17 juin 2025 |

Ecrit par le 17 juin 2025

Le Festival d’Avignon trouve enfin sa vitrine permanente à la maison Jean Vilar

Alors que le Festival d’Avignon a vu le jour en 1947, il n’y a jamais eu d’exposition conséquente à son sujet. Etonnant non ? 

Le 5 juillet 2025, non seulement le Festival d’Avignon aura une exposition permanente mais celle-ci se situera au premier étage de la maison de son fondateur, la Maison Jean Vilar, active toute l’année à Avignon. Il a fallu toute la pugnacité de l’Association Jean Vilar et le partenariat de la Bibliothèque Nationale de France (BNF) pour concevoir cette exposition de 350m2 confiée au commissaire Antoine De Baeque et labellisée ‘Avignon Terre de Culture 2025’.

‘Les clés du Festival’, une exposition inédite, permanente, ouverte à tous les publics qui se veut vivante, mouvante, constamment renouvelée

Jean Vilar voulait un théâtre populaire accessible à tous les publics, l’exposition se devait elle aussi de l’être : vieux, jeunes, néophytes ou pas, touristes ou festivaliers, l’idée est de se représenter l’aventure du Festival d’Avignon, des origines à nos jours, mais aussi de donner envie d’y aller, d’y participer, d’y revenir. ‘Les Clés du Festival’ dévoilera l’histoire du Festival de 1947 à nos jours en traversant ses grands fondamentaux : le festival des origines, un festival d’artistes et de création, un festival et son public, un festival miroir du Monde, Avignon Ville festival, le Festival Off, la fabrique du Festival en utilisant une scénographie immersive axée sur le visuel, des photos, des captations, des voix, des sons. Forte d’un fonds réunissant près de mille documents et archives de la Maison Jean Vilar et des collections de la Bibliothèque nationale de France – photographies, films, enregistrements sonores, affiches, programmes, notes et correspondances inédites, décors emblématiques, dessins originaux, maquettes et costumes de légende – elle se veut également évolutive en témoignant du rôle unique du public, In et Off confondus.

Confier les clés ou comment intéresser le public à cette exposition ?

Le commissaire  de l’exposition Antoine De Baeque a fait le choix de faire une entrée thématique et non pas une frise chronologique ( cependant présente en rappel) au fil des diverses directions. Il y aura des focus sur des créations qui ont marqué l’histoire du Festival du Prince de Hambourg de Jean Vilar ou le Mahabharata de Peter Brook aux créations plis récentes de Thomas Ostermeier ou Angelica Liddel. Il a été particulièrement ému par le parcours de Jean Vilar «  penser qu’en 1947, Jean Vilar quitte Paris pour venir faire du Théâtre en Avignon ! Ce qui encore plus émouvant c’est de voir quelques années après, alors que le Festival d’Avignon marche très bien — environ 100 000 visiteurs — Jean Vilar décider dans les années 60 d’investir d’autres lieux que la Cour d’Honneur et d’introduire d’autres disciplines que le pur théâtre. C’est exceptionnel de voir comment il a fondé ce festival mais comment il n’a eu de cesse de le renouveler. C’est cet esprit que nous voulons retransposer. »

Pendant le Festival 2025, des invitations à découvrir ou à se souvenir

Les 6 et 7 juillet à 11h et 18h, Antoine De Baecque et Nathalie Cabrera invitent des artistes, universitaires ou professionnels à témoigner, débattre et rêver de ce bel héritage au présent qu’est le Festival d’Avignon. Les 10 et 11 juillet à 11h et 18h, ce sont dix-sept jeunes élèves du Conservatoire National d’Art Dramatique qui vont nous faire revivre la formidable troupe du TNP de Vilar. Nous retrouverons Laure Adler tous les jours à 11h, du 12 au 21 juillet pour des lectures sous forme de 9 épisodes retraçant les mots des poètes, critiques, spectateurs etc… Du 12 au 14 juillet à 14h30, ARTE présente une sélection de films suivis de rencontres pour partager l’œuvre d’artistes programmés en 2025. 

À partir du 5 juillet 2025. Pendant le Festival d’Avignon — du 5 au 26 juillet 2025 — tous les jours de 11h à 20h. Fermeture de la Maison Jean Vilar en août puis ouverture toute l’année du mardi au samedi de 14h à 18h. 4 à 7€. Maison Jean Vilar – 8 rue de Mons.  04 90 86 59 64.


Le Festival d’Avignon trouve enfin sa vitrine permanente à la maison Jean Vilar

Dévoilée dès avril dans la salle archicomble de la FabricA, lieu permanent du Festival d’Avignon, la programmation de la 79e édition du Festival est prometteuse.

Pendant ces 22 jours de festival, 40 lieux sont investis, 16 communes reçoivent le traditionnel spectacle en itinérance, 42 spectacles seront programmés dont 32 créations pour 300 représentations et plus de 121 000 places en vente. Alors que des coupes sombres sont annoncées un peu partout en France pour la culture et que le monde connaît des bouleversements politiques et écologiques, Ghislain Gauthier de la  CGT Spectacle a eu la parole pour défendre « avec force la nécessité d’un service public du spectacle vivant. La situation est explosive et nous voulons alerter sur les risques de désengagement des collectivités dans un contexte de montée de l’extrême droite. » Malgré tout, Avignon va redevenir une fois de plus une ville miroir du monde, capitale du spectacle vivant où la fête a toute sa place. 

En 2024, le directeur Tiago Rodrigues cherchait les mots, en 2025 il les trouve en empruntant pour devise de cette 79e édition, « Je suis toi dans les mots » du poète palestinien Mahmoud Darwich 

On retiendra pour cette édition le choix de la langue arabe invitée qui représente 30% des spectacles programmés, l’importance de la danse et de la musique même si le théâtre représente encore 42% de la programmation, la constellation de spectacles choisis avec l’artiste complice Marlene Montero-Freitas (‘ReEncanto’, ‘Coin Operated’ ou ‘Soma’), la soirée unique en hommage à Gisèle Pelicot, l’immersion dans un salon afghan ‘Inside Kaboul’, la dernière création de Tiago Rodrigues ‘La Distance’ et le retour d’oeuvres monumentales et d’artistes familiers.  

La langue arabe invitée

Après l’anglais en 2023 et l’espagnol en 2024, la langue arabe est la langue invitée avec des créateurs venus de Tunisie, de Syrie, de Palestine, du Maroc du Liban, d’Irak… La chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen invitera des danseurs amateurs sur la place du Palais en ouverture de festival, le chorégraphe libanais Ali Chahrour nous propose le récit de trois femmes résistantes ‘When I saw the sea’ tandis que le danseur belgo-tunisien Mohamed Toukabri façonne un solo poétique et militant. La poésie arabe dans tous ses états sera consacrée lors d’une soirée unique, ‘Nour’. L’artiste franco-irakienne Tamara Al Saadi réécrit Antigone avec ‘Taire’. La série 1 de ‘Vive le Sujet’ nous permettra de rencontrer les interrogations du syrien Wael Kadour face au droit à la création. 

Une affiche qui fait l’unanimité

Claire, apaisante, bleu turquoise ou bleu nuit, crépusculaire ou lumineuse, elle séduit, invite à la poésie, au voyage et rassemble. En accord avec la langue invitée, les arabesques calligraphiques de la langue arabe se déclinent sur l’affiche mais aussi sur le programme en aplats ou en dégradés, circonvolutions, traits tendres ou rageurs, taches ou pointillées. 

©Festival d’Avignon

Les artistes de retour 

Clara Hédouin nous propose sa nouvelle déambulation inspirée par le ‘Prélude de Pan’ de Jean Giono, Gwenaël Morin continue son projet ‘Démonter les remparts pour finir le pont’ avec les ateliers théâtre d’Avignon, le danseur de flamenco Israel Galvan explore un dialogue intime avec l’artiste Mohamed El Khatib, trublion du théâtre documentaire. Le metteur en scène Christoph Marthaler revient avec sa dernière création ‘Le Sommet’ qui promet des situations irrésistibles, Frédéric Fisbach adapte ‘Petit Pays’ de Gaël Faye, et dix ans après Richard III, Thomas Ostermeier explore les mensonges dans ‘Le Canard sauvage’ d’Henrik Ibsen. C’est dans les Carrières de Boulbon que nous retrouvons Anne Teresa de Keersmaeker qui se propose de danser Jacques Brel avec le chorégraphe Solal Mariotte.

Le spectacle itinérant

Le metteur en scène suisse Milo Rau présentera la pièce ‘La lettre’ en itinérance du 8 au 26 juillet à Barbentane, Rochefort-du-Gard, Courthézon, Caumont-sur-Durance, Pujaut ou Vacqueyras. Ce spectacle pour deux actrices se veut un manifeste du théâtre populaire d’aujourd’hui .

‘Le soulier de satin’ mis en scène par Eric Ruf

Choisi bien avant sa consécration récente aux Molières 2025 — Molière du Théâtre public, de la mise en scène , de la comédienne dans un spectacle de théâtre public (Marina Hands) et du comédien dans un second rôle (Laurent Stocker) — c’est le retour dans la Cour d’honneur 40 ans après Antoine Vitez du ‘Soulier de Satin’ qui sera interprété par la troupe de la Comédie Française.  

‘Le Soulier de satin’ ©Festival d’Avignon

Le chef d’oeuvre de la littérature arabe en ouverture à la Cour d’honneur

La chorégraphe cap-verdienne et artiste complice Marlene Monteiro Freitas présente ‘Nôt’, inspirée des Mille et une Nuits. Cette artiste protéiforme se propose de repousser le lever du jour en réinventant à l’infini ce conte de la nuit. 

Deux concerts uniques dans la Cour d’Honneur

Outre la danse avec ‘Nôt’ et le théâtre avec ‘Le soulier de Satin’ la Cour d’honneur vibrera de sons plutôt féminin, avec la chanteuse cap-verdienne Mayra Andrade dans ‘ReEncanto’ le 12  juillet tandis que 7 artistes — dont Souad massi et Camella Jordana — célèbreront  le 14 juillet les 50 ans de la disparition de l’icône égyptienne Oum Kalthoum.

La soirée de clôture sera à la FabricA

Après la Cour d’honneur, puis  l’Opéra en 2024, c’est au tour de la FabricA de recevoir la soirée festive qui célébrera la fin de la 79e édition. On n’attendra pas minuit comme en 2024 : dès 22h, les portes de la FabricA seront ouvertes pour un grand concert avec le portuguais Branko aux platines.

Nous serons ensemble pour…..

Ensemble avec le Festival Off pour des dates enfin communes mais Ensemble aussi dans la curiosité de Terre de cultures 2025, le souffle des Scènes d’Avignon, l’exposition permanente ‘Les clefs du festival’ à la Maison Jean Vilar, dans les territoires cinématographiques du Cinéma Utopia , dans les bibliothèques d’Avignon, dans les lieux mythiques que sont la Cour d’Honneur, la Carrière de Boulbon, le Tinel de La Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon ou les Jardins de la Maison Jean Vilar. Ensemble, c’est aussi se mélanger entre les habitués et les ‘Premières fois’ que ce soit au Mahabharata, bar du Festival, ou aux Rencontres et Café des Idées du Cloître Saint-Louis. « Soyons l’Autre dans les mots, car c’est la plus belle façon d’être pleinement nous-mêmes. Ensemble ! », a conclu Tiago Rodrigues en trois langues en fin d’éditorial et par l’anaphore plusieurs fois répétée « Nous serons ensemble pour…. » lors de cette présentation publique de la 79e édition. 

Vous avez dit accessibilité ?

Il y aura davantage de trains régionaux. Pendant toute la durée du festival, les horaires au départ de la gare d’Avignon centre seront étendus jusqu’à 23h30 pour rentrer en train à Orange, Cavaillon et Arles et pour rentrer en bus à Carpentras. 

Infos pratiques :
Carte Festival. 25€. Demandeur d’emploi. 1€. Professionnel du spectacle vivant. 25€.
Carte 3 Clés. 1€. réservée au moins de 25 ans. Ou étudiant. Bénéficiaire des minima sociaux.
Billetterie ouverte depuis le 5 avril sur Internet : festival-avignon.com et fnacspectacles.com
À partir du 21juin au guichet du mardi au samedi de 10h à 14h et de 16h à 19h. Par téléphone 04 90 14 14 14, du mercredi au samedi de 10h à 19h.

Festival d’Avignon. Cloître Saint-Louis. 20 Rue du Portail Boquier. Avignon.


Le Festival d’Avignon trouve enfin sa vitrine permanente à la maison Jean Vilar

Jamais la Cour d’Honneur n’avait aussi bien porté son nom. Pendant près de 4h, elle honore une vie fictive dans une mise en scène sublime aux dispositifs scéniques grandioses servie par des acteurs d’une grande virtuosité.

Pourtant, les gradins se vident à chaque représentation, dès la première heure ou à l’entracte qui intervient au bout de deux heures. 

Mais qui a peur d’Elizabeth Costello ?

Sous ce nom se cache un personnage créé par l’écrivain sud-africain JM Coetzee, Prix Nobel de littérature 2003. Un personnage complexe, fantasque, volubile, borderline qui parcourt le monde de conférences en conférences, en « sept leçons et cinq contes moraux. » À tel point qu’il ne faudra pas moins de cinq comédiennes et un comédien pour l’incarner.

Une réalité augmentée, des fantasmes assumés

Bien plus qu’une mise en abyme, le spectacle créé par le polonais Krzysztof Warlikowski est conçu en tableaux, comme des instantanés de vie, quelquefois déroutants, mais qui prennent sens dans la continuité du spectacle qui devient dans sa deuxième partie plus intime avec une Elizabeth Costello vieillissante, plus apaisée, mais néanmoins toujours aussi outrecuidante dans sa méditation sur la mort, la vieillesse, la famille, la sexualité.  

Ne pas confondre lassitude avec ennui

Alors oui, nous arrivons en retard quelquefois pendant ce voyage qui va de l’Antarctique en Pennsylvanie, les paroles se perdent, les prises de position excessives envers la cause animale peuvent agacer, les thèmes récurrents, solitude, liberté, place de l’artiste etc… nous interpellent.

La lassitude n’est pas l’ennui, c’est juste l’envie de quitter le personnage, mais pas le spectacle. Le fil d’Ariane autour de ce personnage s’use, s’effiloche ou est carrément perdu selon le puzzle de sa vie. Qu’importe, le spectacle reste magnifique, à la fragilité vieillissante de l’héroïne répond la beauté de la scénographie de Malgorzata Szczesniak. On entre peu à peu dans la complexité de l’âme humaine, un processus effectivement qui se mérite. 

Le vent, l’heure tardive, le sujet qui se mérite, la gymnastique pour lire les sous-titres selon votre placement, la fatigue de fin de festival peuvent peut-être expliquer le manque d’unanimité pour cette création qui reste cependant exceptionnelle.

Dernier jour de la 78ᵉ édition, première fois ! Tarifs réduits avec le code : 21juilletFDA

Vous connaissez l’expérience singulière de faire le Festival d’Avignon ? Emmenez une personne qui le découvre pour la première fois et bénéficiez d’un tarif réduit pour vous et votre accompagnant ! Ajoutez le code ? 21juilletFDA à votre commande. Offre valable sur l’ensemble de nos canaux de ventes (site internet, téléphone et guichet du cloître Saint-Louis) uniquement pour les représentations du dimanche 21 juillet.

Jusqu’au 21 juillet. 22h. De 10 à 45€. Palais des Papes. Cloître Saint-Louis, 20 rue du Portail Boquier, Avignon. 04 90 27 66 50. festival-avignon.com 


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Commençons par un lieu commun  

En toute simplicité, pour ne pas dire banalité, la dernière création de Baptiste Amann : Lieux communs est d’une terrible limpidité et efficacité, bref, on l’aime ! Découvert lors Des Territoires en 2021, Baptiste Amann n’a pas son pareil pour nous raconter à sa manière une histoire chorale autour de faits divers fictifs, mais néanmoins crédibles. Ici point de jugements ou de points de vue, juste trouver les bons filtres et la mise en scène pour travailler sa propre incertitude et trouver comment faire monde commun. 

Continuons avec Lieux communs

Le spectacle s’articule autour de quatre situations qui gravitent autour d’un fait divers fictif : la mort en 2007 par défenestration de Martine Dussolier, fille d’une personnalité d’extrême droite. Ces quatre situations vont évoluer dans quatre lieux différents, mais néanmoins toujours visibles sur le plateau par un jeu de superposition, étagement, transparence ou opacité. La mise en scène et en espace de Florent Jacob participe pleinement à la continuité narrative tel un long plan séquence alors que les propos des huit interprètes sont ancrés dans des situations immédiatement identifiables : coulisses du théâtre avant représentation, salle d’un commissariat, loge d’une chaîne de télévision ou atelier d’un peintre. 

Rencontre avec Baptiste Amann au lendemain de la représentation

Travailler la friction entre réel et fiction

« Je connais certains comédiens depuis plus de 20 ans. J’aime travailler avec eux la friction entre réel et fiction. Par exemple, quand j’ai construit le personnage d’Indra, réalisatrice corse par son père et gitane par sa mère, je cherchais qu’est-ce qui pouvait la relier à son père. Je voulais qu’elle soit d’une base ouvrière et je cherchais quelle activité industrielle existait en Corse. La comédienne elle-même corse m’a fait découvrir l’histoire de cette mine d’amiante en Haute-Corse, ‘l’enfer blanc de Canari’. Pour la scène de l’interrogatoire musclé dans le commissariat, chaque acteur a avancé ses pions par rapport à ce qu’il connaît de cette situation. Pour le conservateur du Musée Soulages à Rodez, il ne s’agissait pas pour moi de stigmatiser le personnage, mais d’être dans une fiction caricaturale choisie, dans le registre de théâtralité du bouffon. Avec les acteurs, je m’autorise sur les limites que chacun et chacune peut mettre de soi et comment moi, je peux distiller ça dans l’écriture. J’ai besoin que la fiction soit inscrite dans le réel. »

Chaque personnage est construit

Mon temps d’écriture est énorme. Je fais une sorte de biographie de chaque personnage. Chacun a un passé, présent et futur. Ensuite mon propos n’est pas de raconter l’argument de l’un ou de l’autre, mais de raconter ce qui se manifeste — lors d’une dispute par exemple — comment parfois, on est pris dans des situations qui nous coincent dans des stéréotypes. En cherchant à échapper à la caricature, on l’augmente dans les yeux de l’autre, d’où la situation d’incommunicabilité. 

Mettre de la fraîcheur dans la pensée, avoir une forme de sincérité qui avance avec pudeur, avec humour

Ma recherche de complexité dans les pièces que j’écris est nourrie par le fait d’avoir connu, navigué dans plusieurs mondes et milieux. Je peux être ainsi en empathie avec des catégories de gens que j’ai eu la chance de rencontrer. J’ai moins de jugement moral, car quelquefois, on décrypte des choses à travers un filtre qui n’est pas forcément le bon.


Le Festival d’Avignon trouve enfin sa vitrine permanente à la maison Jean Vilar

Il faut d’abord créer du lien, faire communauté

Après une arrivée intrigante où vases en argile et personnages statufiés nous font presque une haie d’honneur dans le long couloir du lycée Saint Joseph, nous nous trouvons face à une masse inerte et sombre sur le plateau… Très vite, le rire vient avec les recommandations d’usage d’avant spectacle faites par Camille Decourtye, un peu empruntée. Puis la situation vire au burlesque avec un pot cassé, un essai de remplacement en direct sur un tour de potier, une blague douteuse. Les comédiens s’installent, un chant a capella s’élève et Patatras ! Nous luttons avec le groupe pour tenir en équilibre sur l’argile glissante qui se répand sur le plateau.  Il ne s’agit plus simplement de faire corps, mais de tenir son corps. On rit bien sûr malgré la virtuosité de cette chorégraphie de glissades et de culbutes, cette solidarité en action. L’euphorie va ensuite laisser place pendant tout le spectacle à la fascination de la mise en corps et en espace de la question Qui Som ?

« Qui sommes-nous ? » de la Compagnie franco-Catalane Baro d’evel fondée par Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias 

C’est un spectacle qui nous engloutit et/ou nous libère. La masse grise, formée de lambeaux, dressée sur le plateau nous fascine et en même temps nous fait frémir. Elle est vivante, mue par le vent ? Par des corps ? Elle avance, nous avale, nous rejette, nous inquiète même si elle peut servir de refuge, de cachette — sauf pour le chien plus perspicace que nous — ou de paroi à franchir. 

Un spectacle fascinant où le propos prend littéralement forme 

Un spectacle féerique, ou plutôt fascinant, devant tant d’intelligence, d’inventions. Preuve que l’on peut sensibiliser aux enjeux écologiques, croire à la solidarité, retrouver la joie du groupe, magnifier le corps et le vivant, prendre soin de l’autre, chien ou humain, s’affranchir des frontières, braver l’inconnu, explorer les mystères, s’essayer à faire, à croire et recommencer sans cesse.

La liste est longue de tous les possibles que nous ouvre ce spectacle qui n’en finit d’ailleurs jamais puisque «  le monde n’est pas fini » La metteuse en scène et comédienne Camille Decourtye nous invite avec son haut-parleur à la suivre dans la cour du lycée Saint Joseph et à ne rien lâcher, à ne pas laisser tomber, à croire encore et toujours qu’un autre monde est possible. La jubilation devient fête, on a envie d’embrasser son voisin, de rester encore et encore, d’apprendre à façonner un vase en argile, grimper sur des lianes imaginaires, adopter un chien, se laisser tomber dans les bras d’un inconnu…..

Mais qui suis-je pour parler ainsi ?

Une spectatrice qui n’a pas envie de raconter l’histoire, de dévoiler l’indicible. Qui som ? C’est une somme d’émotions, d’inventivité, de création en direct même si ce sont des mois et des mois de travail de la part de ces 13 artistes touche-à- tout venus de la danse, du cirque, du théâtre de rue, de la musique. C’est un appel tous les soirs de représentation à agir pour un monde meilleur, dans la joie, avec les aléas du vent, du corps, de la fatigue, du groupe. 

Il fallait y être, il faudra y revenir. Le spectacle ayant été filmé, possibilité de le voir en replay sur Arte.TV.

Qui Som ? Festival D’Avignon. Date des tournées en France et étranger sur festival-avignon.com


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Dans le gymnase du lycée Mistral, les sierras d’Argentine se détachent sur un voile blanc et les sonnailles des troupeaux évoquent déjà le rassemblement et la réconciliation annoncée.

Tiziano Cruz, auteur et interprète de Wayqeycuna a choisi de clore sa trilogie (Adios Matepac et Soliloquio) commencée en 2022 à la mort de sa sœur et nous ramène dans son pays, après 25 ans d’absence. Il pose là un acte politique fort en renouant avec sa communauté du nord de l’Argentine par la langue « le quechua » et par ses traditions : le partage du pain.

Retour aux origines

Il alterne un discours frontal où il nous offre son corps et son âme en habit traditionnel ou un discours beaucoup plus politique et engagé avec les « sans dents » d’un monde qui se meurt dans un capitalisme décomplexé. La poésie et l’émotion affleurent continuellement, servis par un texte fort, un propos incisif atténué par un film d’une grande beauté où les moutons semblent s’envoler dans les brumes de ses montagnes andines. Dos tourné, Tiziano devient notre guide spirituel face à l’écran. 

Un adieu qui est une fête

À la fin du spectacle, il distribue du pain fabriqué lors de deux ateliers.  Le pain est un symbole important pour l’artiste, car porteur d’une culture et d’un savoir-faire ancestral propre à sa communauté du nord de l’Argentine. Et là, il peut sourire et laisser éclater sa joie d’avoir partagé ce moment autobiographique. 

Samedi 13 juillet. 11h. Dimanche 14 juillet. 11h et 18h. Gymnase du Lycée Mistral. Entrée boulevard Raspail. Festival d’Avignon. Cloître Saint-Louis, 20 rue du Portail Boquier, Avignon. 04 90 27 66 50.


Le Festival d’Avignon trouve enfin sa vitrine permanente à la maison Jean Vilar

La semaine de tous les dangers est derrière nous : plus d’école, plus de vent et de pluie, plus d’élections. La crainte de désertion du public pour cette première semaine de festival atypique s’est avérée infondée : le public est au rendez-vous et la qualité des spectacles aussi.

La Cour d’honneur, lieu d’émotion, de débat et de combat pour convoquer ou chasser les fantômes du passé, c’est selon

Le public ne s’imaginait peut-être pas venir deux fois, la même semaine, dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes : pour voir Dämon, el funeral de Bergman d’Angelica Liddell et assister de minuit à l’aube à la ‘Nuit d’Avignon’, événement totalement imprévu, mais nécessaire face à la menace de l’extrême droite aux élections législatives. La performeuse Angelica Liddell a eu – ça devient une habitude risible — ses détracteurs habituels. Elle a pourtant fait l’unanimité publique et critique tant sa performance force l’admiration de courage, de générosité et de clairvoyance.

En invoquant la peur de la mort, de la vieillesse et le fantôme d’Ingmar Bergman qu’elle admire depuis l’adolescence, Angelica Liddell atteint au-delà de sa performance les sphères du Sacré. La Nuit d’Avignon était plus pragmatique — quand ce n’est pas ennuyeuse avec quelques discours institutionnels nécessaires mais conventionnels —  mais la mobilisation sans précédent des artistes du Festival et du public a permis une belle nuit de concorde et de réconciliation, unis dans un « même îlot de fraternité » contre les fantômes du passé. L’heure était à la fête malgré la gravité du moment. 

Dans l’écrin de la carrière de Boulbon, la Comédie Française a déployé tous ses atouts

Quel bonheur assurément pour l’auteur et metteur en scène Tiago Rodrigues de créer son dernier spectacle Hécube, pas hécube dans ce lieu magique avec les magnifiques acteurs de la Comédie française. Le directeur du Festival d’Avignon n’a pas son pareil pour construire des histoires simples et compréhensibles tout en les raccrochant à la tragédie grecque. Il dit volontiers aimer écrire « entre les lignes des géants. »

On connaît de lui dans ce registre l’adaptation de la Cerisaie, d’Antoine et Cléopâtre ou d’Iphigénie. Dans cet espace minéral, le huis clos qui se joue est double : nous assistons à la répétition d’Hécube d’Euripide et entrons dans un même temps dans la salle d’un tribunal où se tient le procès de l’institution accusée d’avoir maltraité le fils autiste de Nadia. Nadia est comédienne et répète son rôle d’Hécube et tout se brouille… Le ton est donné dès la première scène : le chœur antique « on a le temps, on est large », faisant allusion à la première qui doit avoir lieu dans une dizaine de jours, l’humour de Denis Podalysdes qui fait mouche en répétant inlassablement « Hécube méritait mieux », l’angoisse de Loic Corbery de ne pas être prêt. Elsa Lepoivre est somptueuse dans le rôle d’Hécube et de Nadia écrit spécialement pour elle. 

Une belle surprise que ce Mothers, a song for wartime

La Cour du Palais des Papes était particulièrement adaptée pour faire résonner les voix de ces 21 femmes rescapées de conflits armés. Chants traditionnels et rituels, mais surtout témoignages bruts et néanmoins sobres pour nommer les violences faîtes aux femmes en temps de guerre. Quand chaque femme s’extirpe du chœur, du groupe pour se présenter simplement, leur courage force l’admiration. La metteuse en scène polonaise Marta Gornicka, en réunissant ces survivantes de 9 à 72 ans, nous envoie un message incroyable d’espoir et de résilience Elle replace ainsi le spectacle vivant au cœur de sa mission de résistance et de débats. 

DR

À suivre pour les autres spectacles …..

Infos pratiques :
Carte Festival.
25€. Demandeur d’emploi. 1€. Professionnel du spectacle vivant. 20€.
Carte 3 Clés. 1€. réservée au moins de 25 ans. Ou étudiant. Bénéficiaire des minima sociaux.
Billetterie : festival-avignon.com
Festival d’Avignon. Cloître Saint-Louis, 20 rue du Portail Boquier, Avignon. 04 90 27 66 50. 

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