Théâtre du Vieux Balancier, On a aimé Cœur sans écho
Lorca, poète du symbolisme et du surréalisme, dramaturge et metteur en scène, assassiné un 19 août 1936 à l’âge de 38 ans. Peut-être parce qu’il était homosexuel, socialiste ou juste pour cause d’inimité. Il a été dénoncé, abattu et enterré avec deux autres personnes, mais on ne sait toujours pas où.Pour ce festivla Off, Jean Leloup attire à lui l’âme du grand poète, le faisant renaitre pour une heure au Théâtre du Vieux balancier. Réjouissant.
Et pour nous faire découvrir ce grand lettré, ce chercheur de la parole juste, Jean Leloup a mis en scène et joue quelques-uns des fabuleux poèmes de Lorca. Des dits minéraux, végétaux, la mort du torero. Son écriture est subtile et forte, sortie des tripes. Il plonge sa plume dans ses viscères et son sang pour dire toute l’intrication de l’âme avec le corps. Il relate une vie tour à tour légère, tourbillonnante, éclairante, puis grave, sombre et féroce.
La mise en scène interpelle qui propose de dérouler un film poétique d’images choisies, d’un montage sur un voile tissé par d’anciennes vies portées par la brise du passé. Il évoque une défunte mémoire, incarnant les textes chers, et pour être fidèle à Lorca, use de l’espagnol comme du français. Son immense silhouette, sa voix à la fois douce et vibrante nous plonge dans le tourbillon de la vie. Jean Leloup prête son corps et son âme à l’écrivain qu’il sait habité des secrets d’une vie intense, à la marge, tel un chercheur libéré de toutes entraves.
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Lorca Lorca dissèque les conditions de la vie, le peu de place fait à l’amour, la recherche de la beauté et du désir, le torero qui se jette dans l’arène, la mort, l’insurrection, la peur des autres et des armes. Son univers foisonnant touche à l’âme comme le verdugo (l’épée) le taureau, au moment de l’estocade. La parole acérée comme un scalpel est contrebalancée par le raffinement et la légèreté du montage vidéo. Le tout donne toute son ampleur à l’œuvre de Lorca portée avec talent et respect par Jean Leloup.
Jean Leloup «Je suis comédien et metteur en scène depuis très longtemps. J’ai fait le Conservatoire et l’INSAS (Institut supérieur des arts du spectacle et des techniques de diffusion et de communication de la Fédération Wallonie-Bruxelles en Belgique). J’ai consacré 10 ans au piano et ai beaucoup travaillé la voix. J’ai d’ailleurs joué dans quelques comédies musicales : Cachafaz, Histoire extraordinaires de gens ordinaires, A rose is a rose. Cœur sans écho propose plusieurs plateaux sur la poésie puissante, métaphysique et philosophique de Lorca avec un complexe vidéo, un costume en évolution et danse au Théâtre de l’Epée de Bois. » Une création soutenue par le Printemps des poètes et le service culturel de l’ambassade d’Espagne.
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Grâce à eux Cœur sans écho. Poésie de Frederico Garcia Lorca par la Compagnie de la Meute. Traduction interprétation et mise en scène de Jean Leloup. Assistant mis-en-scène Thomas Tai. Chorégraphies flamencas Georges Butler et Patricio Martin. Costumes Sarah Lormant. Création vidéo et animation Eva Escobar. Composition musicale Silvère Wong. Création lumière Marie-Jo Dupré.
Les infos pratiques Cœur sans écho. Poésies de Frederico Garcia Lorca. Jusqu’au 21 juillet à 11h30. Durée 1h. Théâtre au Vieux balancier. 2, rue Amphoux à Avignon. Réservation 06 15 66 47 19. De 12 à 17€.
Théâtre du Vieux Balancier, On a aimé Cœur sans écho
La 58e édition du Festival d’Avignon se déroule du 29 juin au 21 juillet alors que le festival off a débuté le 3 juillet pour être clôturé le 21, marquant 4 jours de différence dont un week-end d’exploitation en plus pour le Festival In par rapport au Off.
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Un alignement des dates des festivals In et Off avait été soumis en Assemblée générale le 27 octobre dernier mais refusé par la majorité des adhérents AF&C qui craignaient de commencer le festival avant le début des vacances scolaires.
Quant au fait que certains lieux du Off soient des espaces prêtés par des écoles, collèges et lycée, et donc inaccessibles avant le 3 juillet, n’aurait eu qu’un impact très minimes précise le Off soulignant que ces lieux sont largement minoritaires.
Le ticket’off Ticket’Off est la plateforme de vente de contremarques de places de spectacles créée par Avignon Festival & Compagnies en 2017. Toutes les compagnies et théâtres qui sont inscrits aux services d’AF&C et figurent dans le programme peuvent mettre à la vente les quotas de places de leur choix sur Ticket’Off. Une partie de l’argent récolté -1€ par ticket – est reversé au Fonds de soutien à l’Emergence et à la création du Festival Off et à son fonctionnement.
A quelques jours de la fin du festival le nombre de contremarques vendu dépassera celui de l’an passé qui était de 172 181 Tickets off. Pour mémoire, tous canaux confondus, plus de 2 millions de billets avaient été vendus.
Les cartes du of dématérialisées Leur vente a dépassé les 57 900 pour le moment contre 65 000, au terme du Festival off de 2023.
Les accréditations Près de 2 279 accréditations professionnelles, dont la presse, ont été validées. Elles comprenaient 1006 programmateurs, 635 prescripteurs, 513 journalistes et 125 institutionnels.
Le Off en chiffres En 2023 : 40,2M€ d’impact économique. Plus de 2M de billets vendus. 300 000 festivaliers. En 2024 :1 666 spectacles. 1 270 compagnies. 558 emplois équivalents temps plein générés sur le Grand Avignon. 141 lieux de programmation.
Dans le détail Le 16 juillet, plus de 657 263 places via Ticket off avaient été vendus à un prix moyen plein tarif de 19,44€ et 13,39€ au tarif abonné. Près de 172 000 contremarques Ticket’ off avaient été vendus correspondants à 1 580 spectacles –sur les 1 666 proposés cette année. 266 compagnies gèrent en direct leur billetterie et 102 théâtres la billetterie des compagnies. Le panier moyen serait de 3 spectacles par personne. Enfin, les événements organisés par AF&C au Village du Off -Rue Pourquery de Boisserin- ont connu une belle fréquentation notamment le Festival de musiques actuelles avec le Son du Off qui bat des records de fréquentation à destination des festivaliers et des professionnels.
Le prix Cultura Sorgues Pour la deuxième édition, le prix Cultura Sorgues, mécène de la Fondation AF&C, récompensera un des 10 spectacles sélectionnés à partir d’un texte d’un auteur contemporain joué lors de cette 58e édition. La remise de prix se fera ce vendredi 19 juillet de 19h30 à 20h30 à l’Agora du Village du Off rue Pourquery de Boisserin.
Les spectacles sélectionnés La Maladie de la famille M à Présence Pasteur Collectif Nuit Orange De Fausto Paravidino ; Arrête avec tes mensonges au Théâtre du Rempart ; Velours & Macadam de Valentin Nerdenne & Philippe Besson ; Une vie sur Mesure au Théâtre des Lucioles Scènes Plurielles de Cédric Chapuis ; Hepatik Girl au Théâtre de la Luna Compagnie de l’Armoise De Marie-Claire Neveu & Tatiana Goussef ; Un Démocrate à La Factory (Théâtre de L’Oulle) Association Idiomécanic Théâtre De Julie Timmerman ; Femme Non-Rééducable à La Factory (Chapelle des Antonins) Compagnie La Portée De Stefano Massini ; Le Repas des gens au Théâtre des Halles ; L’Entreprise – Cie François Cervantes de François Cervantes ; Les frottements du cœur à La Scala Atelier Théâtre Actuel De Katia Ghanty ; Tumultes à La Scierie, Compagnie l’épicerie, de Marion Aubert ; Shahada au 11·Avignon Fabriqué à Belleville – FAB de Fida Mohissen.
Laurent Domingos, coprésident AF&C Festival Off d’Avignon
Ils ont dit « Ce festival sera comparable voire supérieur à l’édition précédente qui était une année record alors que nous pensions, en termes d’achats, que le festival allait pâtir du décalage des dates entre le festival Off et In, commençait Laurent Domingos, co-directeur AF&C du Festival Off. Nous allons d’ailleurs travailler à aligner les deux festivals. Cette semaine –du 15 au 21 juillet 2024- est une période très intense en fréquentation pour les deux festivals, et ceux-ci sont au rendez-vous.»
«Les débuts du nouveau site ont été un peu compliqués, notamment pour les compagnies, continue Laurent Domingos. Nous travaillons à en travailler l’ergonomie et à en effacer les défauts. De même, nous aimerions savoir combien, en moyenne, un festivalier achète de spectacles. Nous notons que le prix des places est resté le même, en moyenne. Il n’y a donc pas eu d’inflation sur le prix des billets. La vente des cartes abonnées du off stagne par rapport à l’an passé. Ce qui est bon signe ? Malgré des temps mouvementés (Ndlr : dissolution de l’Assemblé Nationale, élections des députés, inflation…) les gens sont au rendez-vous du spectacle vivant et continuent de vouloir partager l’émotion ensemble,» détaillait Laurent Domingos.
Harold David, coprésident AF&C Copyright MMH
«Je pense que c’est un meilleur festival que ce à quoi nous avions espéré, tempère Harold David, co-président d’AF&C, car nous avions craint un effondrement des ventes imputable à une durée plus courte du festival et un nombre moindre de jours d’exploitation. Je note un vrai engouement de fréquentation pour les événements organisés au Village du Off avec un public élargi ouvert aux artistes comme aux festivaliers. »
Les programmateurs et prescripteurs au rendez-vous « Nous nous réjouissons également de la visite de 1 641 programmateurs et prescripteurs venus faire leur marché lors de cette édition. Ils sont bien au rendez-vous alors que l’on évoque, partout, une crise de la diffusion. Dans cette typologie des programmateurs, nous observons une croissance importante de professionnels issus de l’international. Ce qui va dans le sens d’un festival national de plus en plus ouvert à l’international. Je pense que les chiffres de ces professionnels sont bien en deçà de ce que nous pensons car beaucoup d’entre-eux ne se font pas connaitre. C’est une vraie opportunité pour les compagnies. Le festival off est une plateforme d’échanges du spectacle vivant indépendant qu’on aimerait être international.»
Les outils digitaux «Malgré les difficultés rencontrées, les problèmes de mise en place du nouveau système, que nous nous employons à corriger et à améliorer au quotidien, n’ont pas eu d’impacts sur les compagnies et les festivaliers. Il nous a fallu remplacer 10 ans d’informatique en 9 mois de travail. Dès septembre l’ergonomie du site sera retravaillée, ce qui va révolutionner son accessibilité.»
L’international «Nous avons assisté à une rencontre réunissant des organisateurs de festivals du monde entier. Nous avons pris conscience d’un festival Off d’Avignon identifié et observé. Nous n’imaginions pas son importance vue de l’extérieur. Impression corrélée par Taiwan qui est notre invité d’honneur. Les ateliers export ont été bien reçus par les compagnies qui ont découvert les moyens et les modalités pour la diffusion à l’international. Les 3 dîners speed meetings –banquets professionnels- entre programmateurs et compagnies ont bien fonctionné. Cela permet aux parties en présence de diner tout en changeant de tables pour aller à la rencontre des autres et de découvrir leur travail. Le format a beaucoup plu. Nous avons été reçus au Racine, dans l’intramuros, sur l’invitation d’Aurélie Panattoni que nous remercions infiniment.»
Un programme complètement revu «Nous souhaitons travailler plus en amont sur le programme qui pourrait ne plus être classé par théâtres mais par thèmes de spectacles ce qui nous semble plus judicieux et ce qui se fait partout à l’international. Nous réfléchissons à une organisation par genre de spectacles, ce qui permettrait d’avoir un accès plus simple pour aller voir du théâtre expérimental, classique et d’entrer dans la diversité de l’offre. Cela demandera beaucoup de concertation. Egalement nous voulons anticiper le prochain festival afin que les auteurs et les compagnies puissent plus travailler en amont pour proposer leur projet en cours de réalisation.»
«Le village des enfants a été très plébiscité. Les compagnies qui les ont animés ont soulevé l’enthousiasme des enfants et des parents qui, tout naturellement, sont venus les voir car ils avaient suscité l’envie en faisant découvrir la marionnette, l’écriture, la danse… C’est très encourageant,» concluait Harold David.
Légende photo De gauche à droite : Régis Vlachos, compagnie du Grand soir, du collège B des structures de production ; Laurent Domingos co-président AF&C, administrateur délégué au budget, aux systèmes d’information, aux Ressources humaines et au Label Off également au Collège B; Harold David Co-président, administrateur délégué à l’éditorialisation du Village du Off, au budget et aux relations internationales au Collège A Théâtres et Pierre Lambert de Présence Pasteur, du Collège A Théâtres.
De gauche à droite Régis Vlachos, compagnie du Grand soir, du collège B des structures de production ; Laurent Domingos co-président AF&C, administrateur délégué au budget, aux systèmes d’information, aux Ressources humaines et au Label Off également au Collège B; Harold David Co-président, administrateur délégué à l’éditorialisation du Village du Off, au budget et aux relations internationales au Collège A Théâtres et Pierre Lambert de Présence Pasteur, du Collège A Théâtres. Copyright MMH.
Théâtre du Vieux Balancier, On a aimé Cœur sans écho
Si on vous dit Coline Serreau ? On répond immédiatement Trois hommes et un couffin
Mais connaissez vous Coline Serreau la trapéziste ? La dénicheuse de talent hip hop, la metteuse en scène d’Opéras à Bayreuth, la présidente de l’académie Fratellini, bien sûr la réalisatrice de Trois Hommes et un Couffin mais aussi de La Crise avec Maria Pacôme.
Une seule en scène radieuse et décapante
Elle n’a pas changé : toujours son beau sourire et sa chevelure de lionne. Elle va nous raconter sans chichi sa « belle histoire », histoire d’une vie bien remplie avec de belles rencontres, des anecdotes cocasses et des dessous de tournages hilarants. Des documents d’archives sont projetés judicieusement pour permettre de découvrir des pépites telles que l’Opéra « la Chauve Souris» monté en hip hop , André Dussolier s’essayant x fois à une réplique dans Trois Hommes et un couffin ou Maria Pacôme en tournage à l’abri d’une borie. On rentre aussi dans l’intimité familiale avec l’arrivée de la télévision, le branchement de la machine à laver , la recherche d’argent de poche. Bref un spectacle comme on les aime où à travers un personnage familier on (re)découvre une époque, des souvenirs qui ressurgissent, des pensées qui se rejoignent.
Il n’y avait que deux dates pour Coline Serreau à la Scala Provence correspondant aux deux lundis de relâche. Le spectacle peut se voir en automne 2024 au Théâtre Michel à Paris.
Théâtre du Vieux Balancier, On a aimé Cœur sans écho
17 juin 1940. Charles de Gaulle, va partir incessamment pour Londres, seul, sans sa famille qui, elle, va rallier le Sud de la France pour se mettre à l’abri et échapper à l’espionnage comme au kidnapping. Le sous-secrétaire d’Etat doit faire face à une crise de conscience et trahir ses pairs pour sauver la mère patrie. La capitulation n’est pas une option.
Il est seul contre tous et ne sera pas très bien accueilli, voire honni outre Manche, chez la perfide Albion. Il devra aussi convaincre outre Atlantique car là-bas aussi, on ne le calcule pas. Exténué, il s’apprête à écrire le discours du 18 juin. Son aide de camp, Geoffroy Chodron de Courcel vit avec lui ces minutes dramatiques vécues sur le sol français.
Et puis voici que Charles de Gaulle se réveille sur une île paradisiaque, accueilli par un barman plutôt très philosophe vite rejoint par d’illustres personnages tels que Victor Hugo, Napoléon, Bob Marley, Marlène Dietrich… qui dévoilent tour à tour, leurs succès comme leurs échecs, les coulisses de leurs vies.
Le Barman de l’île, Victor Hugo et Charles de Gaulle Copyright MMH
C’est très bien écrit, les jeux de mots y sont truculents, les six acteurs vifs, les échanges intelligents, plein d’humour et se jouent des anachronismes avec délectation. On se met à oublier le théâtre pour vouloir se glisser, nous aussi, dans cette ile imaginaire qui se joue du temps et de l’espace, où les personnalités les plus brillantes s’interpellent et se lient avec un plaisir non feint. Un très bon spectacle à destination de tous qui donne envie de relire les biographies de ces grands hommes et de l’extraordinaire Marlène Dietrich.
Les infos pratiques Le Barman de l’île. 13h10. Jusqu’au 21 juillet. Relâche le 15 juillet. Théâtre des Brunes. Salle des Brunes. Tout public. A partir de 10 ans. De 14 à 24€. 32, rue Thiers à Avignon. 04 84 36 00 37.
Grâce à eux Graphiste : Munbaz Art ; Producteur : Alain Asseraf ; Metteur en scène : Bernard Bitan ; Artiste interprète : Bernard Bitan , Pierre Deny, Fabien Floris, Pierre Jouvencel, Angelo Pattacini, Smadi Wolfman ; Assistante de mise en scène : Laëtitia Grimaldi ; Régisseur : Romain Martin ; Attachée presse : Lynda Mihoub. Acarré productions.
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Alexis HK et Benoit Dorémus nous invitent dans leur loge
On a l’habitude de voir ces deux chanteurs dans des salles beaucoup plus grandes. Ici, ils choisissent de nous raconter leur amitié en chansons en nous invitant dans leur loge.
Ils sont assis de part et d’autre d’une table : fleurs, fruits, verres d’eau tels qu’on se l’imagine. Il y a le silence avant l’entrée en scène, les blagues potaches pour évacuer le stress, les questions saugrenues, les accords de guitare. Ils se vouvoient avec distinction pour mieux nous asséner une chute triviale ou lourdingue assumée. Ils jouent autant entre eux qu’avec leurs instruments.
Des chansons qui ne devraient jamais sortir des loges
Il y a des pensées, des secrets qu’on ne dit qu’à un ami. Avec l’Ami, on peut se dire l’impensable, l’inavouable. Ainsi sont leurs confidences « so british », un brin dandy avec juste ce qu’il faut de dérision et d’humour pour en saisir le propos tout en riant de bon cœur : on se moque des survivalistes, on mélange I Can See Clearly Now de Jimmy Cliff avec Marche à l’ombre de Renaud, on fustige le racisme et la misogynie de Melissa de Julien Clerc alors même que l’on entonne volontiers « Ce que tu es belle quand j’ai bu » d’Alexis HK. Dino, la tractopelle de Michel Fourniret ne peut être chanté que pour le public averti que nous sommes. Quand ils parlent de leurs expériences de concert en appartement à Conflans-Saint-Honorine pour compléter des cachets d’intermittents, ça sent le vécu !
Une belle parenthèse dans « leur carrière » que cette pause festivalière
On les connaissait sur scène pour la plupart d’entre nous, on les découvre, fragiles dans leur loge. On comprend que l’idée de ce spectacle est un bonheur pour eux, une histoire d’amitié et de parcours du combattant dans le paysage impitoyable de la chanson à textes en France. L’air de rien, ils dévoilent avec dérision leurs talents d’acteurs, de compositeurs, de musiciens et ça fait un bien fou.
Jusqu’au 21 juillet (relâche le 17). 21h10. 14 et 20€. La Manufacture. 2 bis Rue des Ecoles. Avignon.
Théâtre du Vieux Balancier, On a aimé Cœur sans écho
Les représentations ont lieu à 21h 30, mais auparavant, tous les soirs, dès 19h, le public est invité pour l’apéro au Bar à vins des Jeunes vignerons du village, Bar à Sirops de la distillerie A. Blachère et à une petite restauration servie sur planches, charcuteries, fromages, tapenade, anchoïade et melon.
Une semaine conviviale, familiale, bon enfant avec vue sur les vignes de Châteauneuf-du-Pape, le Rhône et même à l’horizon, dans le lointain, le Palais des Papes. Tarifs : 5€ enfants de plus de 11 ans – 10€ adultes – gratuit mercredi.
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Pas besoin de passeport pour se rendre dans ces territoires de la République qu’on dit souvent « perdus. » En fait, il s’agit d’un « seul en scène » de Xavier Berlioz, né en 1969 à Villeurbane et consacré à la 1ʳᵉ cité dynamitée en France en 1982, la « Barre Olivier de Serres. » Comme l’a été en 2001 à Avignon, La Tour Apollinaire avec ses 430 appartements, sur la Rocade.
À l’époque, Xavier Berlioz a 13 ans quand il assiste à l’effondrement de cette tour, dans un nuage de poussières de béton, de verre et de ferraille, dans un fracas qui brise son cœur et fait voler en éclats son enfance. C’est pour lui l’occasion d’évoquer sa jeunesse, son quartier, son copain dans l’immeuble d’en face, les petites gens, les Pieds-Noirs, les Harkis, le racisme, voire d’ostracisme.
Tour à tour, il évoque les stars de l’époque, Mireille Darc et Mireille Mathieu, Carlos, Marie Myriam, les émissions de Guy Lux, le feuilleton de la seule chaîne en noir et blanc de l’ORTF, Thierry La Fronde. Les déménagements de bric et de broc avec des sacs tricolores empilés et mal ficelés sur le toit des Ami 8 Citroën et des 405 Peugeot, le marchand de glaces qui klaxonnait au pied de la tour, l’été, et qu’on attendait avec impatience. Les vautours qui venaient chercher leur loyer en cash. Le berger rebelle du djebel aux mains tachées par le henné et les doigts jaunis par le tabac. « Tous les habitants vivaient là, dans ce melting pot, Monsieur Zaouche, l’épicier ouvert tous les jours et tard le soir et Monsieur Durant qui n’aimait pas beaucoup les étrangers ». Les riverains qui constataient « On n’est plus chez nous » après la Guerre d’Algérie, les Accords d’Evian et les bâteaux en provenance d’Alger qui larguaient sur la Joliette, à Marseille, leur cargaison humaine et exilée à jamais, de 800 000 Pieds-Noirs et 41 000 Harkis avec sur les murs des tags tracés au bitume : « La valise ou le cercueil » en guise de messages d’accueil…
Au bout de décennies de cohabitation chaotique, de ghettoïsation, de trafics en tous genres, de pauvreté, la mairie de Villeurbane a promis de « raser gratis » tous ces immeubles pour un lendemain meilleur. « La vermine » comme l’appelaient certains, était assiégée. Les fenêtres murées, les locataires chassés, parfois relogés loin, très loin. Le terrain, entre bitume et béton, était « de plus en plus vague » explique Xavier Berlioz, la vie a disparu à petit feu, la mémoire non. Cet « holocauste urbanistique » a été effacé, rayé de la carte pour faire place nette. De lieu de vie pour des centaines de familles, il est devenu no man’s land.
En une heure, nous passons du rire aux larmes, de l’insouciance de l’enfance au drame. « La cité j’y retourne quand je veux », conclut l’auteur-interprète de ce « Voyage en territoires perdus ». Une « Symphonie Fantastique » de mots, d’émotions, de tendresse, de nostalgie signée Berlioz. Pas Hector, mais Xavier Berlioz, en collaboration avec Sabrina Delarue. À voir absolument jusqu’à dimanche 21 juillet à 10h50.
Xavier Berlioz, auteur, comédien et metteur en chène de ‘Voyage en territoires perdus’.
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Le groupe Merci se joue des contes de Charles Perrault
Le groupe Merci, qui nous vient de Toulouse, aime maintenir dans ses choix artistiques « des îlots pour s’exposer aux questions qui maintiennent éveillés et pour creuser nos inquiétudes. Des îlots pour dire avec drôlerie nos catastrophes, nos colères, nos inquiétudes sans chercher la fin réconciliatrice. » Il aime les sujets tabous : dans le In en 2022 à la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon, il dialoguait volontiers avec les morts. Dans la charmante cour du Musée Angladon, il s’empare des contes de Charles Perrault réécrits par l’auteur contemporain Emmanuel Adely.
De l’importance des contes de fées
On a beaucoup écrit sur les contes, leur utilité, leur rôle de médiation, capables de guérir, soigner ou aider à grandir selon Bruno Bettelheim ou Françoise Dolto. Ici point de circonvolutions psychanalytiques : le constat est dur et brut. Nos « héros » d’hier sont encore ceux d’aujourd’hui. Seule la langue a opéré un déplacement. Les riches en yacht n’ont rien à envier aux rois et reines d’antan. Les princesses d’hier sont les népo baby d’aujourd’hui. Les questions d’inceste, de domination, de pauvreté sont toujours des réalités. #MeToo a pris le relais pour nous conter des histoires qui n’ont rien de fictif.
En guise d’introduction
L’entrée en scène sur un drôle d’engin à chenilles des deux comédiens donne le ton : on rira, mais on n’éludera rien. Campés sur un terrain de golf, ils entament un dialogue ping-pong, jouent du contre point, et plantent le décor d’un monde résolument moderne de réseaux sociaux, jets et soirées privées, avec des hommes riches, laids et vieux et des femmes idiotes, jeunes et belles. Mais ça n’existe que dans les contes de fées n’est-ce pas ? Il était une fois… mais ça se répète tout le temps.
Trois contes et quelques
Au cours du spectacle, trois contes seront totalement identifiés et racontés : Peau d’âne, Le Petit Chaperon rouge et Barbe Bleue. Mais la pomme lancée par un club de golf ou les cailloux semés en interlude nous incitent, même longtemps après le spectacle, à revisiter dans notre tête tous les contes de notre enfance et on ne peut que frémir devant la pertinence et la modernité malheureuse de ces histoires.
Un ressort comique, une langue incisive, des comédiens qui ne s’en laissent pas conter
Il y a bien sûr le récit, qui est transposé dans un monde « altermondialiste, écologique et anticapitaliste » avec des zadistes, des clodos, des accros, des influenceuses… Mais le rire vient aussi de la construction des histoires qui cochent tous les codes et invariants du conte : univers merveilleux avec des personnages hors du commun qui vont connaître des aventures flamboyantes etc. Les détails de rêve sont conservés, le principe d’énumération aussi. Et les comédiens évoluent précisément, mais librement dans cet entre-deux spatio-temporel.
Quand l’enfant devient une proie, le rire s’éteint
La première partie du spectacle nous a mis en confiance et permis de rire de tous les travers de notre société moderne. Quand Lou — fille ou garçon — entre dans l’antre de Mère Grand qui peut être « un professeur, un journaliste, un homme politique, un universitaire, un écrivain… » même les cigales se taisent. On ne peut s’empêcher de se tourner vers Charles Perrault, dignement installé au premier rang, un peu gêné, arborant une moue suffisante… et le gazon extirpe les cadavres de plusieurs siècles de silence.
Il était une fois…..une fois de trop quelquefois.
Jusqu’au 21 juillet. Relâche le 17. 10h30. 14 et 20€. Musée Angladon. 5 rue Laboureur. Avignon. Billetterie sur place ou www.lamanufacture.org
Théâtre du Vieux Balancier, On a aimé Cœur sans écho
La Compagnie basque Hecho en casa a planté le décor cette année dans la grande salle du gymnase de Présence Pasteur. Le public est installé sur des gradins de part et d’autres d’une grande table de ferme qui servira de plateau pour nous servir… l’histoire d’une vie peu commune.
Née en 1922, Blanche est une petite vieille espiègle et fort sympathique même si quelquefois son sourire cache des grimaces équivoques. Elle nous invite au grand banquet de sa vie. Cette fiction librement inspirée par la propre épopée familiale de l’autrice et comédienne Mélanie Vinolo nous touche immédiatement tant son appétit de vivre et de jouer est communicatif.
Le fil conducteur de ce spectacle est la recette du bonheur
Sa vie n’a pas toujours été facile : le travail à la ferme avec les corvées, le départ pour la guerre de son frère adoré, sa mère sévère face à une tante plus magnanime, ses lectures de Boris Vian ou de Lorca, l’émotion du premier baiser, le départ vers la capitale. Sa mémoire vacille, les fantômes du passé surgissent de l’armoire quand ce n’est pas l’infirmier de la maison de retraite où elle vit désormais qui la ramène à une réalité dont elle veut s’évader : l’heure est venue en effet de tirer sa révérence, mais Blanche veut nous faire un dernier cadeau et soigner son départ. En cuisinant une improbable soupe aux légumes, elle compte bien nous donner une ultime recette de vie. De l’action surgit un souvenir, d’un regard une anecdote fuse, et en un tour de cuillère à pot, entre farine, neige ou plumes, l’histoire d’un siècle est reconstituée avec tendresse.
Une mise en scène intuitive qui reconstitue le puzzle d’une mémoire vacillante
La grande table sert de lieu d’ancrage. On y mange, on y danse, on y dort, c’est un quai de gare ou le toit de la grange. Elle conduit vers la grande armoire qui recèle tous les secrets d’une vie et dont les portes libèrent la mémoire de Blanche. Les trois autres comédiens qui jouent plusieurs rôles excellents dans des registres très divers. Une soirée pimentée, mais néanmoins poétique.
Jusqu’au 21 juillet. Relâche le 15. 22h. 8 à 19€. Présence Pasteur. 13 rue du Pont de Trouca. Avignon. 04 32 74 18 54.