4 novembre 2025 |

Ecrit par le 4 novembre 2025

(Vidéo) « Vivre avec l’irréparé » : quand l’ombre se transforme en espérance 

Le jeudi 9 octobre au cinéma Le Capitole Mycinewest au Pontet, Isabelle Le Bourgeois a livré devant un public attentif une conférence intense autour de son essai Vivre avec l’irréparé, récompensé par le Prix Littéraire de la Liberté Intérieure 2024. Un moment de partage, de questionnement et d’ouverture sur l’irréparable et l’irréparé dans nos vies.

La salle du Cinéma Le Capitole s’est faite, ce soir-là, le lieu d’une plongée dans les « abîmes ». Ancienne dirigeante d’entreprise, religieuse, psychanalyste et aumônière de prison (durant 13 ans à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis), Isabelle Le Bourgeois connaît intimement les chemins peu fréquentés de la souffrance et de la réparation. Sa conférence, tenue à l’invitation de la radio RCF Vaucluse, ne s’est pas contentée d’un exposé théorique mais a cultivé la proximité, l’écoute et l’interpellation.

Quand l’irréparable survient
Dès les premiers mots, elle a plongé dans la distinction essentielle de son ouvrage : l’« irréparable » — la mort, l’accident, l’humiliation, l’échec — et l’« irréparé », cette trace laissée par l’irréparable mais qui, par définition, reste ouverte à la réparation. Comme elle l’explique à plusieurs reprises, « la blessure a une dimension définitive, alors que dans l’irréparé, il y a une ouverture, quelque chose est encore possible ».

Soeur Isabelle Le Bourgeois et Jean-Paul Péridon Président de RCF Vaucluse Copyright MMH

La méchanceté, la souffrance, la douleur et le mal
Lors de sa conférence, Isabelle Le Bourgeois replonge dans les questionnements qui l’habitent depuis l’enfance : la méchanceté, la souffrance, la douleur, le mal. « Petite fille, je ne comprenais pas pourquoi le mal agissait sur terre », confie-t-elle. Cette interrogation ne la quittera jamais. À 36 ans, elle bouleverse sa vie : elle quitte son compagnon, son métier de cheffe d’entreprise dans les assurances et entre dans les ordres, après une conversion aussi soudaine que radicale, elle dira même brutale.

Quelle est la place de Jésus dans l’enfer de la Terre ?
« Je voulais être près de Jésus pour comprendre pourquoi le mal agit sur terre », raconte-t-elle. Cette quête de sens la conduit en Amérique latine, au milieu des champs de canne à sucre. Pendant deux ans, elle partage le quotidien des coupeurs de canne et de leurs familles, vivant dans une extrême pauvreté. C’est là, dit-elle, qu’elle tente d’arrimer l’amour de Dieu et la réalité du mal.

La place de l’irréparé
De retour en France, Isabelle Le Bourgeois consacre treize années à l’aumônerie de prison, avant de rejoindre le Contrôle général des lieux de privation de liberté. C’est dans ces espaces qu’elle rencontre ce qu’elle nomme « l’irréparé ». Mais elle évoque aussi un troisième lieu de confrontation : « l’abîme de l’Église », celui où des prédateurs ont détruit des vies, dans un espace qui aurait dû être sûr. « Pourquoi y a-t-il en l’être humain autant de lumière et autant d’ombre ? Pourquoi Dieu permet-il cela ? », s’interroge-t-elle, avant d’ajouter avec certitude : « Et pourtant, je suis sûre qu’il existe. »

Plus de 150 personnes sont venues écouter Soeur Isabelle Le Bourgeois Copyright MMH

Dieu et la psychanalyste
Psychanalyste de formation, Isabelle Le Bourgeois a longtemps écouté « des personnes déposer de trop lourds sacs à dos ». De ces récits de blessures et de souffrance, elle a forgé une notion : l’irréparé. « J’ai écouté l’irréparable, mais je ne me suis pas laissée engloutir par lui. L’irréparé laisse de terribles traces qu’il faut regarder, examiner ensemble », explique-t-elle.

Aux antipodes d’un monde manichéen
Elle met en garde contre une lecture trop simple du monde : « Le piège serait de le couper en deux : les gentils avec Dieu, les méchants de l’autre côté. Tant qu’on n’a pas accepté sa part de responsabilité dans l’irréparable, on ne peut pas travailler sur l’irréparé. » Chacun, selon elle, porte en soi « ces abîmes-là » : la capacité à faire le mal, à le nier, à ne pas pouvoir l’entendre.« Il faut examiner le sac à dos, pièce par pièce, pour qu’il soit moins lourd et comprendre ce qui le constitue », poursuit-elle.

La vie au coeur des coupeurs de canne à sucre
Elle revient aussi sur son séjour au Mexique, marqué par la chaleur écrasante, les bruits et les odeurs d’un hangar partagé avec deux autres sœurs, au cœur de la misère humaine des coupeurs de cannes à sucre et de leurs familles. Ce sera, dit-elle, le lieu de sa deuxième conversion. « Dieu ne déserte aucun millimètre carré de sa création. Il était là, mystérieusement présent, tout comme il est dans les prisons, auprès des hommes condamnés. C’est aussi avec cette humanité-là qu’il faut continuer la route. »

MyCineWest accueillait la conférence de soeur Isabelle Le Bourgeois à l’invitation de RCF Vaucluse Copyright MMH

Eclairer nos ombres pour nous métamorphoser
Enfin, elle conclut, en écho à la parole de Jésus dans l’Évangile :« Je ne suis pas venu pour les biens portants, mais pour les malades. » Pour Isabelle Le Bourgeois, Jésus est descendu aux enfers — non pas dans un au-delà abstrait, mais dans nos propres enfers humains. « Il est remonté avec la puanteur du mal, des atrocités, de la violence. Il remonte l’humanité dans ce qu’elle a de plus abîmé, de plus boueux. Nous sommes au creux de sa main, comme des nouveau-nés, la tête dans sa paume et le corps reposant sur son avant-bras. »
Au-delà du contenu, l’atmosphère de la soirée était de celles où l’on sent que la blessure ne reste pas un tabou. Une salle bien remplie, plus de 150 visages attentifs, des silences soutenus : voilà le décor d’une soirée qui ne se limitait pas à une conférence, mais à un possible réveil intérieur.

S’extraire de l’agitation et du prêt à penser
Dans un monde obsédé par la réparation immédiate, Isabelle Le Bourgeois invite à ralentir, à accueillir, à habiter l’irréparé. Sa conférence au Pontet ne promettait pas la disparition de la douleur mais un nouveau regard sur elle. Être libre, c’est peut-être apprendre à « vivre avec » plutôt qu’à « être débarrassé de ». Et accueillir l’irréparé, c’est enfin s’ouvrir à une vie profonde, marquée mais vivante.
Mireille Hurlin


(Vidéo) « Vivre avec l’irréparé » : quand l’ombre se transforme en espérance 

Depuis l’attaque meurtrière d’un convoi pénitentiaire le 14 mai dans l’Eure, qui a coûté la vie à deux agents et blessé trois autres, les surveillants pénitentiaires français ont entamé un mouvement de blocage des prisons. Ils réclament notamment une amélioration de leur sécurité et de leurs conditions de travail. Ce mouvement se poursuivait ce vendredi, malgré une première réunion deux jours plus tôt entre l’intersyndicale de l’administration pénitentiaire et le ministre de la Justice.

Plusieurs fois épinglé par la Cour européenne des droits de l’homme pour la vétusté et le surpeuplement de ses prisons, dont le taux d’occupation frise les 120 % (deuxième pire taux dans l’UE en 2022, derrière Chypre), le système carcéral français n’est pas non plus le mieux loti en matière d’effectifs. Comme le révèle le dernier rapport sur les prisons européennes du Conseil de l’Europe et de l’Université de Lausanne, on dénombrait un ratio de près de deux détenus (1,7) pour un agent pénitentiaire en France en 2022, soit un taux d’encadrement des prisonniers inférieur à la moyenne européenne (1,5 par personnel). 

Les taux d’encadrement les plus faibles de la région étaient mesurés en Pologne et en Grèce : autour de 2,5 détenus par agent. À l’opposé de l’échelle, les pays européens avec les effectifs pénitentiaires les mieux fournis en rapport à leur population carcérale étaient les Pays-Bas, la Suède et la Norvège, avec un ratio de 0,8 détenu par agent. Cela signifie que l’on trouve plus d’agents pénitentiaires que de détenus dans ces trois pays, réputés notamment pour leurs politiques carcérales prévoyant des moyens conséquents pour la réinsertion des condamnés.

De Tristan Gaudiaut pour Statista


(Vidéo) « Vivre avec l’irréparé » : quand l’ombre se transforme en espérance 

Le 6 juillet 2023, la France était une nouvelle fois condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour la vétusté de ses prisons, trois ans après un jugement historique l’épinglant pour de sévères problèmes de surpopulation carcérale. Saisie par une trentaine de détenus de cinq établissements pénitentiaires de métropole et d’outre-mer, la CEDH avait alors recommandé à l’État d’« envisager l’adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention ». C’est cette fois-ci trois détenus de la prison de Fresnes qui ont obtenu la condamnation de la France pour les conditions de détention qu’ils ont subies. Lorsqu’ils ont saisi la Cour en 2018, le taux de surpopulation dans ce centre pénitentiaire de la banlieue parisienne était de 197%.

D’après les chiffres du ministère de la Justice, sur lesquels se base cette infographie, les prisons de France connaissent une issue quasi-systématique de surpopulation : leur taux d’occupation n’est tombé qu’une fois en dessous des 100% depuis 1990 (en 2001, les établissements pénitentiaires français voient brièvement leur taux d’occupation descendre à 98,4%). Dans sa décision rendue en juillet, la CEDH écrit considérer que les conditions d’emprisonnement en France vont à l’encontre des articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction des traitements inhumains ou dégradants et droit à un recours effectif), notamment « en raison des conditions de détention subies par les requérants du fait de la surpopulation carcérale ». Le pays devra, au total, verser plus de 46.000 euros aux trois plaignants.

Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Valentine Fourreau, Statista.


(Vidéo) « Vivre avec l’irréparé » : quand l’ombre se transforme en espérance 

Ce vendredi 28 juillet, le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti, a inauguré la structure d’accompagnement vers la sortie (SAS) d’Avignon-Le Pontet. L’objectif de ce lieu est double : désengorger les prisons et préparer la réinsertion des détenus.

Construite à côté du centre pénitentiaire du Pontet, la structure d’accompagnement vers la sortie (SAS) d’Avignon-Le Pontet dispose d’une capacité de 120 places pour accueillir, sous le régime de la semi-liberté, des détenus qui purgent de courtes peines ou à qui il reste moins de deux ans de détention. L’objectif du lieu est d’améliorer la réinsertion des détenus, mais l’établissement n’est pas réservé aux seules personnes avec un projet professionnel. Les détenus en fin de droits sociaux ou ayant des problèmes d’addiction à l’alcool ou la drogue peuvent aussi être orientés vers cette structure.

Le centre pénitentiaire du Comtat Venaissin ouvrira en 2026

L’objectif est de mieux accompagner la sortie, mais aussi de désencombrer les prisons. Conçu pour accueillir 650 personnes, le centre pénitentiaire du Pontet héberge actuellement plus de 800 détenues. Ces derniers mois, via leurs syndicats, les agents de la pénitentiaire n’ont cessé d’alerter sur cette surpopulation carcérale et sur les violences à répétition commises entre détenus, mais aussi envers les agents. La création du futur centre pénitentiaire du Comtat Venaissin, à Entraigues-sur-la-Sorgue, devrait également permettre de soulager la prison du Pontet. D’une capacité de 400 places, l’établissement devrait être opérationnel début 2026.

Le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti, inaugure la structure d’accompagnement vers la sortie d’Avignon-Le Pontet © Jérôme Renaud
Discours d’inauguration de la SAS d’Avignon-Le Pontet par le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti © Jérôme Renaud 
Session de questions-réponses avec le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti © Jérôme Renaud

(Vidéo) « Vivre avec l’irréparé » : quand l’ombre se transforme en espérance 

Plus de onze millions de personnes sont actuellement incarcérées dans le monde – dont une grande part aux États-Unis. Selon les données récentes de l’organisation World Prison Brief : on y compte actuellement plus de deux millions de détenus, soit 629 pour 100 000 habitants.

Le nombre de personnes derrière les barreaux est également relativement élevé au Rwanda (580 pour 100 000), en Thaïlande (411) et au Brésil (389). Dans des régimes autoritaires comme la Russie, la Turquie ou l’Iran, on compte également plus de 200 personnes incarcérées pour 100 000 habitants.

À titre de comparaison, la France compte environ 106 détenus pour 100 000 habitants, et le Canada et la Belgique respectivement 104 et 90 comme le montre notre graphique. L’Hexagone se classe ainsi au 139e rang mondial sur 223 pays étudiés.

Dans certains pays comme la Chine, le taux de détention est d’environ 119 personnes pour 100 000 citoyens selon les données officielles, bien que le nombre de prisonniers non déclarés soit probablement bien plus élevé. Les données gouvernementales n’incluent pas les personnes en détention provisoire ou administrative. À cela s’ajoute la situation des Ouïghours chinois, dont environ un million de personnes, essentiellement des musulmans, seraient emprisonnés dans des camps de détention, selon des chiffres relayés par Ouest France.

De Claire Villiers pour Statista


(Vidéo) « Vivre avec l’irréparé » : quand l’ombre se transforme en espérance 

C’est à une bien curieuse invitation-presse que nous avons été conviés vendredi dernier : participer à un Escape Game dans les Archives Départementales de Vaucluse installées depuis 1883 dans la partie nord du Palais des Papes à Avignon.

Un escape game, kesako ?
L’escape game – ou jeu d’évasion grandeur nature – est né au Japon en 2007 et est arrivé en France en 2013. Le concept est simple : enfermé dans une salle avec une équipe de 3 à 6/8 joueurs vous avez 60 minutes pour vous en échapper ou accomplir une mission. Les énigmes font appel à la logique et l’esprit d’équipe et nécessitent coopération et communication pour les résoudre.

Un mot d’ordre : pousser la porte des Archives et venez jouer
Valérie Montluet, responsable des Publics aux Archives Départementales nous a rappelé l’esprit dans lequel ce jeu a été commandé par le Département et réalisé par la société avignonnaise TimeXperience. Parti du constat que les Archives Départementales sont très mal connues du grand public, il s’agissait de l’inciter à pousser cette petite porte au pied de la Tour de la Campane. On croit souvent que c’est réservé aux historiens alors que c’est un service public qui par définition s’adresse à tout le monde. Il s’agissait aussi de «dépoussiérer» l’image de marque des Archives et de capter un public plus jeune. Cependant – et c’est un choix- le jeu est plus axé sur la découverte des bâtiments que sur le contenu des archives. Il y aura d’ailleurs des espaces du Palais accessibles qui ne sont pas ouverts au public habituellement. Point besoin d’être spécialistes ou historiens : juste jouer le jeu de l’observation et de la coopération pour résoudre des énigmes tout en déambulant dans un lieu mémorial.

Trouver la clef pour s’échapper du Palais
Les joueurs disposeront de moins de 60 minutes pour résoudre quatre énigmes, dans quatre lieux : « la Fromagère », la Chapelle Benoît XII, la tour de la Campane, les « Basses-Fosses » et en traversant  quatre époques : le Moyen-âge, la Révolution française, la Révolution industrielle et le XXe siècle. Ils devront récupérer quatre amulettes pour obtenir la clef qui leur permettra de s’échapper du Palais. Un maître  du jeu accompagnera les participants à ces parties gratuites et accessibles aux plus de huit ans.

Nous étions donc une douzaine de journalistes à être «  Piégés dans le Palais des Papes »
Il est difficile de décrire le jeu sans trop dévoiler d’indices ni induire des solutions. Vous dire que l’émotion la plus forte n’est pas forcément dans le jeu mais dans le fait d’être dans ce lieu chargé d’histoire. En effet la partie nord du Palais actuellement occupée par les Archives était la prison, l’ancienne chapelle pontificale servait de promenoir pour les prisonnières au XIXe siècle. Et c’est tout un symbole que d’être immergés dans les magasins d’archives, au milieu des documents, concentrés sur la recherche d’indices pour trouver la clé de la liberté.

Ouvert pour la première fois au public à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine
Les premières séances seront proposées au public les samedi 17 et dimanche 18 septembre de 11h à 19h (dernier départ à 18h). Réservation obligatoire au 04 90 86 16 18.

Ce jeu sera ensuite régulièrement proposé par les Archives départementales, principalement durant les vacances scolaires, et ce jusqu’ en 2024, date de leur déménagement. En effet, logées au sein du Palais depuis 1880, les Archives représentent 25 kilomètres de documents sur supports traditionnels mais bientôt (courant 2025) les données dématérialisées et les archives électroniques prendront toute leur place dans le futur Pôle de recherche et de conservation situé dans le quartier d’ Agroparc.

Archives départementales. Salle de lecture. Du mardi au vendredi de 8h30 à 17h. Palais des Papes. 04 90 86 16 18. http://archives.vaucluse.fr Avignon

https://www.echodumardi.com/tag/prison/   1/1