21 août 2025 |

Ecrit par le 21 août 2025

Avignon veut interdire les poids-lourds sur la rocade avant la fin de l’année

Après avoir déjà vainement tenté d’interdire la circulation des poids-lourds en 2022, la municipalité d’Avignon revient à la charge. Cette fois-ci cependant, la mesure se veut plus contraignante. S’il y a 3 ans, le projet d’arrêté entendait limiter la circulation des poids-lourds sur la rocade aux heures de pointe, c’est désormais toute la journée que la Ville veut restreindre l’accès des véhicules lourds à cette ‘autoroute urbaine’ selon la maire de la cité des papes.

Suite à un premier comité technique qui s’est déroulé le 25 juin dernier au cours duquel la direction de la mobilité de la Ville d’Avignon a présenté son nouveau projet, Thierry Suquet, le préfet de Vaucluse, a convoqué une réunion de concertation sur cette intention de limitation de la circulation des poids-lourds sur la rocade Charles de Gaulle. Une mesure déjà réclamée, sans succès, par la municipalité de la cité des papes en 2022. La Ville souhaitait alors interdire la circulation des poids-lourds aux heures de pointes, c’est-à-dire entre 7h et 9h ainsi que 16h et 18h tous les jours.
Cette fois-ci toutefois, la mairie va plus loin et demande une interdiction complète, de 7h à 19h, pour les véhicules de plus de 38 tonnes sur 5 essieux et davantage (voir détail du trafic en toute fin d’article). Cette décision expérimentale, durant une première durée de 1 an, concernerait la partie de la Rocade comprise entre l’avenue de Tarascon et celle de Pierre-Sémard (la route de Marseille).

« J’essaierai d’œuvrer jusqu’au bout de mon mandat pour que nous puissions mettre en place cet arrêté anti poids-lourd. »

Cécile Helle, maire d’Avignon

Pour Cécile Helle, maire d’Avignon, qui a annoncé qu’elle ne briguerait pas un 3e mandat à la tête de la municipalité avignonnaise, il y a donc urgence à mener rapidement à bien ce dossier lui tenant particulièrement à cœur.
« En ce qui me concerne, j’essaierai d’œuvrer jusqu’au bout de mon mandat pour que nous puissions mettre en place cet arrêté anti poids-lourd. Parce qu’il en va d’un enjeu de santé publique pour tous les habitants et particulièrement ceux de la Rocade », insistait-elle lors du conseil municipal du jeudi 26 juin dernier.
Déterminée, la maire d’Avignon n’entend donc pas abandonner les 25 000 riverains, dont 17 000 vivent à moins de 300m, de ce qu’elle considère comme une ‘autoroute urbaine’, quitte à en faire son dernier cheval de bataille avant de rendre son écharpe de maire. C’est dans cette optique, qu’elle a profité de ce comité de pilotage (Copil) pour tenter de rallier le préfet de Vaucluse à sa cause. Pour cela, elle a pu compter sur le soutien du Grand Avignon alors que Michel Bissière a déclaré que la Région Sud qu’il représentait, « ne s’opposerait pas ».

Le Nord des Bouches-du-Rhône vent debout
A l’inverse, c’est sans surprise que les représentants de Terre de Provence agglomération et ceux du Conseil départemental de Bouches-du-Rhône se sont farouchement opposés à cette perspective. Il faut dire qu’entre eux et la Ville ainsi que le Grand Avignon il y a désormais un contentieux sévère sur le blocage de la 2e tranche de la LEO (Liaison Est-Ouest) censée faciliter le contournement Sud d’Avignon.

Les élus du Nord des Bouches-du-Rhône ne veulent pas un report du trafic sur leur territoire. Crédit : DR/Ville d’Avignon/Préfecture de région Paca

Pour les élus du Nord des Bouches-du-Rhône, hors de question de ‘récupérer’ une partie du trafic ainsi détourné. En effet, la mesure entraînerait un surplus de trafic sur le secteur Rognonas-Châteaurenard de près de 600 camions. Cela impacterait plus de 4 400 habitants de cette zone. En contrepartie, 34 261 habitants du bassin de vie (essentiellement sur Avignon, mais aussi 4 085 dans le Gard et 1 500 dans les Bouches-du-Rhône sur l’axe Rognonas-Barbentane) bénéficieraient d’une baisse du trafic poids-lourds à moins de 300 mètres de chez eux.

« La santé publique est pour tout le monde sur tous les territoires. »

Corinne Chabaud, présidente de Terre de Provence agglomération

Pas de quoi émouvoir Corinne Chabaud, présidente de Terre de Provence agglomération, qui déclarait tout récemment sur les ondes de nos confrères d’Ici Vaucluse : « Madame la maire d’Avignon, Cécile Helle, défend la santé de ses habitants comme nous on défend les nôtres. La santé publique est pour tout le monde sur tous les territoires. »
Côté collectivités toujours, les départements du Gard et du Vaucluse se sont montrés plutôt opposés à la mesure. Celui de Vaucluse proposant par ailleurs d’associer à cette réflexion le territoire d’Orange, puisqu’il serait directement affecté par la mesure. En effet, une partie du trafic camions serait reporté entre les autoroutes A7 et A9, où l’échangeur Est-Ouest n’existe toujours pas obligeant actuellement les utilisateurs à sortir à Orange-centre pour rentrer à nouveau sur l’autoroute afin d’accéder à l’A9.

Le monde économique compte faire entendre sa voix
Présente pour la première fois à ce Copil, la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) de Vaucluse a clairement fait savoir qu’une telle décision ne pouvait se prendre sans avoir pris en compte les différentes voix du monde économique. A ce titre, la Chambre consulaire vauclusienne devrait donc participer au futur comité de pilotage sur le sujet. Impactée par l’application de l’interdiction, la CCI du Pays d’Arles devrait être aussi de la partie à l’avenir.
Comme il y a 3 ans maintenant, les professionnels de la route voient d’un très mauvais œil le retour éventuel de cette mesure d’interdiction.
« Notre organisation est dans le même état d’esprit qu’en 2022, explique Jean-Luc Delabre, délégué régional de TLF-Méditerranée (organisme regroupant les représentants régionaux l’union des entreprises de Transport et logistique de France). Si le projet identifié est identique, nos adhérents effectuant des transports de denrées périssables et des transports combinés rail-route estiment de la même façon qu’une telle interdiction mettrait en péril le transport en général et particulièrement le report modal (combiné rail-route) dans le Sud de la France. Ce serait de nouveau un frein incompréhensible dans le cadre de la transition énergétique. »

Synthèse des différents périmètres liés au projet d’arrêté anti-poids-lourds. Crédit : DR/Ville d’Avignon/Préfecture de région Paca

« La solution serait peut-être de déplacer Courtine de l’autre côté de la Durance. »

Jean-Yves Astouin, président de la FNTR Région Sud

Même constat pour Jean-Yves Astouin, président pour la Région Sud de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) : « Ils n’ont toujours pas compris qu’il y avait aucun intérêt à prendre cette décision. »
« La très grande majorité des camions concernés rejoignent la plateforme rail-route de Courtine. Ce sont des caisses avec leur cargaisons que l’on charge ensuite sur des trains afin de rallier Paris ou Lille par le rail. Cela évite d’avoir tous ces camions sur la route le long de la Vallée du Rhône. Avec cette interdiction, on attaque la seule ligne nationale rentable de la SNCF qui accueille 600 à 700 camions en période basse et jusqu’à 1 200 à 1 300 en pleine saison. Si on les empêche d’y accéder, plus personne ne passera par le rail. Le bilan environnemental sera alors désastreux. Finalement, la solution serait peut-être de déplacer Courtine de l’autre côté de la Durance », ironise celui qui est aussi patron de Provence Astouin à Eyragues.

Les perspectives d’interdiction ne le font pas cependant pas sourire quand il voit les conséquences de cette mesure sur l’exemple d’un camion ralliant Courtine au pôle logistique d’Entraigues-sur-la-Sorgue. Aujourd’hui, il faut compter 20 à 45 minutes pour un trajet de 17,7km pour un coût total estimé à 10,48€. Avec son arrêté, la Ville d’Avignon propose deux trajets de reports : l’un par Orange (56,1km pour une durée comprise entre 35 et 55min et un coût de 39,54€), l’autre par Châteaurenard (32,6km, 30 à 55min, 21,81€).

Laurent Garcia

Le trafic sur la rocade en chiffres
Actuellement, le trafic sur la Rocade est estimé entre 28 000 et 36 000 véhicules/jour. Parmi eux, entre 9,2% à 11,4% de camions. Dans le détail, cela représente 3 308 poids-lourds dont 2 338 circulent entre 7h et 19h. Sur cette période, on totalise 1 076 poids-lourds de plus de 38 tonnes concernés par le projet d’interdiction.
Dans le même temps, 17 000 personnes vivent à moins de 300 mètres du tronçon concerné par le projet d’arrêté d’interdiction de la Ville d’Avignon (voir carte ci-dessus). Crédit : DR/Ville d’Avignon/Préfecture de région Paca


Avignon veut interdire les poids-lourds sur la rocade avant la fin de l’année

‘Si les besoins de formation sont en plein boum, la réglementation en fait un marché très étroit où peu d’entreprises sont capables de répondre à la demande.’

Gilbert Cassar,  acteur de référence de la formation dans les métiers du transport, de la logistique, du BTP (Bâtiment et travaux publics), de la sécurité et réseau d’écoles de conduite en Provence-Alpes-Côte d’Azur évoque le marché de la formation. Si la demande explose dans ce secteur, le poids de la règlementation et la chape administrative n’offrent que peu de latitude pour absorber une demande croissante.

«D’après nos propres estimations et en regard des flottes privées et publiques de poids-lourds, il manquerait environ 1 million de chauffeurs en France, précise Gilbert Cassar, Directeur-général d’ECF SPS. En septembre, L’ambassade du Canada a même demandé à la France de lui fournir des chauffeurs routiers pour travailler au Québec. Ainsi, ECF France et ECF SPS Avignon sont diligentées pour évaluer les chauffeurs français ayant postulé à l’ambassade du Canada avant que de leur proposer d’entamer une nouvelle vie là-bas. Le Canada y met d’ailleurs les moyens puisqu’il offre d’accompagner le conjoint dans ses démarches de recherche d’emploi et œuvre à l’installation de la famille afin de fidéliser les futurs salariés.»

Le Brexit

«L’Angleterre est également très en demande, malmenée par un Brexit qui a notoirement ralenti ses propres échanges avec les pays voisins, induit de fortes contraintes administratives liées aux entreprises, fait fuir les chauffeurs routiers étrangers, pâtit d’une vie économique plus chère qu’en France, sans compter le changement de monnaie… Le fret par containers a, dans un même temps, considérablement augmenté alors que le transport de marchandises dans l’intérieur du pays ne peut se faire faute de chauffeurs, carençant durablement l’approvisionnement des entreprises et des particuliers.»

Pénurie de chauffeurs-routiers

«Pourquoi sommes-nous en pénurie de chauffeurs ? Très longtemps notre pays n’a pas beaucoup recruté, nombre d’entreprises choisissant de travailler en ‘cabotage’, c’est-à-dire via une autorisation temporaire accordée par l’Union Européenne pour réaliser une livraison de marchandises dans un autre pays de l’Union et sans passer par l’hexagone. Également, les entreprises formaient parfois des équipages de 2 chauffeurs par camion afin d’effectuer de longs trajets à deux en alternance ce qui permettait de conduire plus longtemps et plus loin, en conformité avec la loi.»

La formation

«Aujourd’hui ? Les Pouvoirs publiques s’inquiètent d’une relance économique plus appuyée que prévue, toutes filières confondues et notamment pour le fret, parce que nous manquons de main d’œuvre. Cela se conjugue à ‘l’effet confinement’ qui a induit des prises de conscience et l’envie pour certains de changer complètement de vie, y compris professionnelle. Ça été le cas dans les secteurs de  l’hôtellerie-restauration, du bâtiment et des chauffeurs routiers, tous désirant consacrer plus de temps à leur famille.»

L’évolution du travail

«Le monde du travail aujourd’hui évolue. Les actifs souhaitent conserver des jours de télétravail, veulent vivre plus en famille. Le travail n’est pas récompensé notamment lorsqu’en restant chez soi ou en étant au chômage l’on gagne tout autant. Si l’on compare l’amplitude horaire des personnes qui travaillent à celles qui gagnent le Smic (Salaire minimum de croissance), ces dernières sont mieux payées que les premières. Une des solutions serait de défavoriser très franchement le non-travail et de revaloriser le travail. Nous ne pourrons pas trouver de personnel motivé pour travailler sans une réforme drastique du chômage.»

Perspectives

«La formation de chauffeurs-routiers va s’intensifier. La problématique ? Le marché reste étroit car même en formant de nouveaux professionnels nous ne pourrons pas répondre à la demande. Autre paramètre ? 100% des chauffeurs formés et reçus n’intègreront pas le métier parce que celui-ci est difficile et réclame un rythme de vie hebdomadaire soutenu. Pour autant, en France, la formation est plutôt très performante.» 

Le marché

«La formation a toujours évolué en fonction des réglementations. Celles-ci sont adoptées puis appliquées, notamment dans les examens liés à des titres professionnels, harmonisées en fonction des nouvelles technologies, comme la digitalisation. C’est le cas notamment pour les FCO (Formation continue obligatoire), Fimo (Formation initiale minimale obligatoire), Caces (certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité) car le chauffeur-livreur, notamment d’une PME (petite et moyenne entreprise) peut avoir besoin du volet logistique de sa profession, pour charger et décharger lui-même son camion.»

Prégnante réglementation

«La réglementation évolue sans fin. Le droit d’entrée dans notre secteur de la formation est très compliqué. Nous sommes, sans cesse, audités, contrôlés, certifiés par des agences indépendantes, compilant par ailleurs les agréments. C’est très franco-français car ces certifications ne sont pas demandées à l’étranger et c’est ce qui complique la mise en concurrence, c’est particulièrement vrai dans l’agroalimentaire. Nous collectionnons les normes et les freins ce que ne font pas les autres pays.»

Le bilan

«Nous sommes bloqués par deux systèmes : le recrutement et la fidélisation du personnel. La concurrence fait son marché dans nos rangs alors, pour contrer ce phénomène, nous revalorisons les salaires. Par ailleurs les prix à la pompe grimpent ce qui induit un surcoût lors des heures de conduites… L’autre frein ? L’administration, la réglementation et le déficit du nombre d’inspecteurs. Difficile d’obtenir assez de jours d’examens car nous ne voulons pas que nos récipiendaires attendent trop longtemps pour passer devant l’examinateur et obtenir titres et examens. Notre bilan ? ECF SPS réalise une progression, chaque année, à deux chiffres. 2019 et 2020 ont été de très bonnes années puisque nous sommes passés de 14 à 17M€ de chiffre d’affaires. 2021 s’est révélée excellente au vu des commandes et des marchés sur le point d’arriver puisque nous atteindront les 20M€ de CA.»

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