27 juin 2025 |

Ecrit par le 27 juin 2025

Démoustication de la Camargue : quel bilan depuis son lancement en 2006 ?

Le Département des Bouches-du-Rhône lançait, en 2006, une expérimentation de démoustication de l’embouchure du Grand Rhône. Aujourd’hui, tous les acteurs concernés viennent d’en établir le bilan et apportent des premiers éléments de réponse à cette question en forme de dilemme : comment concilier démoustication « de confort » et respect des écosystèmes naturels ? Les réponses ne sont pas tout-à-fait celles qui étaient attendues…

Si les démoustications d’envergure du littoral méditerranéen ont démarré dans les années 60 avec le développement du tourisme, celle de la Camargue, plus récente, a été lancé sous forme d’une expérimentation à partir de septembre 2006. Initiée par le Conseil Général des Bouches-du-Rhône (aujourd’hui Conseil Départemental), cette mission a été confiée pour sa partie publique à l’EID (Entente Interdépartementale pour la Démoustication du littoral méditerranéen). L’institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes, la Tour du Valat, a également été associée à cette expérimentation conduite sur 2 300 hectares, depuis presque 20 ans. L’objectif était clair : « assurer le contrôle de la population des moustiques afin de protéger en terme de nuisance les agglomérations des Salins-de-Girault et de Port-Saint-Louis-du-Rhône ».

L’expérimentation avait pour mission la réduction des populations de moustiques sans nuire aux équilibres naturels et perturber les zones humides

En Camargue, les mises en eaux des marais, qu’elles soient naturelles ou artificielles, sont à l’origine de la production des moustiques, en moyenne à hauteur de 25 % et jusqu’à 70 % à certaines périodes de l’année. L’expérimentation avait pour mission la réduction des populations de moustiques sans nuire aux équilibres naturels et perturber les zones humides. Pour cela l’EID, a utilisé un larvicide d’origine organique, le B.t.i (Bacillus thuringiensis israëlensis). Les traitements larvicides utilisant des insecticides de type organo-phosphorés insuffisamment sélectifs et surtout hautement toxiques sont aujourd’hui interdits.

Pour tuer les larves (le moyen le plus efficace pour endiguer la prolifération) il faut d’abord les localiser. La lutte engagée par l’EID s’est d’abord concentrée sur l’établissement d’une cartographie des gîtes potentiels de développement des larves, avant l’éventuel traitement au B.t.i (80 % en aérien et 20 % en terrestre) et au suivi environnemental.

Un bilan scientifique contrasté

Le bilan de l’expérimentation a été établi sur la période allant de 2007 à 2011. Si sur les zones traitées les baisses de population de moustiques sont réelles des incidences sur les écosystèmes sont avérées. Concernant la flore, l’utilisation du B.t.i n’a pas d’incidence sur les algues et leur prolifération. Par contre, il y aurait un risque sur un autre insecte, le chironome (mouche ressemblant à un moustique). Une baisse des effectifs a également été observée du côté des libellules. Pour les oiseaux, il a été constaté que les ressources alimentaires et la reproduction étaient affectées. Sans parler des dérangements occasionnés par les traitements qui peuvent également avoir des incidences sur les effectifs de plusieurs espèces.

Un bilan tout aussi contrasté sur le plan sociologique

Des enquêtes d’opinion réalisées auprès de populations résidentes ont montré que la gêne occasionnée par les moustiques était vécue comme forte et que les traitements utilisées étaient jugés, par une très large majorité de personnes, comme efficaces. Cependant, près de la moitié des populations interrogées se prononce pour l’arrêt des traitements et déclarent même vouloir s’y opposer, à la fois pour des raisons liées à la protection de l’environnement et les incidences pour l’homme. La conclusion est claire. Les réponses apportées par le traitement au B.t.i n’est pas la solution idéale compte tenu des incidences sur les écosystèmes et sur les hommes.

Il s’agit d’utiliser des pièges sélectifs qui attirent et capturent les moustiques grâce à l’émission de C02

Le bilan de cette expérimentation établi par les experts invite à s’orienter dans deux directions : agir sur les écosystèmes et en particulier sur une meilleure gestion de l’eau à l’origine de la prolifération des moustiques. Ainsi par exemple, en modifiant les calendriers de mise en eaux des marais (date et fréquence) ont pourrait réduire de manière sensible le développement des populations des insectes ciblés. Ensuite les experts préconisent d’effectuer des traitements mais uniquement dans les zones habitées et sans emploi de pesticides même d’origine organique. Il s’agit d’utiliser des pièges sélectifs qui attirent et capturent les moustiques grâce à l’émission de C02 . Le projet consisterait à installer un réseau de pièges autour des zones habitées. Ce dispositif offre plusieurs avantages : moindre coût, aucun impact sur les milieux naturels et contrôle de tous les insectes piqueurs, incluant le moustique tigre et les arabis.

Ces pièges, comme ceux mis au point par la société Qista à Sénas, dans les Bouches-du-Rhône, permettent également grâce à leur interconnexion d’effectuer des comptages des populations et d’établir des cartographies précises et évolutives. Les données récoltées permettraient également de faire de la prévention. D’abord destinés à de usages domestiques (particuliers ou activités commerciales) ces pièges nouvelle génération développés par Qista sont destinés à équiper l’espace public. Une solution qui utilise les nouvelles technologies loin des pesticides traditionnels dont on connaît dorénavant les effets néfastes pour les écosystèmes et l’homme.

Comment fonctionnent les pièges à moustiques ?

Les pièges qui attirent et détruisent les moustiques et autres insectes piqueurs sont apparus il y a quelques années sur le marché. Initialement destinés aux particuliers, ces pièges attirent les femelles moustiques dans un rayon allant jusqu’à 60 mètres en dégageant du CO2 comme un humain au repos.

Un olfactif à base le plus souvent d’acide lactique ou d’octénol attire la femelle lorsqu’elle arrive à proximité du piège et celle-ci se retrouve aspirée grâce à un ventilateur. Ces pièges ont l’avantage de réduire la gêne là où elle est ressentie sans affecter le fonctionnement (réseau trophique) des écosystèmes naturels.

Contrairement à la démoustication de confort qui ne cible que deux espèces de moustiques, ils sont efficaces contre tous les insectes piqueurs et notamment contre le moustique tigre et le Culex pipiens, qui fréquentent principalement les zones habitées.

Une expérimentation menée au Sambuc en Camargue de 2015 à 2018 a permis de démontrer que ces pièges étaient aussi efficaces que la démoustication au Bti pour réduire la nuisance causée par les moustiques.


Démoustication de la Camargue : quel bilan depuis son lancement en 2006 ?

Le constat est clair avec les dérèglements du climat les moustiques prolifèrent partout dans le monde. Jusqu’alors l’emploi de pesticides était l’unique réponse. Mais leur utilisation montre aujourd’hui toutes leurs limites, y compris sur la santé des hommes. Fort de ce constat plusieurs entrepreneurs se sont lancés dans des solutions alternatives, respectueuses des hommes et de l’environnement. C’est le cas de Qista, installée à Sénas. Mais, la démarche de cette jeune entreprise va bien plus loin…

Dans le monde, un enfant meurt toutes les 5 secondes, d’une maladie infectieuse suite à une piqure de moustique (paludisme et chikungunya principalement). Ce constat fait froid dans le dos, surtout que les quantités de pesticides répandues dans la nature n’ont jamais été aussi importantes. Pire, au moins 80% des moustiques que l’on trouve en Afrique ont développé des résistances aux pesticides, qui rendent ces derniers de moins en moins efficaces. Et certains de ces produits éradiquent aussi les prédateurs des moustiques : hirondelles et chauve-souris, un comble. Donc il est plus que nécessaire de mettre en place des solutions alternatives qui soient efficaces et durables.

Pierre Bellagambi confie sa première borne à la Tour du Valat

Pierre Bellagambi, le créateur de la société Qista, est née à Arles, au milieu des moustiques, comme il aime à préciser. Donc, il connaît le sujet… Dés 2012, il travaille sur un projet de borne anti-moustiques qui n’utilise pas de pesticide, mais un principe de bio-mimétisme. Il s’agit d’attirer les dites bestioles par l’émission de substances naturelles qui ressemblent aux molécules émises par la respiration et la transpiration de l’homme. Une fois alléchée par ces effluves faites de CO2 et d’un leurre olfactif dont la maison a le secret, les moustiques sont aspirés par la machine, et ils meurent par déshydratation.

docteur Mélanie Dahoui, entomologiste et parasitologue ©DB

Pierre Bellagambi confie sa première borne à la Tour du Valat, le célèbre institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes, installé en Camargue au milieu des dits insectes. Le test fût concluant. En 2014, Pierre décide de créer sa société et de se lancer dans l’aventure. D’abord installée à Saint-Rémy-de-Provence et ensuite à Aix-en-Provence (technopole de l’Arbois-Méditerranée) son entreprise est implantée, depuis 2021, à Sénas. Une position stratégique située à proximité de l’autoroute A 7. « La mairie nous a bien accompagné dans notre installation » précise, Pierre Bellagambi.

L’entreprise annonce qu’elle disposera très prochainement d’une boutique en ligne sur Amazon

Qista compte aujourd’hui 60 salariés et devrait, en 2024, réaliser un CA de l’ordre de 6 M€, dont 25 % à l’exportation. Pierre Bellagambi, son créateur s’est associé au fond d’investissement de Thierry Dassault. L’entreprise qui a bénéficié du plan France Relance est aujourd’hui en phase de bouclage d’une levée de fond de 5 M€ pour poursuivre son développement. L’entreprise annonce qu’elle disposera très prochainement d’une boutique en ligne sur Amazon. Qista , qui souhaite conserver son indépendance et avoir la maitrise sur l’ensemble de son processus de production et de commercialisation, ne sous-traite quasiment aucune fonction. Tout est conçu, fabriqué et distribué depuis Sénas. Du vrai made in France à 100 %. L’entreprise est détenteur de 3 brevets et dispose de son propre service de R&D avec un laboratoire où travaillent plusieurs scientifiques, dont le docteur Mélanie Dahoui, entomologiste et parasitologue. 

l’atelier d’assemblage ©DB

Aujourd’hui, Qista a vendu et installé 13 000 machines partout dans le monde. Ses clients sont à 60 % des particuliers. L’entreprise développe toute une gamme de bornes avec une entrée de gamme à moins de 1 000€. D’autres marchés s’ouvrent à elle, notamment celui des collectivités. Ainsi, récemment les villes de Hyères et de Libourne se sont équipées respectivement 425 et 100 bornes pour protéger les zones publiques comme les squares, les écoles, les marchés, les maisons de retraite ou encore les proximités des cimetières (à cause de l’eau des fleurs des tombes…).

Si un tel équipement représente un certain investissement son utilisation est bien moins couteuse et sans impact sur l’environnement que l’emploi de pesticides. 1 gramme de leurre et 10 Kg de CO2 permettent de traiter un hectare sur deux mois avec un coût estimé 5 fois moindre que les pesticides.

Pierre Bellagambi PDG de Qista ©DB

Une borne intelligente

Certaines des bornes développées par Qista sont plus que des simples pièges à moustiques. Elles ne se contentent pas de les éliminer, elles les comptent et transmettent ses données à Qista qui se constitue peu à peu un observatoire de l’évolution des populations de moustiques. « Elle est la seule à faire cela » précise non sans une certaine fierté Pierre Bellagambi. Des données très précieuses pour prévenir et éradiquer avec précision. L’OMS s’intéresse d’ailleurs à ces données, qui peuvent être croisées avec les conditions climatiques et leurs évolutions. Les corrélations sont plus qu’intéressantes. Pour le PDG de l’entreprise la lutte contre la prolifération des moustiques c’est aussi avoir accès à ce type d’informations.

©DB

Qista aux Jeux Olympiques

Qista été choisie par l’organisateur des épreuves d’équitation des jeux olympiques qui se tiendront dans l’enceinte du château de Versailles. Il s’agit de protéger les chevaux d’éventuels moustiques porteurs de maladies. Pour Qista c’est sans doute une très belle médaille, une de plus qui vient s’ajouter aux très nombreuses récompenses et prix reçus par l’entreprise pour ses innovations et sa démarche en faveur de l’environnement. Un vrai champion !

Pour en savoir plus : qista.com

https://www.echodumardi.com/tag/qista/   1/1