3 novembre 2025 |

Ecrit par le 3 novembre 2025

Colloque à Mazan : « L’eau, une urgence vitale » – Comprendre, partager, préserver

Mazan – La Boiserie a accueilli un colloque d’une rare intensité sur l’avenir de l’eau. À l’invitation de Julien Dezecot, directeur de la revue Sans-Transition ! scientifiques, élus, entreprises et citoyens se sont réunis pour comprendre les défis posés par la gestion de l’eau et trouver ensemble les voies d’un usage plus sobre et solidaire. Parmi eux la conférencière et ingénieure hydrologue Charlène Descollonges, Karine Viciana, directrice de la Maison régionale de l’eau et Antoine Nicault, écologue et paléoclimatologue du Grec-Sud, Groupe régional d’expert sur le climat en région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur. Un constat clair : le système de l’eau est en crise. le colloque était suivi d’une conférence ouverte au grand public.

Il n’y a pas un problème de l’eau en France, mais une série de crises systémiques : c’est l’un des constats forts posés lors de cette journée par Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue. La France, comme bien d’autres pays, a hérité de pratiques agricoles, urbaines et industrielles qui ont fragilisé ses milieux aquatiques : drainage des zones humides, disparition des haies et prairies, imperméabilisation des sols, rectification des cours d’eau… Résultat : nos territoires sont devenus vulnérables à la fois à la sécheresse et aux inondations.

Charlène Descollonges et Julien Dezécot Copyright MMH

Et ce n’est pas tout
L’eau souterraine, longtemps considérée comme une « banque d’eau infinie », s’épuise à mesure que le climat se réchauffe. L’alerte est appuyée par le dernier rapport de l’Organisation Mondiale de la Météorologie : le grand cycle de l’eau est sérieusement perturbé, et les nappes phréatiques peinent à se recharger.

Qualité de l’eau : une pollution invisible mais persistante
À cette crise de quantité, s’ajoute une crise de qualité. L’eau, même lorsqu’elle coule, n’est pas toujours saine. Polluants agricoles (pesticides, nitrates), résidus médicamenteux, micropolluants, perturbateurs endocriniens… Le cocktail chimique que nous rejetons dans nos rivières et nappes n’est pas encore totalement identifié, mais il inquiète. « On commence à peine à inventorier ce qu’on y trouve, mais les effets sur la santé et la biodiversité sont déjà là », souligne Charlène Descollonges.

Des cartes précises sur l’état de l’eau en Vaucluse

Trois leviers majeurs pour changer la donne
Face à ces constats, des solutions existent, connues, parfois déjà engagées, mais encore trop timides ou dispersées. Trois piliers d’action ont été mis en avant : La sobriété. Pas seulement en période de crise, mais comme stratégie de fond. Cela passe par une réduction des prélèvements dans les nappes et rivières, et un changement de modèle agricole et alimentaire. « Il faut relier l’eau à nos choix de consommation : produire moins de protéines animales, par exemple, c’est aussi consommer moins d’eau », rappelle Charlène Descollonges.

Deuxième pilier : L’adaptation territoriale
Tous les territoires ne peuvent pas adopter les mêmes solutions. Le colloque a mis en avant la nécessité d’une approche locale et sur-mesure, intégrant les réalités géologiques, climatiques et socio-économiques de chaque bassin. L’adaptation passe aussi par la priorisation des usages : « Il faut sanctuariser certaines nappes pour l’eau potable uniquement », propose Charlène Descollonges.

Julien Dezécot, Karine Viciana et Antoine Nicault Copyright MMH

Troisième pilier : La régénération du cycle de l’eau
Concept encore méconnu du grand public, l’hydrologie régénérative consiste à favoriser l’infiltration naturelle de l’eau dans les sols, via des aménagements simples comme la conservation des mares, des zones tampons, des haies… qui permettent de recharger les nappes de façon passive, sans énergie, et de restaurer le rôle éponge des écosystèmes.

Enfin, une gouvernance de l’eau à repenser
Au cœur de cette réflexion, la question démocratique a occupé une place centrale. Le partage équitable de l’eau suppose une gouvernance renouvelée, plus inclusive et anticipatrice. Charlène Descollonges,  appelle à donner une vraie voix aux citoyens dans les décisions : « Ce ne sont pas que des payeurs de facture. Ce sont des acteurs, des habitants, des parties prenantes à part entière. »
Elle propose même une convention citoyenne de l’eau, à l’image de celle pour le climat. Une utopie ? Peut-être. Mais dans un contexte de tension croissante – où les conflits d’usage autour de l’eau se multiplient ; agriculture, industrie, consommation, tourisme… Mieux vaut prévenir que subir.

Copyright MMH

Si on ne change rien…
Les experts sont unanimes : le statu quo mène droit dans le mur. « Si on ne bouge pas, on se prépare à des conflits sociaux majeurs, à des pertes économiques colossales, à des pénuries structurelles », résume Antoine Nicault, du GREC-SUD. Les sécheresses de 2022 et les inondations de 2023 ont déjà laissé des traces. Entre un nord noyé et un sud assoiffé, la France a connu un hiver « coupée en deux ». Ce n’était qu’un avant-goût de ce qui nous attend, selon les intervenants. L’eau est un bien commun précieux, mais elle devient aussi un facteur de risque géopolitique local.

Une opportunité de transformation ?
Malgré la gravité des enjeux, l’ambiance du colloque n’était pas résignée. Au contraire, l’espoir réside dans la mobilisation collective. Des solutions techniques existent. Des initiatives locales inspirantes émergent partout. Reste à leur donner les moyens, le cadre, et l’élan politique nécessaire. « L’eau, c’est le miroir de notre société. La façon dont on l’utilise, dont on la partage, dit tout de notre rapport au vivant, à l’économie, et aux autres », conclut Charlène Descollonges.

Copyright MMH

L’eau n’est plus une ressource illimitée
Ses usages doivent être repensés, régulés, et priorisés. La transition passe par l’adaptation locale, la sobriété, et la participation citoyenne. Les territoires, chacun à leur échelle, ont un rôle à jouer. Une certitude : le futur de l’eau s’écrit dès aujourd’hui et ensemble.

Scientifiques, élus, professionnels de l’eau sont venus écouter et partager les informations sur les enjeux cruciaux de l’eau Copyright MMH

Colloque à Mazan : « L’eau, une urgence vitale » – Comprendre, partager, préserver

La conférence ‘Zéro déchet, zéro plastique, quelles solutions locales ? à Châteauneuf-de-Gadagne, le 21 mars, a donné la parole à Jérémie Pichon, auteur de Ma famille zéro déchet et Nathalie Gontard chercheuse en science des emballages. Elle était organisée et animée par notre confrère ‘Sans transition !’ avec Julien Dézécot, directeur de publication. Plus de 200 personnes ont assisté aux deux conférences.

Organisée en deux temps, la conférence ‘Zéro déchet, zéro plastique’ avait lieu le matin en présence d’industriels locaux, des techniciens de collectivités, d’associations et d’acteurs de la consommation locale tandis que la deuxième conférence, donnée en soirée, d’accès gratuit, était dévolue au grand public. Plus de 200 personnes se sont intéressé au sujet.

Des partenaires concernés
Les partenaires des conférences étaient la Communauté de commune des Pays-de-Sorgues-Mont-de-Vaucluse, la Ville de Châteauneuf-de-Gadagne et le réseau d’entreprise Luberon-Sorgues-Entreprendre (LES) et en coopération avec les magasins Biocoop, Le beau geste, la brasserie la Comédienne, l’association Semailles, les vignerons de Châteauneuf-de-Gadagne…

Jérémie Pichon Copyright MMH

Le déchet est un symptôme
«Le déchet est le symptôme de notre économie linéaire, entame Jérémie Pichon, auteur-conférencier. Nous extrayons, aujourd’hui, beaucoup de ressources transformées en des process agro-industriels, avec beaucoup d’énergies fossiles, comme le pétrole et l’eau, pour générer de la croissance et de l’économie.»

Un chiffre ?
«Un habitant, par an, produit 390kg de déchets–dont 1 tiers de plastique-, en déchetterie cela se traduira par 590kg. Pourtant, ces chiffres ne représentent que 3 à 4% de la partie visible. La plus grande partie des déchets que l’on produit est issue de process de fabrication ce qui se traduit par 14 tonnes par an et par français liés à notre agriculture, à l’industrie et au BTP (bâtiment et travaux publics), soit 14 tonnes dévolues à notre confort de vie.»

Réduire la consommation à la source, c’est réduire la fabrication
«Cela a un coût en terme de ressources prélevées, en énergies fossiles et donc en émissions de CO2 et de pollution du cycle de l’eau. L’objectif ? Détricoter ce système pour aller vers un cycle plus vertueux, une économie réellement circulaire avec des réductions à la source. En s’attaquant aux déchets, on s’attaque finalement au système.»

Copyright Jérémie Pichon

Ce qui pose problème ?
«Le plastique, l’emballage agroalimentaire à usage unique, jetable, le blister, l’aluminium…. Nous sommes dans une société mondialisée qui a besoin de beaucoup d’emballages parce qu’elle produit loin du lieu de consommation. Cette année, à l’échelle mondiale, nous avons produit 460 millions de tonnes de plastique dont 130 millions d’emballages, dont 15 millions de tonnes qui se retrouvent dans les océans qui sont notre poubelle.»

Comment les océans sont-ils devenus nos poubelles ?
«Cela représente un semi-remorque de déchets toute les 30 secondes se déversant dans nos océans via nos cours d’eau, soit 200 kilos par seconde. Si l’on continue dans cette logique de croissance économique : toujours plus de ressources, d’énergie, on pense que d’ici 2040 ça ne sera plus 460 millions de tonnes de déchets mais 600 millions de tonnes annuelles que nous produirons. On pense qu’il y aura plus de plastique en termes de volumes dans les océans que de poissons.»

Nathalie Gontard Copyright MMH

Quels dangers associés au plastique ?
«Si le plastique a été autant utilisé c’est pour une question de confort de vie et de bien-être, explique Nathalie Gontard. Le plastique a la particularité de s’accumuler, c’est bien ce qui pose problème. Il n’est pas digérable par notre environnement. Il en a été produit, depuis les années 1950, plus de 12 milliards de tonnes, dont 10 milliards ont été accumulés, le reste ayant été incinéré. 10 milliards c’est cinq fois plus que la totalité de la biomasse animale sur terre. Le plastique est devenu un matériau prépondérant sur notre planère. Le problème ? Le plastique se fragmente, voyageant jusqu’à l’intérieur de notre propre corps. Le plastique est capable d’interagir avec son propre environnement, transportant avec lui des polluants, devenant toxique à tous les niveaux. Il s’accumule dans les organes des êtres vivants et en perturbe le bon fonctionnement : perturbations métaboliques, inflammatoires… Nous en possédons 0,5% dans le cerveau…»

Les quatre R : Réduction, Renoncer, Réutiliser, Recycler
«On ingère l’équivalent de 5 grammes de plastiques chaque semaine, relaie Jérémie Pichon. Quelles solutions ? Aller vers l’économie circulaire. Le recyclage est une fausse bonne solution puisqu’on ne change rien à cette économie linéaire qui est dans la production du toujours plus, bien au contraire et reste dans une logique de pollution. Il faut donc aller vers la réduction de la production de plastique et de notre consommation. Nous sommes 8 milliards sur terre, bientôt 12 selon les prévisions de l’ONU -Organisation des Nations Unies- et dont 3 milliards d’occidentaux qui consomment comme nous. Le vivant est en train de s’effondrer et il y a urgence. Nous devrons renoncer à consommer sans limite. Il nous faut sortir du jetable pour réutiliser la matière, allongeons la durée de vie de ce que nous utilisons. Enfin, recyclons ce que nous pouvons, sachant que le plastique est peu recyclable,» relate Jérémie Pichon.

Copyright Nathalie Gontard

Mesurer l’empreinte plastique
«Le plastique est recyclable à moins de 0,5%, intervient Nathalie Gontard. Tout ce que l’on nomme recyclage est en fait du décyclage. Alors que le recyclage aura certaines vertus pour limiter le plastique, de décyclage peut être catastrophique. C’est réintroduire du plastique à l’infini.» «C’est la polaire qui revient dans la machine à laver,» intervient Julien Dézécot.
«Les micro plastiques qui se redécomposent… Reprend Nathalie Gontard et la laine qui va disparaitre. Il n’est pas question que de production, d’usage et de post usage. Il y a une 4e et dernière étape : la fin de vie sur le très long terme : le plastique peut persister durant des millénaires. Le plastique et les superplastiques font partie des pires déchets. Le plastique pollue dès sa production, pendant son usage, l’eau, dont notamment les bouteilles qui produisent énormément de nano-plastiques. Le principal danger du plastique ? Les émissions de micro et nano plastiques qui ne sont pas analysés dans le cycle de vie. Le plastique utilisé dans les bâtiments, au titre de l’isolation, dans les huisseries va émettre, durant des décennies, des micro particules et constitue un danger.»

Les circuits courts
«On ne pourra pas faire l’économie d’un changement structurel, financier et culturel, reprend Jérémie Pichon. A commencer par l’alimentaire. Parce que les circuits longs génèrent beaucoup de plastique, les circuits courts font partie de la solution. On y gagnera en emploi, on préservera la santé. Il est question de résilience avec notre territoire car en GMS -Grande et moyenne surface- le ketchup vient de Turquie, la vinaigrette de Tchéquie, le yaourt de Roumanie. Le Luxembourg produit à peine 8% de ce qu’il consomme. Les circuits courts apportent, au niveau social et économique, un système beaucoup plus vertueux, particulièrement en termes de lien social. Osons le faire.»

Une centaine de personnes était présente Copyright MMH

Colloque à Mazan : « L’eau, une urgence vitale » – Comprendre, partager, préserver

Etienne Klein, maire de Châteauneuf-de-Gadagne, vice-président à la Communauté de communes Pays-des-Sorgues-Mont-de-Vaucluse, en charge de la transition écologique de la réduction et de la valorisation des déchets, participait à la journée de conférence ‘Zéro déchet, zéro plastique, quelles solutions locales organisée par Julien Dézécot, directeur de publication du magazine ‘Sans transition !’ Voici ce qu’il a dit dans son mot d’accueil.

«L’enjeu des déchets et de l’économie circulaire est très important pour la Communauté de communes, notamment en matière économique car la gestion des déchets représente à elle-seule 6,5M€ chaque année, soit 170€ par habitant.»

Un sujet environnemental
«C’est aussi un sujet environnemental puisque toute la chaine depuis la production de matière à son élimination pose la question de l’économie, comme la gestion des ressources et, in fine, de pollution. C’est la raison pour laquelle nous avons associé le zéro plastique au zéro déchet.»

La prégnante question des emballages
«L’intervention de Nathalie Gontard sera importante puisqu’on ne peut pas se débarrasser du plastique. Les collectivités ont longtemps pensé que leur sujet était de collecter, de traiter et d’éliminer les déchets, puis est arrivé la question du tri.»

Le tri, un premier pas mais il faut aller plus loin
«On s’est dit qu’il fallait mieux valoriser et donc trier les déchets. Depuis 5 ans, nous sommes passés à une étape supérieure car maintenant, le sujet est la prévention. Il faut cesser de faire du déchet et donc réduire la production qui finira en déchet en réutilisant, réparant, peut-être en recyclant ce qui n’est pas non plus, on le voit avec le plastique, une solution durable. Toutes ces notions nous amènent à l’économie circulaire, à mieux penser et optimiser la production des emballages.»

Le tri des années 2000 puis le compostage
«Le tri est en place depuis les années 2000, les opérations de sensibilisation et de pédagogies de la Communauté de communes ont permis d’optimiser celui-ci. Sur les 6 dernières années la collecte de tri a bondi de +15% sur Châteauneuf-de-Gadagne. Nous travaillons également, depuis janvier 2024, sur le tri des bio-déchets pour ne pas le faire entrer dans la chaine de collecte et de traitement grâce à des composteurs partagés et individuels ainsi que des bornes d’apport volontaire, notamment, dans les centres historiques de nos communes.»

La tarification incitative
«Il est vrai que nous nous posons la question d’une tarification incitative, nous y sommes très fortement incités par l’Adème (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie), la Région et l’Etat. En tant qu’élu, j’y suis sensible et pense le voir réalisé dans les années à venir. L’objectif restera de réduire les déchets.»

L’enjeu de l’économie circulaire
«L’économie circulaire va bien au-delà de la gestion des déchets en touchant à l’économie du territoire, à la manière dont les producteurs emballent et vendent des produits, à la façon dont les habitants consomment. A ce titre ces sujets ne peuvent pas être entièrement portés par la collectivité. L’enjeu sera de porter tout le territoire : habitants, professionnels, chambres consulaires, les parties prenantes à l’échelle de la Région, au titre de la planification écologique, de la Coop régionale. Cette journée, en faisant venir des sachants, en rassemblant les gens et en créant du débat a pour objectif de créer une dynamique collective sur le territoire.»

https://www.echodumardi.com/tag/julien-dezecot/   1/1