2 mai 2024 |

Ecrit par le 2 mai 2024

L’Ecole du smartphone : un centre inédit en Vaucluse au cœur de l’économie circulaire

A Morières-lès-Avignon, en plus de reconditionner les téléphones défectueux, ‘Mobile store group’ transmet son expertise à travers la première ‘Ecole du smartphone’ de Vaucluse.

Nous voilà loin du pupitre de la COP 21, de la photo de groupe ‘tout sourire’ et des centaines de micros faisant raisonner la voix des puissances de ce monde. C’est au cœur des territoires que naissent les initiatives les plus palpables. « Tout a commencé il y a plus de 10 ans dans notre garage, en rachetant un site de e-commerce spécialisé dans la vente d’accessoires téléphoniques », se remémore Tim Boaglio dans son bureau.

Ce dernier forme avec son épouse, Edwige Boaglio, un duo 100% autodidacte au service d’une économie circulaire. Les fondateurs de ‘Mobile store group’ sont d’ailleurs soutenus par le député Adrien Morenas dans le cadre de leur candidature au plan France Relance. Les Boaglio sont complémentaires, parfaitement synchronisés, jusqu’à parler en cœur. « Il ne faut pas attendre que tous les feux soient au vert, mieux vaut prendre des risques en tant qu’entrepreneur », conseille Tim Boaglio. Les risques, le duo en est coutumier. Rares étaient les banques qui croyaient au marché du reconditionnement au début de l’aventure. Et pourtant.

À peine le dernier modèle de smartphone s’affiche-t-il en rayon que déjà les rumeurs enflent au sujet du prochain bijou technologique. La frénésie de consommation n’épargne personne, à grand renfort de budget publicitaire et d’innovations. Seulement voilà, nos chers gadgets coûtent chers, aussi bien à l’environnement qu’aux ouvriers (dont des enfants) qui extraient le minerai dans des conditions insoutenables. Plus de 50 composants vivent au creux de nos mains : nickel, cuivre, or, argent, cobalt… C’est cette forme de gaspillage à grande échelle des ressources naturelles que les entrepreneurs tentent de réduire en se servant des pièces mêmes de l’ancien smartphone pour lui redonner vie.

Tim Boaglio fait visiter l’atelier de reconditionnement au député de Vaucluse Adrien Morenas

Sur la route de Réalpanier, le siège de ‘Mobile store groupe’ gravite autour d’une boutique proposant des appareils reconditionnés de toutes marques avec une garantie allant jusqu’à 2 ans : smartphones, tablettes et ordinateurs. Au fond, l’atelier dédié aux professionnels s’étale sur plus de 300m2 où les 7 collaborateurs s’affairent à réparer les téléphones pour les renvoyer aux grossistes. Ici, la technologie est de pointe et le matériel utilisé est haut de gamme. La livraison du jour est arrivée : 400 téléphones à reconditionner. Dans le prolongement des locaux, une salle fermée laisse entrevoir quelques silhouettes concentrées. Deux apprenants sont en pleine session au sein de l’Ecole de formation lancée il y a deux ans. Une première en Vaucluse.

« On souffre d’un manque de qualification et de main d’œuvre. »

En 2013, après avoir travaillé avec des ‘marketplace’ diverses, le couple ouvre une boutique de vente et conseil à l’Isle-sur-la-Sorgue afin de proposer le stock qui dort dans le garage. L’étage est alors dédiée au reconditionnement, « on faisait jusqu’à 300 expéditions par jours avec 4 salariés. » Les entrepreneurs ouvriront par la suite des ‘corners’ dans plusieurs centres commerciaux qui, faute de main d’œuvre qualifiée, fermeront leur porte. La main d’œuvre : le nerf de la guerre. Tim ira jusqu’au Etats-Unis et en Asie pour se former aux techniques de micro-soudure. « On souffre vraiment d’un manque de connaissance dans le secteur du reconditionnement. Les profils compétents et qualifiés sont très rares, voir inexistants », déplore le chef d’entreprise. Qu’à cela ne tienne, le couple prend le taureau par les cornes et crée son propre centre de formation en 2019.

Des équipements à la pointe de la technologie permettent de redonner vie aux téléphones.

Une demande exponentielle

La demande grandissante donnera raison à ce projet. « Le problème sur certaines plateformes, ce sont les délais. Les téléphones sont envoyés en Roumanie ou en Chine, vous pouvez vous armer de patience », prévient-il. La demande est telle qu’elle impliquerait de tripler les volumes, impossible au vu du manque de personnel. Des sociétés étrangères, dont une à Miami envoie régulièrement des téléphones à reconditionner à ‘Mobile store group’ faute de compétence.

A la question de savoir si le duo n’est pas en train de se tirer une balle dans le pied en créant sa propre concurrence, la réponse est non. « Il y a tellement de demandes sur ce marché que de toute façon, les gens iront se former d’une manière ou d’une autre », reconnait Tim Boaglio. Autant leur transmettre un bagage de connaissances de qualité. L’Ecole du smartphone forme même les réparateurs des grossistes qui envoient les téléphones à reconditionner. Certains leur sous-traitent les tâches qu’ils ne peuvent pas faire, jusqu’à être autonomes et indépendants.

Certifié Qualiopi

Deux sessions par mois sont organisées au sein de l’Ecole du smartphone avec 4 apprenants maximum par session. « On privilégie l’accompagnement individuel et la qualité de la formation plutôt que le nombre », souligne Edwige Boaglio. Depuis le début de l’aventure, 50 apprentis ont bénéficié de formations graduées en fonction du niveau : réparation initiale, micro-soudure niveau avancé, micro-soudure expert. Toutes les formations disposent de la certification Qualiopi qui permet d’être référencé auprès des financeurs publics dont notamment Pôle emploi, les Régions ou les Collectivités. « Nos formations sont approuvées par Afnor et sont validées par l’Etat pour un financement complet par le CPF (Compte personnel de formation) », souligne Edwige Boaglio.

Du demandeur d’emploi au professionnel

Les bénéficiaires ? Ils vont des demandeurs d’emploi aux entrepreneurs, en passant par les salariés ou les professionnels. La formation ‘créateur’ par exemple vise à enseigner les bons gestes, bénéficier d’outils dédiés, détecter une panne, maîtriser des techniques de vente et agencer une boutique. « Certains salariés sont envoyés par leur employeur pour se former à ce nouveau métier. Nous avons aussi déjà reçu une dame à la retraite qui s’est formidablement bien débrouillée. Nous gardons le contact avec nos apprentis, c’est important. »

Les particuliers peuvent aussi bénéficier de conseils avisés. Une communauté d’entraide a vu le jour sur WhatsApp, dans le but de prolonger l’accompagnement des élèves. Après avoir terminé la formation, ils bénéficient de vidéos explicatives pendant un an, ainsi que de conseils en cas de besoin. Par ailleurs, des cours particuliers sur d’autres thématiques sont quelques fois administrés. « Dernièrement nous avons formé des personnes âgées en magasin par exemple. Cela peut porter sur l’utilisation de WhatsApp qui a explosé pendant la crise sanitaire ou la création d’un identifiant Apple pour synchroniser les photos et éviter toute perte si le téléphone tombe en panne », explique Edwige Boaglio.

Edwige et Tim Boaglio ont plus de 10 ans d’expérience dans la téléphonie. Crédit photo: Linda Mansouri

L’Ecole du smartphone est ainsi affiliée à Pôle emploi pour la mise en relation des profils. Le couple souhaite partager ces bases de connaissances et offrir au plus grand nombre l’opportunité de se former. « Nous croyons fermement dans le potentiel du marché de la réparation et la maintenance. Il ne cesse de grandir mais surtout il est vital pour le respect de notre environnement. Il aide notamment à lutter contre l’obsolescence programmée. Nous vendons des téléphones qui ont sept ans et qui fonctionnent parfaitement », souligne les fondateurs. 

La proximité qui change tout

Ce qui fait la différence ? L’expertise de haut niveau, la proximité et la réactivité de la prise en charge. Contrairement à certains géants du net, ‘Mobil store group’ dépanne le client dans l’heure qui suit si les pièces sont en stock et si la réparation peut se faire rapidement. « C’est ce qui explique que nous sommes là après 10 ans », explique le chef d’entreprise. « Certains clients atterrissent dans la boutique, complètement désemparés et terminent par « comment aurais-je fait sans votre aide ? ». Une prise en charge et un accompagnement humain dont les consommateurs ont cruellement besoin à l’ère du digital et des ‘chatbot’.

« Nous vendons des téléphones qui ont 7 ans et qui fonctionnent parfaitement. » 

400 téléphones reconditionnés par semaine

Un réseau fidèle de clients envoie régulièrement des salves de téléphones à reconditionner. Notamment des grossistes internationaux provenant de divers continents dont l’Asie. Ou comment une PME réussit le pari de collaborer avec des mastodontes internationaux pesant des millions. Le pourcentage de réparabilité est remarquable. « Sur 200 pièces, nous en réparons 190. Je précise qu’il s’agit de pièces qui ont été jugées « irréparables » par d’autres réparateurs », souligne Tim.

Une fois conditionnés, les grossistes récupèrent les flottes de téléphones pour les revendre en boutique. ‘Mobil store group’ envoie également des téléphones au sein de la propre boutique et auprès de quelques clients historiques de son propre réseau. « On a cette expertise, on sait quel composant va lâcher et comment le réparer », explique Tim, qui fort de son équipe, met la main à la pâte à l’approche de Noël.

Grace à du matériel de pointe, les experts affichent un taux de reparabilité plus que satisfaisant.

Quid de la redevance de copie privée ?

Retour en arrière. Le 1er juin dernier, la commission pour la rémunération de la copie privée a voté un barème spécifique visant à prélever une taxe de 7,20 euros hors taxes auprès des reconditionneurs par appareil doté d’une mémoire de 64 giga. Adoptée par l’Assemblée Nationale le 1er juillet, la mesure sera examinée par le Sénat le 2 novembre. La redevance pour la copie privée est un dispositif permettant de taxer les appareils neufs pouvant stocker des fichiers soumis aux droits d’auteurs et droits voisins. « Ce sera tout simplement destructeur. Cette mesure aura pour seul effet de renforcer la concurrence déloyale vis-à-vis des acteurs internationaux qui eux ne sont pas soumis à la même politique fiscale. On ne sera plus compétitifs face à des vendeurs allemands ou chinois par exemple », déplore Tim. Verdict le 2 novembre.

Projets dans les cartons

Les projets fulminent dans l’esprit des entrepreneurs. Le premier porte sur la création de formations plus longues, entre 6 à 8 mois, pour proposer un enseignement encore plus complet. Et pourquoi pas in fine, créer un CFA ? Un nouveau site internet est en cours de construction et verra le jour en décembre. Avec la candidature à France relance, les fondateurs espèrent aménager l’atelier pour répondre à la demande grandissante. « Nous souhaitons faire connaitre ce métier, agir contre la production des déchets de masse et permettre par la même occasion de maitriser son budget », ainsi se décline le mantra des Boaglio, toujours prêts à dompter les défaillances à chaque nouveau modèle sur le marché.

Plus d’informations sur l’Ecole du smartphone, cliquez ici. Boutique de l »Isle-sur-la-Sorgue : centre commercial Intermarché. Boutique de Morières-lès-Avignon : 890 Route de Réalpanier. Plus d’informations sur ‘Mobile store group’, cliquez ici.


L’Ecole du smartphone : un centre inédit en Vaucluse au cœur de l’économie circulaire

Le fabricant vauclusien de machines de tri optique a imaginé il y a 10 ans comment faire des centres de traitement des déchets de véritables acteurs de l’économie circulaire. Son nouveau site de production (10M€ d’investissement) se met en place et se prépare à doubler son activité grâce à une vision ‘locale’ de valorisation des gisements de matières.

 « Boîte noire et gants blancs ». On dirait un spectacle de prestidigitation. Toutes ces merveilles de technologie ébahissant nos esprits n’ont plus rien de commun avec les outils dont nous avions autrefois la maîtrise. Au moindre caprice, à plus petite panne, il faudra attendre, bras ballants, les mains expertes et gantées de techniciens spécialisés. « C’est exactement ce qu’on ne veut pas faire et ce qui rend notre approche si différente dans notre métier », pose Jean Hénin, le jeune président de Pellenc selective technologies (ST).
Ce métier – le tri industriel des déchets – confronté à la difficulté de l’organisation des filières, sort encore des limbes. Il était plus simple de remplir des incinérateurs en surcapacité et des centres de stockage de déchets que de les acheminer vers des centres de tri trop petits, trop chers. C’est ainsi qu’en 2015, trois quarts des déchets n’étaient donc toujours pas recyclés en France parce que la plupart des centres de tri ne pouvaient pas traiter plus de 10 000 tonnes par an. Et à un prix exorbitant, 40% plus chers que leurs homologues européens.

Des solutions de tri crédibles
Depuis lors, de gros progrès ont été accomplis pour améliorer la disponibilité (temps effectif de fonctionnement) et les performances des machines, face à la nécessité – imposée par voie d’arsenal législatif – de traiter une plus grande fraction des gisements de déchet.
« La qualité du produit sortant doit être la plus parfaite possible pour que les industriels puissent l’utiliser sans trop de contraintes. C’est là que ça se joue », précise Jean Hénin. Il faut obtenir une matière plus pure, en moins de temps, pour créer des filières compétitives.
Dotés des dernières générations de capteurs, les convoyeurs de tri circulant à la vitesse de 2 à 4 mètres par seconde peuvent désormais détecter et isoler une seule et même matière avec un taux de pureté variant de 90 à 98%, contre 85% hier. Ces matières, comme le plastique, devenues plus facilement recyclables intéressent largement les industriels.
Pellenc ST n’a cessé de progresser depuis ces 6 dernières années, affichant une croissance annuelle de plus de 10% sur le marché des machines de tri optique dont elle est aujourd’hui le numéro deux mondial face à un Norvégien. Sa part de marché en France est de 50% et de 20% à l’étranger.

Le plan ‘ST 2025’ concrétise une vision
C’est en apportant de la compétitivité à ses clients et des solutions de valorisation crédibles un peu partout dans le monde (30 pays) – nous allons voir comment – que l’entreprise vauclusienne a dégagé une nouvelle vision de son métier.
« Nous avons imaginé l’avenir à 10 ans, en tenant compte des deux évolutions majeures que sont la transformation énergétique et la nouvelle révolution industrielle. Dès 2015, nous avons donc cherché à fabriquer des machines intelligentes et connectées qui puissent répondre aux attentes spécifiques de chaque client, optimiser l’exploitation des sites et s’adapter à l’extension des consignes de tri. »
Le plan ‘Pellenc ST 2025’, se déploie aujourd’hui autour d’un projet d’aménagement et de modernisation du site de Pertuis qui frôle le doublement de sa surface grâce à un investissement de 10M€, dont 500 000€ apporté par la plan France Relance. Le tout ressemblera davantage à un campus qu’à un ensemble de hangars perdus dans une zone d’activité. Cette année, le centre d’innovation (1 350m2) ouvre ses portes ; en 2022 le centre de production et de logistique (2 200m2) permettra d’augmenter les capacités pour sortir 250 à 300 machines par an. Puis un centre de test et de formation accueillera, à partir de 2023, les clients et les publics extérieurs. Cet espace spécifique (900m2), vitrine industrielle française, servira à faire vivre la communication de la marque par des démonstrations auprès des clients, éco-organismes, écoles, exploitants de sites, etc.

L’économie circulaire est un travail de haute couture
Jérôme Bellavigna (Crossover Technologies, Pertuis), spécialiste de la gestion de données, explique le savoir-faire construit avec Pellenc ST depuis le lancement du plan. « Les machines peuvent prévenir les opérateurs avant une panne technique, jusqu’à 3 heures à l’avance, grâce à l’analyse des données de tri. Un algorithme prédictif prévient les casses, les bourrages, les usures à partir des données de tri archivées et des cas d’usage spécifiques à chaque machine ». Il devient même possible de connaître, en détail, la composition et la répartition du flux de déchet qui circule sur les convoyeurs. Et ce, dans chaque pays et dans chaque ville.
L’économie circulaire est un travail de haute couture, car « le déchet reste bien un produit local » confirme Jean Hénin et une question de proximité. « Nous connaissons bien nos clients, 60% ont un contrat de service qui permet de nous contacter H24 pour les aider à résoudre les problèmes de production. Nous sommes en appui de leur intervention, mais nous n’en sommes jamais le fil rouge ». Les opérateurs – formés par Pellenc ST – peuvent donc intervenir facilement et cibler leurs actions pour maintenir un fonctionnement fluide et optimisé de leur machine de tri (gamme Mistral+).
Sur un marché en croissance de 10 à 15% par an, s’ouvrant au recyclage des textiles, Pellenc ST a déjà prévu de créer 75 emplois d’ici 2024 après avoir embauché 40 personnes l’an dernier. Son chiffre d’affaire de 45M€ en 2020 devrait doubler d’ici 2025.
L’histoire des déchets, étudiée par la rudologie, nous enseignera peut-être un jour que l’intelligence artificielle a rendu possible le recyclage à une bien plus grande échelle que ne le faisaient nos valeureux chiffonniers de jadis. Avec un avantage spécifique à la technologie : « plus on récupère de matière, plus on s’améliore ». Et c’est moins pénible pour les gens.

https://www.echodumardi.com/tag/economie-circulaire/   1/1