : « on a toujours fait ça et c’est pour une bonne raison ! ». Bref, le bilan sert à repérer ses dérives et à les faire diminuer ou cesser, selon leur ampleur.
Pour cela, il est vrai que le projet d’administration reste un outil pratique et parfaitement calibré. Car au lieu de s’attaquer directement aux dérives, on en passe par l’élaboration d’objectifs communs qui vont obliger les services et les cadres à se repencher sur leur manière de travailler.
Il est vrai cependant que cet ensemble d’actions viennent mettre au grand jour un certain nombre de dysfonctionnement qu’il faut être prêt à assumer. Ceci dit, les assumer avant qu’ils ne deviennent bloquants me paraît être une sage décision et un acte politique majeur.
Rajoutons à ceci que la parole des agents peut se voir libérer à l’occasion de cet exercice de diagnostic, qui joue le rôle d’une catharsis bienvenue.
La manière dont on peut procéder aux transformations est encore un autre sujet qui vaut à lui seul un article. A suivre donc !


Marchés publics : mieux disant ou moins disant ?

Aujourd’hui on s’interroge sur le télétravail et son recul, après une « entrée en scène » fracassante, pandémie oblige. Où en est-on dans les collectivités locales ? Est-ce que les managers ont pris les devants et assument pleinement cette nouvelle forme de travail ou bien ont-ils lâchés les rênes en mode « on verra bien ». Rémy Canuti, consultant pour la société vauclusienne Care conseil & management spécialisée en conseil aux collectivités locales et accompagnement de dirigeants basée à Uchaux, réagit à un article de Tiffany Blandin lu sur Linkedin intitulé « Télétravail : les employeurs reculent ». Ce dernier évoque le fait que le nombre de postes ouverts qui déclarent le télétravail comme forme naturelle et prévue au contrat a perdu quelques points entre avril et octobre 2022.

« Une analyse de Victor Carreau (CEO @Comet) évoque la question de la hype, par laquelle il est montré que toute nouveauté technique connaît un recul après sa première montée en puissance et avant la reprise générale du mouvement. Cela me paraît très vrai tant un nombre incroyable de tâches ou de missions ne nécessitent pas la présence obligatoire d’un agent ou d’un salarié sur son lieu de travail. »
« Les reproches faits au télétravail liés aux difficultés de maintenir une séparation nette entre vie privée et vie professionnelle sont cependant à entendre et il faut une sacrée discipline pour ne pas voir la vie à la maison totalement bouleversée par ces nouvelles formes de production. »

Un sentiment d’inutilité que ressent tout manager qui n’a plus personne à manager en présentiel
« Néanmoins, c’est sans doute par réaction que les entreprises ou les collectivités locales semblent stagner sur le télétravail. À quoi sert le chef s’il ne peut plus ‘cheffer’ ses subordonnés ? Où en est-on de l’antique rôle de subordination qui s’amoindrit en situation de télétravail et qui fait encore le délice de certains managers de collectivités locales. J’avoue avoir été moi-même troublé par l’absence de personnes dont je pensais qu’elles devaient être embarquées dans le même bateau que la direction générale, c’est à dire être présente, comme l’officier de bord veille à la bonne navigation du navire dont il a la charge.. J’ai ainsi limité un temps le télétravail aux non-cadres, ce qui s’avère aujourd’hui être une erreur de ma part et surtout une réaction inappropriée face au sentiment d’inutilité que ressent tout manager qui n’a plus personne à manager… en présentiel. »

Ceux qui choisissent exclusivement les lundis et les vendredis
« Alors ne nous mentons pas non plus, il est plus que certain que le télétravail est aussi utilisé par certains fonctionnaires pour en faire le moins possible ou et ce n’est pas vraiment condamnable, pour s’arranger dans sa vie personnelle. J’ai ainsi l’exemple d’un cadre de direction de la FPT, qui ayant 2 jours de télétravail par semaine, avait choisi les lundis et vendredis. Et bien oui, nécessité de service fait loi… »
« Le risque de ‘dérapage’ est toujours présent et les lois du service Public ou lois de Rolland augmentées doivent être l’alpha et l’omega du fonctionnaire (http://www.journal-du-droit-administratif.fr/lois-dites-de-louis-rolland/) . Mais le télétravail contribue à faire des économies d’échelle importantes en termes de gestion de locaux (s’il est anticipé), à réduire notre empreinte carbone (d’un point de vie des transports en tout cas), à améliorer l’équilibre vie professionnel et vie personnel, à contribuer à l’accélération de l’exécution de tâches répétitives mais essentielles (mandatement par exemple) et à réfléchir à une nouvelle organisation plus agile dans lequel le principe de coopération prévaut sur le principe hiérarchique dont on sait qu’il est encore extrêmement présent dans les collectivités locales. »

«Il est urgent que les collectivités se préparent activement à cette révolution pourtant déjà bien entamée.»

« C’est donc encore interroger son rôle de manager que de considérer l’activité hors les murs d’un agent d’une commune par exemple ; c’est aussi interroger le mode de production, les missions confiées à l’agent, les objectifs qui lui sont donnés et le contrôle de la qualité du travail et tout cela est de la responsabilité du manager. Alors, que le télétravail recule, stagne ou ne fasse qu’effectuer deux pas en arrière pour mieux avancer, il est surtout certain que les collectivités locales ne sont pas à la pointe du mouvement. Et il est aussi certain que ce mouvement de fond les rattrapera. Il est urgent qu’elles se préparent activement à cette révolution pourtant déjà bien entamée. »

Pour aller plus loin sur les Lois du service Public ou lois de Rolland, lire l’extrait du livre de Philippe Raimbault, Professeur de droit à L’université de Toulouse et aujourd’hui inspecteur général : https://books.openedition.org/putc/1606?lang=fr


Marchés publics : mieux disant ou moins disant ?

Rémy Canuti, consultant pour la société vauclusienne Care conseil & management spécialisée en conseil aux collectivités locales et accompagnement de dirigeants basée à Uchaux, évoque l’impact des réunions professionnelles sur l’économie des entreprises.

Eté 2022, l’université de Caroline du Nord lance une étude sur l’impact des réunions professionnelles sur l’économie des entreprises. Les résultats laissent rêveurs : un employé passe environ 18h par semaine en réunion, mais refuse rarement une invitation (14% à peine) alors même qu’il ne préférerait participer qu’à une minorité d’entres elles (31 %). Ce temps perdu coûterait aux entreprises américaines, la modique somme de 100 millions de dollars… Bien évidemment, en France, le sujet fait mouche et on s’empresse dans toutes les organisations publiques ou privées de réformer la manière de se réunir. Est-ce vraiment utile ? Qui dois-je inviter ? Combien de temps dois-je consacrer à ce sujet ? Y aura t’il un compte rendu des décisions prises ? Que puis-je attendre de cette réunion… Bref, autant d’indicateurs destinés à rationaliser notre pratique de la réunion.

En première lecture, rationaliser une pratique aussi chronophage que la réunion ne paraît pas farfelu. Je l’ai déjà dit, mon temps de travail en tant que DGS de collectivités locales, se résumait parfois à quitter une réunion pour entrer dans une autre. J’enchainais ainsi les rendez-vous et elles n’étaient pas rares les semaines qui me voyait participer à une quarantaine de réunions, de taille et d’intérêt divers, il faut bien le dire. Pour beaucoup d’entres elles, j’en étais l’instigateur, pour d’autres, l’heureux invité. Et je dis heureux sans ironie aucune, j’étais heureux de voir mes collègues, de discuter des avancées des projets, de tel ou tel recrutement… bref de partager leur quotidien. Mais sans doute est-ce que je partageais aussi autre chose…

En deuxième lecture, Philippe Silberzahn nous indique que la réunion ne serait que le symptôme d’une cause plus profonde. Ainsi, normaliser les réunions d’une collectivité ou d’une entreprise ne suffit pas à les rendre plus intéressantes, moins chronophages ou plus utiles. Selon, lui, cela ne sert même à rien ! Car si, rationnellement, les invités de ces réunions peuvent s’en plaindre, ils s’empressent quand même de les accepter et jouent le jeu bon gré, mal gré, car ils ont PEUR ! Ce serait la peur d’échouer ou d‘avouer ne pas avoir la réponse à une question, qui nous ferait prendre un maximum de précautions, en invitant tous les protagonistes possibles, afin de diluer la responsabilité et se protéger. Dans ces conditions évidemment, il est inutile de préciser que le nombre de réunions n’ira pas en diminuant, bien au contraire. Le mythe du manager qui a réponse à tout en serait la cause, alors que, précise l’auteur « on n’attend plus (du manager) qu’il soit l’expert qu’il était dans la première partie de sa carrière, mais au contraire un généraliste capable de dialoguer avec les différentes fonctions, c’est-à-dire des gens plus experts que lui. »

De quoi on peur les managers ?
Je me propose d’ajouter une troisième lecture à cette problématique qui concerne les collectivités locales. La question est de savoir en effet de quoi ont peur les managers ? D’échouer, de ne pas savoir répondre, de ne pas être à la hauteur ?

Il est vrai que plusieurs explications peuvent intervenir à ce niveau, qu’il s’agisse du syndrome de l’imposteur par lequel un manager ne se sent pas capable de satisfaire aux exigences de ses fonctions ou de la kakkorhaphiophobie qui désigne la peur d’échouer, on peut allègrement « internaliser » cette peur, en la faisant peser sur les épaules du manager et en relevant en lui les symptômes d’une sorte d’insuffisance psychologique. Reste qu’il me semble que l’organisation elle-même détient une forte part de responsabilité.

Prenons le cas de la fonction de direction générale des services. Dans la fonction publique territoriale, ce poste si stratégique soit-il n’est que mal défini. On évoque à ce sujet que le directeur ou la directrice générale des services est le chef d’orchestre de l’organisation d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public. Un peu vague tout de même…. Alors que dans les offices HLM par exemple, le rôle du DG est réglementé en lui conférant des pouvoirs particuliers et spéciaux, donc délimités et parfaitement connus de tous (Articles R421-18 et suivants du code de la construction et de l’habitat), les fonctions de DGS au sein des collectivités dépendent étroitement de la personne qui incarne ce rôle et de l’exécutif politique qui l’engage. Tout est affaire de bonnes relations, d’un pacte implicite et non formulé réglementairement, qui fonctionne dans la plupart des cas, mais qui créé une zone d’incertitude manifeste. Et l’on peut étendre cette incertitude manifeste à l’ensemble des postes de direction. Car si le manager a peur d’échouer, c’est pour partie parce qu’il ne sait pas exactement où s’arrête ses compétences et les possibilités qu’il a de les exercer.

Trop rares sont les collectivités locales ou les EPCI qui donnent aux directeurs, généraux ou non, une lettre de mission, assortie de la stricte délimitation de son pouvoir pour arriver à ses objectifs. Incertain quant aux moyens dont il dispose, le manager va tâtonner jusqu’à trouver le bon équilibre entre autonomie et rendu-compte, innovation et respect des règles et procédures et puis finira dans la plupart des cas, par faire comme tout le monde… se réunir pour discuter d’une décision dont tout le monde s’accorde à penser qu’elle relève de se son pouvoir, sans pour autant que cela soit certain !

Il appartient aux exécutifs locaux de responsabiliser leurs managers en leur confiant les pouvoirs essentiels à l’exercice de leur mission. Il existe bien des mécanismes de contrôle qui garantissent les dérapages possibles. Ce serait tout à la fois une manifestation de clairvoyance et un signe certain de maturité. Plus rapidement prises, les décisions indispensables à la réalisation des missions d’intérêt général, seraient aussi plus efficaces et… plus économes en heures passées à se réunir.


Marchés publics : mieux disant ou moins disant ?

Rémy Canuti, consultant pour la société vauclusienne Care conseil & management spécialisée en conseil aux collectivités locales et accompagnement de dirigeants basée à Uchaux, évoque la question de la pertinence du remplacement, ou non, d’une personne qui s’en va.

La question du remplacement pour faire suite à un départ est volontairement provocatrice mais mérite d’être posée.
En effet, le réflexe quasi atavique de chaque structure est d’y répondre par l’affirmative avec un point d’exclamation. Or, les choses sont sans doute plus complexes qu’elles n’y paraissent.

Mettons de côté les aspects purement budgétaires qui porteront le décisionnaire du recrutement à s’interroger sur de potentielles sources d’économie, de la même façon que nous mettons volontairement de côté le réflexe de la direction de ne pas perdre un agent, c’est-à-dire des compétences et de la force de travail, sans penser plus avant à l’organisation du travail. J’ai connu un directeur qui comptabilisait depuis son arrivée (plus de 15 ans) les entrées et les sorties de sa direction pour expliquer la nécessité d’embaucher. « On est toujours à moins 3 », me lançait-il régulièrement, souhaitant ainsi me prouver que des efforts avaient été faits en matière de compression de personnel et de rationalisation des tâches.
Une fois posés ces deux impondérables, qu’il est toujours nécessaire d’entendre sans s’y attarder, il est intéressant de réfléchir de la manière suivante.

Un départ, ce sont des connaissances, des techniques, une routine, des habitudes, un réseau de partenaires internes et externes à la collectivité ou à l’entreprise qui disparaissent ou se trouvent oubliés. Souvent, c’est un collègue apprécié, une ‘mine’ d’informations, quelqu’un qui faisait sa part du job et dont on connaît les tâches qu’il accomplissait. Des tâches qui vont devoir être redistribuées soit à une nouvelle recrue (c’est ce que l’on nomme le remplacement poste pour poste), soit en interne – et on évoquera à ce moment-là le partage des tâches.

Une opportunité d’améliorer les choses ?
Or, tout départ devrait être aussi vu comme l’occasion de s’interroger sur une possible amélioration du travail, une recherche d’efficience ou d’efficacité.
Ce devrait aussi être l’occasion de s’interroger collectivement, ou à tout le moins au niveau de la direction, générale ou opérationnelle.
La question est de savoir si l’on peut mieux faire. Non pas si l’on peut faire de la même façon, mais de vérifier si le travail peut être amélioré par d’autres compétences, par une redistribution, par un éclatement des tâches ou des missions, en fonction d’une logique organisationnelle.
C’est particulièrement le cas lorsque l’on a à faire face au départ d’une personne-ressource forte, d’une véritable boîte à outils qui a peu à peu construit son poste en fonction de ses propres appréciations, de ses propres capacités et appétences, bref, de quelqu’un qui œuvrait jusque-là en toute autonomie, privilégiant le résultat sur la monstration de la méthode et le travail solitaire à celui, transverse, de l’équipe.

Dans ce cas précis, reprendre la fiche de poste est quasi inutile, celle-ci ne représentant qu’une infime partie des compétences mises en œuvre pour assurer l’exécution des missions, par ailleurs disparates mais indispensables.
Il s’agit de prendre le temps de réfléchir à l’organisation du travail de la ou des directions.
Cette pause nécessaire peut être l’occasion de revoir à la hausse la qualité et la fluidité des tâches à effectuer, de les intégrer plus fortement dans un process de rationalisation qui intéresse l’ensemble de la structure. C’est aussi l’occasion de s’interroger sur leur utilité, sur la possibilité d’automatisation, bref, sur tout ce qui fait sens dans une organisation attentive à l’exercice de ses missions.

L’affaire de tous
Une introspection automatique de ce type ne peut se faire que dans une structure dans laquelle un lieu de réflexion (de type Codir, par exemple) est institué et où les directeurs qui voient une personne partir peuvent se retourner vers un collectif de pairs afin de s’interroger en toute sincérité sur la définition du nouveau poste à pourvoir.

Rien n’est plus difficile que de rendre le dialogue fluide autour des nécessités de recrutement d’une direction ou d’un service car les réflexes corporatistes sont encore fréquents, qui impliquent la toute-puissance du chef de service ou du directeur dans la gestion de son personnel et la sauvegarde étroite des intérêts de branche.

Or, précisément, animer une organisation publique ou privée, c’est faire avec ces réflexes, mais ne pas oublier la logique générale qui préside aux destinées de la structure qui doit être pensée globalement. Et ceci est forcément l’affaire de tous.

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