7 mai 2024 |

Ecrit par le 7 mai 2024

Hériter serait une affaire d’homme ?

Le genre du capital : Comment la famille reproduit les inégalités, un ouvrage de Céline Bessière et Sybille Gollac aux éditions La découverte ‘L’envers des faits’.

C’est en famille que se jouent parfois les rivalités les plus fortes. A l’heure de la succession, quand il s’agit de répartir le patrimoine, les injustices éclatent, et il n’est pas rare que les premières victimes en soient les filles. Un héritage historique pourrait-on dire, car c’est dans les familles bourgeoises, au XIXe siècle, il convenait que le fils ainé reprenne l’affaire familiale, tandis que la ou les filles avaient pour mission de maintenir la cohésion du clan. Ce que l’on sait moins, c’est que cette différence de traitement entre les hommes et les femmes perdure encore aujourd’hui, en France, malgré les droits formellement égaux entre les deux sexes. Conjoint ou conjointe, frère ou sœur, père ou mère… n’occupent pas les mêmes positions dans les stratégies familiales, et n’en tirent toujours pas les mêmes bénéfices.

En savoir plus ?
On sait que le capitalisme au XXIe siècle est synonyme d’inégalités grandissantes entre les classes sociales. Ce que l’on sait moins, c’est que l’inégalité de richesse entre les hommes et les femmes augmente aussi, malgré des droits formellement égaux et la croyance selon laquelle, en accédant au marché du travail, les femmes auraient gagné leur autonomie.

Comprendre pourquoi
Pour comprendre pourquoi, il faut regarder ce qui se passe dans les familles, qui accumulent et transmettent le capital économique afin de consolider leur position sociale d’une génération à la suivante. Conjointes et conjoints, frères et soeurs, pères et mères n’occupent pas les mêmes positions dans les stratégies familiales de reproduction, et n’en tirent pas les mêmes bénéfices. Fruit de vingt ans de recherches, ce livre montre que le capital a un genre.

Les auteurs
Céline Bessière et Sibylle Gollac enquêtent sur les calculs, les partages et les conflits qui ont lieu au moment des séparations conjugales et des héritages, avec le concours des professions du droit. Des mères isolées du mouvement des Gilets jaunes au divorce de Jeff et MacKenzie Bezos, des transmissions de petites entreprises à l’héritage de Johnny Hallyday, les mécanismes de contrôle et de distribution du capital varient selon les classes sociales, mais aboutissent toujours à la dépossession des femmes. Ce livre analyse ainsi comment la société de classes se reproduit grâce à l’appropriation masculine du capital.

Les infos pratiques
Le gendre du Capital : comment la famille reproduit les inégalités. Céline Bessière (Sociologue et professeur à l’Université de Paris-Dauphine et Sybille Gollac (sociologue et chercheuse au CNRS). Editions La Découverte ‘L’envers des faits’. 18,90€.


Hériter serait une affaire d’homme ?

Et si on s’infiltrait dans les coulisses de l’héritage ? C’est précisément ce qu’a fait Sabine Bourgey, historienne, experte en numismatique dont on se rappelle de ‘L’art et la manière d’avoir de la chance’ et ‘Le grand livre du petit coin’.

Que se passe-t-il après soi ?
Comment se présentent les héritages ? C’est la proposition de Sabine Bourgey avec ‘Dans les coulisses de l’héritage’. «L’héritage ? Il touche à trois tabous : l’amour, l’argent et le temps. Comme on naît et on meurt, on hérite aussi’. Une étape inéluctable, pourtant peu de gens y sont préparés. Au-delà de la législation, des aspects matériels et pécuniaires, l’héritage est profondément humain. »

Au fil des pages
On apprend mille choses comme tout d’abord le côté historique et ‘technique’ de la succession, pour se faire une idée. Mais ce que l’on aime particulièrement dans cet ouvrage, ce sont souvent les anecdotes hors du commun que partage l’auteure. Comment ne pas être happé par l’histoire de Tatiana Rachewskaïa, jeune Russe de 23 ans, inscrite à la faculté de médecine –incroyable pour l’époque- qui se suicida à Paris en novembre 1910, sans doute par dépit amoureux. Sa famille fait ériger, pour 200 francs de l’époque- une statue d’un certain Constantin Brancusi intitulée ‘Le baiser’. Et voilà qu’en 2005 un marbre de l’artiste atteindra les 27,5M de dollars chez Christie’s. Un marchand d’art alléché par l’aubaine se précipite en Russie proposant aux héritiers de vendre l’œuvre. Mais l’Etat Français se sera dépêché de  classer ‘Trésor national’ puis ‘Monument historique’ la statue dorénavant surveillée par caméras dans une partie de la 22e division du cimetière Montparnasse… à quelques pas de la tombe du célèbre sculpteur Constantin Brancusi. Mais depuis, la sculpture a été déclassée Monument historique et son descellement est actuellement étudié…

Spoliation des biens des juifs
Il y a aussi ‘La cueillette des pois’ de Pissarro dont Simon Bauer, marchand de chaussures ayant fait fortune aimait à collectionner les œuvres et objets d’art. Dénoncé puis interné à Drancy, sa collection est mise en vente par le gouvernement de Vichy. Quelques tableaux seront restitués mais pas ‘la Cueillette des pois’ qui sera exposée lors d’une rétrospective de Pissarro au Musée Marmottan en 2017. Alors que les héritiers de Simon Bauer font valoir leur droit, la Cour de cassation juge que l’ordonnance du 21 avril 1945, qui déclare nulles les spoliations perpétrées sous l’Occupation, s’applique aussi aux reventes successives, y compris aujourd’hui par des acheteurs de bonne foi et sans limite de durée.

Vos cendres sont-elles précieuses ?
Toujours dans cet ouvrage détonnant, une information de premier ordre : Que deviennent les métaux précieux des prothèses de hanche, les plaques, les vis, des personnes opérées puis défuntes ? L’auteure révèle qu’elles sont traitées par deux sociétés spécialisées dans les métaux funéraires dont l’une récupèrerait 400 tonnes de métal par an dans le monde !

Vous voulez spolier vos héritiers ? Le viager est fait pour vous !
Comment se débarrasser de ses héritiers ? En profitant de la vie et donc de ses deniers ; en contractant un viager, en faisant une donation partage trangénérationnelle ; en souscrivant une assurance-vie… Ce livre est si intéressant qu’il est impossible de tout énumérer. Mon conseil ? Lisez-le comme un roman de vie, solidement documenté.

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