1 novembre 2025 |

Ecrit par le 1 novembre 2025

L’eau, un bien commun en danger : appel à la mobilisation dans le Vaucluse et au-delà

Face au dérèglement climatique, la gestion de l’eau devient l’un des enjeux majeurs de notre siècle. Karine Viciana, directrice de la Maison Régionale de l’Eau, tire la sonnette d’alarme et invite à repenser notre rapport à cette ressource vitale.

Parler d’eau aujourd’hui, ce n’est plus seulement parler de rivières ou de nappes phréatiques, c’est parler d’avenir, de solidarité territoriale, de survie. C’est ce que défend Karine Viciana, directrice de la Maison Régionale de l’Eau, association scientifique engagée dans la connaissance et la préservation des milieux aquatiques en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Nous l’avions rencontrée lors du colloque, ‘Faire face à l’enjeu crucial de l’eau organisé par Julien Dezecot, directeur de publication du magazine Sans transition. « C’est la fin de l’eau facile », prévient-elle.

Observer, comprendre… et transmettre
Les équipes de la Maison Régionale de l’Eau arpentent les cours d’eau du sud de la France pour surveiller leur évolution, mesurer l’impact du changement climatique, des pollutions et des pressions humaines. Mais leur mission ne s’arrête pas là : elles rendent ces savoirs accessibles à tous — élus, scolaires, professionnels, citoyens — grâce à des conférences, ateliers et outils pédagogiques.
« La démocratisation des connaissances est une mission d’intérêt général. L’eau nous concerne tous. »

Le Vaucluse face aux extrêmes climatiques
Dans le Vaucluse, comme dans l’ensemble du bassin méditerranéen, les défis sont de taille : sécheresses intenses, orages dévastateurs, inondations violentes. Le climat devient de plus en plus instable, et les territoires doivent s’adapter rapidement.
« On entre dans une ère d’extrêmes. Il va falloir apprendre à vivre avec trop d’eau… ou pas assez. » Et cela implique de revoir nos usages, nos aménagements, nos priorités.

Tourisme, agriculture, industrie : tous concernés
Le tourisme, première économie du littoral, doit évoluer. L’agriculture, elle, est déjà en souffrance : « Même avec de l’hydraulique agricole, si le robinet est à sec, il l’est pour tout le monde. » Et l’industrie, bien que moins directement ciblée par l’association, est touchée à travers des relais comme les Chambres de commerce.
Ce changement d’usage doit être rapide : « Il doit se faire sur moins d’une génération. »

Repenser nos modèles… mais localement
Si Israël est souvent cité comme un modèle en matière de gestion de l’eau, Karine Viciana tempère : « Leur contexte climatique et géologique est très différent. Ce qui fonctionne là-bas ne marchera pas forcément ici. Il faut des solutions sur mesure, adaptées à chaque territoire. »
Ces « bouquets de solutions » devront prendre en compte l’environnement, les activités humaines et la biodiversité, souvent négligée.

Karine Viciana, Copyright MMH

Une eau invisible… et oubliée
Autre sujet brûlant : les eaux souterraines. Peu connues, souvent mal surveillées, elles sont pourtant massivement exploitées.
« On fore, on pompe… mais on ne sait presque rien de leur fonctionnement. Certaines nappes contiennent de l’eau vieille de 30 000 ans. »
Dans la nappe du Miocène, par exemple, plus de 10 000 forages ont été recensés, sans véritable gouvernance collective.
« Il faut arrêter d’agir en ordre dispersé. Ces eaux doivent être gérées comme des biens communs. »

Partager, anticiper, coopérer
La solidarité entre territoires est déjà une réalité : « L’eau de Serre-Ponçon, dans les Alpes, permet à Marseille de boire. » Mais qu’en sera-t-il demain, si les retenues ne se remplissent plus comme avant ? Karine Viciana appelle à une gouvernance apaisée, collective et solidaire de l’eau : entre les secteurs, entre les territoires, entre les générations. L’objectif ? Éviter les conflits et garantir l’accès à tous, y compris à la biodiversité.

Un changement de culture à engager
En filigrane, c’est toute notre culture de l’eau qui doit évoluer. « Ouvrir un robinet, aujourd’hui, semble banal. Mais dans les années 60, il n’y avait de l’eau que deux heures par jour à Toulon. » Revoir notre consommation, adopter la sobriété, rendre à l’eau sa juste valeur : voilà le défi.
L’eau n’est pas inépuisable. Elle n’est plus un luxe évident. Elle est un bien commun à partager, à protéger, à repenser. Collectivement. Et dès maintenant.

Le changement climatique à l’œuvre

L’eau, un bien commun en danger : appel à la mobilisation dans le Vaucluse et au-delà

Mazan – La Boiserie a accueilli un colloque d’une rare intensité sur l’avenir de l’eau. À l’invitation de Julien Dezecot, directeur de la revue Sans-Transition ! scientifiques, élus, entreprises et citoyens se sont réunis pour comprendre les défis posés par la gestion de l’eau et trouver ensemble les voies d’un usage plus sobre et solidaire. Parmi eux la conférencière et ingénieure hydrologue Charlène Descollonges, Karine Viciana, directrice de la Maison régionale de l’eau et Antoine Nicault, écologue et paléoclimatologue du Grec-Sud, Groupe régional d’expert sur le climat en région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur. Un constat clair : le système de l’eau est en crise. le colloque était suivi d’une conférence ouverte au grand public.

Il n’y a pas un problème de l’eau en France, mais une série de crises systémiques : c’est l’un des constats forts posés lors de cette journée par Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue. La France, comme bien d’autres pays, a hérité de pratiques agricoles, urbaines et industrielles qui ont fragilisé ses milieux aquatiques : drainage des zones humides, disparition des haies et prairies, imperméabilisation des sols, rectification des cours d’eau… Résultat : nos territoires sont devenus vulnérables à la fois à la sécheresse et aux inondations.

Charlène Descollonges et Julien Dezécot Copyright MMH

Et ce n’est pas tout
L’eau souterraine, longtemps considérée comme une « banque d’eau infinie », s’épuise à mesure que le climat se réchauffe. L’alerte est appuyée par le dernier rapport de l’Organisation Mondiale de la Météorologie : le grand cycle de l’eau est sérieusement perturbé, et les nappes phréatiques peinent à se recharger.

Qualité de l’eau : une pollution invisible mais persistante
À cette crise de quantité, s’ajoute une crise de qualité. L’eau, même lorsqu’elle coule, n’est pas toujours saine. Polluants agricoles (pesticides, nitrates), résidus médicamenteux, micropolluants, perturbateurs endocriniens… Le cocktail chimique que nous rejetons dans nos rivières et nappes n’est pas encore totalement identifié, mais il inquiète. « On commence à peine à inventorier ce qu’on y trouve, mais les effets sur la santé et la biodiversité sont déjà là », souligne Charlène Descollonges.

Des cartes précises sur l’état de l’eau en Vaucluse

Trois leviers majeurs pour changer la donne
Face à ces constats, des solutions existent, connues, parfois déjà engagées, mais encore trop timides ou dispersées. Trois piliers d’action ont été mis en avant : La sobriété. Pas seulement en période de crise, mais comme stratégie de fond. Cela passe par une réduction des prélèvements dans les nappes et rivières, et un changement de modèle agricole et alimentaire. « Il faut relier l’eau à nos choix de consommation : produire moins de protéines animales, par exemple, c’est aussi consommer moins d’eau », rappelle Charlène Descollonges.

Deuxième pilier : L’adaptation territoriale
Tous les territoires ne peuvent pas adopter les mêmes solutions. Le colloque a mis en avant la nécessité d’une approche locale et sur-mesure, intégrant les réalités géologiques, climatiques et socio-économiques de chaque bassin. L’adaptation passe aussi par la priorisation des usages : « Il faut sanctuariser certaines nappes pour l’eau potable uniquement », propose Charlène Descollonges.

Julien Dezécot, Karine Viciana et Antoine Nicault Copyright MMH

Troisième pilier : La régénération du cycle de l’eau
Concept encore méconnu du grand public, l’hydrologie régénérative consiste à favoriser l’infiltration naturelle de l’eau dans les sols, via des aménagements simples comme la conservation des mares, des zones tampons, des haies… qui permettent de recharger les nappes de façon passive, sans énergie, et de restaurer le rôle éponge des écosystèmes.

Enfin, une gouvernance de l’eau à repenser
Au cœur de cette réflexion, la question démocratique a occupé une place centrale. Le partage équitable de l’eau suppose une gouvernance renouvelée, plus inclusive et anticipatrice. Charlène Descollonges,  appelle à donner une vraie voix aux citoyens dans les décisions : « Ce ne sont pas que des payeurs de facture. Ce sont des acteurs, des habitants, des parties prenantes à part entière. »
Elle propose même une convention citoyenne de l’eau, à l’image de celle pour le climat. Une utopie ? Peut-être. Mais dans un contexte de tension croissante – où les conflits d’usage autour de l’eau se multiplient ; agriculture, industrie, consommation, tourisme… Mieux vaut prévenir que subir.

Copyright MMH

Si on ne change rien…
Les experts sont unanimes : le statu quo mène droit dans le mur. « Si on ne bouge pas, on se prépare à des conflits sociaux majeurs, à des pertes économiques colossales, à des pénuries structurelles », résume Antoine Nicault, du GREC-SUD. Les sécheresses de 2022 et les inondations de 2023 ont déjà laissé des traces. Entre un nord noyé et un sud assoiffé, la France a connu un hiver « coupée en deux ». Ce n’était qu’un avant-goût de ce qui nous attend, selon les intervenants. L’eau est un bien commun précieux, mais elle devient aussi un facteur de risque géopolitique local.

Une opportunité de transformation ?
Malgré la gravité des enjeux, l’ambiance du colloque n’était pas résignée. Au contraire, l’espoir réside dans la mobilisation collective. Des solutions techniques existent. Des initiatives locales inspirantes émergent partout. Reste à leur donner les moyens, le cadre, et l’élan politique nécessaire. « L’eau, c’est le miroir de notre société. La façon dont on l’utilise, dont on la partage, dit tout de notre rapport au vivant, à l’économie, et aux autres », conclut Charlène Descollonges.

Copyright MMH

L’eau n’est plus une ressource illimitée
Ses usages doivent être repensés, régulés, et priorisés. La transition passe par l’adaptation locale, la sobriété, et la participation citoyenne. Les territoires, chacun à leur échelle, ont un rôle à jouer. Une certitude : le futur de l’eau s’écrit dès aujourd’hui et ensemble.

Scientifiques, élus, professionnels de l’eau sont venus écouter et partager les informations sur les enjeux cruciaux de l’eau Copyright MMH

L’eau, un bien commun en danger : appel à la mobilisation dans le Vaucluse et au-delà

Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue et auteure, sur l’invitation de ‘Sans transition ! Temps pro’, donnera une conférence sur ‘Les nécessaires solutions à mener en urgence pour l’eau et le vivant, dans le contexte du changement climatique. La rencontre sera suivie par une table ronde avec les entreprises et les acteurs locaux. Cette soirée d’information et de réflexions partagées aura lieu jeudi 25 septembre à la Boiserie de Mazan.

Entreprises, collectivités, associations, syndicats, associations, organisations locales… tous les acteurs du territoire s’engagent pour davantage prendre en compte la préservation de la ressource dans leurs projets et actions territoriales. Lors de cette rencontre, nous pourrons faire un état des lieux de la ressource sur le territoire (avec la Maison Régionale de l’Eau), dans un contexte de changement climatique (avec le GREC SUD, le Groupe régional d’experts sur le climat en Provence-Alpes-Côte d’Azur).
Cette introduction contextualisée sera suivie d’une table-ronde avec les entreprises et acteurs locaux qui nous partageront leurs solutions, actions concrètes pour préserver la ressource en eau sur le territoire.

En savoir plus
Le groupe régional d’experts sur le climat en région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur (GREC-SUD) a vocation à centraliser, transcrire et partager la connaissance scientifique sur le climat et le changement climatique en région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur.
L’objectif prioritaire du groupe est d’informer les gestionnaires et décideurs du territoire (élus et techniciens des collectivités locales, des espaces protégés, des grands équipements, etc.) dans l’optique d’une meilleure compréhension et d’une prise en compte des résultats scientifiques dans les politiques publiques.

Un cycle de 4 rencontres
Cette conférence est le premier opus d’un cycle de 4 rencontres intitulé « Les pieds dans l’eau » qui se déroule entre septembre 2025 et le printemps 2026, soutenu par le projet européen Leader, porté par le Groupe d’Action Locale (GAL) Ventoux. Un comité d’orientation, composé des acteurs locaux : Le Département de Vaucluse, l’Agence régionale de la biodiversité et de l’environnement, La Chambre régionale des entreprises, France nature environnement de Vaucluse, Le Parc naturel régional du Mont Ventoux, la Radio RCF, L’Agence de l’eau, Soutenir les économies d’eau citoyennes, Volubilis, CPIE Pays de Vaucluse, Chambre des métiers de l’artisanat Paca, Région Sud paca…

Les infos pratiques
Faire face à l’enjeu crucial de l’eau. Les nécessaires solutions à mener d’urgence. Conférence de Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue indépendante, auteure et conférencière spécialiste de l’eau et militante pour le vivant. Sur une initiative de Sans Transition ! Jeudi 25 septembre. 18h. La Boiserie. 150, chemin de Modène à Mazan. Gratuit.


L’eau, un bien commun en danger : appel à la mobilisation dans le Vaucluse et au-delà

L’Isema, école de commerce spécialisée sur les secteurs de la Naturalité et l’Isara, école d’Ingénieur en agronomie, innovation, alimentation et environnement, viennent d’accueillir une conférence-débat sur les grands enjeux de l’eau dans le Vaucluse.

« L’eau est une ressource rare, précieuse, menacée et fait partie des enjeux environnementaux du XXIe siècle », expliquent les organisateurs de ce rendez-vous qui vient de se tenir au campus de l’Isema-Isara dans la zone d’agroparc à Avignon.
A partir de ce constat, le groupe Isara-Isema a donc proposé une soirée ‘Afterwork’ destinée à un public de professionnels, de particuliers et d’étudiants concernés par cette thématique.

A cette occasion, Karine Viciana, directrice de la Maison régionale de l’eau Provence-Alpes-Côte d’Azur, a dressé un état des lieux certes préoccupant avec la hausse des températures, le manque de précipitations notamment dans le Sud de la France, les dangers pour la biodiversité aquatique…une réalité anxiogène mais des solutions existent. En s’appuyant sur le 6è rapport du GIEC elle a aussi dressé la liste d’exemples très concrets pour répondre et s’adapter au changement climatique (économiser, recycler, désimperméabiliser…).

Karine Viciana, directrice de la Maison régionale de l’eau Provence-Alpes-Côte d’Azur, Gaëtan Matard, encadrant maraicher au sein de l’association avignonnaise Semailles, et Jean-François Brun, adjoint au directeur au développement de la Société du canal de Provence, sont intervenus durant cette conférence-débat sur les enjeux de l’eau en Vaucluse.

Pour sa part, Gaëtan Matard, encadrant maraicher au sein de l’association avignonnaise Semailles qui fournit des paniers Bio autour de l’agglomération de la cité des papes a témoigné sur les bonnes pratiques agricoles utilisées sur son exploitation en dressant les stratégies possibles pour mieux gérer la ressource en eau en agriculture (optimisation de l’irrigation, paillage, travail du sol…)

Enfin, Jean-François Brun, adjoint au directeur au développement de la Société du canal de Provence a poursuivi sur l’usage de l’eau dans la Région Sud, les infrastructures, l’approvisionnement de la population et les adaptations nécessaires en lien avec le réchauffement climatique.
« Une soirée riche en informations où chacun a pu échanger avec les intervenants, imaginer des solutions au quotidien », se félicite Isara-Isema.

L.G.

https://www.echodumardi.com/tag/maison-regionale-de-leau/   1/1