6 mai 2024 |

Ecrit par le 6 mai 2024

‘La Station Animation’, le studio avignonnais où sont construits les films de demain

Avec la sortie du long métrage ‘Chien et Chat à l’affiche des cinémas depuis une semaine, focus sur le studio La Station Animation, spécialisé dans la fabrication et la création de films d’animation pour la télévision et le cinéma est installé à Avignon depuis plus de trois ans. À l’origine de ce projet, Michel Cortey, fondateur et directeur de production a réussi le pari d’implanter un véritable écosystème dans le domaine de l’animation au sein du Vaucluse.

Mercredi 14 février est sorti le dernier film de Reem Kherici ‘Chien et Chat’ avec Franck Dubosc et Philippe Lacheau. Une comédie qui mêle images réalistes et animation 3D. Ce projet colossal qui est distribué à plus de 500 copies dans tous les cinémas de France n’aurait pu voir le jour sans le travail du studio La Station Animation à Avignon. La société de production a eu la lourde tâche de créer et de rendre vivants les animaux du film, qui tiennent une place prépondérante dans l’intrigue de ce long métrage.

Un studio qui crée et qui produit
Si La station animation s’est si bien imposée dans le paysage du cinéma français, c’est aussi grâce à sa double voir triple casquette : producteur délégué, fabriquant et parfois seulement prestataire. Contrairement à certains de leurs concurrents qui se contentent d’assurer le simple travail d’animation sur un projet externe, le studio vauclusien produit des séries et des longs métrages en démarchant les réalisateurs, scénaristes, écrivains qui sont les fers de lance des projets télévisuels.

Mêlant véritables images et animation 3D, la comédie ‘Chien et chat’ a été distribuée à plus de 500 copies dans les cinémas de France. ©DR

La société a été conçue pour pouvoir assurer toute la chaine de conception d’un film ou d’une série d’animation comme le souligne Michel Cortey, le directeur de production du studio à Avignon « nos capacités de production nous permettent de nous engager et de développer aussi bien la partie créative que sur la chaine de production en 3D et de plus en plus en 2D (…) nous avons un droit de regard sur tout en tant que producteur délégué et parfois exécutif ».

Un modèle économique basé sur la production
Selon Bpifrance, aujourd’hui en France, le secteur de l’industrie culturelle et créative (ICC) génère 110 milliards d’euros. La Station animation y participe à travers son modèle économique fondé en globalité sur la production des projets montés. Depuis son commencement, le studio cherche à être au cœur du système, à monter des plans de financements pour dégager la somme correspondant au coût d’un film ou d’une série « une série en moyenne c’est entre 5 et 8M€ pour un format de 52 épisodes de 11 ou 13 minutes, un film en France c’est entre 15 et 20M€ » précise Michel Cortey.

Un modèle qui permet au studio de production d’assurer un chiffre d’affaires de 5M€ par an. Pour mener à bien ces projets de production, il n’est pas rare que le studio demande la participation des Régions, des chaines télé ou le Centre national du cinéma et de l’image animé.
Comme pour Sahara, un film animé produit et travaillé par la Station animation qui a rencontré un succès important avec plus d’un million d’entrées en 2017, le studio est aussi producteur sur le film de Reem Kherici. Michel Cortey et l’ensemble de la direction du studio seront donc particulièrement attentifs au succès de cette nouvelle sortie.  

Le long métrage d’animation Sahara est sorti en 2017. ©DR

« C’est un film produit par Gaumont et Mandarin Production avec comme partenaires TF1 et Netflix. Le travail d’animation nous a pris deux ans, on produit ce projet donc on a intéressement financier, si on fait 1,5 millions d’entrées voir 2 millions, ça serait fantastique » explique Michel Cortey. « C’est ambitieux mais on croit énormément en ce film, il sort pendant les vacances scolaires donc on croise les doigts. L’objectif c’est d’avoir « Un chien et Chat 2 » qui nous assurerait du travail pour les prochaines années. » conclut-il.

La Station Animation et le sud, une histoire de 15 ans
La naissance de ce studio d’animation dont la mission première est de faire et concevoir des films et des séries d’animation pour la télévision (France TV, Canal +, M6…) s’est faite à Paris il y a un peu plus de vingt ans « on a commencé par des pubs, des jingles pour la télé, on s’est fait connaitre comme ça » se souvient Michel Cortey. Le siège social se trouve d’ailleurs toujours dans la capitale, Michel et toute son équipe sont en contacts permanents et mènent les projets conjointement avec ce studio consœur. Puis ce passionné du 7e art est venu installer le premier studio animation dans le sud « Je suis venu rapidement m’installer à Saint Rémy de Provence avec la volonté de créer un deuxième studio ici en Région Paca car il y avait énormément d’étudiants qui se formaient dans des écoles du territoire ».

La présence de l’école d’animation Supinfocom devenu aujourd’hui l’école Mopa a finalement poussé la Station animation à s’implanter à Arles pendant 10 ans avant que le producteur-associé de la société ne souhaite changer de cap « j’ai senti que l’énergie et la volonté de se développer serait plutôt à Avignon avec l’idée de redynamiser notre projet dans ce territoire de culture » affirme-t-il.

Inspecteur Croquette © La Station Animation

La Station animation, véritable dynamiseur du tissu local
Si la décision de s’implanter dans la cité papale a été prise par Michel Cortey, elle est surtout née d’une rencontre entre le directeur de production et l’ex-chef de projet digital et économie créative de l’agence de développement Vaucluse Provence Attractivité, Loïc Etienne.
Une rencontre qui comme un clin d’œil du destin se fait au festival d’Annecy « il était dans le même état d’esprit que nous, c’est-à-dire développer le potentiel numérique et culturel du Vaucluse. On voulait créer un véritable écosystème autour du tissu local ». 

Plus qu’un soutien, Loïc Etienne accompagnera le studio Station animation dans toutes les démarches jusqu’au choix des locaux. Installé dans des locaux de 150 mètres carré au cœur du centre-ville, la société dispose de tous les aménagements pour accueillir la quinzaine de modeleurs, ‘textureurs’ et quelques ‘setupeurs’ qui travaillent au quotidien pour le studio.

Partie de Campagne © La Station Animation

Des employés qui sont en majorité issus de l’Ecole des nouvelles images créé par Julien Deparis en 2017, situé avenue des sources à Avignon. Guidé par le désir de s’ancrer toujours plus sur et pour le territoire, le studio a noué un partenariat avec l’établissement vauclusien pour accueillir des élèves que ce soit pour des stages comme pour des contrats en sortie d’école « notre idée est clairement de favoriser le dynamisme et le savoir-faire du territoire vauclusien. L’école des nouvelles images est une des meilleures écoles du monde qui a permis l’émergence de très bons réalisateurs et animateurs d’image, tout le monde est gagnant ». 

Comme d’autres camarades à lui, Pierre Étienne Mazet, récemment diplômé de l’école des nouvelles images en tant que modeleur 3D, a pu signer un contrat de 6 mois avec la station animation pour travailler sur le prochain projet de série commandé par TF1. Une véritable chance pour ce jeune d’apprendre et de poursuivre sa formation dans un studio reconnu et près de chez lui.

« Nous avons l’espoir que l’humain reste prépondérant à nos métiers ».

Le Petit Nicolas © La Station Animation

L’avenir entre agrandissement et virage numérique
Si l’actualité la plus importante dans l’immédiat reste la sortie de « Chien et Chat » pour le studio, « station animation » pense à poursuivre son développement, notamment avec la prolifération de projets qui arrive.
Pour y faire face, Michel Cortey pense à déménager pour accueillir des équipes plus importantes et accélérer le rythme de travail « l’idée ça serait de trouver de nouveaux locaux d’ici deux ans, toujours à Avignon pour passer d’un accueil maximal de 30 employés à 50 ».

Face à l’avènement et la démocratisation de l’intelligence artificielle dans le secteur du numérique, le directeur de la production de la société reste attentif « nous avons eu déjà plusieurs réunions sur ce sujet, on sait que certaines tâches d’automatisation vont disparaitre mais nous avons l’espoir que l’humain reste prépondérant à nos métiers ».

Griott & Mungo © La Station Animation

‘La Station Animation’, le studio avignonnais où sont construits les films de demain

Alex Berger, qui vient de donner naissance au ‘Centre de la couleur de Roussillon’ (notre article à lire ici), s’est confié à L’Echo du mardi sur la production audiovisuelle en Vaucluse.

Producteur-concepteur de renom, père de la série ‘Le bureau des légendes’ (série française la plus exportée dans le monde, doit-on le souligner), Alex Berger s’est notamment illustré à travers ses sociétés de production. Lors d’un entretien au sein de l’écomusée Ôkhra dont il est le nouveau président, le ponte du petit écran s’est livré sur la création audiovisuelle en Vaucluse. Notre département, qui offre un vaste décor pour le petit comme le grand écran, ne voit malheureusement pas beaucoup d’équipes de tournage fouler son sol à l’année. Pendant ce temps en Région Occitanie, les productions se multiplient : Demain nous appartient, Ici tout commence, Un si grand soleil…

Le Vaucluse et ses paysages ont pourtant inspiré les cinéastes depuis plus d’un siècle. Dès 1910 était tournée ‘La passerelle tragique’ à l’Isle-sur-la-Sorgue, en 1918, Louis Feuillade réalisait un film muet, ‘Vendémiaire’ sur le Rhône. En 1936, Sacha Guitry filmait ‘Le roman d’un tricheur’ à Cavaillon, en 1937, Michèle Morgan et Jean Gabin étaient à Sarrians pour ‘Gueule d’Amour’ de Jean Grémillon. Et courant 1965, avec Anna Karina et Jean-Paul Belmondo Jean-Luc Godard s’installait à Bonpas pour ‘Pierrot le fou’…

Au-delà du tournage épisodique, comment faire naître une économie locale pérenne et encourager la sédentarité des différents corps de métier en Vaucluse ?

Une histoire de cohérence

« Quel paradoxe de vouloir construire des studios fermés quand on a des décors extérieurs aussi incroyables. Mais pour produire localement des projets audiovisuels, il faut les outils et des infrastructures », explique Alex Berger. Ce dont le Vaucluse a besoin ? Une volonté politique solide « qui se décline sur le terrain, tant dans l’organisation et l’accueil des projets, que dans la formation et les avantages, notamment en matière d’aide ou de fiscalité. » Impulser cette nouvelle économie en Vaucluse représente selon le producteur la meilleure façon de préserver l’environnement et le patrimoine, tout en attirant des compétences et des investisseurs. On ne compte plus les retombées économiques de l’implantation des feuilletons qui représentent un véritable cercle vertueux pour un territoire. Une carte postale est en quelques sortes envoyée chaque soir aux Français via leur écran.

La production audiovisuelle apparaît alors comme « l’extension de la politique touristique. » Les productions ? « Ce sont finalement comme des touristes qui font voyager notre département, notre région partout. » Mais pour ce faire, le Vaucluse doit « être totalement en ligne avec la Région. » La région Occitanie est devenue la 2e région de tournage après l’Île-de-France. Alex Berger explique cette position par la politique régionale « déclinée sur tout le spectre des administrations et des acteurs locaux. » Les vauclusiens ont tout intérêt à comprendre les fondements d’une politique d’accueil attractive en vue d’implanter cette industrie.

« Il faut faciliter la prise de décision, apparaitre comme le meilleur choix d’implantation pour les productions françaises, européennes et mondiales. Quelques années sont nécessaires pour coordonner chaque point d’entrée du territoire avec une offre complète et ainsi faciliter leur venue. Il faut une régularité pour faire éclore une économie, c’est à dire une production sédentarisée comme ‘Plus belle la vie’ à Marseille. »

Le producteur-concepteur Alex Berger ©Samuel Kirszenbaum

Une histoire d’attractivité

Le cadre est posé, découlent alors une ribambelle de réflexions à mener collectivement. « Comment attirer le producteur ? Comment organiser en un seul lieu l’obtention des permis ? Quelles sont les infrastructures et les services proposés : hôtellerie, restauration, catering, artisans pour la construction des décors, gestion de l’environnement, transports, locations de matériaux, plateaux de tournages, post production ‘son-image-effets spéciaux’…? »

Et de rappeler la prouesse des actions entreprises ailleurs : « Ce qui est fait à Marseille, Montpellier, Roubaix ou Tourcoing est compliqué, il y a une vraie concertation de tous les politiques. Tourner un film ne se résume pas à donner un permis. Pour que la structure d’accueil voit le jour, il faut une cohérence absolue de tous les acteurs politiques. Mais aussi, former une équipe à cette politique et nouer les liens avec les acteurs nécessaires.»

‘La belle histoire’ (1992). Scène tournée dans les ocres de Roussilon

Une histoire de formation

« Il est étonnant de constater que dans un département aussi riche en décors naturels, avec un festival de théâtre et du lyrique, on ne trouve pas la formation la plus pointue de France. Où sont les talents : auteurs, scénaristes, techniciens, comédiens ? Propose-t-on des formations pour les métiers de l’audiovisuel localement, en lien avec le rectorat ? Aujourd’hui, les jeunes se forment prioritairement à Paris car c’est la première ville/région de l’audiovisuel en France. Mais d’autres régions se montrent très actives depuis quelques temps, comme les Hauts-de-France avec le Festival séries Mania par exemple. »

L’attractivité est le maître-mot. « Il ne s’agit pas juste de faire comme les autres, il faut dessiner une stratégie cohérente, inclusive, et s’y tenir. Demain, la production se déroulera sans doute en Paca, au-delà de Marseille, ou potentiellement à Cannes. » La formation encourage par ailleurs la sédentarité avec des débouchés d’emploi et attire par la même occasion d’autres métiers de services.

Tournage ‘Grand ciel’, juillet 2019 @Remi Deloche

Une histoire de chef d’orchestre

« Je ne compte plus les personnes qui souhaitent ouvrir une école de scénaristes ou d’auteur-réalisateurs. Regardons ce que propose la SCAD à ses élèves US à Lacoste. » Niché au cœur du Luberon, le village de Lacoste accueille en effet depuis 2002 un campus universitaire américain très réputé, le Savannah College of Art and Design (SCAD), l’une des meilleures écoles d’art aux Etats-Unis. Durant toute l’année, des étudiants en photographie, publicité, architecture ou encore cinéma viennent s’imprégner de la culture française.

« Nous devons intégrer le savoir américain tout en l’adaptant à la réalité du modèle français. D’où l’intérêt de fabriquer des programmes d’enseignement commun et de les étendre via les campus physiques ou numériques. Les enseignants et les personnes issues du métier sont légion dans le Vaucluse ou les départements limitrophes. »

Le vil­lage d’Op­pède-le-Vieux dans ‘Ga­zon Mau­dit’ avec Alain Chabat (1995)

« Nous devons faire comme nous l’avons fait pour la série ‘Le Bureau des légendes’ : montrer que nous avons une stratégie et les gens qualifiés pour l’exécuter. Nous pourrions décider d’aménager une production en Vaucluse, faire écrire des scénaristes locaux, faire jouer des comédiens, faire travailler des techniciens, monter une production locale récurrente. Ce serait un bon amorçage économique. »

Une industrie qui peut rapporter beaucoup au territoire de par son retour sur investissement et les impôts locaux. « Il faut une vision. En Vaucluse, on coche presque toutes les cases, mais il faut un chef d’orchestre, un producteur. On me l’a déjà demandé et j’ai dit oui. Maintenant, existe-t-il la volonté politique d’installer cette économie-là localement ? À nous d’écrire le scénario… »

https://www.echodumardi.com/tag/production-audiovisuelle/   1/1