1 mai 2024 |

Ecrit par le 1 mai 2024

Lionel Canesi : « Il faut créer un fonds exceptionnel d’indemnisation pour les chefs d’entreprise »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la crise sanitaire et les difficultés qu’affrontent les chefs d’entreprise ne laissent pas les experts-comptables indifférents. Bien au contraire. Depuis le premier confinement, ils sont en première ligne, aux côtés des entrepreneurs. Au-delà de cet accompagnement au quotidien, Lionel Canesi, le président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts comptables, se montre à la fois offensif et inventif pour trouver une issue positive à cette situation totalement inédite. Pour lui, la relance doit être rapide et forte.

Face à une situation sanitaire qui se durcit et suite à l’annonce par le Président de la République du 3ème confinement, quels sont vos conseils ? Comment ressentez-vous les choses pour mieux accompagner les entreprises ?
« Depuis mars 2020, la profession est engagée au plus près des entreprises, à la fois dans le décryptage des aides, dans l’accompagnement, dans le conseil et cette position particulière et privilégiée de vigie de l’économie permet de voir ce qui se passe dans nos PME. Ce tissu de 3 millions de PME est très important et, aujourd’hui, au vu des aides massives qui ont été mises en place par le Gouvernement, je pense qu’on est aussi champions du monde de l’accompagnement des entreprises. Le Gouvernement a déjà beaucoup fait et en ce nouveau confinement, il faut continuer à accompagner les entreprises. Il faut que les entreprises tiennent car il y a une énorme lassitude chez beaucoup de dirigeants de petites entreprises. Elles ont fermé puis rouvert avant une nouvelle fermeture en novembre, il y a eu des couvre-feux et maintenant, on referme. Il faut arriver à sauver ces entreprises et remonter le moral des dirigeants si on veut que demain, il y ait une relance de l’économie et si on veut éviter des dépôts de bilan massifs. Je suis persuadé qu’il n’y en aura pas beaucoup mais à condition qu’on prenne quelques mesures pour accompagner les entreprises. Aujourd’hui, l’oublié principal est le dirigeant, malgré le Fonds de solidarité qui l’aide à payer ses charges, son loyer, son assurance, ses emprunts, à la fin du mois, il ne lui reste rien pour vivre. Il faut que sur ce mois d’avril, il y ait un fonds exceptionnel d’indemnisation du dirigeant, même si c’est 1 500 ou 2 000€, en plus du Fonds de solidarité spécifique aux dirigeants pour l’aider à vivre. Jusqu’à maintenant, sur les activités fermées, le Fonds marche très bien. Le problème, ce sont les activités qui continuent d’être ouvertes et qui perdent du chiffre d’affaires. »

« Permettons aux entreprises qui le souhaitent d’étaler leurs dettes Covid sur 10 ans. »

Ne faudrait-il pas envisager de modifier un peu notre assurance chômage, faire cotiser les professions libérales, les travailleurs indépendants pour créer un fonds qui puisse les indemniser s’ils n’ont pas d’aides ?
« Je suis contre une assurance chômage des travailleurs non-salariés et il n’y a pas de demande pour cela. Il y a des dispositifs facultatifs qui existent mais qui n’ont jamais marché parce qu’il n’y a pas ce besoin. Un entrepreneur qui a un projet d’entreprise, il veut le réaliser, se battre pour et ne pense pas à l’après, au chômage. Aujourd’hui, on est face à une situation particulière et catastrophique de crise sanitaire et, là où un dirigeant qui dépose le bilan assume de le faire parce qu’il n’a pas réussi, n’y est pour rien dans le contexte actuel. Je suis plutôt pour la constitution d’un fonds, à l’instar de celui pour les catastrophes naturelles, qui soit alimenté pour aider les chefs d’entreprise qui allaient bien avant la crise, un fonds qui vienne se substituer à leur caution et les accompagne dans le rebond. Il faut que ça soit du cas par cas pour éviter les abus et les dépôts de bilan frauduleux, mais les tribunaux de commerce, les experts-comptables et l’Etat savent faire la différence. »

On parle aussi des ‘dettes Covid’, qui sont des prêts que vous proposez d’étaler sur 10 ans…
« Nos TPE/PME ont, en général, autour de 5% – 6% de bénéfice net, ce qui n’est pas énorme. S’il ne sert qu’à rembourser les dettes ces prochaines années, il n’y aura plus d’investissement dans notre pays et donc il n’y aura plus de relance. Il faut identifier les dettes fiscales et sociales qui ont été générées par la crise, les mettre de côté, projeter l’activité de l’entreprise et celle qui est viable sans le remboursement des dettes Covid doit être sauvée quoi qu’il en coûte. Si on ré-étale sur 10 ans de ces dettes-là, on donne à l’entreprise la faculté de s’en sortir, d’investir et ainsi on évite les dépôts de bilan d’entreprises saines. Faisons les choses simplement, permettons aux entreprises qui le souhaitent d’étaler leurs dettes Covid sur 10 ans, ce qui permettra aussi d’avoir des entreprises qui restent en vie et qui peuvent investir. »

« Un expert-comptable, ça ne coûte pas, ça rapporte. »

Les experts comptables, en tant que conseil des PME, ressentent-ils aussi les effets des difficultés des entreprises ? Ont-elles les moyens de vous rémunérer, vous et leurs autres conseils ?
« Tout d’abord, un expert-comptable, ça ne coûte pas, ça rapporte, le conseil d’un expert-comptable rapporte plus qu’il ne coûte. Pour l’instant, on ne ressent pas encore complètement ces difficultés parce que nous sommes en deuxième rang, on sera en difficulté quand nos clients seront en difficulté. Avec toutes les aides massives qu’ont eu les entreprises, elles ne sont pas encore en difficulté. On le voit bien, les dépôts de bilan sont en chute libre. Les difficultés arriveront quand il faudra rembourser les aides et d’autant plus si c’est sur une durée trop courte. Et derrière, il n’y a pas que les experts-comptables qui seront en difficulté parce que s’il y a des dépôts de bilan massifs, ce sont tous les fournisseurs de ces entreprises qui eux aussi ont des fournisseurs, etc., qui seront en difficulté, donc toute l’économie, par effet ‘boule de neige’. »

L’une des préconisations pour pallier ce phénomène de ‘boules de neige’ est de booster un peu la consommation. Qu’en pensez-vous ?
« Je pense qu’actuellement la situation économique n’est pas si catastrophique malgré la crise sanitaire. On a – 8,4% de baisse de chiffre d’affaires en 2020. Quand on regarde les secteurs d’activité par secteur d’activité, il y a des disparités entre les secteurs d’activités fermés et ceux qui sont ouverts. Il y a une attente des Français de relance de l’économie, il manque une étincelle pour allumer le feu de la relance. En un an, près de 200 milliards d’euros ont été épargnés par les Français de manière forcée, l’argent dort à la fois sur les comptes courants, sur les livrets, un peu partout. Si on veut relancer la consommation, il faut que cet argent soit transféré de l’épargne, qui aujourd’hui ne rapporte rien à l’épargnant, vers la consommation. En créant les conditions pour déplacer cet argent, l’Etat va en récupérer la moitié, entre les 20% de TVA et les 30% d’impôts, et ça va faire travailler des gens qui vont récupérer des salaires, avoir un chiffre d’affaires et donc, faire travailler l’économie. Et contrairement à ce qui se dit, ce système ne va pas bénéficier qu’aux plus aisés. Ceux qui consomment sont ceux qui ont l’argent mais la consommation de ceux qui ont de l’argent bénéficie à ceux qui en ont moins puisque cela assure leur salaire, il y a moins de précarité, plus de la confiance. Et si on veut de la redistribution, il faut créer de la richesse et que la richesse soit dépensée. Pour ce choc de consommation, je vois trois pistes. La première, c’est de permettre aux grands parents, qui ont de l’épargne, de donner en franchise de droits, par exemple, jusqu’à 50 000€ à un enfant ou un petit enfant. Cet argent ira dans le circuit économique et permettra de relancer la consommation. Idem pour l’épargne salariale des Français, en débloquant pendant un an ou deux ans, par exemple pour 2021 et 2022, l’épargne salariale sans condition, ou encore pour l’assurance vie, en permettant de débloquer 50 000€ d’assurance vie d’un contrat pour l’utiliser sans impôts. Ainsi, on refait vivre notre économie. »

« Si on veut de la redistribution, il faut créer de la richesse. »

Récemment, vous avez adressé au Gouvernement 50 propositions pour la relance de l’économie. Pouvez-vous nous en citer quelques-unes parmi les plus importantes ?
« Les trois que je viens de citer sont des mesures phares de nos 50 propositions. Une autre est importante, celle consistant à passer d’une fiscalité punitive à une fiscalité incitative. Prenons le cas de la vie du véhicule électrique ou du véhicule thermique. Aujourd’hui, un chef d’entreprise, qui a deux ou trois véhicules à acheter pour ses collaborateurs se pose la question du véhicule thermique ou de l’électrique mais celui-ci coûte plus cher, a moins d’autonomie et pas de borne de recharge donc rien ne l’incite à avoir un comportement écologique. S’il achète du véhicule thermique, il va avoir une petite pénalité ou une grande pénalité s’il achète une grosse voiture. Plutôt que de punir en achetant du véhicule thermique, il faudrait inciter fiscalement à aller vers l’écologique. Donc, nous proposons la déduction de la TVA sur l’achat de véhicules électrique, et la possibilité d’amortir la totalité du véhicule électrique. Deuxième secteur d’activité où notre pays devrait investir, c’est le numérique, nous proposons le suramortissement. Un commerçant qui achèterait un site de click and collect pour 5 000€, par exemple, déduirait fiscalement 10 000€ et bénéficierait donc d’un suramortissement de 100%. Il faut inciter les gens à avoir des comportements vertueux, à aller vers les secteurs d’activité d’avenir, qui sont, pour moi, l’écologie et le numérique. »

La profession d’expert-comptable est donc essentielle pour les entreprises ?
« Je crois que la profession mérite d’être classée comme une profession essentielle. C’est une demande que je fais en ce moment parce que on est au combat depuis un an pour sauver les entreprises. On est en pleine période fiscale, les experts-comptables et leurs équipes doivent gérer les déclarations fiscales, les TVA, les salaires, les demandes d’aides massives, les demandes d’activité partielle, collecter l’impôt et les charges sociales, tout en étant en télétravail et en gardant les enfants. Ce n’est pas possible. Je demande donc que l’on soit reconnu comme une profession essentielle, ce qui nous permettrait de pouvoir continuer à travailler car on ne peut pas être en télétravail total, et que la profession puisse faire garder leurs enfants prioritairement comme d’autres. On demande juste qu’on nous aide à pouvoir faire notre travail et continuer à sauver les entreprises. »

Propos recueillis par Boris Stoykov, les Affiches Parisiennes pour Réso hebdo éco


Lionel Canesi : « Il faut créer un fonds exceptionnel d’indemnisation pour les chefs d’entreprise »

L’endettement des entreprises françaises, dont le niveau était déjà parmi les plus élevés au monde, continue de s’aggraver à cause de la crise du Covid-19 et atteint de nouveaux sommets. Les dernières données de la Banque des règlements internationaux ne sont disponibles que jusqu’au troisième trimestre 2020, mais elles montrent déjà une tendance négative assez frappante. Fin septembre, l’endettement brut des entreprises françaises (hors secteur financier) atteignait déjà plus de 169 % du PIB, soit une progression de près de 19 points de pourcentage sur un an. Comme le montre notre graphique, la dette des entreprises augmente fortement dans plusieurs pays où elle était déjà à un niveau élevé avant la crise, comme par exemple en Chine, au Canada et au Japon.

Le niveau élevé d’endettement en France résulte en grande partie des taux d’intérêt très bas des prêts accordés aux sociétés non financières ces dernières années. Avec la situation économique actuelle et l’octroi massif des prêts garantis par l’État dans le cadre du plan de soutien, l’aggravation est inéluctable et fait peser de gros risques pour les banques commerciales et l’ensemble du système financier français, comme le rapportait la Banque de France en début d’année.

De Tristan Gaudiaut pour Statista  


Lionel Canesi : « Il faut créer un fonds exceptionnel d’indemnisation pour les chefs d’entreprise »

La Cove (Communauté d’Agglomération Ventoux Comtat Venaissin) organise un webinaire sur le thème ‘ Les mesures de relance économique’. Lors de cet événement gratuit, qui se déroulera ce lundi 22 mars de 14h30 à 15h15, Julien Fraysse, sous-préfet en charge de la relance auprès du préfet de Vaucluse présentera les principaux dispositifs du plan de relance et notamment ceux les plus méconnus des entreprises.

« Dans ce contexte de crise sanitaire, de nombreuses et diverses mesures ont été prises pour accompagner les entreprises à maintenir leurs activités mais aussi pour préparer l’avenir », expliquent Julien De Michele, chef de projet et responsable du service soutien aux entreprises et Alexandra Tchervenkoff, chargée de soutien aux entreprises au sein de la DDET (Direction du développement économique et touristique) de la Cove qui animeront ce rendez-vous destinés aux entrepreneurs du territoire.
Un temps d’échange est d’ailleurs ensuite prévu avec les représentants des entreprises présents lors de ce webinaire.

Inscription et renseignements
Compléter le formulaire ICI, avant le 22 mars 2021 à 9h (le lien du webinaire vous sera envoyé ultérieurement).

Pour tout renseignement, vous pouvez également contacter la Direction du développement économique et touristique de la Cove – Service soutien aux entreprises : 04 90 67 69 24 ou contact@laprovencecreative.fr


Lionel Canesi : « Il faut créer un fonds exceptionnel d’indemnisation pour les chefs d’entreprise »

Alors que Gérard Arnault vient d’être réélu président du tribunal de commerce d’Avignon, ce dernier vient de dresser le bilan de l’année 2020 de sa juridiction. Contrairement à ce que l’on peut observer en temps de crise, l’activité a baissé par rapport à 2020.

« Je n’affirmerai pas que l’année 2020 soit la pire année jamais vécue car cela ferait preuve d’une certaine amnésie historique mais elle restera sans contexte une année qui marque l’Histoire », a expliqué le président Gérard Arnault lors de l’audience solennelle de rentrée du Tribunal de commerce (TC) d’Avignon.
Ce dernier, tout juste réélu pour 4 ans, a rappelé « la volonté de la communauté internationale de répondre à la pandémie de la Covid-19, en privilégiant la vie, au détriment de l’économie et des libertés fondamentales est un choix civilisationnel qui fait et fera date. Ce choix est évidemment lourd de conséquences économiques et sociales. »
Une situation qui entraîne de grandes incertitudes sur de nombreux secteurs de notre économie, sur le devenir de la dette publique, sur les effets sociaux de cette pandémie et sur la reprise de l’économie… »

Nomination d’un référent numérique
S’organisant dans l’urgence pour faire face au premier confinement, les juges du tribunal de commerce de la cité des papes ont, malgré les contraintes, réussis à « assurer leur mission, en tenant des audiences en visioconférence, soit de contentieux général ou de référé, soit de procédures collectives aux fins de traiter des plans sociaux comportant de l’emploi salarié ou des audiences de prévention afin de venir en aide aux chefs d’entreprise en difficulté. »

« L’apport décisif de nos greffiers en cette année 2020 si spéciale. »

Et Gérard Arnault de rappeler que ces derniers n’ont pas hésité à sacrifier les vacances judiciaires afin de tenir ces audiences. En effet, lors du 2e confinement les juges vauclusiens ont décidé, à l’unanimité, de poursuivre leur activité.
« Leur dévouement désintéressé au service de la justice commerciale s’inscrit dans une longue tradition de règlement des litiges par des référents de la société civile, qui a pris naissance au milieu du XVIe siècle et n’a depuis jamais été démentie par l’Histoire », a ainsi insisté le président.
Gérard Arnault a ensuite souligné « l’apport décisif de nos greffiers en cette année 2020 si spéciale. Nous leur devons d’avoir pu tenir des audiences et de multiples réunions en visioconférence, ce qui a permis à notre tribunal de continuer à assurer ses missions. »
Un développement des nouvelles technologies qui s’est notamment matérialisé par la nomination d’un référent numérique dans chaque tribunal et une plateforme d’échange de bonnes pratiques entre tribunaux.

Moins d’activité qu’en 2019
Contrairement au période de crise, l’activité du tribunal de commerce de la cité des papes a baissé en 2020 par rapport à 2019. Cette baisse touche l’ensemble des 134 tribunaux de commerce de l’Hexagone. Ainsi, malgré une chute de l’activité économique du pays de 9% du PIB, les défaillances d’entreprises ont baissé de 34,6% avec une accélération en fin d’année (-37%).
Cette baisse des défaillances d’entreprises dans un contexte de baisse de l’activité est paradoxale, constate le président du TC. Elle s’explique par les effets des aides publiques, que sont principalement le Prêt garanti par l’Etat (PGE), le dispositif d’activité partielle, les exonérations de charges sociales et le fonds de solidarité. Ces soutiens ont permis à beaucoup d’entreprises de résister à la crise mais aussi parfois, de cacher des situations compromises qui ne résisteront pas à l’arrêt de ces soutiens. »

« Accorder une certaine indulgence dans les actions de recouvrement. »

Vers une explosion des défaillances en 2021 ?
« Il y a tout lieu de penser qu’avec la fin de ces soutiens et le remboursement du PGE, la réalité économique apparaîtra et entraînera une explosion des défaillances d’entreprises. »
Cette perspective inquiète Gérard Arnault qui anticipe déjà une mise ‘sous tension’ de son tribunal, notamment dans un territoire où l’économie est particulièrement dépendante du tourisme, de la culture ou des transports.
« Pour amortir ces effets et sauver les entreprises affectées par la crise mais économiquement viables, je forme le souhait que la réduction des aides publiques soit progressive et que les modalités spéciales soient trouvées pour traiter leur dette Covid. L’objectif étant ainsi d’éviter une chute brutale de l’activité économique avec toutes les conséquences sociales que nous connaissons. »
Dans cette optique, le président du TC invite les services collecteurs et les créanciers institutionnels de « continuer à accorder une certaine indulgence dans leurs actions de recouvrement » afin de faciliter leur trésorerie et éviter de les précipiter vers la liquidation judiciaire.

Davantage de commerces en 2020
Outre la baisse importante des défaillances d’entreprises, le TC d’Avignon a constaté une baisse de 20% du nombre d’affaires en contentieux général « ce qui, aussi, est paradoxale dans ce contexte économique difficile. »
Par ailleurs, lors de l’année écoulée, le nombre des immatriculations (4 921) a diminué de -12,72% en Vaucluse. Cependant, dans le même temps celles des commerçants a augmenté de +4,43% alors que toutes les autre catégories sont en retrait : société commerciales (-22,52%), sociétés civiles (-15,81%), Groupement d’intérêt économique – GIE (-75%).
Ce bilan est également très disparate d’un territoire à l’autre : -14,02% d’immatriculations pour le Pays du Mont-Ventoux, -5,72% pour les Pays des Sorgues, -4,85% en Haut-Vaucluse, +4,72% dans le Grand Avignon et +47,28% pour le Luberon.

« Souvent le chef d’entreprise tarde trop à réagir face aux difficultés. »

A l’avenir, pour « éviter une chute brutale de l’activité économique avec toutes les conséquences sociales que nous connaissons », Gérard Arnault rappelle que « face à la crise sanitaire, de nombreux dispositifs ont été mis en place par le législateur afin de soutenir les entreprises déjà en difficultés et adapter les mesures de prévention aux exigences de la situation actuelle. Aujourd’hui, la plupart de ces dispositifs ont été prolongés jusqu’au 31 décembre. »
Dans l’arsenal des outils de prévention, le TC d’Avignon dispose ainsi de procédures préventives contractuelles et confidentielles prévue par le code du commerce comme le mandat ad hoc et la conciliation. La seconde alternative présentant l’avantage de suspendre les poursuites individuelles.
« Souvent le chef d’entreprise tarde trop à réagir face aux difficultés qu’il rencontre. Ces procédures sont confiées à des experts économiques et financiers. Ils apportent alors tout leur savoir-faire pour résoudre, le plus tôt possible, les difficultés financières auxquelles sont confrontées les entreprises qui y ont recours. Les entreprises qui emploieront ces dispositifs auront de meilleures chances de rebondir après cette crise sans précédent, qui va contraindre nos entreprises à s’adapter à une nouvelle économie. »

Trois nouveaux juges et un retour
Trois nouveaux juges intègrent le tribunal de commerce d’Avignon. Il s’agit de Caroline Dauba, Sébastien Legrand et Bruno Dal Palu élus pour un mandat de 2 ans. Par ailleurs, Gérard Bries, juge pendant 9 ans à Avignon, fait son retour au sein de la juridiction commerciale qui accueille également Bertrand Heyndrickx, juge expérimenté provenant du tribunal de Versailles où il a exercé pendant 8 ans. Tous deux sont désignés pour 4 ans. Dans le même temps André Escande, Michel Juge, Philippe Lesaffre et Jean-Pierre Marchenay sont réélus pour un mandat de 4 ans alors que Jacques Sorbier est reconduit comme vice-président.
Cette audience solennelle de rentrée a été aussi l’occasion pour le président Gérard Arnault de remercier « les cinq juges qui nous quittent en 2020 pour leur travail. »
« Par leur disponibilité et leurs compétences, ils ont contribué à faire de ce tribunal une référence en matière de justice, respectueuse du justiciable et des règles de droit » a-t-il poursuivi afin de saluer l’investissement de Fredy Picavet, Michel Raoux, Kévin Bourse, Nicolas Reissi et Romain Vignoli.


Lionel Canesi : « Il faut créer un fonds exceptionnel d’indemnisation pour les chefs d’entreprise »

Il convient d’être vigilant lors de la rédaction d’une clause de non concurrence en prévoyant à la fois le principe de renonciation par l’employeur mais également ses modalités (délai, forme), sous peine de voir cette renonciation privée d’effet. Dans sa dernière publication, Olivier Baglio du cabinet d’avocat avignonnais Axio revient sur ces principaux points.

La comptable d’un cabinet d’avocat avait signé un contrat de travail prévoyant son embauche à compter du 11 septembre 2015 et le principe d’une clause de non concurrence assortie d’une contrepartie financière avec faculté de renonciation par l’employeur dans le mois suivant la rupture par lettre recommandée.

La salariée devait mettre fin à sa période d’essai le 27 octobre 2015. L’employeur devait lui faire parvenir un mail dès le 28 octobre 2015 la libérant de la clause de non concurrence.

Par un arrêt rendu le 21 octobre 2020 (Cour de Cassation n°19-18.399), la Cour de Cassation devait considérer que la clause de non concurrence n’avait pas été valablement dénoncée et faire droit au versement de l’intégralité de la contrepartie financière au bénéfice de la salariée.

La Cour de Cassation, cassant en cela l’arrêt contraire rendu par la Cour d’Appel, rappelle en effet que :

  • l’employeur peut insérer dans le contrat de travail une clause de non concurrence ayant vocation à s’appliquer à l’expiration des relations contractuelles dans les conditions d’espace et de temps déterminées et en contrepartie du verse­ment d’une indemnité financière ayant la nature de salaire.
  • la renonciation à l’application de cette clause est toujours possible à condition toutefois qu’elle ait été prévue par les dispositions contractuelles ou conventionnelles et qu’elle intervienne dans les formes requises par ces dernières.

 

Au cas d’espèce, la renonciation était intervenue par mail et non par lettre recommandée si bien qu’elle était inopposable à la salariée quand bien même l’employeur rapportait la preuve que celle-ci avait parfaitement été informée dans le délai de la levée de ladite clause.

Faute pour l’employeur de respecter strictement les modalités de renonciation prévues dans le contrat de travail, la renonciation sera privée d’effet et la clause de non concurrence applicable avec toutes les conséquences de droit.

Il convient par conséquent d’être vigilant lors de la rédaction des clauses de non concurrence en prévoyant à la fois le principe d’une renonciation par l’employeur mais également ses modalités (délai, forme). Il conviendra surtout de respecter à la lettre les modalités de renonciation stipulées sous peine d’inopposabilité au salarié.

Par Olivier Baglio

Par un arrêt rendu le 21 octobre 2020 (Cour de Cassation n°19-18.399), la Cour de Cassation considère que la clause de non concurrence n’ayant pas été valablement dénoncée, le versement de l’intégralité de la contrepartie financière au bénéfice du salarié fait droit.


Lionel Canesi : « Il faut créer un fonds exceptionnel d’indemnisation pour les chefs d’entreprise »

La direction générale du travail vient d’adresser de nouvelles instructions aux services de l’inspection du travail pour renforcer l’accompagnement et le contrôle sur la mise en œuvre du télétravail dans les entreprises et le respect des mesures de prévention face au Covid.

Ces instructions rappellent que lorsque les tâches sont ‘télétravaillables’», elles doivent être ‘télétravaillées’ pour éviter les interactions et l’exposition des salariés au risque de contamination. Le recours au télétravail peut être total si la nature des tâches le permet ou partiel si seules certaines tâches peuvent être réalisées à distance. Par ailleurs, la possibilité de permettre aux salariés d’être présents en entreprise une journée par semaine demeure. Cependant, elle est soumise à la demande individuelle de chaque salarié afin de prévenir le risque d’isolement.

Il est ainsi demandé aux agents de contrôle de l’inspection :

  • de vérifier systématiquement les mesures prises pour lutter contre le risque de contamination et la mise en œuvre du télétravail lors de tout contrôle dans une entreprise. Cette vérification portera, en premier lieu, sur les conditions d’information et de consultation du CSE (Comité social et économique), sur la définition des tâches ‘télétravaillables’» et les modalités pratiques de mise en œuvre du télétravail.
  • de contacter en particulier les entreprises des secteurs où le télétravail est facilement applicable mais a été moins pratiqué ces dernières semaines, pour s’assurer que les recommandations du protocole national sont bien respectées.
  • de mobiliser sur ce sujet les partenaires sociaux tant au niveau régional que départemental, afin d’insister d’une part sur l’enjeu que constitue le recours au télétravail  pour éviter un nouveau confinement, et, d’autre part, sur l’importance d’associer les représentants du personnel dans sa mise en œuvre.
  • de rappeler aux PME l’appui que peut leur fournir l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et son réseau régional (Anact-Aract) pour faciliter le déploiement du télétravail.
  • de rappeler aux entreprises l’aide que peut leur apporter leur service de santé au travail pour la mise en place du télétravail et la prévention des risques professionnels qui y sont liés (isolement, lombalgies, RPS…).
  • de faire connaître le numéro vert mis en place par le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion pour répondre aux difficultés rencontrées par les télétravailleurs.

 

S’agissant des salariés dont les tâches ne peuvent être totalement télétravaillées, les agents de contrôle de l’inspection du travail vérifieront la bonne mise en œuvre des mesures de prévention prescrites par les autorités sanitaires. Ils cibleront les secteurs et entreprises où des situations dangereuses ont été signalées par les salariés et leurs représentants ainsi que dans les clusters déjà identifiés.

Quels secteurs seront ciblés prioritairement ?

Une attention particulière sera accordée au secteur du BTP et au travail saisonnier dans les exploitations agricoles ainsi qu’au commerce de détail, au secteur médico-social, aux plateformes logistiques et aux abattoirs.
Les points de vigilance porteront notamment sur les locaux collectifs, les modalités de transports collectifs mises en place par les entreprises, les espaces collectifs de travail et les locaux d’hébergement et de restauration collectifs.
En France, depuis le début de la crise sanitaire les agents de l’inspection du travail ont effectué 64 000 interventions liées à l’épidémie de Covid. Près de 400 mises en demeure ont été adressées aux entreprises qui ne respectaient pas leurs obligations de prévention (dont 35 spécifiquement sur le télétravail pour les mois de novembre et décembre 2020). Dans 93% des cas, ces mises en demeure ont été suivies d’effets.

Retrouvez ici le détail des nouvelles instructions adressées par la Direction générale du travail aux services de l’inspection du travail

 


Lionel Canesi : « Il faut créer un fonds exceptionnel d’indemnisation pour les chefs d’entreprise »

Toute entreprise dont la trésorerie est impactée par l’épidémie peut encore demander un prêt garanti par l’Etat (PGE) jusqu’au 30 juin prochain. Celles qui en ont déjà un pourront demander un report de remboursement d’un an. Mais la demande comme l’offre de crédit dépend plus que jamais de perspectives d’activité incertaines.

Le Prêt garanti par l’État (PGE) a rencontré un franc succès en 2020. Mais il faut nuancer ce constat à l’heure, fatidique, où les banques devaient solliciter les entreprises qui ont été les premières à souscrire un PGE.
Celles-ci avaient répondu à l’invitation du président de la République (16 mars 2020) de garantir 300 milliards de prêts afin de donner un ballon d’oxygène à chacune d’entre elles – quelle que soit sa taille et son statut – dans la limite de 3 mois de chiffre d’affaires ou deux ans de masse salariale pour les entreprises nouvelles et innovantes.
In extremis, il a été convenu le 14 janvier d’un différé d’un an supplémentaire pour le commencement des remboursements de tous les débiteurs qui le souhaitent. Cet accord, conclu entre l’Etat et la Fédération bancaire française va permettre – comme le détaille Philippe Gassend, directeur de l’exploitation de la Banque populaire Méditerranée – à « chaque client ayant souscrit un PGE en avril 2020 de décider de rembourser le capital de son prêt dès avril 2021 ou à partir d’avril 2022. Sont concernés les 10 000 dossiers de prêt que nous avons fait depuis le début de la crise sanitaire pour un montant global de 1,3 milliard sur l’ensemble de notre territoire ». La durée d’amortissement reste inchangée à l’issue de la période de franchise, soit entre un et 5 ans.

« Les entreprises doivent être maintenues en vie pour que ça reprenne le mieux possible » 

A qui ont bénéficié ces PGE ? « En grande majorité, comme au plan national, à des très petites entreprises et aussi à une large clientèle professionnelle qui représente deux tiers de nos dossiers ». Le couperet s’éloigne un peu pour ces activités, souvent fragiles, qui ont bien du mal à sortir du cash, faute de client. « Environ 15% des entreprises prévoyaient de rembourser leur prêt par anticipation ou à échéance d’un an et ont commencé à le faire ». Le moratoire est donc fort bienvenu pour 85% des entreprises sous PGE dans la situation économique actuelle qui reste anxiogène, l’incertitude vaccinale s’ajoutant à celle d’un énième ‘reconfinement’ ».
« Sur le plan macro-économique il est plutôt rassurant de constater que les mesures qui ont été prises ont permis une reprise d’activité puissante dès la sortie du premier confinement. Sur le terrain, en revanche, on vit au jour le jour, sans visibilité », convient Philippe Gassend. « Que peut bien faire, au moment des soldes, un commerçant qui vend des vêtements ? Il achète du stock, ou pas ? Il vend tout à -70% pour être sûr d’avoir un peu de cash ? ». Nul ne le sait. La crise dure beaucoup plus longtemps que prévu et beaucoup ont peur de reculer pour mieux sauter dans le vide.

 Faites vos jeux…
La bonne nouvelle, c’est que l’on ne débranche pas l’aide dont les entrepreneurs ont besoin. « Les entreprises doivent être maintenues en vie pour que ça reprenne le mieux possible. Notre responsabilité en la matière est importante. Nous mettons en œuvre une capacité de réaction immédiate », souligne Philippe Gassend qui affiche une certaine sérénité. « Les entreprises qui ont été bonnes en 2018, 2019 le resteront certainement demain après avoir essuyé leur coup de Covid ».

Heureusement, l’assouplissement du moratoire de remboursement de crédit accompagne le ‘mollissement’ de la demande de PGE : 100 milliards avaient été souscrits à la mi-mai 2020, l’année se terminant sur un total d’un peu plus de 130 milliards, dont à peine 600 millions pour les ‘PGE saison’ destinés aux hôtels restaurants ayant une activité seulement en été ou en hiver. « Les dirigeants n’ont pas envie de se trouver confrontés au mur de la dette ». Celle-ci a cependant atteint un niveau record, pour l’ensemble des entreprises françaises, chiffré cette année à plus de 2000 milliards.
La mauvaise nouvelle, c’est que tous ceux qui ne répondent pas aux critères d’octroi de prêts n’auront plus beaucoup de chances de survivre à cette crise dans les mois qui viennent. Près d’un restaurant sur quatre pourrait ainsi fermer ses portes en France, selon le collectif ‘Restons ouverts’.

 

Les français se sentent en sécurité avec leur banque
En accroissant le risque d’insolvabilité des entreprises et des ménages, la pandémie a fragilisé les banques dont la rentabilité était déjà très faible avant même la crise de 2020. En janvier, le prix de des établissements de ce secteur constituait 16% de l’indice boursier européen mais n’en représentait plus que 6% à la fin novembre de l’année dernière.

En cette fin d’année, les français se montraient pourtant particulièrement satisfaits du rôle des banques, selon une étude de la Fédération bancaire française et de l’Ifop menée auprès de 4 000 personnes. La crise sanitaire a même renforcé l’image de l’industrie bancaire française pour 8 citoyens sur 10 qui considèrent qu’elle est un atout pour l’économie, qu’elle finance les entreprises et enfin qu’elle a su faire face aux circonstances.

La crise de 2008 est d’abord passée par là, apportant crédit à la bonne complémentarité des politiques publiques et de l’action des banques. La nouveauté s’illustre aujourd’hui par le consentement grandissant à la numérisation des services, portée sans surprise par le paiement sans contact, plébiscité par près de 75% des clients. Si « la banque idéale devant laisser la possibilité à chacun de recourir à des services sur internet et en agence en fonction des besoins » – note l’étude – les français ont été particulièrement bien servis puisque l’ouverture des agences, la présence des conseillers et leur disponibilité sont également reconnus et salué par trois-quarts de la clientèle.

C’est donc au moment même où les banques semblent avoir remporté le défi de la sécurité sur le plan économique et technologique aux yeux de leurs utilisateurs qu’elles connaissent la plus grande désaffection boursière.


Lionel Canesi : « Il faut créer un fonds exceptionnel d’indemnisation pour les chefs d’entreprise »

Afin d’accompagner les entreprises dans la gestion de la crise sanitaire, l’Association interprofessionnelle de santé au travail de Vaucluse (Aist 84) organise un webinaire mardi 9 février autour du rôle et des obligations du référent Covid-19 dans l’entreprise.

En effet, pour prévenir les risques liés au Covid-19 et limiter le plus efficacement possible les chaînes de contamination, chaque entreprise a l’obligation de désigner un salarié référent Covid-19. Comment maîtriser les risques, quelles sont les mesures de prévention, comment gérer les cas probables… Deux spécialistes de l’Aist 84 (un médecin et un infirmier) répondront à toutes ces questions au cours d’une conférence en ligne.

Mardi 9 février. 9h à 11h. Pour s’inscrire, cliquez ici


Lionel Canesi : « Il faut créer un fonds exceptionnel d’indemnisation pour les chefs d’entreprise »

Le député Raphaël Gauvain, membre de la commission des lois de l’Assemblée nationale est l’auteur du rapport visant à « Rétablir la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale ». En ce début d’année, il revient sur la possible expérimentation de l’avocat en entreprise et ses effets.

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a récemment annoncé qu’il envisageait la possibilité d’expérimenter, dans certains barreaux, le statut d’avocat en entreprise. Pensez-vous que ce soit une bonne nouvelle pour la profession ?
Raphaël Gauvain : « C’est avant tout une très bonne nouvelle pour le pays. De nombreux rapports tirent la sonnette d’alarme depuis 20 ans : la réflexion juridique interne à l’entreprise n’est pas protégée en France, et peut servir de base à une incrimination pénale future ainsi qu’à une exploitation par son adversaire dans un procès civil. »
« La France est le dernier pays au monde à ne pas protéger la confidentialité des avis et consultation juridiques des entreprises. De ce fait, nos entreprises sont aujourd’hui en situation de très grande vulnérabilité dans les procédures extraterritoriales au civil comme au pénal. Il existe également un risque important à court terme de délocalisation des directions juridiques des grands groupes français mettant en périls plusieurs dizaines de milliers d’emplois à haute valeur ajoutée. »
« Notre inertie jusqu’à maintenant s’explique par une double opposition de certains avocats et des autorités d’enquêtes. Il faut le reconnaitre que la réforme est difficile, car il n’existe pas de solution alternative. »
« Une profession réglementée de juriste d’entreprise dotée d’une confidentialité limitée aux seules procédures civiles serait totalement inefficace. Tous les experts qui ont travaillé la question s’accordent sur le sujet. Seule la création d’un statut d’avocat en entreprise permet de s’assurer de la portée et de la reconnaissance de la confidentialité de la réflexion juridique des entreprises. Et, cette confidentialité doit être globale, et être opposable aux autorités d’enquête pénale ou administrative. Il ne peut pas y avoir de réforme a minima. »

« Les effets bénéfiques de la réforme seront nombreux. »

Aujourd’hui, les freins sont les craintes de certains avocats, notamment celle que les entreprises ne fassent plus appel à leurs services d’avocat. Qu’en pensez-vous en tant qu’ancien avocat ?
« C’est à mon sens une erreur. Il faut sortir d’une vision malthusienne de la profession. L’offre crée la demande. Les avocats présents dans l’entreprise feront évidement appel à leurs confrères restés en Cabinet. La réforme profitera à tous. C’est une évidence. »
« Il faut rappeler que la profession n’est pas contre la réforme, elle est historiquement divisée sur le sujet. Je pense néanmoins que l’on peut arriver aujourd’hui à une solution qui réunisse le plus grand nombre. »
« La voie de l’expérimentation est excellente, en laissant à chaque barreau le choix d’instaurer l’avocat en entreprise. L’autre point important est celui de maintenir le principe de l’accès à la profession institué par l’article 98 du décret du 27 novembre 1991. Les juristes d’entreprise devront ainsi avoir le CAPA ou une expérience d’au moins 8 ans pour devenir avocat en entreprise. C’est une garantie essentielle, et légitime, pour sortir de ce fantasme d’une arrivée massive et immédiate de 15.000 juristes dans la profession. »
« Surtout, cette réforme de l’avocat en entreprise doit être menée de concert avec celle du renforcement du secret professionnel. Cette nouvelle confidentialité de l’avis juridique en entreprise est le prolongement naturel de l’actuel secret professionnel. Le Garde des Sceaux est très mobilisé sur le sujet. C’est une opportunité historique d’avoir un confrère à la tête de la chancellerie. Il faut l’aider. Les avocats doivent se mobiliser. »

Et en ce qui concerne l’opposition des autorités d’enquête comment peut-on les convaincre ?
« Il faut se méfier des arguments sur la prétendue paralysie des enquêtes qui résulteraient de la réforme. Ces mêmes allégations avaient été utilisées pour s’opposer à la présence de l’avocat en garde à vue. Elles avaient conduit la France à une humiliante condamnation par la CEDH en 2011. Nos principaux partenaires économiques protègent les avis et consultations juridiques des entreprises sans que cela n’empêche le recueil matériel des preuves ni le succès des enquêtes pénales. La réforme proposée consiste simplement à donner à nos entreprises le même niveau de protection dont bénéficient leurs principaux concurrents. Ni plus, ni moins. »
« Il n’y aura pas de « boîtes noires » dans les entreprises. Les opérations de perquisitions dans les entreprises devront être facilitées en s’inspirant d’exemples étrangers, par exemple l’obligation d’identification préalable des documents protégés, ou la sanction pénale dissuasive pour en limiter les abus. »
« Les avis et consultations juridiques de l’avocat en entreprise devront enfin recevoir une définition matérielle strictement encadrée. La protection ne s’étendra pas aux discussions d’affaires, et les faits demeureront toujours accessibles aux enquêteurs, comme en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, de même que les documents établis dans le but de commettre une infraction. »

« La réforme offrira surtout de nouvelles opportunités aux avocats et aux juristes. »

Durant combien de temps cette expérimentation devrait-elle être menée ?
« En principe, c’est au moins 3 ans. Il faut le rappeler : c’est une liberté qui sera offerte à chaque barreau d’être ou non candidat à cette expérimentation. La méthode du Garde des Sceaux est la bonne. Qui peut être contre le fait d’essayer ? Si véritablement les craintes exprimées sont avérées, alors on arrêtera. »
« Il existe un alignement des planètes. Outre le volontarisme affiché du Garde des Sceaux, l’élection des nouveaux représentants des avocats au CNB et de son président Jérôme Gavaudan pourrait permettre d’avancer sur le sujet et d’abandonner les postures. »

Autre crainte majeure des avocats, celle de perdre leur indépendance en travaillant pour une entreprise, dans une entreprise…
« C’est une opposition de principe très aisément surmontable. Il faut arrêter avec les totems. Les avocats français peuvent être salariés d’un cabinet d’avocat en France depuis 1991, et certaines pratiques de la collaboration libérale s’apparente souvent à des contrats de travail. Surtout, le salariat pour les avocats se pratique dans le monde entier, et pas qu’aux États-Unis ou en Angleterre. Pourquoi ne pourrait-on pas le faire en France ? Ce qui caractérise l’exercice de la profession, c’est l’indépendance intellectuelle. Cette indépendance, la pratique de son art par un avocat, est parfaitement compatible avec le salariat. »

Certains contradicteurs s’appuient sur l’arrêt Akzo Nobel rendu par le juge européen qui écarte le ‘legal privilege’ aux avocats en entreprise. Qu’en pensez-vous ?
« Je n’ai pas du tout la même lecture. Cet arrêt concerne le droit de l’Union européenne et une situation propre au droit de la concurrence. L’arrêt Akzo Nobel n’est pas un frein et on peut avancer tout en étant en conformité avec le droit européen. Une fois encore, cela est le cas partout en Europe, donc je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire en France. »
« La réforme contribuera à valoriser la place du droit et des juristes dans les entreprises en France. Elle favorisera également la conformité des entreprises françaises à la règle de droit, et aura in fine un effet vertueux. C’est d’ailleurs le cas chez nos principaux partenaires économiques en Europe et dans le monde qui protègent l’avis juridique des entreprises depuis fort longtemps, tout en disposant d’une culture de la compliance plus ancienne et plus performante. »

« La réforme contribuera à valoriser la place du droit et des juristes dans les entreprises en France.»

En tant qu’ancien avocat, comment appréhendez-vous ce possible agrandissement de la profession du droit ? Vos confrères ont-ils raison d’être inquiets ou vont ils y gagner ?
« Je vous l’ai dit. Je suis persuadé que la profession va y gagner, collectivement. La réforme va contribuer à valoriser le droit, les avocats et les juristes. Collectivement, tout le monde sera gagnant. Les craintes sont compréhensibles car la profession, comme l’ensemble des acteurs économiques, connaît depuis quelques années des transformations profondes avec l’avènement du numérique. Les pouvoirs publics sont là pour accompagner ces mutations. Ne rien faire serait irresponsable. L’inaction n’est pas une option. »
« Les effets bénéfiques de la réforme seront nombreux. La mobilité professionnelle sera favorisée. La réforme offrira surtout de nouvelles opportunités aux avocats et aux juristes, notamment pour les jeunes actifs et les étudiants arrivant aujourd’hui sur le marché. Cette question de l’emploi des jeunes est essentielle alors que la crise commence à faire des ravages dans une profession déjà fragilisée. »

Contrairement aux avocats, les experts-comptables ont demandé de concert la création d’un statut d’expert-comptable en entreprise, qui a été adopté. Faudrait-il s’inspirer de cet exemple ?
« Bien entendu. Les autres professions réglementées avancent, et concurrencent les avocats à commencer par les experts comptables dans le conseil à l’entreprise. Le risque pour les avocats à refuser toute transformation est de disparaître progressivement. Souvenez-vous du Guépard de Visconti et de la célèbre réplique d’Alain Delon : « il faut que tout change pour que rien ne change ».

Boris Stoykov, Les Affiches Parisiennes pour Réso hebdo éco

https://www.echodumardi.com/tag/entreprise/page/10/   1/1