18 mai 2024 |

Ecrit par le 18 mai 2024

Vie amoureuse : les effets de la révolution #MeToo se font attendre

Une étude publiée par Harris Interactive pour Xlovecam montre qu’en dépit de la révolution féministe portée par le mouvement #MeToo, la sexualité de la majorité des Français(es) reste marquée du sceau de la domination masculine.

Alors que la majorité des couples hétérosexuels sont encore formés d’hommes plus âgés que leur compagne, cette enquête montre que ce modèle conjugal avec un écart d’âge en faveur de l’homme n’est pas forcément le fruit du désir d’une majorité de la gent féminine.

Si les deux tiers (65%) des nouveaux mariages hétérosexuels en France [INSEE, 2017] unissent une femme plus jeune que son époux, les femmes sont en réalité loin d’être favorables à cette forme de « domination de l’homme par l’âge »[1]: à peine une Française sur quatre (26%) aspire dans l’idéal « à un conjoint plus âgé », soit une proportion plus faible que ce que l’INED pouvait observer dans ses enquêtes des années 50 ou 80[2].

Dans l’idéal, les Françaises expriment plutôt leur préférence pour un partenaire amoureux « du même âge » (à 61%). Mais cette situation égalitaire reste rare au regard du faible nombre de mariages hétérosexuels entre personnes du même âge : à peine 12% des mariages célébrés en 2017 étaient dans cette configuration (contre 23% des mariages où la femme était plus âgée que son conjoint).

Les femmes désirant un conjoint « plus jeune » restent, elles, peu nombreuses (13%) par rapport à la forte proportion d’hommes (34%) qui préféreraient, eux, avoir une conjointe qui soit leur cadette. Or, difficile de ne pas voir dans leur goût pour les femmes jeunes un penchant pour un modèle conjugal traditionnel où, souvent, écart d’âge et écart de revenus y forment les deux piliers de la domination masculine.

Comment expliquer que l’écart d’âge moyen des unions reste aussi déséquilibré alors que les femmes aspirent à un modèle de couple plus égalitaire sur le plan générationnel ?

Cela tient probablement au fait que ces unions sont souvent le fruit d’un compromis qui s’effectue sur des critères d’âge plus masculins que féminins. Mais pourquoi les femmes acceptent des partenaires plus âgés qu’elles ne le souhaiteraient ? Plusieurs facteurs doivent jouer, mais le fait que nombre d’hommes refusent que « la femme domine par l’âge (…) sans doute par crainte d’une infériorisation sociale (…) aussi symbolique soit-elle »[3] ne joue pas en faveur d’une inversion des normes. Par ailleurs, beaucoup de femmes valorisant encore la maturité du conjoint comme un élément de sa « virilité sociale », les personnes de sexe féminin s’avèrent généralement réticentes à toutes perspectives de couple avec un partenaire plus jeune, comme l’a encore montré l’enquête Épic de l’INED (2013-2014).

Enfin, il faut rappeler que les goûts sexuels masculins restent dominés par la recherche de physiques féminin marqués par le sceau de la jeunesse, comme l’illustre bien cette étude montrant que 40% des hommes préfèrent les partenaires sexuels plus jeunes (contre à peine 19% des femmes).

Le coït hétérosexuel reste encore largement à l’initiative de la gent masculine

Chez les personnes en couple, la sexualité conjugale reste largement le fruit d’un désir masculin si l’on en juge par la proportion massive de femmes (70%) qui reconnaissent que c’est leur partenaire qui a le plus souvent envie de faire l’amour.

À peine trois femmes sur dix reconnaissent que c’est elles qui ont le plus souvent envie de faire l’amour dans leur couple, et contrairement à certaines idées reçues, l’initiative féminine est à peine plus forte chez les jeunes femmes de moins de 35 ans (33%) que chez celles âgées de 50 ans et plus (28%).

De même, la diversification du répertoire sexuel au sein du couple s’avère une attente nettement plus masculine que féminine : l’envie d’essayer de nouvelles pratiques sexuelles est deux fois plus forte chez les hommes (49%) que les femmes (28%) sauf chez les jeunes de moins de 35 ans où l’écart entre les deux sexes est moins prononcé (64% chez les jeunes hommes, contre 48% chez les jeunes femmes).

De manière plus générale, les hommes se jugent d’ailleurs plus « entreprenants » que les femmes sur le plan sexuel : 58% des hommes qualifient leur sexualité de « entreprenante », contre 46% des femmes.  Et ces dernières sont d’ailleurs sensiblement moins nombreuses (42%) que les hommes (52%) à juger que leurs rapports sexuels sont diversifiés.

Les femmes prennent toujours moins de plaisir que les hommes

Alors que la moitié des hommes en couple déclarent (53%) avoir systématiquement un orgasme lors d’un rapport sexuel, c’est le cas de seulement une femme sur trois (33%).

Positivons toutefois, puisque ce « gap orgasm » semble se réduire au fil du renouvellement des générations… En effet, si la proportion de personnes ayant un orgasme systématiquement est deux fois plus forte chez les hommes de plus de 50 ans (57%) que chez les femmes du même âge (32%), ce fossé orgasmique est beaucoup plus réduit dans les jeunes générations : 31% des femmes en couple de moins de 35 ans déclarent avoir eu un orgasme systématiquement lors de leur rapport, contre 41% des hommes du même âge.

Et cet « effet de génération » se retrouve dans les caractéristiques des femmes déclarant avoir globalement une sexualité « épanouie ». En effet, si les d’hommes épanouis sexuellement sont aussi nombreux chez les jeunes de moins de 35 ans (72%) que chez les plus de 50 ans (70%), ce n’est pas le cas dans la gent féminine où les jeunes filles sont nettement plus nombreuses à se dire épanouies sur ce plan (77%) que leurs aînées (61%).

Le coït hétérosexuel reste très phallocentré

L’accès des femmes à l’orgasme semble encore freiné par une sexualité de couple encore trop « phallocentrée ». Une des causes des difficultés féminines à atteindre l’orgasme tient sans doute au fait que les techniques de coït les plus pratiquées ne sont pas toujours celles les plus à même de procurer du plaisir à la gent féminine. C’est particulièrement le cas de la pénétration vaginale qui reste de loin l’acte sexuel le plus fréquent – 59% des femmes la pratiquent régulièrement – alors qu’elle n’est pas la plus efficace (cf. étude Ifop -Cam4 2015). Mais c’est aussi le cas de la fellation qui est une pratique sensiblement plus répandue (70%) que le cunnilingus (62%) chez les femmes alors qu’elle est très logiquement moins épanouissante pour elles. Pratique beaucoup plus occasionnelle, la sodomie s’impose quant à elle à un rythme relativement limité (40% des femmes déclarent avoir déjà pratiqué dans leur vie, dont seulement 6% de manière régulière), ce qui tient probablement au fait qu’elle reste un moyen d’accès difficile à l’orgasme : seule une femme sur quatre jouit aisément en explorant le versant anal de sa sexualité (cf. étude Ifop-Cam4 2014).

A noter que la forte prévalence de la pénétration lors du coït ne tient pas qu’aux préférences masculines en la matière, mais aussi au fait que, pour beaucoup, elle n’est pas une pénétration vaginale au sens strict, c’est-à-dire sans autre forme de stimulation.

En effet, s’il faut évidemment relativiser l’opposition désormais désuète entre « orgasme vaginal » et « clitoridien », force est de constater que les femmes qui jouissent avec un partenaire sont aussi nombreuses à avoir un orgasme via une stimulation externe de leur clitoris (39%) que via une stimulation interne de leur vagin (37%). Et lorsqu’elles se masturbent, la proportion de femmes jouissant via une stimulation externe de leurs clitoris est encore plus massive : 69%, contre seulement 9% qui jouissent via une forme de pénétration vaginale.

Le poids de la « culture porn »

Véhiculées par la pornographie, mais aussi le cinéma, la publicité ou les réseaux sociaux, les normes sexuelles et corporelles dominantes ne sont pas sans effet sur la sexualité des Français(es) : nombre de femmes rapportant notamment leur inhibition dans leur rapport au corps (ex : pénis, vulve, épilation) et/ou à la sexualité (ex : pression à la performance).

Près des deux tiers des Françaises (62%) admettent ainsi avoir déjà été complexées par leur corps dans le cadre de leur sexualité, contre moins d’un homme sur deux (47%). Et ces complexes corporels se font particulièrement ressentir chez les jeunes femmes de moins de 35 ans : 51% d’entre elles déclarent avoir actuellement honte de leur corps dans le cadre de leur sexualité, soit deux fois plus que ce que l’on mesure chez les jeunes hommes du même âge (24%).

De même, la reproduction de pratiques sexuelles vues dans des films X – telles que la fellation ou la sodomie – s’avère une source d’anxiété non négligeable dans la gent féminine.

Une majorité de Françaises (51%) déclare avoir déjà été complexée par le fait de ne pas aimer certaines pratiques comme le sexe oral ou anal, soit près du double de ce que l’on observe chez des hommes (30%). L’intégration de pratiques popularisées par le porno dans le répertoire sexuel est donc génératrice d’anxiété chez nombre de femmes qui y voient sans doute un « passage obligé » alors qu’elles n’y trouvent aucune forme d’épanouissement personnel.

La pression à être un « bon coup » pèse plus sur les épaules masculines

En effet, les effets prescriptifs du discours sur l’importance de la réussite sexuelle du couple et de la réciprocité du plaisir dans la relation conjugale ne sont pas sans effets inhibiteurs sur la sexualité des Français : une majorité d’hommes (55%) admettent avoir déjà été complexés à l’idée de ne pas réussir à satisfaire leurs partenaires, contre 41% des femmes.

Une étude dirigée par :
Magalie Gérard, Directrice adjointe du Département Politique – Opinion
Morgane Hauser, Directrice d’études au Département Politique – Opinion
Rosalie Ollivier, Chargée d’études au Département Politique – Opinion

Étude Harris Interactive pour XloveCam réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 6 au 11 mai 2023 auprès d’un échantillon de 1 518 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

[1] Bozon Michel. Les femmes et l’écart d’âge entre conjoints : une domination consentie I. Types d’union et attentes en matière d’écart d’âge. In: Population, 45e année, n°2, 1990 pp. 359.
[2] Cf Alain Girard, Le choix du conjoint. Une enquête psychosociologique en France, Paris, PUF-INED, 70, 1964. ET Michel Bozon et François Héran, Enquête « Formation des couples » (INED 1984) réalisée auprès de 2957 personnes de moins de 45 ans, vivant en couple, mariées ou non.
[3] Bozon Michel. Les femmes et l’écart d’âge entre conjoints : une domination consentie I. Types d’union et attentes en matière d’écart d’âge. In: Population, 45e année, n°2, 1990 pp. 353.


Vie amoureuse : les effets de la révolution #MeToo se font attendre

A l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme qui aura lieu ce mercredi 8 mars 2023, maître Jean-Maxime Courbet, bâtonnier du Barreau d’Avignon a invité ses consoeurs et confrères à prendre la plume pour illustrer le propos.

L’article qui suit, évoquant le harcèlement moral et sexuel a été co-rédigé par Nathy Nicolas, élève avocate et maître Bénédicte Anav-Arlaud, Avocate au Barreau d’Avignon.

« L’actualité récente et nombreuse en matière de harcèlement moral et sexuel sur le lieu de travail a permis de libérer la parole de nombreuses femmes. On peut d’ailleurs constater une grande sévérité des juridictions à l’encontre des auteurs dès lors que les qualifications sont admises.

Rappelons que tout salarié a la possibilité de dénoncer des agissements constitutifs de harcèlement moral ou sexuel et bénéficie d’une protection légale. Dans ce cas, l’employeur, soumis à une obligation légale de sécurité vis-à-vis de ses salariés, doit prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser ces agissements, sanctionner le salarié harceleur et protéger le salarié victime.

L’Entreprise qui ne procède pas à examen de la situation engage sa responsabilité sur le seul terrain de la prévention, peu important d’ailleurs que le harcèlement soit finalement retenu.

DR

Mais que se passe-t-il lorsque les propos ou comportements ambigus, encore bien trop souvent rapportés par les femmes, de toutes formations, ne rentrent pas dans la qualification du harcèlement ?

Ces propos de dévalorisation et de critiques injustifiés fondés uniquement sur le genre. Ces petites violences du quotidien aux effets dévastateurs tels que : des propos intrusifs sur la vie intime, des remarques de fausse bienveillance sur l’apparence ou les rapports avec d’autres collègues.

L’article L.1142-2-1 du Code du travail apporte une réponse intéressante sur le terrain des agissements sexistes :
«Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.»

La jurisprudence a récemment eu l’occasion de juger comme étant constitué au visa de l’article L 1142-2-1du Code du travail le licenciement pour faute grave du salarié persistant malgré des rappels à l’ordre répétés à tenir régulièrement des propos tels que : tels que «Passe sous le bureau », ou «  j’espère que F ne ramènera l’enveloppe avant que je ne la s…» (Soc. 23/06/2021 ; n° 19-22.250).

Jugé également validé le licenciement pour faute simple du salarié qui prend des photos à l’insu des jeunes femmes, déambule dans les rues en prenant leur bras et en chantant des chansons salaces, et qui a eu des gestes déplacés de type caresser le haut de la cuisse d’une stagiaire, prendre la main d’une stagiaire et l’embrasser devant les autres. »
Cours d’appel de Versailles, 6e chambre, 19/12/2019 n°18/05078
MH

Nathy Nicolas, élève avocate

https://www.echodumardi.com/tag/metoo/   1/1