27 décembre 2025 |

Ecrit par le 27 décembre 2025

Chorégies d’Orange : une démission pour un festival de moins en moins lyrique ?

Après Raymond Duffaut en 2016, c’est au tour de Jean-Louis Grinda, son successeur à la direction des Chorégies, de jeter l’éponge. Un départ sur fond d’incertitudes planant sur les marges de manœuvres financières du plus ancien festival d’art lyrique du monde qui se voit contraint de réduire la voilure de sa programmation lyrique avec un seul opéra, sans mise en scène, prévu l’été prochain.

‘Bis repetita’… Fin de partie pour le directeur du plus ancien festival d’art lyrique du monde créé en 1869. « Je le regrette amèrement, mais je ne peux pas continuer. J’avais programmé 2 opéras pour 2026, il n’en reste qu’un, faute de moyens. » Ainsi s’exprime Jean-Louis Grinda lors de la présentation de la prochaine saison des Chorégies d’Orange*.
Quasiment ‘Chronique d’une mort annoncée’ puisque le Ministère de la Culture a sabré 200M€ de dotations, que la France n’a toujours pas de budget et que les collectivités locales sont dans la plus grande incertitude concernant leurs dotations.

« En 2026, nous devons alléger la programmation. »

Richard Galy, président des Chorégies et conseiller régional en charge de la culture en Provence Alpes Côte d’Azur.

Pourtant, cette présentation avait commencé tranquillement avec Richard Galy, le président des Chorégies, par ailleurs conseiller régional en charge de la culture en Provence Alpes Côte d’Azur. « Les Chorégies fonctionnent avec une toute petite équipe pour un festival connu dans le monde entier, seulement 7 salariés à l’année. 60% de nos recettes proviennent des billets, auxquels on peut ajouter les subventions de la Région, du Département, de la Ville et de l’Etat, c’est vertueux mais fragile. Par exemple quand Khatia Buniatishvili a annulé son concert de piano en 2024, cela a représenté un déficit de 100 000€, sans parler des intempéries. Cette vulnérabilité ne date pas d’hier. En 2018, un an avant que les Chorégies célèbrent leur 150e anniversaire, elles avaient failli mettre la clé sous la porte. Heureusement, le président de la Région Sud, Renaud Muselier avait renfloué le budget de 2,6M€. Et les années qui ont suivi, il avait fait passer la subvention de 450 000 à 750 000€. Mais la prudence budgétaire reste la règle. Et en 2026, nous devons alléger la programmation. »

Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies d’Orange (à gauche) et Richard Galy, président.

« Une saison ‘light’ ne me ravit pas. »

Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies

Jean-Louis Grinda prend alors la parole. « Certes, une saison ‘light’ ne me ravit pas. D’autant qu’en 2024, nous avions un bilan brut de +300 000€ mais en 2025, nous sommes en déficit de -150 000€. Cette réalité comptable nous oblige, d’autant plus que la ville d’Orange nous demande de libérer plus tôt le Théâtre Antique. Donc d’avoir une programmation moindre dans un laps de temps contracté ».

Le Harlem Gospel Choir. Crédit : DR/Chorégies

Contrarié mais professionnel, le directeur passe en revue le programme des Chorégies 2026. ‘Musiques en Fête’ en juin, ‘The magic of Motown’, la marque de disques iconique de Marvin Gaye, Stevie Wonder, Diana Ross & The Supremes » pour un ‘Harlem Gospel Choir’ le 27 juin. Place à ‘Traviata’ de Verdi le 4 juillet, sans mise en scène – économies obligent – mais avec Nadine Serra dans le rôle de Violetta et Ludovic Tézier, le meilleur baryton actuel dans celui de Giorgio Germont et Paolo Arrivabeni à la baguette face aux musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Marseille.

Philippe Katerine pour élargir le public
Le 7 juillet, un ‘inclassable’, le comédien-musicien-chanteur Philippe Katerine. « C’est une folie, comme quand j’ai fait venir Mika » commente Jean-Louis Grinda. « Mais il va attirer un autre public, peut-être des jeunes qui, à terme, pourraient élargir la fréquentation des Chorégies. »

Philippe Katerine sera aux Chorégies le 7 juillet prochain. Crédit : Ronan Thenadey

De la danse, le 13 juillet avec ‘Cendrillon’ de Prokofiev dans une chorégraphie de Jean-Christophe Maillot et une scénographie du plasticien Ernest Pignon-Ernest « Une soirée qui promet d’être inoubliable pour les amateurs ». Et enfin le 18 juillet, le violoniste Renaud Capuçon. L’an dernier il était déjà venu pour des sonates de Beethoven et Schoenberg et il avait attiré 2 000 personnes. Là, il jouera des musiques de films signées Michel Legrand, Vladimir Cosma, Ennio Morricone, John Williams, Philippe Sarde (pour l’Affaire Thomas Crown, Rabbi Jacob, Cinema Paradiso ou Les choses de la vie).

« Je suis là depuis 10 ans. Il faut se renouveler, c’est la vie. »

Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies

Jean-Louis Grinda insiste « Je regrette amèrement ce qui se passe. Il y avait 13 propositions de spectacles cet été, il n’y en aura plus que 6 en 2026. J’ai fait au mieux avec mon cœur et mon savoir-faire. Mais ce temps suspendu budgétaire, ces incertitudes plombent l’avenir et nous obligent à réduire la voilure. Je peux garantir la programmation mais pas les recettes ».

Jean-Louis Grinda qui est par ailleurs un metteur en scène réputé qui parcourt la planète, du Met de New-York à la Scala de Milan a aussi reconnu que le fait que le statut des Chorégies soit passés de SPL (Société publique Locale) à EPCC (Etablissement public de coopération culturelle) change la donne et l’oblige à renoncer « à des pans entiers » de son activité professionnelle . Il a ajouté « De toutes façons, il n’est pas sain de rester longtemps au même poste, je suis là depuis 10 ans, il faut se renouveler, c’est la vie. Donc je vais tirer ma révérence mais je suis quand même très inquiet pour le personnel qui donne tant depuis si longtemps aux chorégies et à ce public qui les suit avec passion. »

Quel avenir pour les Chorégies ?
En ces temps d’incertitude politique, économique, sociale, la culture n’est pas forcément une préoccupation majeure pour tous. Et nombre de participants à cette présentation qui applaudissent depuis des décennies les grands chanteurs et orchestres internationaux invités des Chorégies, se demandaient si ce n’était pas la fin d’une époque. En tout cas comme festival d’art lyrique. Puisque depuis des années, on programme de plus en plus souvent des concerts rock, des combats de boxe et d’arts martiaux au pied du fameux ‘Mur d’Auguste’, qui réussissent à attirer de plus en plus de monde, en particulier des jeunes.

Andrée Brunetti

*La billetterie de la saison 2026 des Chorégies d’Orange ouvrira le 15 décembre prochain et dès le 8 décembre pour les adhérents de l’Association des Amis des Chorégies d’Orange.


Chorégies d’Orange : une démission pour un festival de moins en moins lyrique ?

A l’occasion de la 42e édition des Journées Européennes du Patrimoine, l’Echo du mardi vous propose une carte interactive du programme en Vaucluse.
En tout, près d’une centaine d’animations seront proposées dans le département lors de cet événement qui se déroulera ce samedi 20 et dimanche 21 septembre.




Chorégies d’Orange : une démission pour un festival de moins en moins lyrique ?

Les premiers flyers ont fait leur apparition dès le mois de juillet pour certains, d’autres sont distribués ces jours-ci, les conférences de presse sont programmées tout au long de ce mois de septembre. Malgré des coupes budgétaires annoncées, des temps incertains et le chaos du monde, le spectacle vivant résiste, s’affiche et nous attend.

Et que vive le partenariat

En feuilletant les programmes de vos salles vauclusiennes préférées : les scènes théâtrales permanentes, l’Opéra Grand Avignon, l’Orchestre National Avignon Provence, (ONAP), la Scène Nationale de la Garance, le Centre de Développement Chorégraphique National Les Hivernales, sans oublier l’Ajmi, club de jazz avignonnais, les Passagers du Zinc (PDZ) et le cinéma Utopia, on ne peut que constater de nouvelles approches en terme de partenariat, certes économiquement nécessaires mais artistiquement réjouissantes. 

Pluridisciplinarité et ancrage territorial

C’est ainsi que la rentrée en musique de l’ONAP se fera comme d’habitude au Théâtre des Halles sous la houlette de la cheffe Debora Waldman, puis à l’Université d’Avignon avec le traditionnel programme « À vos classiques. » La saison 2025-2026 s’ouvrira en partenariat avec le Festival d’Avignon pour un moment festif à la FabricA autour de la violoniste japonaise Kyoko Yonemoto.

Le nouveau directeur de l’Ajmi, Antoine de la Roncière, a su dès son arrivée tisser des liens avec les festivals et les acteurs culturels locaux : conférence sur les femmes instrumentistes à la bibliothèque Ceccano, soirée afro-américaine sur la Place des Carmes, David Murray Quartet au théâtre du Chêne Noir, BD-concert au cinéma Utopia, le clarinettiste Yom et les frères Ceccaldi sur la grande scène de la Garance pour ne citer que les événements hors concerts hebdomadaires du premier trimestre. L’Opéra d’Avignon s’associe à l’événement Bien Bon du Grand Avignon en proposant un « un opéra bouffe », s’immisce dans la semaine Italienne, convie la chanteuse avignonnaise Suzanne avec les Passagers du Zinc, ouvre l’Autre Scène de Vedène à un spectacle de Festo Pitcho, co-réalise « Songs of Oblivion » avec le Chêne Noir. Deux spectacles des Hivernales seront également sur les plateaux de l’Opéra Grand Avignon : « Carcaça » et « Notre dernière nuit. »

Programme détaillé dans les prochaines éditions de l’Auditorium du Thor, Opéra Gand Avignon, Orchestre National Provence, Ajmi, Hivernales, des musées et théâtres permanents en Vaucluse.


Chorégies d’Orange : une démission pour un festival de moins en moins lyrique ?

Si l’édition 2025 du festival Off collectionne les records : nombre de spectacles, de créations originales, de compagnies représentées, de billets vendus, l’euphorie n’est pas de mise pour tout le monde et en particulier pour les petites compagnies, qui ont de plus en plus de mal à boucler leur budget pour venir à Avignon. 

Entre les salaires, la location d’un créneau dans une salle, les hébergements, les transports, les tracts, les affiches… Il faut à une compagnie de 4 personnes débourser au minimum 30 000 € pour venir jouer à Avignon. Selon les mêmes sources syndicales, les recettes de billets s’élèvent en moyenne à 12 000 €. A cela on peut ajouter l’apport de 3 000 € du FONPEPS (Dispositif de soutien à l’emploi du plateau artistique de spectacles vivants diffusés dans des salles de petites jauges), il reste à trouver 15 000 €.

« Il ne faut pas confondre le succès du Off et celui des compagnies qui font le Off »

Beaucoup de compagnies ne se rémunèrent pas et font appel au bénévolat. Tous estiment qu’il est essentiel, pour ne pas dire vital, d’être présent sur le plus important marché du théâtre privé francophone. 1 700 programmateurs ont fait le déplacement à Avignon, cette année. C’est une opportunité d’être remarqué, d’être programmé et de voir son spectacle tourner. Mais il y a beaucoup de candidats et assez peu d’élus. « Il ne faut pas confondre le succès du Off et celui des compagnies qui font le Off », affirment de concert Harold David et Laurent Domingos, les deux coprésidents d’Avignon Festival et Compagnie. En effet, il est constaté que l’abondance de spectacles (1 724 en 2025) a plutôt tendance à laisser de côté l’émergence et à profiter aux plus gros, aux plus connus… L’essentiel des regards sont naturellement portés sur les programmations de la dizaine des salles les plus importantes en taille ou en notoriété.  

Mais sans le soutien de la puissance publique et en particulier des collectivités, le spectacle vivant n’aurait pas la place qu’il occupe aujourd’hui

Avignon est un investissement peu rentable pour beaucoup de compagnies qui voient cependant dans ce festival une opportunité unique de se faire connaître. C’est tout le paradoxe de la situation.  

Mais sans le soutien de la puissance publique et en particulier des collectivités le spectacle vivant n’aurait pas la place qu’il occupe aujourd’hui. De nombreuses régions apportent leur soutien à des compagnies. Elles les accompagnent dans leur venue à Avignon (sauf les Pays de Loire). Mais c’est aussi toutes ces salles gérées ou financées par les collectivités qui accueillent des spectacles. Elles sont essentielles à la vie culturelle. Certaines d’entre elles sont même des lieux de création ou de résidence. Mais aujourd’hui, avec les restrictions budgétaires attendues il y a fort à parier qu’il sera bien difficile de conserver les niveaux de financement actuels. Un autre combat à mener… 


Chorégies d’Orange : une démission pour un festival de moins en moins lyrique ?

Ce mercredi 25 juin, le chanteur Michel Fugain se produira sur la scène du théâtre antique de Vaison-la-Romaine. Leader charismatique du Big Bazar dans les années 70, l’artiste débordant toujours d’énergie interprètera notamment ‘Une Belle histoire’, ‘Chante’, ‘Je n’aurais pas le temps’ ou bien encore ‘Viva la vida’. L’occasion pour les fans de revenir sur cette immense carrière. La première partie du spectacle sera assurée par Christina Rosmini.

Selma Debout (stagiaire)

Théâtre antique. Michel Fugain. Mercredi 25 juin. 20h (ouverture des portes à partir de 19h). Payant (48 à 58€). Rue Bernard Noël. Vaison-la-Romaine. Billetterie : dans les points de vente habituels (au guichet Vaison Festivals à l’office de tourisme, pour le tarif vaisonnais : 43€ en gradins).

Crédit : Quartier 9 Productions

Chorégies d’Orange : une démission pour un festival de moins en moins lyrique ?

D’après le ministère de la Culture, le spectacle vivant – qui regroupe la musique, le théâtre, le cirque, la danse ou encore les comédies musicales – est le deuxième secteur culturel en matière de poids économique après l’audiovisuel en France. Selon les données du dernier bilan annuel disponible, l’industrie du spectacle vivant a compté plus de 200 000 représentations, attiré 62 millions de spectateurs et généré des recettes totales d’environ 2,1 milliards d’euros en 2023.

Comme le montre notre infographie, les concerts de musique, et en particulier le segment « pop, rock, chanson », contribuent en majeure partie aux revenus du secteur : 1,2 milliard d’euros (soit 57% du total) pour l’ensemble des représentations musicales en 2023 – dont 776 millions (37%) rien que pour la pop, le rock et la chanson » et 125 millions (6%) pour le rap, hip-hop et autres genres assimilés. Parmi les types de spectacles vivants qui génèrent le plus de recettes en France, on trouve également le théâtre (et le conte/mime) avec 276 millions d’euros de revenus en 2023 (13% du total), l’humour, les sketchs et l’imitation avec 146 millions (7%), les comédies musicales (et spectacle/théâtre musical) avec 142 millions (7%), ainsi que le cabaret et music-hall avec 134 millions d’euros (6%).

De Tristan Gaudiaut pour Statista


Chorégies d’Orange : une démission pour un festival de moins en moins lyrique ?

Dans l’un des plus anciens vignobles de l’appellation, Le Château La Nerthe (1736), l’auditoire a été conquis par cette 4ème édition. Il faut dire que le maître d’oeuvre, l’historien, écrivain et journaliste Franck Ferrand a su choisir un thème consensuel : « La Beauté du Monde ».

Dans son avant-propos, il a tenu à rendre hommage au photographe brésilien Sebastião Salgado, disparu la veille à l’âge de 81 ans et dont l’exposition- évènement « Amazonia » avait été organisée au Palais des Papes en 2022. Aussitôt, Franck Ferrand donne le ton : « Ces vignes à perte de vue me font penser à la Toscane et forcément à Léonard de Vinci qui disait toujours d’ouvrir l’oeil, de cultiver le regard pour comprendre le monde » et dans la foulée, l’historien évoque Michel-Ange « Il ne sculpte pas le bloc de marbre de Carrare, non. Il fait jaillir, advenir La Pieta ou David ».

Sylvain Tesson, Franck Ferrand, Vivianne Perret, Catherine Van Offelen et “La Beauté du Monde“ ©Ville de Châteauneuf-du-Pape/ Emmanuel Chandelier

Sylvain Tesson prend la parole pour le marteler à son tour : « La beauté se trouve dans le regard. Il nous faut la traquer partout. Quand je suis dans le Désert de Gobi, je parle aux maigres buissons et j’y puise quand même des forces pour aller de l’avant. Nous devons réenchanter le monde qui nous entoure, extraire le suc de la vie, détecter sa beauté partout. Certains vont trouver que c’est cucu la praline, infantile, mais non, c’est ça la vie avec les fées. Quand je vais de la Galice aux Iles Shetland en Ecosse, aux Feroe entre Islande et Norvège, en longeant la côte, ces épines d’oursins de l’Atlantique, ce sont des mâchoires de rochers qui dévorent, il y a une grâce, un mystère. Comme ici, dans les collines du Comtat Venaissin, le vent et la lumière électrifient les vignes, rappellent la puissance du Mont-Ventoux, les Dentelles cabrées et crénelées de Montmirail, c’est toute notre attention qui doit être portée au monde. D’ailleurs, Novalis disait « Plus c’est poétique, plus c’est réel ».

« Plus c’est poétique, plus c’est réel ».

G.P. F. Novalis / Sylvain Tesson

L’écrivain-voyageur compare alors paysan et poète. le premier ensemence la terre et attend la germination des fruits et des fleurs, le poète donne aux mots la possibilité de faire jaillir le verbe, de prolonger la création avec le langage et de former des phrases. Tous les deux produisent, offrent au monde la vibration des mots en ribambelle et l’écho de nos paroles. Ce n’est pas comme ces i-phones hyper high-tech, ces pixels à soit-disant haute-définition numérique qui, en fait, ne définissent absolument rien du tout ».

Franck Ferrand évoque un concept cher au sémiologue Roland Barthes, la « sapientia », qui contient, en un seul mot à la fois le savoir, la sagesse et la saveur et Sylvain Tesson saute à pieds joints sur Homère., le poète grec du VIIIème siècle avant notre ère. « Il a déjà tout dit sur la vie, la mort, l’amour, la guerre. C’est comme la Grotte de Lascaux ou la Grotte Chauvet. Tout a déjà existé avant nous. Ce n’est pas une raison pour ne pas nous renouveler, contempler la lune, la mer ou la montagne, le vent ou le silence et dire notre ressenti intérieur avec nos mots à nous. Quand nous faisons l’ascension du Kilimandjaro en Tanzanie, il nous en faut du temps pour gravir les 6 000 mètres. Pas à pas, nous formulons notre pensée, elle se complexifie, elle s’enrichit au fil de l’escalade. »

Et comme nous sommes à Châteauneuf-du-Pape, il poursuit avec une métaphore sur le vin, le terroir, la maturation justement, le temps long, la fermentation, le vieillissement qui permet aux tanins de se fondre, de s’épanouir, au vin de se bonifier, de passer par magie du grain de raisin à l’élixir. Et Sylvain Tesson prévient : « La beauté ne doit pas être triste, nous écraser, nous pauvres humains qui cheminons sur terre. Cioran disait d’ailleurs avec humour : « Depuis que j’ai appris qu’il existait 14 milliards de galaxies, j’ai renoncé à faire ma toilette! » Eclats de rires et salve d’applaudissements dans le jardin du Château La Nerthe. Il ajoute, citant le poète et critique Yves Bonnefoy, que « Le paradis est épars, il reste des arpents de beauté, des débris, des bribes, des brins, des traces, des miettes, des éclats, même des tessons (!), à nous de les trouver même s’ils sont disséminés, comme les rares fleurs au milieu des hautes herbes ».

La 4eme édition des Causeries de Châteauneuf-du-Pape sur “La Beauté du Monde“ au Château La Nerthe ©Ville de Châteauneuf-du-Pape/ Emmanuel Chandelier

Et l’écrivain nomade se rebelle avec véhémence contre « Le gouffre de la banalité. Cet appareillage technique récent qui prétend masquer notre perception du réel par un écran virtuel, une tablette, ces terminaisons bioniques, ce doigt d’honneur digital qui fait de nous des valets de la puce algorithmique. Stop aux grands manitous, les GAFAM (Google, Apple, Facebook devenu X , Amazon et Microsoft). Surout pas d’écran entre nous et le monde. » intime-t-il au public subjugué.

La beauté, c’est à nous d’aller la chercher, de la traquer partout sur la planète. Mais à ce momen-là Sylvain Tesson pointe un autre excès de notre époque, le sur-tourisme qui attire tous les esprits grégaires qui s’entassent sur des sites remarquables et parfois les détruisent à force de piétinement. « Internet balise le monde, la population locale est excédée par cette invasion, aux Canaries comme à Venise avec ces immeubles-paquebots qui défigurent et ravagent la lagune, tous ces hots spots conseillés par les réseaux (dits) sociaux qui prétendent mettre en valeur certains sites emblématiques et qui débouchent sur des embouteillages géants. Ne les imitez pas, ne les suivez pas, prenez la tangente, échappez-vous, loin des sentiers battus ».

Franck Ferrand prend alors la parole pour évoquer les Japonais qui en regardant un tout petit arbre imaginent une forêt entière et Sylvain Tesson de prononcer le mot « synecdoque », une figure de style qui désigne une partie pour le tout. Et il presse les auditeurs à « Etre constamment aux aguets, attentifs, en alerte, à l’écoute du monde comme des autres. Ne soyez pas blasés, vous ne faites pas partie de cette race raccornie, dégoûtée de tout, indifférente au spectacle du monde, tenez votre âme en haleine! De grâce il y a des invariants partout dans la nature, un lever de soleil, une fleur, un paysage. Ne faites pas des claquettes sur les décombres, extasiez-vous sur l’asticot comme la baleine, l’infiniment petit comme l’éternité ».

Au terme de cette avalanche de mots, de ce raffinement de la pensée, les spectateurs, sur un petit nuage, ont échangé avec les invités de l’édition 2025 des « Causeries de Châteauneuf-du-Pape » et leur ont fait signer leurs dernières publications, histoire de prolonger ce moment de grâce.


Chorégies d’Orange : une démission pour un festival de moins en moins lyrique ?

Avec une fréquentation des salles de cinéma qui est toujours bien supérieure à celle de ses principaux voisins, la France se distingue comme le pays le plus cinéphile d’Europe. Si les cinémas français peinent encore à renouer avec la fréquentation d’avant-Covid (plus de 200 millions d’entrées entre 2014 et 2019), ils ont néanmoins réussi à faire croître leur nombre de visiteurs l’an dernier, malgré les défis posés par les nouvelles technologies et les évolutions des habitudes de consommation. En 2024, la France a enregistré une fréquentation de 181,3 millions d’entrées (soit 2,6 entrées par habitant), en progression de près d’un million par rapport à 2023. Le succès du cinéma français est l’un des facteurs de cette bonne performance. Les films nationaux ont représenté près de la moitié (44,4 %) de la fréquentation totale en France l’an dernier, les plus populaires ayant été « Un p’tit truc en plus » d’Artus avec 10,8 millions d’entrées et « Le Comte de Monte-Cristo » de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière avec 9,3 millions d’entrées.

Comme l’indique notre infographie, basée sur les chiffres de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, la France devance assez nettement le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui complètent le podium en Europe avec respectivement 126,5 millions et 90,1 millions d’entrées dans les salles de cinéma l’an dernier (soit 1,8 et 1,1 entrées par habitant respectivement).

De Tristan Gaudiaut pour Statista


Chorégies d’Orange : une démission pour un festival de moins en moins lyrique ?

La Comédie musicale Anselme Mathieu présente sa nouvelle création ‘We are family. Ce spectacle aborde le double-thème de l’insécurité et de la curiosité. C’est sur les planches de la salle Benoît XII, dans le cadre d’Avignon Terre de Cultures 2025 et du programme Curiosité(s), et à L’Autre Scène de Vedène, que les jeunes artistes du collège Anselme Mathieu se produiront.

« Deux jeunes filles, deux milieux sociaux, deux styles, deux modes de vie : l’une, prisonnière de la violence familiale, trouve refuge dans la musique, tandis que l’autre, de milieu modeste, se lie d’amitié avec elle. Leur participation à un concours de talents devient le catalyseur de tensions dramatiques : jalousies, révélations et trahison surgissent… ». C’est le synopsis de la nouvelle comédie musicale des collégiens de l’établissement Anselme Matthieu situé à Avignon.

Une mobilisation artistique depuis 10 ans
La Comédie Musicale du collège Anselme Mathieu est un projet qui existe depuis 10 ans. Chaque année, une équipe constituée de 10 à 15 adultes (enseignants, éducateurs, artistes …) encadrent entre 35 et 50 élèves pour une création collective d’envergure. Les élèves sont tous et toutes volontaires et sont issus de classes de CM2, 6e, 5e, 4e et 3e (enseignement général et/ou adapté SEGPA), et répartis, selon leurs souhaits, dans divers ateliers hebdomadaires (danse, théâtre, acrobatie etc.). Ces derniers participent également 2 fois par semaine à un atelier de chant choral, et se réunissent au grand complet 5 weekend pour coordonner les différentes étapes de la création. Celle-ci est collective et s’appuie sur des thèmes de société qui les questionnent leur environnement et les divers acteurs du système scolaire.
« Cette année, le thème de l’insécurité s’est imposé à nous après des périodes et des situations complexes rencontrées dans nos classes ou dans le quartier, et plus globalement dans notre société dans les relations humaines et sociales, explique l’équipe de La Comédie Musicale du collège Anselme Mathieu. Cependant, à ce thème se sont vite ajoutés ceux de la confiance et de la curiosité, qui se posent en miroir aux thématiques sécuritaires et nous semblent nécessaires à une réflexion globale. »

Crédit : DR

Aux croisements des arts et des pratiques professionnelles et éducatives
L’initiative, soutenue notamment par la mairie d’Avignon, la Fondation Emmaüs et le programme NEFE de l’Éducation Nationale, est une création collaborative. Autour de ce spectacle sont ainsi engagés des lycées professionnels d’Avignon pour lesquels le projet valorise les parcours éducatif et professionnel des lycéens, partie intégrante de leurs études. C’est de cette manière que le lycée Maria Casarès réalise les coiffures, au plus près du thème abordé et des besoins des personnages. Le lycée polyvalent René Char (3 classes professionnelles) confectionne les costumes ainsi que la préparation du buffet de réception lors des soirs de représentations.
Après avoir attiré 1 800 spectateurs et 600 scolaires l’an dernier, l’objectif cette année est d’atteindre les 2 000 spectateurs et 600 scolaires.

L.G.

Les dates de représentation
Théâtre Benoît XII. Avignon. Tout public, samedi 17 Mai à 20h
L’Autre Scène. Vedène, Tout public, mercredi 4 et jeudi 5 juin à 20h

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