15 octobre 2025 |

Ecrit par le 15 octobre 2025

Le Mas de Carles, un sas où les cabossés de la vie peuvent se reconstruire pour rebondir

D’abord un peu d’histoire sur ce refuge de 26 hectares de verdure à l’est de Villeneuve-lès-Avignon, près du lieu-dit Les Perrières et d’une ancienne carrière d’où étaient extraites les pierres qui ont servi à construire les remparts d’Avignon et le Palais des Papes au XIVe siècle. En 1660, l’Abbée Carles y installe sa métairie. En 1884, c’est Théodore Aubanel, félibre et ami de Frédéric Mistral qui le rachète et enfin en 1963, l’abbé Joseph Persat, qui est à la recherche d’un lieu pour que les petits Avignonnais de la paroisse Saint-Jean-Champfleury aillent s’y oxygéner et jouer au foot le jeudi, en devient propriétaire.

Il faut attendre 1981 pour que l’Association du Mas de Carles soit fondée puis soutenue par l’Abbé Pierre pour devenir un ‘lieu à vivre’ où sont accueillis les SDF, les personnes en grande difficulté morale, matérielle et psychologique, qui peuvent dans un premier temps y être logés dignement, dormir en toute sécurité, manger régulièrement pour reprendre des forces, avoir accès aux soins, retrouver une hygiène de vie en participant aux activités et en partageant la vie de la communauté afin de retrouver une dynamique de vie et se réinsérer. « Les plus déshérités, ceux qui n’ont plus de famille, de travail y auraient leur place, prédisait le Père Persat, à l’époque. Tous ceux qui ont soif de paix, de calme, d’amitié y viendraient. Une vie fraternelle de partage y serait possible loin de tout ce qui divise : l’argent, la race, la culture… Carles deviendrait un lieu fort pour de nouveaux départs. »

Le travail de ferme

Ce lieu à vivre agréé accueille actuellement 43 résidents qui doivent respecter un règlement intérieur, les horaires des repas, être présentables et participer aux activités de cette ferme où tout est bio. Et elles sont nombreuses : élevage de chèvres et fabrication d’environ 50 000 pélardons par an, également de volailles et de lapins, maraîchage et arboriculture. Grâce aux 650 oliviers de la propriété, 2 tonnes d’olives sont récoltés et de l’huile d’olive est commercialisée dans les restaurants étoilés. Des ateliers confiture, rillettes, coulis et pâtés sont organisés. Tout cela concourt à assurer l’alimentation de ceux qui y vivent et y travaillent, avec plus de 25 000 repas par an confectionnés par le chef cuistot, des bénévoles qui ne lésinent pas sur leur implication et par deux résidants, qui, eux aussi, se donnent à fond. Au Mas de Carles, il faut aussi entretenir les espaces verts, débroussailler, arroser, tondre, remettre constamment en état les bâtiments, les canalisations, entretenir les parties communes, s’occuper de la chèvrerie, participer à la traite, fabriquer les fromages.

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La resocialisation

Ici, l’homme est au centre de tout. Il n’est pas question d’une assistance passive. Les 11 salariés et les 40 bénévoles veillent à lutter contre le laisser-aller vers l’individualisme ambiant tout en aidant les personnes en proie à des problèmes d’addiction (drogue, alcool, tabac), voire à leur procurer des papiers (carte d’identité, carte vitale) pour qu’ils retrouvent leur citoyenneté. Peu importe le temps que cela prend, à chacun son rythme pour se resocialiser, prendre un nouveau départ, partir pour une nouvelle vie. La moyenne âge est de 64 ans, le plus jeune résident a 25 ans, les plus anciens dépassent les 80 ans. Mais certains, aujourd’hui disparus, étaient tellement attachés à cet endroit, qu’ils ont souhaité que leurs cendres soient dispersés dans la garrigue du Mas de Carles.

L’écoute est le maître mot de toute l’équipe du Mas de Carles pour être utile. Chaque résident a un passé, un passif, un mal-être, une souffrance et aspire à remonter la pente, reprendre confiance, retrouver un équilibre psychologique et social, une raison d’être, une estime de soi et surtout un espoir d’aller de l’avant.

Un budget de plus en plus serré

Mais pour poursuivre avec succès cette aventure humaine, il faut de l’argent. Déjà 40% du budget (qui est de 1,8M€) sont assurés par les fonds propres (dons, mécènes, vente des produits de la ferme) et 60% par des subventions publiques (Etat, Mairies d’Avignon et de Villeneuve). C’est là que le bât blesse. Le Département de Vaucluse, au bout de 15 ans de soutien sans faille a retiré – crise abyssale des finances publiques et baisse de la DGF, dotation globale de fonctionnement obligent – son enveloppe qui représenterait 0,002% de son budget annuel. Or 47% des personnes accueillies au Mas de Carles sont des Vauclusiens. « C’est un mauvais coup porté à l’action sociale et au profit des habitants les plus précaires de notre territoire », ont déclaré à l’unisson les trois vice-présidents de l’association, Joël Aymard, Hélène Bout et Marie-Hélène Cuvillier.

Ce combat est récurrent dans toute la France. D’ailleurs, samedi dernier, se sont déroulées des manifestations sur le nécessaire maintien des subventions. Avec comme slogan « On ne tient plus ». « Avec l’inflation, la hausse des matières premières, du prix de l’énergie, nos charges explosent et les pouvoirs publics limitent voire retirent leur aide. Certaines associations ont moins de 3 mois de réserve de trésorerie devant elles, explique une manifestante. « Sans elle, les besoins humains, médicaux et sociaux ne seront plus couverts, on risque de supprimer des emplois d’éducateurs, d’assistants, nos structures seront autant fragilisées que ceux qu’on essaie d’aider en y mettant tout notre énergie. » Une autre ajoute : « Sous prétexte d’économies réalisées, il risque d’y avoir des coûts plus élevés si les personnes dont nous nous occupons du 1er janvier au 31 décembre devaient retourner à la rue, aller dans un hôpital psychiatrique ou entrer en maison de retraite. » L’an dernier, le journal La Croix a recensé dans notre pays 855 morts dans la rue. A titre d’information, en France, on compte 20 millions de bénévoles et 1,5M de salariés dans ces associations à but non lucratif qui sont le ciment de la solidarité, de la fraternité et du vivre ensemble.

Contact : info@masdecarles.org / 04 90 25 32 53

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