6 mai 2024 |

Ecrit par le 6 mai 2024

Télétravail : employeur ou salariés peuvent-ils encore dire non ?

Le sujet du mois vu par les éditions Tissot : avec la 2e vague de Covid-19 et le nouveau confinement national, la question du télétravail est plus que jamais présente. A l’heure actuelle, le recours au télétravail est-il devenu obligatoire pour l’employeur ? Et côté salariés, un refus est-il envisageable ? Le protocole national a été remis à jour au 29 octobre 2020 et nous éclaire sur le sujet.

Refus du télétravail : côté employeur

On savait déjà que sa mise en œuvre peut s’imposer en cas de circonstances exceptionnelles pour garantir la protection des salariés, ou sur recommandation expresse des autorités en raison du contexte sanitaire ou encore du fait d’une situation de vulnérabilité attestée médicalement.

Mercredi soir 28 octobre, le Président de la République avait annoncé que le télétravail allait être généralisé partout où cela est possible. Jean Castex a, lui, précisé à l’Assemblée nationale le lendemain matin que toutes les fonctions qui peuvent être télétravaillées doivent l’être 5 jours sur 5.

Aujourd’hui, le protocole national indique que, dans les circonstances actuelles, il doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent. Le temps de travail en télétravail est de 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance. Dans les autres cas, il faut réduire les interactions sociales notamment en aménageant le temps de présence. L’employeur doit ainsi organiser systématiquement un lissage des horaires de départ et d’arrivée des salariés afin de limiter l’affluence aux heures de pointe.

Avec la seconde vague de Covid-19, le télétravail apparait aujourd’hui comme un sujet incontournable.

Le ministère du Travail précise que le télétravail peut faire l’objet d’un accord d’entreprise, d’une charte ou d’un simple accord entre salarié-employeur. Le protocole indique également que l’employeur doit, dans le cadre du dialogue social de proximité, veiller au maintien des liens collectifs et à prévenir les risques liés à l’isolement des salariés en télétravail.

Rappelons toutefois que le protocole national, qui contient un ensemble de recommandations, n’a pas de force contraignante même s’il parait difficile, dans le contexte actuel, de ne pas le suivre.

En effet, un syndicat avait récemment demandé la suspension de l’exécution de ce protocole national, notamment sur le fait qu’il pose le principe du port du masque systématique en entreprise dans les lieux collectifs clos. Mais, le 19 octobre, le Conseil d’Etat a considéré qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, le port du masque systématisé dans les espaces clos, combiné notamment au respect des gestes barrières, était justifié. Pour le Conseil d’Etat, le protocole sanitaire est un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur. Il n’a pas de force contraignante. Et sa suspension éventuelle n’aurait donc aucune incidence sur les obligations en matière de santé et sécurité.

Ainsi, en cas de refus du télétravail, le risque principal pour l’employeur est de voir sa responsabilité engagée au titre de l’obligation de sécurité s’il n’a pas pris suffisamment de mesures pour protéger la santé de ses salariés.

Refus du télétravail : côté salarié

Face à la pandémie, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés (Code du travail, art. L.1222-11).

Dans ce cadre, le salarié ne peut pas refuser le télétravail et n’a pas d’avenant à son contrat de travail à signer.

A noter : les salariés en télétravail conservent leurs droits notamment concernant les titres restaurant, sous certaines conditions, ou les temps de pause.

Conseil d’État, 19 octobre 2020, n° 444809 (le protocole national est un ensemble de recommandations sur la mise en œuvre pratique de l’obligation de sécurité de l’employeur) Questions-réponses du ministère du Travail sur le télétravail, mis à jour le 22 octobre 2020. Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 (29 octobre 2020)

Anne-Lise Castell

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot

Pour RésoHebdoEco / www.reso-hebdo-eco.com

Anne-Lise Castell

Télétravail : employeur ou salariés peuvent-ils encore dire non ?

Le sujet du mois vu par les éditions Tissot : un salarié s’est vu retirer son permis de conduire et cela a des répercussions sur son activité car il était amené à utiliser souvent, voire quotidiennement, son véhicule. L’employeur envisage donc de rompre son contrat de travail du fait de ce retrait de permis. En a-t-il le droit ?

Permis suspendu ou retiré pendant le temps de travail

Si la suspension ou le retrait du permis de conduire a eu lieu pendant le temps de travail, le salarié peut faire l’objet d’une mesure disciplinaire, laquelle doit être proportionnée.

Les fonctions exercées par le salarié doivent nécessiter l’utilisation d’un véhicule soumis à la détention d’un permis de conduire (VRP, chauffeur routier, livreur, ambulancier, etc.). De surcroît, la perte de la possibilité de conduire doit constituer un trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise. L’employeur doit donc nécessairement justifier qu’il subit un préjudice du fait de la suspension ou du retrait du permis du salarié concerné.

Selon les circonstances qui entourent ce retrait ou cette suspension, le licenciement pour cause réelle et sérieuse ou faute grave peut être envisagé.

Par exemple, la faute grave pourra être retenue si le permis de conduire d’un chauffeur routier a été retiré ou suspendu pour cause de conduite en état d’ivresse pendant les heures de travail. Cette infraction l’ayant privé de son droit de conduire pour 15 mois (Cour de cassation, chambre sociale, 15 novembre 1994, n° 93-41.897).

« L’employeur peut suspendre simplement le contrat de travail le temps que l’intéressé récupère son permis. »

A noter que si l’employeur estime que son salarié ne mérite pas un congédiement pur et simple, il peut suspendre simplement son contrat de travail le temps que l’intéressé récupère son permis.

Il est également important de vérifier les dispositions de sa convention collective. Elles peuvent être plus favorables pour le salarié et prévoir par exemple, une obligation de reclassement (tel est notamment le cas des transports routiers).

Permis suspendu ou retiré en dehors du temps de travail

Le fait que le salarié ait fait l’objet d’une suspension ou d’un retrait de son permis de conduire en dehors de l’exécution du contrat de travail, dans le cadre de sa vie personnelle donc, ne peut pas constituer une faute.

En effet, selon la Cour de cassation, le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l’exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance de ses obligations découlant de son contrat de travail et ce, même si ses fonctions impliquent la conduite d’un véhicule (Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 2013, n°12-16.878).

Dès lors, l’employeur ne peut envisager de rompre le contrat de travail du salarié que dans le cas où la possession du permis de conduire est nécessaire à l’exercice de ses fonctions. Le licenciement envisagé ne pourra être qu’un licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison du trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise, qui devra être bien sûr explicité précisément dans la lettre de notification du licenciement. L’employeur doit en effet démontrer que la perte du permis de conduire du salarié, amené à effectuer des déplacements, l’empêche d’effectuer son travail et qu’il subit de ce fait un préjudice.

Si les fonctions du salarié impliquent nécessairement la conduite d’un véhicule, il est conseillé de prévoir une clause dans son contrat de travail selon laquelle :

– la détention du permis de conduire est indispensable ;

– le salarié s’engage à informer son employeur en cas de retrait ou de suspension de son permis de conduire.

A contrario, l’employeur ne peut donc pas envisager un licenciement lorsque le permis de conduire n’est pas nécessaire à l’exercice des fonctions et que le salarié a la possibilité de se rendre au travail par d’autres moyens (Cour de cassation, chambre sociale, 4 mai 2011, n°09-43.192).

Enfin, si la suspension ou le retrait du permis de conduire résulte de raisons médicales et que le salarié est reconnu inapte à conduire par le médecin du travail, l’employeur devra d’abord essayer de le reclasser. Si le reclassement s’avère impossible, il pourra alors le licencier pour inaptitude.

Carole Anzil – Auteure pour les éditions Tissot

 

Carole Anzil

Télétravail : employeur ou salariés peuvent-ils encore dire non ?

La Cour de cassation précise les conditions dans lesquelles le port de la barbe peut être limité dans l’entreprise sans que cela constitue une discrimination religieuse et politique.

Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, un salarié qui était consultant sûreté pour des gouvernements, des organisations internationales non gouvernementales et des entreprises privées, avait été licencié pour faute grave. Son employeur lui reprochait son refus de tailler sa barbe afin qu’elle ait une apparence plus neutre.

Le règlement intérieur peut apporter des restrictions aux signes religieux, politiques et philosophiques

Les restrictions à la liberté religieuse dans l’entreprise sont possibles mais elles doivent :

  • être justifiées par la nature de la tâche à accomplir ;
  • répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante ;
  • et être proportionnées au but recherché.

Le règlement intérieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (Code du travail, art. L. 1321-3).

Ainsi, le règlement intérieur (ou une note de service) peut contenir une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe religieux mais également politique, philosophique sur le lieu de travail. Mais la restriction doit être justifiée par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par la nécessité du fonctionnement de l’entreprise et proportionnée au but recherché. Cela peut être par exemple pour des raisons de sécurité.

Dans son arrêt, la Cour de cassation rappelle que cette clause générale et indifférenciée ne peut être applicable qu’aux salariés en contact avec les clients.

Sans clause de neutralité, l’employeur ne peut pas interdire aux salariés de porter un signe qui reflète une conviction religieuse, politique ou philosophique. En l’absence de cette clause, l’interdiction caractériserait une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses, politiques ou philosophiques.

Dans l’affaire jugée récemment par la Cour de cassation, l’entreprise n’avait pas de clause dans son règlement intérieur prévoyant des restrictions à ces libertés.

Elle avait toutefois demandé au salarié de ne pas porter la barbe lors de ses missions au Yémen car elle manifestait des convictions religieuses et politiques.

Pour les juges, l’injonction faite par l’employeur de revenir à une apparence plus neutre caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses et politiques du salarié.

Restriction religieuse : précision sur la notion d’exigence professionnelle essentielle et déterminante

Sans clause de neutralité, la restriction imposée au salarié peut être légitime si elle répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante.

Cette notion a été précisée par la Cour de cassation. Elle rappelle que celle-ci doit renvoyer à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle.

Dans cette affaire, on trouve à l’origine de l’injonction faite au salarié de couper sa barbe, une demande d’un client. Pour les juges, la seule volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers d’un client renvoie à une considération subjective. Cela ne répond donc pas aux critères de l’exigence professionnelle essentielle et déterminante.

La situation aurait été différente si l’employeur avait démontré les risques de sécurité spécifiques liés au port de la barbe pour des missions exécutées au Yémen. Cela aurait constitué une justification à l’atteinte proportionnée aux libertés du salarié.

Mais l’employeur qui considérait la façon dont le salarié portait sa barbe comme une provocation politique et religieuse ne précisait ni la justification objective de cette appréciation, ni de quelle façon tailler sa barbe pour que cela soit admissible au regard des impératifs de sécurité. Le licenciement du salarié reposant pour partie sur un motif discriminatoire, celui-ci a été annulé.

Cour de cassation, chambre sociale, 8 juillet 2020, n° 18-23.743

Isabelle Vénuat

Chronique réalisée par les éditions Tissot dans le cadre d’une rubrique mensuelle pour le groupement de journaux régionaux  Réso Hebdo Eco – www.reso-hebdo-eco.com

L’Echo du Mardi est l’un des trois membres fondateurs du Réso Hebdo Eco  avec le groupe ECOmédia et la Tribune Côte d’Azur . 

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Télétravail : employeur ou salariés peuvent-ils encore dire non ?

Le Premier ministre et le ministre de l’économie, des finances et de la relance viennent de choisir l’institut national de la propriété industrielle (INPI) comme opérateur du guichet unique électronique pour les formalités des entreprises. Son ouverture est prévue pour 2022.

Le décret n°2020-946 paru le 1er août au Journal Officiel confie à l’INPI la gestion de services informatiques actuellement opérés par l’Etat permettant notamment aux créateurs d’entreprise et aux entreprises d’accomplir, par voie électronique, toutes les formalités liées à la vie de leur entreprise.

L’article 1 de la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation de l’Entreprise) prévoit une action majeure visant à simplifier les démarches des entreprises : la création d’un guichet unique électronique, auprès duquel les entreprises pourront effectuer toutes leurs formalités de création, modification ou cessation d’activité. A ce jour, ces déclarations peuvent être effectuées auprès de différents organismes : les chambres de commerce et d’industrie, les greffes des tribunaux de commerce, les chambres d’agriculture, les chambres de métiers et de l’artisanat ou le guichet entreprises opéré par la Direction générale des entreprises (DGE).

Afin de simplifier, de moderniser et de centraliser toutes les démarches, l’INPI a été désigné comme pilote et gestionnaire d’un guichet unique dématérialisé. Une mission qui vient compléter la mission de centralisation et de diffusion de l’ensemble des informations concernant la protection des innovations et l’enregistrement des entreprises, prévue dans les statuts de l’INPI dès sa création en 1951. L’ouverture du guichet unique est prévue pour janvier 2022, avec un calendrier de mise en œuvre progressif.


Télétravail : employeur ou salariés peuvent-ils encore dire non ?

L’avocat avignonnais Frédéric Guittard, intervenant en contentieux commercial, procédures collectives, droit des sociétés, droit pénal, responsabilité civile, droit social et contentieux Prud’hommes, revient sur obligation du port du masque dans les entreprises à partir du mois prochain.

A compter du 1er septembre 2020, le port du masque devient obligatoire dans « tous les espaces de travail clos et partagés » pour tous les employeurs et salariés, le bureau individuel demeurant l’exception à la règle. Le pouvoir disciplinaire appartenant à l’employeur, il lui appartient de décider des fautes répréhensibles ainsi que de l’échelle des sanctions appliquées et s’il est peu probable qu’un premier manquement débouche sur un licenciement, un comportement désinvolte et réitéré pourrait parfaitement conduire à une rupture du contrat de travail en ce compris pour faute grave s’agissant d’une insubordination caractérisée (Cass. Soc. 11 octobre 2000, pourvoi n° 98-41.183).

A l’employeur de faire respecter l’obligation

En outre, l’employeur doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (Code du Travail, article L.4121-1) et il ne peut courir le risque d’une infection sur le lieu de travail de telle sorte qu’il lui appartient de faire respecter cette obligation avec la plus grande célérité, quitte à pratiquer une certaine sévérité.

Pour se faire, n’oubliez pas non plus de modifier votre règlement intérieur pour les structures qui en sont dotées ou de diffuser une note de service à l’attention des salariés.

Par ailleurs, il appartient aux employeurs de se doter des stocks de masques utiles puisqu’en application des dispositions de l’article R.4321-4 du Code du Travail, « L’employeur met à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés…Il veille à leur utilisation effective ».

Possibilité d’un droit de retrait

A défaut, les salariés pourraient exercer un droit de retrait s’il apparaissait qu’ils « se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux » comme le dispose l’article L.4131-3 du Code du Travail, par exemple si l’employeur laisse des salariés pénétrer dans les locaux sans masque.

Frédéric Guittard, avocat au barreau d’Avignon

 


Télétravail : employeur ou salariés peuvent-ils encore dire non ?

Présidé par Franck Petit, ancien doyen de la faculté de droit d’Avignon, ce Cercle réunit différents acteurs juridiques (professeur de droit, avocats, acteurs des ressources humaines, consultants, etc) pour échanger et débattre autour du droit social et de la gestion sociale.

Le CJDS 84 regroupe également notamment les avocats locaux, Bénédicte Anav-Arlaud, Miguel Couralet, Elodie Roche, Elsa Bonetto-Sabri, Philippe Mouret, Olivier Baglio et Henrik De Brier ainsi que la consultante Marie-Laure Baron.

« Un beau défi à relever »

La nouvelle structure entend aussi organiser, à destination d’un public plus large, des événements, des moments d’information et des formations relevant du droit social et de son actualité. Via ses membres, il apportera des contributions dans ses champs d’intérêts chaque fois qu’il sera sollicité. Enfin, le Cercle tissera tous liens utiles et complémentaires avec les administrations, les collectivités et autres partenaires pour développer les thèmes précités.

« C’est un beau défi que nous sommes impatients de relever », expliquent les fondateurs du cercle des juristes en droit social du Vaucluse.

Contact : cercledroitsocial84@gmail.com

https://www.echodumardi.com/tag/juriste/   1/1