5 mai 2024 |

Ecrit par le 5 mai 2024

Plus de trois quarts des télétravailleurs effectuent des heures supplémentaires non rémunérées

A la suite de la crise du Covid-19, le télétravail et le travail hybride font désormais plus largement partie du paysage professionnel. Les accords de télétravail ont ainsi été multipliés par dix en quatre ans selon la Dares. S’il existe de nombreux avantages à travailler chez soi ou à distance, c’est cependant loin d’être la panacée. C’est ce que révèle l’enquête intitulée « People at Work 2022 : l’étude Workforce View », d’ADP (Always Designing for People), réalisée auprès de plus de 32 924 actifs dans 17 pays, dont près de 2 000 en France.

Les télétravailleurs sont plus enclins à se sentir optimistes concernant les 5 prochaines années au niveau professionnel (76%), comparé à 69% de leurs pairs qui se déplacent sur leur lieu de travail. Faut-il y voir un lien avec la volonté de nombre d’entre eux de changer de plan de carrière ? Ils sont ainsi bien plus sujets que leurs homologues qui travaillent sur site à y avoir songé au cours des 12 derniers mois (67% contre 45%). Les différentes options vont du changement de secteur d’activité (21%), à la demande d’un congé sabbatique (20%), du passage d’un temps plein à un temps partiel (15%), jusqu’au lancement de leur propre activité (13%).

Un stress accentué en télétravail

L’étude montre que le télétravail n’évite pas certains écueils. Ainsi, contrairement au reste du monde (24%) ou même à la moyenne européenne (33%), les salariés avec enfants en France estiment en majorité que le télétravail a rendu plus difficile leur gestion de la parentalité (41%). Seuls 22% pensent que cette pratique a facilité leur vie en tant que parent qui travaille, contre 46% au niveau monde.

De plus, il semblerait que le travail à distance accentue le stress. En effet, 70% des télétravailleurs (contre 58% de leurs collègues sur site) ressentent au moins une fois par semaine du stress au travail. Et ils sont plus susceptibles d’avoir l’impression que leur travail pâtit de niveaux de stress importants que leurs collègues sur site (44% contre 33%).

Contrairement au niveau monde où parmi les télétravailleurs, 7 sur 10 (70%) affirment se sentir soutenus par leur direction en matière de santé mentale au travail (contre 51% pour leurs collègues sur site), ils sont moins de la moitié en France (49% contre 45% des salariés sur site) à considérer recevoir de l’aide de la part de leur manager dans ce domaine. Il est vrai que pour plus de la moitié d’entre eux (54%), le télétravail rend plus difficile la détection par les managers au sein de leurs équipes de problèmes de santé mentale, de gestion du stress ou de charge de travail.

Néanmoins, seuls 2 télétravailleurs français sur 10 déclarent que leur employeur ne prend aucune mesure proactive pour favoriser leur bonne santé mentale au travail alors que ce nombre monte à 48% parmi ceux qui travaillent sur site.

Les télétravailleurs offrent le plus d’ « heures gratuites » à leurs employeurs

Plus de trois quarts des télétravailleurs (76% contre 51% de leurs collègues sur site) déclarent effectuer des heures supplémentaires non rémunérées. Ils donneraient en moyenne à leurs employeurs l’équivalent de 7,65 heures supplémentaires non rémunérées effectuées sur leur temps libre chaque semaine, comparé à la moyenne de 4,3 heures pour ceux qui exercent sur site. Ces chiffres montrent que les salariés à distance effectuent des heures supplémentaires chaque jour sans rémunération additionnelle, qu’il s’agisse de commencer plus tôt ou de se déconnecter plus tard, de faire des pauses raccourcies, de se rendre disponibles en dehors des horaires de travail normaux et donc de répondre toujours présent.

« la quantité d’heures supplémentaires non rémunérées réalisées par les télétravailleurs est un constat inquiétant mis en avant par notre étude, avec notamment le risque de ne pas respecter le droit à la déconnexion. Par conséquent, les employeurs qui accèdent aux demandes de télétravail ont sans doute intérêt à les accorder de façon progressive, afin que le collaborateur ne passe pas à 3 jours de télétravail du jour au lendemain. Les entreprises peuvent aussi envisager de former leurs managers de proximité au management à distance, à la détection des ‘signaux faibles’ pour prévenir les risques psycho-sociaux » déclare Carlos Fontelas De Carvalho, président d’ADP en France et en Suisse.

Il poursuit : « Si le télétravail peut être un outil formidable dans certaines circonstances, il faut aussi être conscient qu’il doit être accompagné pour éviter de générer du stress supplémentaire, voire de mener au burn-out. Le travail hybride est sans doute une solution à privilégier lorsqu’elle est possible : elle répond aux attentes de flexibilité des salariés tout en assurant une présence sur site régulière, plus jours par semaine pour maintenir le lien.

Enfin, il est nécessaire que toute l’organisation des ressources humaines soit à l’écoute, d’où l’importance de se doter de solutions adéquates, par exemple un système de gestion des temps et des activités qui permettent de mesurer clairement les horaires et les présences. Ce type d’outil peut permettre aux équipes RH de libérer du temps dédié à la gestion administrative pour mieux accompagner les managers et mener des enquêtes ouvertes sur ces éventuelles inégalités entre salariés sur site et télétravailleurs » conclut Carlos Fontelas De Carvalho.


Plus de trois quarts des télétravailleurs effectuent des heures supplémentaires non rémunérées

Il est urgent que chaque entreprise mette en place un système de contrôle du temps de travail réalisé pour chacun de ses salariés, rappelle Olivier Baglio du cabinet d’avocat avignonnais Axio. La jurisprudence étant comme toujours rétroactive et applicable non seulement aux instances en cours mais également aux années passées dans la limite de 3 ans (prescription des heures supplémentaires).

« Par un arrêt rendu le 27 janvier 2021 (n°17- 31.046), la Cour de Cassation a franchi un nouveau pas dans le contentieux désormais classique des heures supplémentaires prétendument non payées et dont le salarié réclame le paiement plusieurs années après à l’occasion de la contestation de son licenciement ou de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail… »
« Alors qu’il appartenait au salarié de produire au préalable un décompte précis des heures revendiquées, la jurisprudence écartant les décomptes sommaires (au mois ou au trimestre) ou par extrapolation (une seule année calculée multipliée ensuite par 2 ou 3), la Cour de Cassation a dans un premier arrêt du 18 mars 2020 (n°18-10.919) assouplit les obligations du salarié seulement tenu de produire des éléments précis de nature à corroborer son décompte sans avoir à étayer sa demande par des preuves formelles (attestations judiciaires par exemples). »
« Dans son dernier arrêt de janvier 2021, la Cour va plus loin en considérant qu’un simple décompte unilatéral mentionnant uniquement une prise de poste et une fin de service est suffisante même si le salarié n’a pas mentionné la pause méridienne. »

Il s’agit d’une évolution sévère mais conforme aux textes :

  • Article L3171-2 du code du travail

Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Le comité social et économique peut consulter ces documents.

  • Article L3171-3 du code du travail

L’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail men­tionné à l’article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

  • Article R3173-3 du code du travail

Le fait de ne pas présenter à l’inspection du travail les documents permettant de comp­tabiliser les heures de travail accomplies par chaque salarié, en méconnaissance des dispositions de l’article L.3171-3, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.

« De par cette application stricte des textes, le salarié n’est plus tenu qu’à produire un simple décompte, l’employeur devant verser aux débats les éléments de contrôle que lui est obligatoirement tenu d’établir au regard des textes précités. »
« Il est donc fort à craindre que l’employeur qui ne produirait aucun élément sera auto­matiquement condamné quand bien même le décompte produit serait fantaisiste, ce­lui-ci n’ayant comme seul mérite que d’être le seul produit aux débats… »

Par Olivier Baglio

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