16 décembre 2025 |

Ecrit par le 16 décembre 2025

Colloque à Mazan : « L’eau, une urgence vitale » – Comprendre, partager, préserver

Mazan – La Boiserie a accueilli un colloque d’une rare intensité sur l’avenir de l’eau. À l’invitation de Julien Dezecot, directeur de la revue Sans-Transition ! scientifiques, élus, entreprises et citoyens se sont réunis pour comprendre les défis posés par la gestion de l’eau et trouver ensemble les voies d’un usage plus sobre et solidaire. Parmi eux la conférencière et ingénieure hydrologue Charlène Descollonges, Karine Viciana, directrice de la Maison régionale de l’eau et Antoine Nicault, écologue et paléoclimatologue du Grec-Sud, Groupe régional d’expert sur le climat en région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur. Un constat clair : le système de l’eau est en crise. le colloque était suivi d’une conférence ouverte au grand public.

Il n’y a pas un problème de l’eau en France, mais une série de crises systémiques : c’est l’un des constats forts posés lors de cette journée par Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue. La France, comme bien d’autres pays, a hérité de pratiques agricoles, urbaines et industrielles qui ont fragilisé ses milieux aquatiques : drainage des zones humides, disparition des haies et prairies, imperméabilisation des sols, rectification des cours d’eau… Résultat : nos territoires sont devenus vulnérables à la fois à la sécheresse et aux inondations.

Charlène Descollonges et Julien Dezécot Copyright MMH

Et ce n’est pas tout
L’eau souterraine, longtemps considérée comme une « banque d’eau infinie », s’épuise à mesure que le climat se réchauffe. L’alerte est appuyée par le dernier rapport de l’Organisation Mondiale de la Météorologie : le grand cycle de l’eau est sérieusement perturbé, et les nappes phréatiques peinent à se recharger.

Qualité de l’eau : une pollution invisible mais persistante
À cette crise de quantité, s’ajoute une crise de qualité. L’eau, même lorsqu’elle coule, n’est pas toujours saine. Polluants agricoles (pesticides, nitrates), résidus médicamenteux, micropolluants, perturbateurs endocriniens… Le cocktail chimique que nous rejetons dans nos rivières et nappes n’est pas encore totalement identifié, mais il inquiète. « On commence à peine à inventorier ce qu’on y trouve, mais les effets sur la santé et la biodiversité sont déjà là », souligne Charlène Descollonges.

Des cartes précises sur l’état de l’eau en Vaucluse

Trois leviers majeurs pour changer la donne
Face à ces constats, des solutions existent, connues, parfois déjà engagées, mais encore trop timides ou dispersées. Trois piliers d’action ont été mis en avant : La sobriété. Pas seulement en période de crise, mais comme stratégie de fond. Cela passe par une réduction des prélèvements dans les nappes et rivières, et un changement de modèle agricole et alimentaire. « Il faut relier l’eau à nos choix de consommation : produire moins de protéines animales, par exemple, c’est aussi consommer moins d’eau », rappelle Charlène Descollonges.

Deuxième pilier : L’adaptation territoriale
Tous les territoires ne peuvent pas adopter les mêmes solutions. Le colloque a mis en avant la nécessité d’une approche locale et sur-mesure, intégrant les réalités géologiques, climatiques et socio-économiques de chaque bassin. L’adaptation passe aussi par la priorisation des usages : « Il faut sanctuariser certaines nappes pour l’eau potable uniquement », propose Charlène Descollonges.

Julien Dezécot, Karine Viciana et Antoine Nicault Copyright MMH

Troisième pilier : La régénération du cycle de l’eau
Concept encore méconnu du grand public, l’hydrologie régénérative consiste à favoriser l’infiltration naturelle de l’eau dans les sols, via des aménagements simples comme la conservation des mares, des zones tampons, des haies… qui permettent de recharger les nappes de façon passive, sans énergie, et de restaurer le rôle éponge des écosystèmes.

Enfin, une gouvernance de l’eau à repenser
Au cœur de cette réflexion, la question démocratique a occupé une place centrale. Le partage équitable de l’eau suppose une gouvernance renouvelée, plus inclusive et anticipatrice. Charlène Descollonges,  appelle à donner une vraie voix aux citoyens dans les décisions : « Ce ne sont pas que des payeurs de facture. Ce sont des acteurs, des habitants, des parties prenantes à part entière. »
Elle propose même une convention citoyenne de l’eau, à l’image de celle pour le climat. Une utopie ? Peut-être. Mais dans un contexte de tension croissante – où les conflits d’usage autour de l’eau se multiplient ; agriculture, industrie, consommation, tourisme… Mieux vaut prévenir que subir.

Copyright MMH

Si on ne change rien…
Les experts sont unanimes : le statu quo mène droit dans le mur. « Si on ne bouge pas, on se prépare à des conflits sociaux majeurs, à des pertes économiques colossales, à des pénuries structurelles », résume Antoine Nicault, du GREC-SUD. Les sécheresses de 2022 et les inondations de 2023 ont déjà laissé des traces. Entre un nord noyé et un sud assoiffé, la France a connu un hiver « coupée en deux ». Ce n’était qu’un avant-goût de ce qui nous attend, selon les intervenants. L’eau est un bien commun précieux, mais elle devient aussi un facteur de risque géopolitique local.

Une opportunité de transformation ?
Malgré la gravité des enjeux, l’ambiance du colloque n’était pas résignée. Au contraire, l’espoir réside dans la mobilisation collective. Des solutions techniques existent. Des initiatives locales inspirantes émergent partout. Reste à leur donner les moyens, le cadre, et l’élan politique nécessaire. « L’eau, c’est le miroir de notre société. La façon dont on l’utilise, dont on la partage, dit tout de notre rapport au vivant, à l’économie, et aux autres », conclut Charlène Descollonges.

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L’eau n’est plus une ressource illimitée
Ses usages doivent être repensés, régulés, et priorisés. La transition passe par l’adaptation locale, la sobriété, et la participation citoyenne. Les territoires, chacun à leur échelle, ont un rôle à jouer. Une certitude : le futur de l’eau s’écrit dès aujourd’hui et ensemble.

Scientifiques, élus, professionnels de l’eau sont venus écouter et partager les informations sur les enjeux cruciaux de l’eau Copyright MMH

Colloque à Mazan : « L’eau, une urgence vitale » – Comprendre, partager, préserver

Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue et auteure, sur l’invitation de ‘Sans transition ! Temps pro’, donnera une conférence sur ‘Les nécessaires solutions à mener en urgence pour l’eau et le vivant, dans le contexte du changement climatique. La rencontre sera suivie par une table ronde avec les entreprises et les acteurs locaux. Cette soirée d’information et de réflexions partagées aura lieu jeudi 25 septembre à la Boiserie de Mazan.

Entreprises, collectivités, associations, syndicats, associations, organisations locales… tous les acteurs du territoire s’engagent pour davantage prendre en compte la préservation de la ressource dans leurs projets et actions territoriales. Lors de cette rencontre, nous pourrons faire un état des lieux de la ressource sur le territoire (avec la Maison Régionale de l’Eau), dans un contexte de changement climatique (avec le GREC SUD, le Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur).
Cette introduction contextualisée sera suivie d’une table-ronde avec les entreprises et acteurs locaux qui nous partageront leurs solutions, actions concrètes pour préserver la ressource en eau sur le territoire.

En savoir plus
Le groupe régional d’experts sur le climat en région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur (GREC-SUD) a vocation à centraliser, transcrire et partager la connaissance scientifique sur le climat et le changement climatique en région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur.
L’objectif prioritaire du groupe est d’informer les gestionnaires et décideurs du territoire (élus et techniciens des collectivités locales, des espaces protégés, des grands équipements, etc.) dans l’optique d’une meilleure compréhension et d’une prise en compte des résultats scientifiques dans les politiques publiques.

Un cycle de 4 rencontres
Cette conférence est le premier opus d’un cycle de 4 rencontres intitulé « Les pieds dans l’eau » qui se déroule entre septembre 2025 et le printemps 2026, soutenu par le projet européen Leader, porté par le Groupe d’Action Locale (GAL) Ventoux. Un comité d’orientation, composé des acteurs locaux : Le Département de Vaucluse, l’Agence régionale de la biodiversité et de l’environnement, La Chambre régionale des entreprises, France nature environnement de Vaucluse, Le Parc naturel régional du Mont Ventoux, la Radio RCF, L’Agence de l’eau, Soutenir les économies d’eau citoyennes, Volubilis, CPIE Pays de Vaucluse, Chambre des métiers de l’artisanat Paca, Région Sud paca…

Les infos pratiques
Faire face à l’enjeu crucial de l’eau. Les nécessaires solutions à mener d’urgence. Conférence de Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue indépendante, auteure et conférencière spécialiste de l’eau et militante pour le vivant. Sur une initiative de Sans Transition ! Jeudi 25 septembre. 18h. La Boiserie. 150, chemin de Modène à Mazan. Gratuit.


Colloque à Mazan : « L’eau, une urgence vitale » – Comprendre, partager, préserver

Veolia vient d’organiser une table-ronde sur le thème « face aux pénuries d’eau, quelles solutions ? ». Ce rendez-vous s’inscrit dans une série des discussions sur les thématiques du climat, de la transition énergétique et de la relance verte.

Prendre conscience des enjeux climatiques pour y faire face est une priorité. Dans ce contexte, Veolia organise une série de matinales sur les thématiques du climat, de la transition énergétique et de la relance verte. Ces rendez-vous, à destination des élus et des institutionnels, prennent la forme de table-rondes dans lesquelles interviennent différents experts. L’objectif : contribuer à la prise de conscience et à l’émergence de solutions adaptées localement.

Ainsi, vendredi 14 octobre, une table-ronde était organisée sur le thème « face aux pénuries d’eau, quelles solutions ? », à l’espace co-working Cowool  d’Avignon.

Un état des lieux de la situation
Quelles seront les conséquences concrètes du réchauffement climatique dans la région d’ici quelques années ? C’est sur cette interrogation que la table-ronde a commencée. Toutes les situations ont été présentées, des plus optimistes aux plus pessimistes.

Si l’on suit l’hypothèse la plus pessimiste, « nous pourrions avoir 20 jours de canicule supplémentaires par an, avant 2041 » explique Géraud Gamby, chef de projet valorisation de l’eau chez Veolia, « le débit moyen des cours d’eau pourrait diminuer de 36%, tout comme le remplissage des nappes phréatiques ». La diminution du débit des cours d’eau de la région, notamment dans La Durance, aurait de lourdes conséquences, en particulier sur le milieu agricole.

« 80% de la ressource utilisée en irrigation dans le Vaucluse vient du bassin de la Durance » poursuit Georgia Lambertin, présidente de la chambre d’agriculture du Vaucluse, « le reste vient des forages de nappe et de certains affluents du Rhône ». La présidente de la chambre responsable de l’accompagnement des agriculteurs continue « les agriculteurs ont conscience du changement climatique. Avant, ils leur arrivaient un aléa tous les 4-5 ans. Aujourd’hui, ils leur arrivent 4-5 aléas tous les ans ».

L’eau est indispensable aux agriculteurs. « S’il n’y a plus d’eau verte, il n’y a plus de nourriture », explique Nicolas Roche, professeur à Aix-Marseille Université et membre du groupe régional d’experts sur le climat en Paca (GREC Sud). L’eau verte est celle issue des précipitations qui est absorbée par les végétaux. En Vaucluse, elle représente 62% des eaux. Les 38% restants constituent l’eau bleue, c’est-à-dire l’eau qui s’écoule dans les cours d’eau jusqu’à la mer et qui est utilisée pour les usages domestiques.

Alors, face à ces constats, quelles solutions mettre en place pour préserver l’eau ?

Ecart moyen du nombre de jours/an de vagues de chaleur estivales sur l’EPCI entre 1976/2005 et 2041/2070 © Veolia

Quelles solutions pour mieux préserver la ressource ?
Pour Nicolas Roche, « il faut arrêter de faire de la compétition entre les usages de l’eau. Il faut penser les usages les uns à la suite des autres et apporter des solutions spécifiques à chaque territoire. Pour cela, il faut des décisions politiques ». Même constat du côté de Georgia Lambertin, « si on veut avancer, nous sommes obligés de travailler en partenariat et de nous faire entendre par les administrations ».

« Il faut arrêter de faire de la compétition entre les usages de l’eau. »

Nicolas Roche

Julien Baroni, co-fondateur de DV2E, société d’études et de services dans les domaines de l’eau, du déchet et des sols pour l’agriculture, partage l’idée de penser les usages de l’eau les uns à la suite des autres. « Nous recyclons le verre depuis les années 50 et pas l’eau. Il va falloir changer de paradigme » ajoute-t-il. Même si le recyclage n’est pas la solution miracle, il constitue une première étape, celle de l’économie, « si nous recyclons 1 litre d’eau deux fois, cela représente 2 litres d’économisé ».

L’utilisation des eaux non-conventionnelles, c’est-à-dire l’eau de mer, l’eau de pluie, les eaux usées traitées, est également une hypothèse évoquée par le co-fondateur de DV2E, « on pourrait imaginer disposer de deux robinets : un pour l’eau potable et l’autre pour l’eau non-conventionnelle. Pour cela, il faut repenser les aménagements ».

Pour Géraud Gamby, l’économie de l’eau passe avant tout par une diminution des consommations et des pertes de réseaux. « Il faut aller vers la sobriété. Chacun doit fournir des efforts. Les agriculteurs et les entreprises font des efforts, c’est maintenant au tour des particuliers. Ils sont les plus gros consommateurs d’eau. Il faut les sensibiliser et faire des économies qui ne se remarquent pas, par exemple en réduisant la pression des robinets » a-t-il déclaré.

Pour mettre en place ces solutions, il faut des lois adaptées, mais quand est-il ?

La réglementation, contrainte ou levier ?
« La réglementation concernant le recyclage de l’eau est en train d’évoluer » explique Julien Baroni. Aujourd’hui, il est possible de réutiliser les eaux non conventionnelles, comme les eaux usées traitées provenant des stations d’épuration. La réutilisation des eaux usées traitées (REUT) constitue une alternative à l’utilisation des eaux conventionnelles.

En France, le retraitement et la réutilisation des eaux usées traitées sont encadrés par deux arrêtés ministériels de 2010 et 2014. Cette réglementation définit quatre catégories d’eau (A, B, C, D), leurs critères de qualité et les usages autorisés et interdits. S’ajoute à la réglementation française, le règlement européen, plus souple.

Pour Georgia Lambertin, la réglementation actuelle est contraignante, mais permet aux acteurs territoriaux de mieux connaître leurs usages en effectuant eux-mêmes la régulation de la ressource. Cette réglementation permet ainsi de mieux anticiper les besoins.

« Certaines chambres d’agriculture deviennent des organismes uniques de gestion collective » explique-t-elle. Un organisme unique de gestion collective (OUGC) est une structure en charge de la gestion et de la répartition des volumes d’eau prélevés à usages agricoles pour l’ensemble des irrigants d’un bassin.

La chambre agricole du Vaucluse est en charge des bassins versants interdépartementaux du Lez Provençal, du Lauzon, de l’Aygues/Eygues provençale, de l’Ouvèze provençale, de la Nesque et du Cavalon/Coulon. Grâce à cette réglementation, la chambre agricole du Vaucluse peut anticiper les besoins de chaque agriculteur.

Pour Nicolas Roche, la réglementation doit aller plus loin, « il faut d’abord mettre un cadre avant d’apporter des solutions ».

« La qualité de l’eau est le premier facteur d’amélioration de la santé » Nicolas Roche © L’Echo du mardi – Jérôme Renaud

Avancer concrètement
Ainsi, dans l’immédiat, quelles sont les actions à mettre en œuvre pour avancer concrètement ? Pour Georgia Lambertin, « il faut changer de type de culture, avoir une production moins demandeuse en eau, sans aller vers une production sèche ». Le plus important reste pour elle de « maintenir l’agriculture face au changement climatique pour limiter la hausse de température et conserver notre souveraineté alimentaire ».

« il faut changer de type de culture, avoir une production moins demandeuse en eau, sans aller vers une production sèche »

Georgia Lambertin

Du côté de Julien Baroni, la solution passe par la réutilisation des eaux usées traitées (REUT), « il faut mettre en place un projet de recyclage de l’eau, viable techniquement et acceptable financièrement ».

Même constat du côté de Nicolas Roche. Le membre du GREC Sud propose même d’aller plus loin avec la mise en place d’un système de mesure pour connaître l’état de la ressource, « on est capable de mesurer l’électricité utilisée, le carburant également, mais pas l’eau. On pourrait mettre en place un système de pompe électrique afin de mesurer notre consommation ».

 « Il n’existe pas de solution miracle, mais beaucoup de solutions existent déjà », selon Géraud Gamby. Pour le chef de projet valorisation de l’eau de Veolia, quatre actions concrètes peuvent être mises en place dès maintenant :

  • Bien piloter la ressource eau : en la préservant, en connaissant sa consommation, en réduisant le débit.
  • Optimiser le service : éviter les fuites sur le réseau, optimiser les industries et les services des collectivités.
  • Réduire les consommations : apporter juste ce dont la plante a besoin (en agriculture), aller vers une sobriété des particuliers et des industries.
  • REUT : utiliser des eaux alternatives.

Si Lucien Stanzione, sénateur de Vaucluse, partage l’idée selon laquelle il n’existe pas de solution miracle, l’élu socialiste reste cependant attaché à une gestion publique de l’eau. Il se déclare même favorable à la création d’une structure publique qui regrouperait toutes les problématiques autour de la question de l’eau.

Pour Lucien Stanzione, « il faut être vigilant à ce que l’agriculture ne soit pas impactée par les pénuries d’eau » © L’Echo du mardi – Laurent Garcia

En fin de compte, la difficulté est de combiner les technologies et de ne pas travailler sur un seul levier. Quoi qu’il en soit, pour être efficace, les réponses et solutions face aux pénuries d’eau doivent être collectives.

J.R.

https://www.echodumardi.com/tag/grec-sud/   1/1