5 mai 2024 |

Ecrit par le 5 mai 2024

Indemnité kilométrique : pourquoi faut-il mettre en place un dispositif pour les salariés qui viennent à pied ?

WeWard et Betterway viennent de publier une « tribune » sur la mise en place d’un dispositif « indemnité kilométrique marche ». Pour rappel, WeWard est une application mobile française qui propose de gagner de l’argent ou des bons d’achats à ses utilisateurs en fonction du nombre de pas qu’ils réalisent chaque jour. En échange de cela, WeWard collecte les données des utilisateurs et les vend à des commerçants partenaires qui peuvent ainsi mieux cibler leurs potentiels clients.

La mobilité est l’un des grands enjeux de cette décennie. En ville, la voiture est utilisée par 60% des urbains pour les déplacements domicile-travail de moins de 5 kilomètres. Des trajets qui pourraient être remplacés par des mobilités douces – vélo, co-voiturage, marche. Afin d’encourager le recours à des transports plus propres, le « forfait mobilités durables » est entré en vigueur le 10 mai 2020 et permet d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés lorsqu’ils utilisent un moyen de transport alternatif (co-voiturage, vélo…). Il s’agit de la prise en charge facultative par leur employeur de tout ou d’une partie de ces frais de transports personnels, et d’une exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

Or, ce dispositif n’est pas aujourd’hui disponible pour les salariés qui se rendent à leur travail à pied. C’est pourtant le moyen de transport le plus écologique et encourager la marche aurait pourtant de nombreux bénéfices, pour l’entreprise, le salarié et la société.

Une question de justice

En 2022 en France, les salariés sont encouragés à utiliser les transports en commun (remboursement d’une partie des titres de transports) ou des mobilités douces (forfait mobilités durables) pour se rendre sur leur lieu de travail. Alors que la marche reste le moyen de déplacement le plus écologique parmi la multitude de mobilités douces qui existent, celle-ci n’est pas reconnue dans ce processus d’indemnisation. La mettre en avant, l’encourager et donc l’indemniser permettrait de mettre sur un pied d’égalité ces marcheurs de la première heure. Le dispositif existant ayant pour but d’augmenter le pouvoir d’achat et réduire nos émissions, reconnaître cet effort prend tout son sens à l’heure où chacun doit limiter son impact environnemental.

En parallèle, la promotion de la mobilité verte est un enjeu stratégique pour les villes : meilleur partage de l’espace public, des rues plus silencieuses et moins polluées, une ville plus propre et plus apaisée. Les pouvoirs publics ont donc tout intérêt à se saisir de leur part dans la prise en compte des indemnités kilométriques pour les marcheurs, de la même manière que les aides à l’achat de vélo ou trottinette et les remboursements pour les transports publics sont évalués. Faire évoluer la loi LOM – Loi d’Orientation des Mobilités – en ce sens, c’est-à-dire en faisant évoluer la fiscalité des entreprises dont les salariés viennent à pied au travail, irait alors dans le sens de la collectivité et des enjeux écologiques et environnementaux urgents que nous traversons.

Encourager le retour au bureau des salariés

La mise en œuvre d’une telle mesure demande de pouvoir attester du moyen de transport des salariés. Indemniser les salariés proportionnellement au nombre de kilomètres marchés à la fin du mois est un levier de motivation sur au moins trois facteurs : encourager le retour sur le lieu de travail, permettre un complément de revenus, améliorer la santé physique et morale des salariés.

Si la démarche s’inscrit dans un contexte de réduction de l’empreinte carbone, et dans le fait de « prendre sa part » dans la lutte contre le réchauffement climatique, la mise en place de l’indemnisation kilométrique Marche (IKM) va bien au-delà. A l’échelle de l’individu, c’est un complément de salaire, équivalent à celui versé aux collaborateurs qui viennent en transports en commun ou qui ont investi dans un vélo. Pour l’entreprise, l’enjeu est d’encourager le retour des salariés sur le lieu de travail, d’augmenter les temps d’échanges et de partages et donc de créativité ; en somme, de renforcer la cohésion des équipes et l’engagement de chacun.

Ce dispositif au service du déploiement des stratégies RSE des entreprises participe aussi à attirer les nouveaux talents et réduire l’empreinte carbone globale de l’entreprise.

Des salariés en meilleure santé

Au-delà des aspects financiers de cette indemnité, il s’agit avant tout d’une question de santé publique, et de bien-être général. L’entreprise a tout à gagner à encourager les activités sportives auprès de ses collaborateurs. De nombreuses études ont démontré l’impact positif de la marche : une meilleure concentration, un état d’esprit plus positif et un meilleur engagement dans l’ensemble des projets. Pour l’entreprise, ce sont des salariés en meilleure forme, avec un système immunitaire renforcé, et donc moins absents. Les arrêts de travail évités, c’est un coût en moins pour la collectivité. Si les salariés sont alors en meilleure forme et plus motivés, ils en sont plus heureux et s’épanouissent davantage dans leur environnement professionnel.

Des initiatives de ce style émergent à l’étranger, comme à Singapour où le gouvernement offre des récompenses aux personnes qui adoptent des modes de vie plus sains : à l’aide de dispositifs mis en place via des montres connectées, les habitants peuvent gagner jusqu’à 380 dollars de Singapour lorsqu’ils participent à des promenades, des activités telles que la méditation ou la natation.

Mettre en place l’Indemnité Kilométrique Marche (IKM) en France est bénéfique à 3 échelles : à titre personnel, pour l’entreprise et pour la collectivité. De nombreuses questions restent en suspens et mériteraient une réponse globale : quelles distances indemniser ? À quelle hauteur ?  Faut-il plafonner l’indemnité ? À quelles réductions fiscales les entreprises pourront-elles prétendre ?

La mise en place de ce dispositif dans les entreprises, qui reconnaît et encourage l’effort, doit s’inscrire dans une démarche écologique et de santé publique, à l’échelle du territoire.

Par Yves Benchimol, cofondateur de WeWard.


Indemnité kilométrique : pourquoi faut-il mettre en place un dispositif pour les salariés qui viennent à pied ?

Le sujet du mois vu par les Éditions Tissot.

L’entreprise doit prendre en charge les frais professionnels de ses salariés. Mais peut-elle le faire de manière forfaitaire ? Cette question a été récemment posée à la Cour de cassation à propos d’indemnités kilométriques.

La prise en charge par l’employeur
Les salariés peuvent être amenés à engager des frais (carburant, stationnement, utilisation du véhicule personnel à des fins professionnelles…) pour les besoins de leur activité professionnelle, inhérentes à leurs fonctions ou à leur emploi, et dans l’intérêt de leur entreprise. Celle-ci a l’obligation de les prendre en charge.
Elle peut procéder de manière directe (par ex. en remettant à ses salariés un véhicule pour se déplacer et une carte de crédit pour régler leurs dépenses professionnelles). Ou rembourser ses collaborateurs des frais qu’ils ont réellement engagés sur présentation de justificatifs.
Mais peut-elle également les rembourser de manière forfaitaire ? Un tel remboursement, qui ne correspond pas aux frais réellement engagés, ne pourrait-il pas constituer plutôt un complément de salaire ? Telle est l’argumentation soutenue par une salariée à propos d’une indemnité kilométrique forfaitaire dans une affaire récemment soumise à la Cour de cassation.

Le remboursement sous forme d’indemnités kilométriques forfaitaires
Dans ce dossier, un avenant conclu entre une salariée et son employeur contenait des stipulations relatives au remboursement de ses frais de déplacements. Il indiquait que la salariée percevrait :

  • le remboursement de ses frais réels de déplacement engagés dans le cadre de ses fonctions sur justificatifs ;
  • et une indemnité kilométrique payée mensuellement sur une base de 0,35 €/km limitée à un montant total annuel de 6 500€.

Un avenant conclu ultérieurement précisait que les frais professionnels quels qu’ils soient ne pourraient en aucun cas être inférieurs à 500€ mensuels.

La salariée avait été placée en arrêt de travail à plusieurs reprises. Son employeur avait initialement continué à lui verser des indemnités kilométriques. Mais il avait fini par cesser. La salariée réclamait alors un rappel. Elle soutenait que constituent un complément de rémunération les primes ne correspondant pas à des frais réellement exposés par le salarié. Et qu’un employeur ne peut modifier le contrat de travail d’un employé sans son accord, notamment pour supprimer une indemnité contractuelle.

La cour d’appel a refusé de lui accorder le rappel demandé. Elle a considéré que ce versement avait pour objet d’indemniser les frais de déplacement de la salariée et de compenser le surcoût de ceux engagés pour l’exercice de ses fonctions. Il constituait donc un remboursement de frais et non un complément de salaire. Et ce, malgré son caractère forfaitaire et le fait que son versement ne soit soumis à la production d’aucun justificatif. La simple information de sa suppression par l’employeur était donc suffisante.
La Cour de cassation a donné raison à la cour d’appel. L’employeur était donc bien fondé à cesser le versement de l’indemnité kilométrique durant les périodes de suspension du contrat de travail de la salariée. Et ce, sans que cela ne s’apparente à une modification de son contrat de travail.  

Bon à savoir
Les remboursements de frais professionnels sont exonérés de cotisations sociales dans certaines conditions et limites. Y compris certains remboursements effectués sous forme forfaitaire. Les indemnités kilométriques forfaitaires sont ainsi exonérées de cotisations sociales sans justificatif d’une utilisation conforme à leur objet dans les limites d’un barème annuellement fixé par l’administration fiscale.

Par Amélie Gianino. Juriste en droit social et rédactrice au sein des Éditions Tissot

Cour de cassation, chambre sociale, 9 mars 2022, n° 20-20.872 (une indemnité qui a pour objet d’indemniser les frais de déplacement d’un salarié et de compenser le coût des frais engagés pour l’exercice de ses fonctions constitue un remboursement de frais et non un complément de salaire. Et ce, en dépit de son caractère forfaitaire et du fait que son versement ne soit soumis à la production d’aucun justificatif. L’employeur peut donc en cesser le versement pendant les périodes de suspension du contrat de travail du salarié, sans que cela ne s’apparente à une modification du contrat).

https://www.echodumardi.com/tag/indemnite-kilometrique/   1/1