16 juin 2025 |

Ecrit par le 16 juin 2025

Liquidation judiciaire et caution du compte courant : important revirement de jurisprudence

Maître Lionel Fouquet nous rappelle que l’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 11 septembre 2024, n° 23-12.695 risque bien de faire couler beaucoup d’encre du moins dans les prétoires.

Pour mémoire, il était acquis que la caution d’un compte courant de société pouvait être appelée sitôt le prononcée de la liquidation judiciaire de la société cautionnée.

Désormais, ce ne sera plus le cas, et la Cour de Cassation rappelle les fondamentaux de la procédure collective pour aligner le régime jurdique de la convention de compte sur le régime général des contrats.

L’arrêt se veut didactique, et la Cour prenant soin d’expliquer les raisons de son revirement :

– Selon l’article L. 641-11-1, I, alinéa 1er, introduit dans le code de commerce par l‘ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture ou du prononcé d’une liquidation judiciaire.

– Ce texte, entré en vigueur le 15 février 2009, a transposé à la liquidation judiciaire les règles identiques résultant de l’article L. 622-13 du code de commerce édictées pour la sauvegarde et rendues applicables au redressement judiciaire par l’article L. 631-14 de ce code.

– Un arrêt de la Cour de cassation a jugé que le compte courant d’une société étant clôturé par l’effet de sa liquidation judiciaire, il en résultait que le solde de ce compte était immédiatement exigible de la caution (Com., 13 décembre 2016, pourvoi n° 14-16.037, Bull.2016, IV, n° 156).

– Cet arrêt, dont la solution n’a pas été reprise par la jurisprudence ultérieure, a suscité critiques et interrogations de la doctrine.

1- En effet, le compte courant non clôturé avant le jugement d’ouverture constitue un contrat en cours, de sorte qu’en l’absence de disposition légale contraire, les textes précités lui sont applicables.

– Dès lors, la jurisprudence rappelée au paragraphe 8 doit être abandonnée. Il convient en conséquence de juger désormais que l’ouverture ou le prononcé d’une liquidation judiciaire n’a pas pour effet d’entraîner la clôture du compte courant du débiteur.

Après avoir énoncé à bon droit que le compte courant étant un contrat en cours, sa résiliation ne pouvait résulter de l’ouverture de la liquidation judiciaire, l’arrêt en a déduit exactement que la clôture du compte n’étant pas intervenue, le solde n’est pas devenu exigible, de sorte que la caution n’est pas tenue.

La portée de cet arrêt est importante pour les banques, lesquelles ne peuvent plus se prévaloir du simple prononcé d’une liquidation judiciaire pour appeler les cautions garantes du fonctionnement du compte courant.

Dans ces conditions, la banque devra s’assurer au préalable que le liquidateur a bien pris l’initiative de résilier le contrat en application des dispositions de l’article L.641-11-1 du code de commerce.

Elle pourra encore tenter de faire usage du paragraphe III de cet article :

« III. – Le contrat en cours est résilié de plein droit : 

1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d’un mois sans réponse. »

Enfin et à tout moment, elle pourra dénoncer les concours octroyés à la société sur le fondement de l’article L313-12 du code monétaire et financier, l’alinéa 2 la dispensant même de respecter le délai de préavis de 60 jours.


Liquidation judiciaire et caution du compte courant : important revirement de jurisprudence

Didier Hotte, ingénieur de formation, chef d’entreprise –Direction générale puis rachat de Somair-Gervat, création d’Hydralians, enseigne de distribution des métiers de l’eau et du paysage- à la retraite, ancien juge au tribunal de commerce d’Avignon, président du Cip 84 de l’Apesa 8407 évoque la prévention en cas de difficultés dans l’entreprise.

«Le CIP –prévenir les difficultés des entreprises- est, au départ, une structure nationale avec des délégations régionales et départementales, créées sous la sous forme d’associations complètement indépendantes, détaille Didier Hotte. Le CIP 84, Centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises en Vaucluse, propose aux chef(fe)s d’entreprise d’être reçus de manière confidentielle, anonyme et gratuite par un trio d’experts : expert-comptable ou commissaire aux comptes ; avocat et ancien juge du tribunal de commerce. Ces trois experts bénévoles reçoivent les chefs d’entreprise pour les aider à anticiper les difficultés et les informer des solutions possibles. Ils renseignent sur les outils et solutions et sur les droits et procédures. En tout, le CIP 84 compte 32 membres : 11 experts-comptables ou commissaires aux comptes, 10 anciens juges du Tribunal de Commerce d’Avignon et 11 avocats. Ces rencontres avec les chefs d’entreprise en demande ont lieu, tous les jeudis, de 14h à 17h, trois fois par mois à Avignon, et une fois par mois à Carpentras. Une équipe de bénévoles dévolue aux chefs d’entreprise en difficultés financières.»

Didier Hotte, Copyright MMH

Comment ça se passe
«Les chefs d’entreprise prennent rendez-vous et s’y rendent avec la personne de leur choix comme un comptable, un conseiller d’entreprise pour venir exposer leur problématique aux trois experts. L’entretien est anonyme, confidentiel et gratuit.»

Comment faire pour ne pas agir avant qu’il ne soit trop tard ?
«Justement, en se préoccupant de faire le point comme l’analyse de la situation qui débute par ‘l’anamnèse’ matérielle, économique et sociale de l’entreprise, soit le recueil d’indices permettant d’établir un début de diagnostic afin de mettre au jour les difficultés.»

Où en est le chiffre d’affaires ?
«En progression, stable ou en baisse et depuis combien de temps. Même chose à propos du carnet de commande, les charges, les résultats. Vient, ensuite, la situation de la trésorerie : l’argent disponible, les relations avec le banquier, l’endettement bancaire, le niveau des dettes fournisseurs, de la dette clients, du niveau des dettes sociales et fiscales. Enfin, l’on examine l’environnement de l’entreprise : le nombre de clients et celui des fournisseurs principaux.»

Le diagnostic
«Les experts interrogent l’entrepreneur sur ce dont il aurait pu faire l’objet comme un contentieux client ou fournisseur ; un redressement fiscal ou social ; la condamnation d’une indemnité importante ; un sinistre important ou encore la mise en œuvre d’une procédure de licenciements. L’ensemble de ces paramètres permet de mettre aux jours les éléments importants qui pourraient potentiellement impacter l’entreprise.»

Copyright Freepik

Au terme de l’entretien
«Au terme de l’entretien les experts peuvent orienter le chef d’entreprise vers des solutions les plus adaptées. S’il ne fallait retenir qu’une chose ? Le chef d’entreprise doit, avant tout, anticiper. Car, hélas, la plupart du temps les dirigeants arrivent trop tard.»

Ce que l’on ne veut pas voir
«Le dirigeant observe des clignotants tels que les retards de paiement d’un ou plusieurs clients, qui vont le conduire à des retards de paiement auprès des organismes sociaux, ce qui génère du stress puis de l’anxiété. Le chef d’entreprise n’est plus en capacité d’honorer ses échéances de fin de mois. Ce sont ces clignotants qui co-agissent sur son comportement. Au niveau légal, une personne en cessation de paiement dispose de 45 jours pour déclarer ses difficultés au tribunal des affaires économiques. En se déclarant à temps, dans ce délai, personne ne peut l’accuser d’avoir fait une faute de gestion personnelle. A contrario, au-delà de 45 jours, le dirigeant peut être pris en faute de gestion et être poursuivi à titre personnel.»

Le rôle du CIP84
«Le rôle du CIP84 est d’attirer l’attention sur toutes ces problématiques et de dédramatiser l’appel au secours du chef d’entreprise, auprès du tribunal commerce car l’instance doit agir comme un véritable protecteur du chef d’entreprise. Ainsi, le chef d’entreprise en difficulté peut se mettre, via le pôle prévention, en protection du président du tribunal ou du président honoraire. Dans les pistes pour aider le chef d’entreprise ? Un des experts peut tout à fait appeler la Banque de France, l’Urssaf ou encore les impôts pour demander un étalement de la dette, dans la mesure où il sent une réelle volonté du chef d’entreprise de s’en sortir.»

Les chiffres
«L’an dernier, en 2024, nous avons traité, pour le Cip 84, 92 dossiers, contre 85 en 2023. A fin mars 2025, nous étions à plus de 35. Là encore, comme pour l’Apesa 8407, nous assistons à un accroissement des demandes des chefs d’entreprise en butte aux difficultés. Nous assistons à tous les cas de figure, avec un redressement de la situation, un étalement de la dette ou lorsqu’il est trop tard une liquidation. Mais à chaque fois, nous conseillons aux dirigeants de se mettre en protection au tribunal de commence, afin de ne pas être poursuivis à titre personnel.»

Les activités fragilisées
«Les activités fragilisées sont les artisans du bâtiment, les métiers de bouche : restauration, fastfoods, bars, les professions paramédicales, professions de beauté et agriculteurs. Ce sont ces mêmes professions qui sont suivies par l’Apesa 8407.»

Les infos pratiques
Cip 84 et Apesa 8407 au 06 11 55 61 97. Contact84@apesa-france.fr et cipvaucluse@gmail.com


Liquidation judiciaire et caution du compte courant : important revirement de jurisprudence

Trois acteurs locaux l’Aharp, Cap habitat et l’AIVS Soligone ont repris, chacun pour une partie, l’activité de l’association Rhéso, structure médico-sociale née en 2007 et dévolue aux personnes en situation de fragilité sociale, économique ou psychologique, avec notamment un accompagnement des femmes victimes de violences conjugales.

Confrontée à des difficultés majeures, l’association Rhéso avait fait l’objet d’une décision de liquidation prononcée par le tribunal des affaires économiques (TAE) d’Avignon le 19 mars 2025. À l’issue de cette audience, le tribunal avait désigné trois associations locales pour reprendre les dispositifs financés par l’État, l’Agence régionale de santé (ARS) et la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) : l’Aharp, Cap habitat et l’AIVS Soligone.

L’association Cap habitat,
Cap habitat, forte de 22 ans d’expérience, reprendra les dispositifs sociaux de Rhéso sur les secteurs d’Orange et de Valréas, en complément de l’offre de reprise de l’Aharp ;

L’AIVS Soligone
prendra en charge l’ensemble des mesures d’accompagnement social vers et dans le logement, consolidant ainsi son expertise sur l’ensemble du territoire vauclusien. L’AIVS Soligone est l’intermédiaire entre des propriétaires désireux de louer des logements en toute sécurité et des ménages aux ressources modestes.

De gauche à droite Sylvie Caulier-Crespo, Luc Crespo, Benoît Filist et Sylvie Martin. Copyright Aharp

L’Aharp (Association pour l’Hébergement, l’Accueil et la Réinsertion en Provence),
L’Aharp, qui exerce son accompagnement depuis 55 ans, aura en charge l’hébergement d’urgence, ainsi que les pôles d’accompagnement des femmes victimes de violences et de santé. La reprise de ces activités s’opérera principalement sur le territoire de Carpentras et, de manière plus ciblée, sur Orange pour le dispositif ‘Toit d’Abord. L’Aharp œuvre dans le cadre de l’accueil de jour, la pension de famille, les lits halte soins santé. C’est aussi un centre d’hébergement et de réinsertion sociale et un centre de formation. En 2024, l’Aharp a accueilli 420 personnes et déploie 282 places d’accueil et d’accompagnement, emploie 59 salariés à temps pleins et partiels et est dotée d’un budget de 5,5M€.

Son conseil d’administration
Son conseil d’administration est composé de trois co-présidents : Rémy Bertaud, Luc Crespo et Sylvie Martin. Trésorier : Luc Crespo. Secrétaire : Sylvie Caulier. 7 administrateurs : Bernadette Guichard, Marie Annick Passebois, Dominique Riberi, Jacques Vincent, Jean François Bijon, Claudie Delauche et Stéphane Castelain.


Liquidation judiciaire et caution du compte courant : important revirement de jurisprudence

Le magasin Zodio de la zone commerciale du Pontet a annoncé qu’il fermait ses portes, suite à des difficultés financières. Cette enseigne fait partie d’une très longue liste qui a vu disparaître en 2023, près d’une dizaine de marques et des milliers de boutiques dans le domaine de l’habillement. Une vrai purge qui semble aujourd’hui ne plus se cantonner au prêt-à-porter. Quel(s) signe(s) faut-il y voir ?

Rien qu’au magasin Zodio du Pontet c’est 64 emplois qui sont menacés. En 2023, des marques comme Camaïeu, Kookaï, Pimkie, Cop.Copine, Go Sport, San Marina, Kaporal, ou encore Burton of London…ont baissé leur rideau. Avec les fermetures de ces magasins, qui pour la plus part d’entre eux faisaient partie du paysage économique de nos villes et aussi de nos centres commerciaux, ce sont des milliers d’emplois qui sont ou seront supprimés. Et le mouvement engagé ne risque pas de s’arrêter de sitôt. Nombre de commerces y compris des indépendants sont aujourd’hui aussi en difficultés.

Visiblement cette frénésie est quelque peu passée de mode

Les sociologues nous dirons qu’une crise comme nous la traversons aujourd’hui, est une période qui génère des prises de conscience et donne naissance à de nouveaux comportements. Ainsi, dans le domaine de la fringue il faut bien admettre que l’offre était bien plus importante que ce qui était possible d’acheter, voire de porter. Rien qu’en France, chaque année, plus de 3 milliards d’articles de mode, soit 50 articles par personne et par an sont mis sur le marché. C’est ce qu’on appelle la « fast fashion ». Un phénomène mondial qui repose sur une production à très faible coût, une offre constamment renouvelée pour des occasions d’achats les plus fréquentes possibles. Visiblement cette frénésie est quelque peu passée de mode. Les « fashions victims » deviendraient-elles plus raisonnables ? En tout cas les adeptes des sites de vente de vêtements de deuxième main sont de plus en plus nombreux. Il existe même une jeune entreprise vauclusienne qui s’est lancée dans l’aventure (www.omaj.fr). Et avec succès. Les crises ont sans doute cet avantage. Même si parfois il faut toucher le fond de la piscine pour remonter.


Liquidation judiciaire et caution du compte courant : important revirement de jurisprudence

C’est terminé pour le journal régional ‘Le Ravi’. Malgré son appel aux dons lancé en mars et mai derniers afin d’assurer sa survie, le mensuel d’enquête et de satire en Provence-Alpes-Côte d’Azur fondé en 2003 dépose le bilan avant sa liquidation. Notre confrère n’a pu finalement que récolter que 65 000€ sur les 100 000€ espérés afin de pérenniser ses activités.

« Garder les bras levés durant 18 années, contre vents et marées, forcément, ça donne souvent des crampes, explique l’équipe du Ravi. Les appels à l’aide répétés du Ravi pour poursuivre sa singulière aventure éditoriale sont presque devenus, au fil des saisons, un gag récurrent. Mais cette fois-ci c’est tristement officiel : de guerre lasse, le mensuel régional pas pareil baisse bel et bien les bras. »

Ne voulant solliciter à nouveau ses lecteurs « frappés eux aussi de plein fouet par la crise », le numéro 208, daté de juillet-août, a donc été le dernier en version papier avant que ‘la Tchatche’, l’association qui édite le journal, soit mise en cessation de paiement car « dans l’incapacité de payer ses salariés, ses charges et ses prestataires » expliquent les membres de la structure. L’association a donc déposé le bilan avant que le tribunal de Marseille prononce rapidement sa liquidation.

Un média impliqué afin de donner la parole à tous
Média citoyen investi dans l’éducation aux médias et les quartiers populaires de la région, le Ravi et ‘la Tchatche’ proposaient également des projets de journalisme participatif. Le mensuel, à l’humour décapant, faisait aussi la part belle au dessinateur de presse tout en privilégiant un journalisme d’investigation, avec le soutien de Mediapart parfois, entraînant de nombreuses inimitiés des politiques régionaux et des collectivités locales.

« Nous défendons toujours la pratique d’un journalisme d’investigation. »

« Nous défendons toujours la pratique d’un journalisme d’investigation, sans concession, l’utilité d’une presse citoyenne impliquée au plus près de celles et ceux qui n’ont pas la parole », rappellent salariés et administrateurs dans un ultime numéro de 4 pages uniquement en version numérique intitulé ‘Numéro (très) spécial’.

« Au-delà de notre disparition, le champ médiatique ressemble à un champ de ruines. Notamment du côté de la presse et des médias pas pareils. Et en particulier en Paca », peut-on également lire dans ce dernier journal de septembre 2022 à parcourir via le lien ci-dessous.

A lire : Le dernier numéro (très) spécial du Ravi de septembre 2022

https://www.echodumardi.com/tag/liquidation/   1/1