19 mai 2024 |

Ecrit par le 19 mai 2024

Estuaire Nantes Saint-Nazaire : l’art à ciel ouvert

Le paysage, l’art et le fleuve ont été entremêlés dès la première édition de l’événement « Estuaire Nantes Saint-Nazaire » en 2007. Depuis, le parcours le long de l’estuaire de la Loire s’est constamment enrichi. L’occasion pour le voyageur d’associer art, nature et découvertes.

Créée il y a 15 ans par l’équipe du Lieu Unique, scène nationale dirigée par Jean Blaise, homme clé de la culture à la nantaise, cette biennale estivale sera suivie de deux autres rendez-vous en 2009 et 2012 s’inscrivant ensuite dans le Voyage à Nantes, parcours artistique à travers la ville.
L’idée est d’amener le public à découvrir les 60 kilomètres de l’estuaire de la Loire à travers des œuvres, éphémères ou pérennes, installées en pleine nature. S’il n’y a pas eu d’autres éditions d’Estuaire, le Voyage à Nantes a depuis poursuivi chaque été l’installation d’œuvres contemporaines dans la Cité des Ducs de Bretagne mais aussi tout au long de la Loire jusqu’à Saint-Nazaire. Certaines sont amenées à rester, s’ajoutant à la collection d’une trentaine d’œuvres d’art contemporain (33 en 2021) signées d’artistes de renommée internationale.

Un serpent d’océan
La plus en aval, et sans doute l’une des plus spectaculaires, assaillie par les flots marins à chaque marée, est le fameux serpent de mer sur la plage de Saint-Brévin-les-Pins, réalisée par l’artiste Chinois Huang Yong Ping. Un squelette de plusieurs dizaines de mètres, semblant sorti d’une fouille paléontologique, échoué sur l’estran et dont la ligne des vertèbres joue avec la courbe du pont de Saint-Nazaire, en arrière-plan avec les fameuses pêcheries perchées sur leurs pilotis.
Cette œuvre, cofinancée par l’Union européenne, illustre bien l’esprit du voyage artistique proposé, associant la découverte du territoire sous plusieurs angles, amenant le voyageur à sortir des sentiers battus pour appréhender des lieux souvent en dehors des circuits touristiques majeurs.
Estuaire est un parcours touristique permanent, dans un musée à ciel ouvert qui fait la part belle à l’environnement et à la nature, télescopant les propositions. Il faut marcher un peu, dans ce qui ressemble parfois à une forêt amazonienne pour découvrir « les Colons », « The Sletters » signés Sarah Sze, près de port Lavigne, en aval du port urbain de Nantes. Un vaste domaine naturel où l’artiste a placé dans des arbres un bestiaire, constitué d’un ourson, d’un jaguar et de singes. Cette œuvre dispersée, se mérite, il faut aller la chercher en cheminant sur un sentier débordant de végétation que l’on n’aurait sans doute jamais arpenté autrement.

Le serpent d’océan, par Huang Yong Ping, à Saint Brévin. © Franck Tomps _ LVAN

Colosse à Saint-Nazaire
Saint-Nazaire, le port atlantique de l’estuaire de la Loire, n’est pas en reste. Là, c’est sur la petite plage de l’avant-port que Daniel Dewar et Grégory Gicquel ont posé trois sculptures imposantes, l’une des plus récentes œuvres proposées, représentant, un pied géant, un pull-over et un système digestif, tels des fragments de corps, d’architecture ou de monuments portuaire. L’antiquité grecque fait irruption à Saint-Nazaire, à l’image d’un colosse de Rhodes démembré, d’une civilisation disparue. L’Atlantide n’est pas loin…
C’est cette percussion que recherche la société publique locale Le Voyage à Nantes, pour la promotion de la destination. « Estuaire a fait connaître près d’une soixantaine d’artistes contemporains qui ont su jouer avec les éléments pour offrir au public un véritable condensé de curiosité », rappelle Jean Blaise, chef d’orchestre du Voyage à Nantes. 

La part du rêve
Le fleuve avale littéralement certains œuvres. Si le bateau mou « Misconceivable » d’Erwin Wurm, semble prêt à plonger dans l’eau depuis l’écluse du canal de la Martinière, près du village de pêcheurs du Pellerin, comme attiré par la Loire, la « maison » de Jean-Luc Courcoult a carrément fait le plongeon. Depuis la première édition de la biennale, cette maison, réplique d’un hôtel particulier XIXe de la ville, subit les marées toutes les six heures. Initialement installée à la hauteur de Lavau-sur-Loire, les forts courants ont eu raison de cette première implantation. Elle est désormais « mouillée » dans le fleuve, en face Couëron, plus en amont vers Nantes. « Estuaire »
Est logiquement la part du rêve et en faisant appel à Jean-Luc Courcoult, fondateur de la célèbre compagnie Royal de Luxe, elle s’adresse à l’homme des voyages extraordinaires et des histoires à rêver debout, touchant sans le dire à l’univers de Jules Verne. On n’est pas loin de l’île flottante imaginée par le célébrissime auteur né à Nantes en 1828. Car c’est une navigation imaginaire, voire rêvée, que propose aussi « Estuaire Nantes Saint-Nazaire ».

Jean-Luc Courcoult, La Maison dans la Loire, Couëron, © Philippe Piron _ LVAN

Belvédères
Au Voyage à Nantes, il y a comme un besoin de prendre de la hauteur pour contempler le paysage et les alentours. Le petit village de Lavau-sur-Loire, ancien fief des seigneurs de Laval, restait tranquillement oublié en bord de marais, entre Nantes et Saint-Nazaire. C’est devenu un lieu apprécié, grâce à l’Observatoire de Tadashi Kawamata. L’artiste japonais a imaginé une longue promenade de bois jusqu’à son belvédère planté en plein marais, reconnectant le village à la Loire. Du haut de ce point de vue, se mêlent marais, Loire et au loin, à l’horizon, les torchères de la raffinerie de Donges, en face du port de Paimboeuf, port actif au XVIIIe siècle.
Plus urbain, le belvédère de l’Hermitage, signé également par Tadaschi Kawamata, accroché en porte-à-faux sur le granit de la butte Sainte-Anne offre un panorama exceptionnel sur l’Île de Nantes, la Loire urbaine et la ville. Et, après ce périple, il suffit de s’arrêter chez le voisin, le chef étoilé Jean-Yves Guého, qui préside aux destinées de l’Atlantide, l’une des plus belles tables de Nantes, avec un point de vue tout aussi exceptionnel sur la Loire.

Par Victor Galice, Informateur Judiciaire, pour Réso hebdo éco

Le pied, le pull-over et le système digestif, Daniel Dewar & Grégory Gicquel, Saint-Nazaire, © Franck Tomps _ LVAN

À pied, à vélo, en voiture ou en bateau
Le fleuve, ses paysages et les œuvres d’Estuaire font l’objet d’une croisière fluviale d’avril à octobre dans le cadre du Voyage à Nantes mais peuvent se découvrir toute l’année à pied, à vélo, ou en voiture. Chaque œuvre guide vers un lieu atypique ou remarquable. Le site Estuaire.info (qui existe en version mobile) délivre une information détaillée sur les artistes, le territoire, la constitution de la collection… Également disponibles, des commentaires audios qui donnent les clés de compréhension des œuvres et du territoire. La fonction “s’y rendre” calcule le meilleur itinéraire pour rejoindre facilement les œuvres.
Croisières : D’avril à octobre. Départ de Nantes ou de Saint-Nazaire (2h30). Tarifs : de 15€ à 38€. Renseignements et réservations : 02 40 75 75 07 www.nantes-tourisme.com – www.marineetloire.fr


Estuaire Nantes Saint-Nazaire : l’art à ciel ouvert

Les Pays de Savoie abritent plus de mille mines et carrières souterraines qui ont, pendant des siècles, alimenté en minerais l’économie locale et structuré le territoire. Le Grand Filon – Musée du fer, à Saint-Georges-d’Hurtières, en perpétue la mémoire.

Pénétrer dans la galerie Sainte-Barbe, c’est comme être happé par une faille spatiotemporelle. Casque et frontale vissés sur la tête, le visiteur découvre, dans un ballet de faisceaux lumineux, les vestiges de plus de quinze siècles d’exploitation minière. Au fur et à mesure de la déambulation dans ces quelques hectomètres de boyaux, on est pris de vertige à essayer d’imaginer le nombre d’heures et de vies passées à creuser ce filon de sidérite d’une largeur de 8 mètres dont l’exploitation a fait de Saint-Georges-d’Hurtières la plus importante mine de fer de Savoie.

« Saint-Georges-d’Hurtières, c’était le Far West »

S’il est exploité depuis la fin de l’Antiquité – des recherches archéologiques menées en 2020 ont révélé des vestiges de transformation du fer dès le IVe siècle –, ce massif polymétallique est d’abord prisé pour son cuivre et son plomb argentifère. Il faudra attendre le Moyen Âge et l’augmentation du besoin en armes blanches pour voir le fer prendre son essor. La spécialisation de la Basse-Maurienne dans l’exploitation et la transformation de ce minerai s’opère au XVIe siècle avec l’arrivée de métallurgistes italiens qui importent la technique du haut-fourneau “à la bergamasque”. Le territoire valorise alors ses ressources en bois et la force hydraulique pour produire un acier de qualité.

Le musée du fer du Grand Filon bénéficie d’une nouvelle scénographie. Musée du fer Grand Filon © Matthieu Challier

Dans les Hurtières, l’extraction du minerai repose sur le “droit des paysans” qui permet à chacun de prospecter les mines et d’en obtenir la concession. En conséquence, une multitude d’exploitants se côtoient. À la fin du XVIIIe siècle, près de 400 mineurs travaillaient dans 62 exploitations. « Saint-Georges-d’Hurtières, c’était le Far West », estime même Robert Durand, membre du Spéléo-club de Savoie, dans une vidéo de l’exposition ’Mines de montagne’, actuellement présentée à l’abbaye de Hautecombe*. Tous les coups étaient permis pour couper la route du voisin, voire essayer de faire écrouler sa galerie… Des siècles d’exploitation anarchique ont fini par donner corps à un véritable labyrinthe souterrain qui se déploie sur quelque 21 km et plus de 400 m de dénivelé… Lors de la visite, la vision d’une voie ferrée qui se jette dans le vide interpelle et illustre le caractère désordonné de cette ‘construction’.

« C’est pas Germinal, ici »

Ce qui frappe également, c’est l’absence des étais en bois qui accompagnent les images d’Épinal de la mine. « C’est pas Germinal, ici », s’amuse Stanislas Godard, notre guide du jour. La roche des Hurtières est assez dure pour que les piliers laissés par les mineurs suffisent à assurer la stabilité de l’édifice souterrain. Du moins, tant qu’ils ne sont pas tentés de trop les ‘grignoter’…

Située à 1 150 m d’altitude, Sainte-Barbe est la seule galerie minière qui se visite en Pays de Savoie. C’est, en quelque sorte, le dernier témoin d’une histoire qui a commencé au moins vers 2100 avant Jésus‑Christ, avec l’exploitation du cuivre. En haute montagne, la rareté de la végétation aidant, les couleurs bleues, vertes, rouges ou dorées des filons qui affleurent sont en effet les premières à attirer l’attention de nos ancêtres du néolithique.

Une légende raconte que Durandal, la célèbre épée de Roland, aurait été forgée avec du minerai extrait du massif des Hurtières. Durandal _ cc Flickr – Marc Pivetta

Des siècles durant, la maîtrise des minerais sera un enjeu de pouvoir, tant pour battre monnaie que pour produire outils, armes et bijoux. L’exploitation minière savoyarde connaît son apogée à la fin du XVIIIe siècle et au début du suivant. Mais, à partir de la fin du XIXe siècle, les progrès dans le traitement des minerais, puis la découverte d’autres types de gisements dans le monde marquent le déclin des exploitations minières alpines. Sur le massif des Hurtières, Schneider arrête l’exploitation des gisements de fer en 1888.

Approche humaine et didactique
Le Grand Filon – Musée du fer de Saint-Georges-d’Hurtières a été conçu pour préserver la mémoire de ce patrimoine minier savoyard. Son espace muséal conjugue l’histoire du hameau de La Minière – qui a compté jusqu’à 300 mineurs au XIXe siècle – et celle du fer, des temps géologiques à l’exploitation des mines. Le parcours muséographique propose une approche à la fois humaine et didactique qui mêle photos d’archives, objets d’époque, films et minéraux. Un parcours sonore permet également de découvrir la vie des mineurs dans le hameau et ses environs, et d’aller jusqu’à la petite galerie Saint-Louis, accessible à tous. La visite de la grande galerie Sainte-Barbe n’est accessible, elle, que sur réservation (voir ci-dessous).

Matthieu Challier – Eco Savoie Mont Blanc pour Réseau hebdo éco

*Exposition ‘Mines de montagne’, jusqu’au 20 septembre, à la Grange batelière de l’abbaye de Hautecombe (73). Entrée libre et gratuite tous les jours (sauf le mardi) de 13 h 30 à 18 h.

Désormais, l’avenir des mines est davantage dans l’industrie touristique que dans l’extraction minière. Galerie Sainte-Barbe 2 © Matthieu Challier

Immersion au Grand Filon
Attraction phare du Grand Filon – Musée du fer de Saint-Georges-d’Hurtières (73), la visite guidée (réservation obligatoire) de la grande galerie Sainte-Barbe nécessite une bonne condition physique et un équipement adéquat (chaussures de marche, tenue chaude), car le périple commence par une heure de montée avec plus de 200 mètres de dénivelé positif, du hameau jusqu’à l’entrée de Sainte‑Barbe, à 1 150 mètres d’altitude. Expérience insolite garantie.
Ouvert jusqu’au 27 août, tous les jours sauf le samedi, de 13 h à 18 h. Renseignements sur grandfilon.net.

https://www.echodumardi.com/tag/decouverte/page/2/   1/1