16 mai 2024 |

Ecrit par le 16 mai 2024

Le Festival de Cannes marche sur les pieds de celui d’Avignon

Cinéma contre théâtre ? Marche de la Croisette contre celles du palais des Papes ? Le plus grand festival de cinéma du monde a décidé de décaler sa 74e édition. Prévu initialement du 11 au 21 mai, il se déroulera finalement à la même période que le festival d’Avignon.

Deux des plus grands festivals français vont donc se tenir au même moment cet été. En choisissant de décaler sa manifestation en plein mois de juillet, du 6 au 17 juillet, le festival de Cannes va ainsi directement concurrencer le festival d’Avignon qui se tiendra, lui, du 5 au 25 juillet. Un choix et une superposition qui peuvent surprendre alors que le président Pierre Lescure évoque avant tout une décision « d’équilibre », le mois de mai étant très proche et la situation sanitaire bien trop incertaine.


Le Festival de Cannes marche sur les pieds de celui d’Avignon

«Un festival Off ESSENTIEL», tel est le maître mot énoncé par Sébastien Benedetto, nouveau président du festival Off qui se tiendra du 7 au 31 juillet  2021.

Avancer ensemble, en ordre de marche et de bataille
La conférence de presse d’AFC qui a réuni par visio-conférence des membres du conseil d’administration d’Avignon Festival et Compagnie (AFC), des journalistes locaux et parisiens, des compagnies et artistes, des membres de la Fédération des Théâtres indépendants – dont deux membres récemment élus au bureau AFC- vient, bien sûr, à point nommé pour annoncer les dates du festival off 2021 et l’élection de son nouveau président Sébastien Bénédetto.

Un nouveau président pour AF&C
Celui-ci après les remerciements d’usage n’a pas renié sa filiation –fils d’André Benedetto, un des fondateurs du off- et a réaffirmé sa volonté d’un festival solidaire et conforme aux valeurs de respect et d’égalité. L’ancien président Pierre Beffeyte a tenu à réexpliquer sa démission qui n’est que celle d’un poste et non de son engagement : «j’ai atteint les limites du bénévolat du Off et ai eu à prendre la difficile décision d’annoncer la non-tenue du off 2020, je suis la personne qui a géré la crise, ce  n’est pas à la même d’être celle de la reconstruction.» Il a appuyé avec conviction la candidature de Sébastien Benedetto qui aura, lui, à reconstruire et à fédérer avec une belle légitimité locale. Les débats internes existent toujours mais il semble acquis de l’urgence de faire taire, pour un temps, les distensions pour avancer ensemble et relancer la dynamique.

Un festival essentiel pour être un festival de relance
Les compagnies, les artistes, les commerçants et restaurateurs ont été privés de commandes, de publics, de salaires et  le public du spectacle vivant. Il faut donc rattraper une saison mais surtout redémarrer pour devenir le symbole de la relance. On ne rappellera jamais assez les retombées économiques du Festival dans la Cité des Papes et alentours : 150 000 personnes et  100 M€ de retombées économiques.

Travailler à la relance
Avec des contraintes sanitaires maintenues en juillet, les jauges risquent d’être réduites, les compagnies seraient donc en droit de demander de baisser le prix de location des théâtres. Les théâtres ont aussi une logique économique à sauvegarder. La solution ? Aider les compagnies et les artistes autrement. Plusieurs pistes ont été évoquées lors de près de 10 réunions depuis novembre 2020. Ainsi, le fonds de professionnalisation créé en 2017 va être élargi «pour aider un maximum d’artistes». Il complètera le Fonds d’urgence abondé en juillet par l’Etat. Mais le Off n’étant pas subventionné, le nouveau Conseil d’administration d’AF&C va aller démarcher les collectivités territoriales après avoir également sollicité les partenaires habituels : Fondation Face, Spedidam etc.. qui abondent ce fonds de professionnalisation. Beaucoup de pistes sont encore en discussion qui auront sûrement à être validés en Assemblée générale extraordinaire d’après Laurent Rochut, théatre La Factory, mais « après une économie de la réparation, il faut résolument aller vers la relance».

Des pistes et réflexions pour un festival plus solidaire et écoresponsable.
La crise sanitaire et l’annulation du off 2020 auront permis à ce temps suspendu de réinterroger l’économie du off et de remettre en cause ou pas certaines pratiques. Ainsi la trésorière Alexia Vidal a rappelé la consultation publique qui a obtenu 862 réponses avec 2 questions volontairement très ouvertes «Quel est pour vous le festival idéal ? Et Comment y parvenir ?»

Retour d’expérience
Toutes les  idées ont été retenues et classées par thématiques devenant ainsi des documents de travail  pour une réflexion à mener avant mai 2021. Trois groupes de travail vont bientôt être mis en place – dans un premier temps en visio – : Quel festival pour demain ? (l’éthique, solidarité, la viabilité) ;  Quel festival pour les publics (accessibilité, billetterie, communication) ; Quel festival pour les professionnels (résidence, programmation, intermittence).

Les interrogations récurrentes
Les questions dans la salle virtuelle n’ont pas manqué de refaire surgir les interrogations récurrentes : Pourquoi des dates différentes entre In et Off ? ; Pourquoi a-t-on rendu de l’argent à l’Etat, le fonds d’urgence n’ayant pas été complètement dépensé ? ; Affichage ou pas dans la ville ? ; Billetterie centralisée ? Contrôle ou pas des loyers pour les festivaliers et les compagnies ? ; Edition d’un guide des bonnes pratiques ? Les réponses dans les prochains mois seront déterminantes pour la survie d’un des plus grands festivals au monde de théâtre et donneront un signal fort ou pas d’optimisme et de relance pour tout le spectacle vivant en France. Essentiel n’est pas un mot vain !

Michèle Périn


Le Festival de Cannes marche sur les pieds de celui d’Avignon

La boucle est bouclée. Son père, André Bénédetto avait créé le Festival 0ff d’Avignon en 1967. Depuis hier lundi, c’est le fils, Sébastien, 40 ans, directeur du Théâtre des Carmes, qui est aux commandes. Tout un symbole et un héritage hors du commun. Il devient donc le 6ème président après Alain Léonard, Greg Germain, l’éphémère Raymond Yana (10 mois à la tête d’A.F.C.) et Pierre Beyfette.

Lui qui préfère être derrière les projecteurs plutôt que dans la lumière aura à coeur de « Fédérer toutes les forces du festival » le plus populaire d’Avignon avec près d’un million de spectateurs, hors COVID…

En 2020, le spectacle vivant a été stoppé net par le coronavirus. « Je me concentre sur 2021, c’est une envie, un espoir incompressibles, la culture est absolument essentielle. Nous réfléchissons aux règles de normes sanitaires, aux jauges réduites, à l’aération des salles de spectacles, aux sens de circulation dans les files d’attente ».

L’Avignonnais Sébastien Bénédetto, compte travailler main dans la main avec les compagnies locales du théâtre pour conforter la professionnalisation initiée par son prédécesseur, Pierre Beyfette et peut-être encadrer l’offre foisonnante de spectacles (1592 au programme l’an dernier) sans toutefois porter atteinte à la liberté de création.

Normalement, le Festival 0ff 2021 doit se dérouler entre le 7 et le 31 juillet.


Le Festival de Cannes marche sur les pieds de celui d’Avignon

En ce début d’année, alors que les lieux culturels doivent toujours garder leurs rideaux baissés, les acteurs du secteur sont toujours dans l’expectative des annonces du gouvernement. Une situation pour le moins difficile et des perspectives incertaines qui font craindre le pire pour la Fédération des Théâtres indépendants d’Avignon (FTIA) quant à la bonne tenue de la prochaine édition du Festival OFF.

Pas de réouverture des théâtres, cinémas et musées le 7 janvier. C’est ce qu’a annoncé le gouvernement suite au niveau encore élevé de contaminations dues au Covid-19 qui retarde davantage la réouverture des lieux culturels. Une nouvelle douche froide pour les acteurs culturels qui doivent tant bien que mal composer avec l’inconnu (aucune date précise de réouverture n’a été annoncée) alors que ces derniers réclament des échéances précises. Pour la FTIA, fédération née en mai 2020 qui regroupe 47 théâtres pour 77 salles, les inquiétudes sont légitimes à moins de six mois de l’édition 2021 du Festival OFF. « Nous sommes dans une situation qui évolue au gré de l’épidémie, constate Harold David, co-président de la FTIA. Or un festival de l’ampleur du OFF se prépare au moins un an à l’avance. La question du temps est essentielle. C’est pourquoi il devient urgent de connaître les conditions de réouverture des festivals prévus cet été et à quel prix. Pour les compagnies, le festival OFF représente une prise de risque et un réel enjeu financier et économique. »

Face à l’incertitude, la FTIA émet deux hypothèses, celle d’un OFF dégradé en raison des conditions sanitaires et de l’évolution de la pandémie ou celle d’un OFF qui serait impossible en raison d’un certain nombre de contraintes connues actuellement (fermeture administrative, interdiction de rassemblement…) mais aussi en raison de l’impact des conditions sanitaires sur la situation économique globale du OFF, des théâtres et des compagnies. « A partir du moment où un certain nombre de contraintes vont venir modifier un équilibre déjà extrêmement précaire en temps normal, l’impact économique provoqué peut décider de l’impossibilité du OFF à se tenir, explique Harold David. Pour éviter ce scénario, il faut que des mesures compensatoires soient mises face aux contraintes sanitaires imposées par la pandémie. Des mesures qui ne sont évoquées par personne aujourd’hui, ni de la part de l’Etat ni des collectivités… Si ces mesures ne sont pas à la hauteur de la prise de risque, par défaut il est fort probable que le OFF ne puisse pas avoir lieu. » Et d’ajouter : « Il me semble qu’au-delà du 1er mars, si aucun scénario n’est mis sur la table, s’il est toujours impossible pour les théâtres et les compagnies de se projeter, il me semble difficile pour le OFF de se mettre en œuvre… »

Malgré les inquiétudes, la FTIA a lancé en début d’année différentes commissions de travail, parmi lesquelles la mise en place d’un système de mutualisation des ressources entre les différents théâtres partenaires, l’animation du territoire (via la digitalisation d’évènements pour faire face à la crise sanitaire), le lancement de la 2e édition du festival Indépendance(s) – qui réunit spectacles, ateliers, lectures et rencontres – prévu pour les vacances de printemps, ou encore la réalisation d’une charte des lieux pour améliorer et faciliter l’accueil des compagnies et du public.


Le Festival de Cannes marche sur les pieds de celui d’Avignon

Laurent Rochut*, directeur de la Factory, structure comprenant le Théâtre de l’Oulle et la salle Tomasi à Avignon pense que le Festival d’Avignon a été annulé prématurément plombant durablement l’économie avignonnaise. Le dirigeant propose un changement de paradigme. Sa réflexion ? Utiliser le gisement de salles et de matériel dormants en créant un maillage de théâtres qui accueillerait, toute l’année, des compagnies européennes et françaises de l’art vivant et dont le festival serait le point d’orgue et non plus ‘l’excuse artistique’.

«J’ai le sentiment que l’on a été soumis, durant plus de deux mois, à un diktat de gens qui avaient peur, positionnant la vie contre l’économie. Je crois qu’aujourd’hui on se rend compte que l’on n’a pas forcément sauvé plus de vies que ça. Il y a des pays qui ont très peu confinés, où qui n’ont confiné que les personnes atteintes du virus Covid-19, comme la Corée, la Suède, les Pays-Bas et l’Allemagne et qui n’ont pas eu plus de morts que ce qu’aurait provoqué, habituellement, la grippe. Ce qui est certain ? On a durablement tué l’économie avignonnaise, peut-être pour toute l’année. Ce qui aurait pu être fait ? Confronter nos idées, se mettre en ordre de marche et décaler le festival de 15 jours ?»

Le moment fondateur ? Le discours présidentiel

«Et puis il y a eu le moment fondateur. Le discours du Président Emmanuel Macron le 13 avril expliquant qu’il n’y aura rien avant le 15 juillet au moins. A partir de ce moment-là ceux qui pensaient autrement ‘n’insultons pas l’avenir et pensons aux retombées économiques d’une annulation du festival’ étaient disqualifiés. Nous ? On tenait bon. Nous nous faisions insulter, on nous disait que nous ne pensions qu’à l’argent. A partir de ce moment-là nous n’avions plus de soutien, plus de point d’appui pour maintenir l’idée qu’il puisse y avoir un festival.»

Laisser du temps au temps

«Aujourd’hui, à mi-juin, on comprend que l’on aurait pu organiser le festival à partir du 15 juillet parce que fin juin le Gouvernement expliquera que l’on pourra s’installer dans les théâtres sans distanciation sociale ni avec des masques. On aurait pu organiser le festival si l’on avait laissé du temps au temps. Pourquoi en est-on là ? Est-ce que l’Elysée a subi des pressions de producteurs, d’importantes entités économiques qui n’ont pas voulu prendre le risque de salles vides à Avignon et des lourdes pertes financières qui s’ensuivraient ? L’annulation pour cas de force majeure devenait alors la garantie de sauver leur mise et la suite démontre qu’on a été bien moins prudents sur d’autres dossiers…

« Est-ce que l’Elysée a subi des pressions de producteurs, d’importantes entités économiques qui n’ont pas voulu prendre le risque de salles vides à Avignon et des lourdes pertes financières qui s’ensuivraient ? »

Les clivages

«Les lieux qui ont soutenu qu’il n’était pas prudent de faire le festival étaient ou des lieux avec peu de charges fixes ou des lieux fonctionnant sur le partage de recettes et non pas la location de créneau. Cela met au jour un clivage persistant du festival d’Avignon qui est moins lié à la qualité artistique qu’au modèle économique des lieux. Certains lieux sont fondés sur la dynamique entrepreneuriale d’un investisseur, c’est mon cas, je ne prends pas un euro aux compagnies l’année quand elles viennent en résidence mais j’ai besoin du festival pour structurer mon année car j’ai très peu de subventions ; d’autres lieux font de la co-réalisation parce qu’ils ont obtenu de conséquentes subventions à l’année et que leur mode opératoire fait partie de leur cahier des charges… de là à préjuger d’une hiérarchie artistique…»

Des modèles économiques différents

«Leur différence ? Ils ne mettent pas en œuvre le même modèle économique. Ces différences expliquent les ‘tiraillements’ qui s’exercent au sein du Off de même que celles qui s’opèrent entre les compagnies et les lieux. Ces mêmes lieux n’obéissent pas aux mêmes logiques selon qu’ils sont éphémères, louent du matériel pour le mois puis ferment alors que nous avons investi, durablement, en matériel dans nos théâtres et que nous payons, chaque mois de l’année, un loyer.»

Le grand questionnaire

«Suite au grand questionnaire qui a été lancé sur le Off d’Avignon, nous proposerons des modifications de statuts inhérentes aux remarques les plus récurrentes. Mais il ne faut pas se leurrer, le festival reste un ‘assemblage’ de lieux passant des contrats de gré à gré entre des entrepreneurs privés sous forme associative ou d’entreprise et un millier de compagnies, donc l’on ne pourra jamais cadrer le festival de façon drastique au point qu’il ressemble au festival In. Ce que l’on pourra faire ? S’accorder plus de discipline, améliorer la qualité de l’accueil des compagnies c’est d’ailleurs ce que fait AF et C depuis cinq ans…»

Des exemples ?

«Un exemple ? Le fonds de soutien aux compagnies pour les pousser à la professionnalisation, faire en sorte que chaque comédien soit payé. Le bouche-à-oreille fait que lorsqu’un lieu n’est pas à la hauteur cela se sait au sein des compagnies et chez les programmateurs. Les programmateurs font leur choix parmi les lieux sans qu’on ait besoin de leur fournir un décodeur. Tout cela existe sans être structuré. Peut-on imaginer obtenir de l’argent public qui fasse émerger un 1er cercle de lieux doté d’exigences artistiques et d’accueil poussé parce que ça hiérarchiserait l’idée du Off ? Ça n’est pas gagné. La hiérarchie ? Elle s’est imposée d’elle-même avec une quinzaine de lieux déployant de 150 à 200 spectacles de grande qualité tirant le festival par le haut, maintenant, qu’il y ait aussi des centaines de spectacles ou plus qui ne soient pas au niveau, c’est un peu la rançon du succès.»

Le danger

«Si l’on veut brider le festival, par exemple en réduisant le nombre de salles, nous nous trouverons dans un système de numerus clausus, avec une augmentation de la valeur des lieux, des ventes à la hausse, des coûts d’amortissements élevés et donc une augmentation du nombre de créneaux loués de plus en plus chers. Le diable se cache dans les bonnes attentions.»

Pas un mais des festivals

«Aujourd’hui nous sommes dans un marché capitaliste qui propose non pas un mais des festivals Off : celui des ‘seul en scène’ ; celui des compagnies qui travaillent beaucoup avec les scènes publiques nationales, les CDN (Centres dramatiques nationaux) qui ont déjà leur public ; celui des grosses productions de sociétés privées parisiennes avec une sorte ‘d’Avignon Paris quartier d’été’, elles viennent montrer leur production où les créent à Avignon parce que c’est moins cher ici qu’à Paris et il y a Avignon des cinq scènes historiques et les cinq autres que nous sommes avec le collectif Fabriqué à Avignon: l’Artéphile, les Carmes (membre aussi des Scènes), la Factory, l’Isle 80 et le Transversal.»

« Aujourd’hui nous sommes dans un marché capitaliste, celui des grosses productions de sociétés privées parisiennes avec une sorte ‘d’Avignon Paris quartier d’été’ »

Le festival l’alpha et l’oméga d’Avignon et après ?

«Le festival, l’alpha et l’oméga d’Avignon et après ? Tout l’enjeu est là. C’est d’ailleurs l’objet de notre collectif qui a vocation à se développer : il y a un gisement sous les pieds de la ville ! L’art vivant devrait être un des piliers à l’année de l’économie de la ville. Ça voudrait dire que l’argent public devrait être réorienté ou être abondé vers cette dynamique. Notre ambition ? Une « scène nationale » originale, structurée par un maillage de 15 salles en ordre de marche à l’année qui permettraient un parcours de formation et de création à toutes les compagnies de France et au-delà. On a des outils qui restent dormants durant tout le reste de l’année, tout comme l’hébergement, la restauration…»

Avignon ? Son ADN est d’être un lieu de création permanent…

«L’ADN d’Avignon est d’être un lieu permanent de création qui ponctuerait l’année de rencontres, de lectures, de recherche de production et de co-production par exemple en décembre avant que le programme du festival ne se fasse. Les 15 lieux pourraient inviter les producteurs et co-producteurs de France et d’Europe et leur dire ‘On a, chacun, soutenu deux spectacles que l’on souhaite vous montrer’. Une trentaine de maquettes seraient ainsi soumises aux producteurs qui y adhéreraient et soutiendraient les compagnies pour le prochain festival… On pourrait créer un maillage tout au long de l’année de théâtre qui soutiendraient l’art vivant et dont le festival ne serait plus la conclusion mais le point d’orgue et pas l’excuse artistique.»

Exploiter le gisement

«La ville d’Avignon possède un potentiel incroyable de salles qui dorment à l’année alors qu’elle reste une des villes les plus pauvres de France plombée par des difficultés économiques endémiques. La Covid-19 va en poser d’autres. Dans le cadre de l’effort touristique avignonnais, notre collectif invite les élus à miser sur l’art vivant à l’année en structurant une quinzaine de lieux dans une dynamique de mutualisation d’accueil, de moyens et d’hébergement des compagnies française et européennes. 

 

Qui est-il* ?

Laurent Rochut, écrivain et metteur en scène, administrateur de AF&C est directeur de la Factory, structure qui comprend le théâtre de l’Oulle et la salle Tomasi, lieu orienté vers le soutien à la création et ouvert toute l’année. «La salle Tomasi, d’une jauge de 110 places, est plutôt dédiée à la création émergente du territoire, pour aider les troupes en cours de professionnalisation. A l’année ? C’est plutôt un lieu de travail, de recherche car elle accueille peu de représentations. Le théâtre de l’Oulle accueille 40 semaines résidences à l’année, des compagnies plutôt affirmées travaillant sur des projets artistiques ambitieux : danse contemporaine, art circassien, théâtre. Nous avons créé, avec quatre autres scènes d’Avignon Théâtre des Carmes, le Transversal, l’Artéphile, l’Isle 80 un collectif ‘Fabriqué à Avignon’, structure qui aura pour vocation de se développer, notamment avec le soutien du ministère de la Culture, notre ambition ? Augmenter nos standards d’accueil, aider à l’hébergement, au déplacement de la compagnie, offrir une bourse sur certains projets lors des résidences que nous accueillons à l’année.» 

 


Le Festival de Cannes marche sur les pieds de celui d’Avignon

Sylvain Cano-Clémente, régisseur général du Théâtre du rempart à Avignon a créé la Fédération des théâtres d’Avignon (FTA) qu’il coordonne avec Valérie Contestable, directrice artistique du théâtre de l’Observance et Pierre Lambert directeur du théâtre Présence Pasteur.

‘Se rassembler pour conserver l’âme du festival d’Avignon’

«Née en 2017, la Fédération des théâtres d’Avignon a pour vocation de rassembler les exploitants des salles d’Avignon, de promouvoir l’accueil exemplaire des compagnies, des techniciens et des spectateurs tout en améliorant l’offre artistique au mois de juillet mais aussi toute l’année.

Ce qui m’émeut ? Le fait que le In et le Off n’arrivent toujours pas à amorcer un vrai dialogue alors que le festival d’Avignon (In) vendrait entre 100 et 120 000 billets et le Off 1,380 million de billets. D’un point de vue économique, ce sont plus de 113M€ qui s’échangeraient durant le mois de juillet dont une centaine de millions grâce au seul festival Off. Dialogue aussi peu existant avec la Ville malgré des efforts récents depuis 6 ans. Pourtant nous voulons nous entendre pour porter, ensemble, des solutions pour mieux recevoir les compagnies, les artistes, les techniciens, apporter plus de visibilité au plus grand théâtre du monde.

Au lieu de cela, il est de plus en plus critiqué, l’affichage est remis en cause alors que des photographes du monde entier viennent faire des reportages pour témoigner de cette grande manifestation qui a lieu aussi dans la rue, tout comme la grande parade d’ouverture, ainsi que le tractage des compagnies auprès des passants et bien sur les billetteries sur les trottoirs. Donc l’on revient à l’interdiction de ce qui fait le festival pour ne pas déranger les riverains… Alors que d’un autre côté, AF&C (structure d’accompagnement du festival Off depuis 15 ans) imprime à foison un programme coûteux qui ressemble au bottin alors que les festivaliers consultent leur smart phone pour faire leur choix.

En fait c’est l’âme du festival qui se délite ! Un théâtre populaire dont l’effervescence a choisi la rue. Au lieu de cela on voudrait cantonner le public dans les théâtres, un peu à la mode parisienne. Mais moi, ce que je vois, ce sont des gens qui viennent pour profiter de l’ambiance, apprécier les parades, rencontrer les acteurs qui tractent en personne et se laissent séduire par une pièce à un prix raisonnable. Si l’on vide les rues, c’est le festival que l’on tue.

Aujourd’hui les lieux du off ne sont reconnus que par la valeur financière qu’ils représentent. Il est temps que cela change. Pour l’heure, notre Fédération rassemble une cinquantaine d’exploitants de théâtre qui comptent 85 salles. Des structures, avides d’une entente intelligente et de réelles avancées collégiales nous ont rejoints comme le Palace, le Capitole, le Vox, Présence Pasteur, le Collège de la Salle, le Petit Louvre, le théâtre du Roi René, l’Observance, le Carnot et bien d’autres. Le festival Off d’Avignon dispose, au total et hors chapiteaux, d’environ 120 salles et accueillait en 2019 près de 1 600 spectacles différents.

Fédération des Théâtres d’Avignon, domiciliée au Théâtre du rempart, 56, rue du rempart saint-Lazare à Avignon. 07 49 16 70 37

Propos recueillis par Mireille Hurlin


Le Festival de Cannes marche sur les pieds de celui d’Avignon

André Morel, l’auteur et comédien avignonnais a décidé de réagir aux propos donnés dans le communiqué de Julien Gélas. Réponse en forme de clin d’œil à Maurice Clavel* quittant le plateau de l’émission «À armes égales» suite à la censure de son film, «Le soulèvement de la vie».

 

Messieurs les censeurs bonsoir,

«J’étais dans mon jardin voltairien où je respirais à loisir mauvaises graines et herbes indomptables quand j’ai découvert le communiqué de Julien Gélas, le co-directeur du Théâtre du Chêne noir. »

Que dire ?

«Que dire, moi qui en suis resté à l’Ancien Testament, qui connaît le Père, mais non le Fils signataire de la requête, sur l’Esprit de cette Réforme du Festival Off d’Avignon, sur cette occasion ‘de changer en profondeur les choses, de retrouver des règles qui (lui) redonneront de la grandeur et de l’esprit ?»

Démesure commerciale

«Que la dérive commerciale de cette manifestation ait pris des proportions démesurées,  qui le nierait ? Comme on peut regretter la course aux comédiens connus – quel que soit leur talent – pour remplir les salles durant l’été. Nous sommes dans un monde de libéralisme économique et la loi du plus fort et du plus riche prime sur tout : ce que je déplore.»

Alors, que faire ?

«En appeler au temps jadis et aux idéaux altruistes et engagés de Jean Vilar pour retrouver morale et valeur éducative ? Un truisme. Mais un truisme de vœux pieux sauf à croire métamorphoser l’entière société.»

Réformer le maelstrom du Off ?

« Pourquoi pas ? Mais qui le fera et de quel droit ? La puissance publique ? On criera à la censure politique. Ceux qui peuvent se targuer du droit d’ancienneté sur le sol, comme d’un droit d’aînesse ou de cuissage féodal, en quelque sorte ? On criera aux privilèges.

Une assemblée constituante ? Mais relevant de quelle légitimité et se basant sur quels critères de sélection ? On criera à sa partialité.»

Quant aux spectateurs…

«Quant aux spectateurs qui seraient les premières victimes, de ‘l’idéal mercantile planétaire d’une société qui privilégie la quantité à la qualité, le divertissement à l’approfondissement’, laissons-leur le libre arbitre d’adultes responsables. Ils sauront toujours séparer ‘leur’ bon grain de l’ivraie. »

André Morel

 

*Maurice Clavel était présent lors du premier festival avec sa pièce La terrasse de Midi mise en scène par Jean Vilar.


Le Festival de Cannes marche sur les pieds de celui d’Avignon

Julien Gélas, le co-directeur du Théâtre du Chêne noir également auteur, compositeur et metteur-en-scène met un pavé dans la marre. Puisque le Covid-19 contraint le festival d’Avignon ‘In’ et ‘Off’ à se taire, pourquoi ne pas en profiter pour ériger de nouvelles règles afin de redonner sa place à la culture plutôt qu’aux ‘marchands’ du Temple et revenir à l’esprit du festival insufflé par Jean Vilar ? Julien Gélas l’affirme ce sera le changement ou la mort du festival. Voici sa réflexion.

«Nous nous retrouvons cette année à Avignon sans festival, sans artistes, sans spectateurs. Privés de la magie du théâtre, celle qui nous fait se réunir dans l’éphémère et l’éternel les corps et les esprits. Cette magie comme but, et comme chemin, anime depuis des années le Théâtre du Chêne Noir. Depuis l’origine du festival Off initié par le Théâtre des Carmes et le Théâtre du Chêne Noir il y a plus de cinquante ans, nos sociétés ont connu de profondes transformations qui ont elles-mêmes bouleversé l’esprit du Festival d’Avignon.

Les dérives

La crise que nous traversons nous prive de toutes les joies du festival, mais aussi de toutes ses dérives, dérives qui depuis des années n’ont cessé d’être soulignées, discutées, sans que nous ayons ensemble la détermination suffisante pour les infléchir. Le temps du silence auquel nous sommes contraints, est le temps du changement.

Pour un retour à l’esprit du festival ?

L’esprit d’un festival poétique, populaire, élitaire (qui élève au sens noble du mot) cher à Jean Vilar et aux fondateurs, s’est retrouvé asservi à l’idéal mercantile planétaire d’une société qui privilégie la quantité à la qualité, le divertissement à l’approfondissement, avec pour première victime les spectateurs. De ces transformations, l’image du festival s’en est trouvé ternie, substituant dans une dérégulation toujours plus puissante l’idée de marché à celle d’art.

Changer en profondeur

L’occasion nous est donnée de changer en profondeur les choses, de retrouver des règles qui redonneront de la grandeur et de l’esprit au festival. Car par ces dérives, ce ne sont pas simplement l’image et la vie artistique du festival à Avignon qui sont abimées, c’est aussi l’esprit du théâtre qui est menacé et dont Avignon est un des emblèmes. Nous avons cru, ou fait semblant de croire, comme la colombe qui voulait voler plus vite en se privant d’air, que nous pourrions tout faire sans règles, sans éthique, simplement par « opportunité ».

Halte à la dérégulation

Liberté ne signifie pas dérégulation, au contraire, il n’est pas de liberté sans règles. Tous les artistes connaissent cette règle d’or. Une liberté sans règles n’est pas une liberté, c’est un chaos, et c’est ce qu’est devenu à Avignon le festival. Ainsi certaines questions se posent, combien de vrais théâtres en juillet à Avignon ? Combien de théâtres accompagnent les compagnies en proposant des conditions techniques sérieuses, combien de théâtres sont prêts à partager les risques financiers avec les compagnies et les artistes ? Combien de théâtres ouvrent parce qu’il y a amour du spectacle vivant et non de la rente qu’il procure ? Si en conscience l’on répondait à ces questions, au moins la moitié des lieux n’auraient plus droit de cité.

Nécessaire réforme

Beaucoup se cachent derrière l’idée de pluralité, et de ‘retombée’ économique et au nom d’elles, conduisent les compagnies à la ruine. Il faut saluer et encourager les dernières prises de position de Pierre Beffeyte qui vont dans le bon sens. Des réformes sont attendues et nous ne manquerons d’être présents pour les accompagner et les réaliser. »

 


Le Festival de Cannes marche sur les pieds de celui d’Avignon

Il sera parti comme il est arrivé il y a 18 ans en Avignon, discrètement. Philippe Grombeer, fondateur  et  ex-directeur de 2002 à 2011 du Théâtre des Doms à Avignon s’est éteint loin de nous, dans son pays natal, la Belgique, terrassé par le Covid-19

Nous ne pourrons pas exprimer notre peine ensemble. Tout a été évoqué très justement et unanimement sur les réseaux sociaux lors de l’annonce de sa disparition : générosité, bienveillance, curiosité, professionnalisme, formidable défricheur artistique, sens inné des réseaux, passeur hors pair, tisseur de partenariats. Son parcours professionnel sans faute – d’une Maison de jeunes alternative La Ferme, aux Halles de Schaerbeek à Bruxelles puis le Théâtre des Doms en passant par la coordination du réseau TransEuropeHalles ou la présidence de La Friche à Marseille –  force l’admiration. 

Et nous Avignonnais

Et nous avignonnais, amis-spectateurs avons envie de nous souvenir plus particulièrement de son passage au Théâtre des Doms et de la marque qu’il y a laissée avec Isabelle Jans et Xavier Yerles, la première équipe. Alors on se souvient de ‘Cité Nez Clown’ en partenariat avec les étudiants de l’université, de Festo Pitcho  pour les publics jeunes, de ‘Et Doc !’, de ‘jolis Courts de Mai’ au Cinéma Utopia, de ‘drôle de Hip Hop’, des soirées double jazz avec l’Ajmi club de jazz, des Nomades avec la Garance de Cavaillon, des apéro-jazz lors du Tremplin jazz, des résidences de création pour épauler les artistes belges émergents. Et puis, aussi, de la Fête de la musique, immanquable dans la cour des Doms, lieu festif quoique paisible. Toute l’année, Philippe Grombeer a su « Prendre position, prendre son temps, prendre-parfois-ses distances, prendre son pied….prendre et beaucoup donner ! ». Voilà ses propres mots dans un article paru lors du Xième anniversaire du théâtre, avant sa retraite bien méritée et pour la revue « Théâtre des Doms 2001-2011, voyage d’une décennie*.

Juillet 2002

Il y a aussi la claque prise dès juillet 2002 avec un In dans le Off comme disent certains : une  programmation collective, de qualité, engagée. Que du bonheur ! Et puis le principe des  générales, la veille de l’ouverture du festival où nous, avignonnais nous nous sentions insolemment chez nous, dans cette maison d’hôtes comme il aimait à le dire. C’était une évidence, presque une exigence de passer la journée aux Doms,  de voir les 6 spectacles avant ‘les parisiens et les touristes’. Et  Philippe qui nous attendait nonchalamment  à la sortie… avec son regard pétillant, nous laissant lentement parler en premier de nos impressions. Car il programmait sûrement par goût personnel mais aussi  parce qu’il était important, pour lui, de le faire pour des spectateurs curieux, éclectiques et exigeants. Il avait le goût du public autant que de l’œuvre. Alors merci Philippe car ton engagement et ton travail n’ont pas été vains. Beaucoup de ces évènements perdurent encore avec les formidables équipes successives d’Isabelle Jans et, depuis 5 ans, d’Alain Cofino-Gomez.

Le festival n’aura pas lieu, la cour des Doms ne sera pas animée en ce juillet 2020. Mais c’est toi l’artiste qui nous manquera le plus.                                   

Michèle Périn

*Théâtre des Doms. 1 rue des Escaliers Sainte-Anne. Avignon. 04 90 14 07 99. info@lesdoms.eu

 

https://www.echodumardi.com/tag/festival-off/page/8/   1/1