L’Institut de Recherche en Sémiochimie et Éthologie Appliquée (IRSEA), basé à Apt et spécialisé dans l’étude du comportement des animaux et de l’homme, de leurs interactions et particulièrement de leur communication chimique, fête ses 30 ans cette année. De la naissance des premiers produits dans une cuisine au dépôt de plus de 400 brevets, comment l’IRSEA est-il devenu un institut de recherche reconnu à l’internationale ?
Pour célébrer 30 ans de passion, d’innovation, et de développement, le groupe IRSEA, situé à Apt, a organisé une journée d’anniversaire durant laquelle amis, professionnels, ou encore élus, ont pu découvrir le travail de l’institut. Au programme : visite de laboratoires, rencontre avec les chercheurs, et pour terminer, un spectacle équestre aux Écuries des Moucans, aussi à Apt.
« À l’IRSEA, on ne fait rien de normal, donc on ne pouvait pas proposer une visite normale », a déclaré avec une pointe d’humour Patrick Pageat, président et fondateur de l’institut de recherche.
Les axes de recherche de l’institut
Répartis en petits groupes guidés par les collaborateurs de l’IRSEA, les invités ont pu assister à plusieurs ateliers, tout au long de la journée, pour découvrir les différents départements de l’institut :
- Histologie et communication chimique
- Microscopie, toxicologie et communication chimique
- Gestion des données et statistiques
- Biologie moléculaire et communication chimique
- Chimie
- Entomologie
- Microbiologie et communication chimique
- IA & bioinformatique
- Éthologie, bien-être animal
- Éthologie, physiologie et communication chimique
Au travers de ces différentes spécialités, les chercheurs contribuent à affiner les recherches de l’institut. Ils cherchent tout d’abord à comprendre les comportements des animaux afin d’améliorer leur bien-être. « L’IRSEA ne travaille jamais à la recherche de solutions coercitives, des méthodes d’éradication, mais plutôt de cohabitation », explique Patrick Pageat. Les chercheurs étudient aussi les communications sémiochimiques, à savoir les substances chimiques émises par les différents organismes dans l’environnement et qui servent de signaux entre les êtres vivants. Pour mieux comprendre ces communications, les collaborateurs de l’institut travaillent sur la biologie moléculaire ainsi que sur la biologie tissulaire, qui leur permet de saisir les altérations pouvant affecter les structures de détection de ces signaux appelés ‘sémiochimiques’.
Des recherches débutées il y a 30 ans
Mais avant que l’IRSEA ne devienne ce qu’il est aujourd’hui, il faut revenir quelques décennies en arrière. Alors que Patrick Pageat est encore étudiant pour devenir vétérinaire, il découvre les œuvres du biologiste Konrad Lorenz, qui étudiait les comportements des animaux sauvages et domestiques. « J’étais passionné par les insectes, donc j’ai commencé à étudier leur comportement comme le faisait Lorenz avec les animaux. » Il a donc fait des recherches sur les menthes religieuses qui lui ont valu l’obtention du Prix Scientifique Philips pour les jeunes en 1981.
« Les débuts de l’IRSEA ressemblent à une histoire pour les enfants : j’ai fabriqué les premiers produits dans ma cuisine avec l’aide de mon épouse à qui j’avais promis qu’il n’y avait rien de toxique. »
Patrick Pageat
Pour sa thèse de doctorat, Patrick Pageat a choisi de s’orienter vers les troubles du comportement animalier. « Quand j’ai commencé à aller en clinique, je voyais des chiens et des chats qui venaient parce qu’ils mordaient, ils griffaient, ils mangeaient le mobilier, développe-t-il. C’était à une époque où l’on préconisait d’arracher les crocs des chiens qui mordaient ou encore d’enlever la dernière phalange des chats qui griffaient. » C’est dans cette continuité qu’il a commencé à élaborer ses premiers produits dans sa propre cuisine, pour apaiser les chats en utilisant les signaux naturels qu’ils produisent, avant de quitter la capitale pour s’installer près d’Apt, où la femme qui partage sa vie a grandi, pour créer son laboratoire.


100 collaborateurs
Le fondateur de l’IRSEA a ensuite étendu ses recherches à d’autres espèces comme le porc, le chien, le lapin, ou encore l’être humain. « L’année prochaine, ou 2027 au plus tard, on mettra sur le marché la première phéromone humaine, qui est une phéromone maternelle qui a un anxiolytique sans effet secondaire », ajoute-t-il.
« Chaque personne apporte son savoir-faire, ce qui permet de construire des projets solides dès le début. »
Patrick Pageat
Peu à peu, les recherches se sont étoffées et l’équipe s’est agrandie. À l’arrivée d’Alessandro Cozzi, directeur général du groupe, en 2008, ils étaient seulement 12. Aujourd’hui, le groupe IRSEA, qui comprend l’institut de recherche éponyme, la société Signs qui s’occupe de la commercialisation des produits, et les écuries des Moucans, compte une centaine de collaborateurs. Situé initialement à Saint-Saturnin-lès-Apt, l’institut a dû trouver des locaux plus grands et s’est donc installé à Apt. Cette croissance a notamment été possible grâce aux dépôts de brevets. Aujourd’hui, l’IRSEA en comptabilise plus de 400.

L’institut de recherche s’inspire du monde qui l’entoure
Si au travers de ses recherches, l’IRSEA souhaite mieux comprendre le monde vivant, c’est pour améliorer la cohabitation entre les espèces, tout en s’adaptant à chacune d’entre elles, dans un objectif de respect du bien-être animal. « Par exemple, on a présenté récemment des résultats dans un congrès international sur le loup, développe Patrick Pageat. L’idée, c’est de travailler sur le comportement des moutons pour qu’ils restent en paquet pour faire face au loup, et aussi de donner des informations au loup pour lui indiquer que c’est une mauvaise idée de s’attaquer aux moutons. Et comme ils mangent moins de moutons, ils se reproduisent moins et donc engendrent moins de dégâts. »
C’est donc avec le biomimétisme, c’est-à-dire en se basant sur les phéromones de chaque espèce que l’institut de recherche élabore ses produits, qui permettent de maintenir l’équilibre de chaque espèce, mais aussi celui des relations entre espèces. Le respect du bien-être animal est une priorité pour l’IRSEA qui réduit au maximum les tests effectués sur les animaux. Ceux-ci évoluent d’ailleurs dans des lieux qui favorisent leur quiétude. « Une fois le travail fini avec les animaux, ils bénéficient d’une retraite paisible, soit sur place, soit dans une famille adoptive », explique Sara Fuochi, chercheuse au département Éthique, Législation et Bien-Être animal.
Un institut de transmission
Si Patrick Pageat a créé ses premiers produits et l’IRSEA avec l’aide de sa femme, l’entreprise est encore à l’heure actuelle une affaire familiale, même si l’équipe a bien grandi. Aujourd’hui, leurs enfants et leurs gendres ont aussi rejoint l’entreprise. Le directeur général Alessandro Cozzi compte aussi sa femme parmi les collaborateurs de l’institut.
« La mission principale de l’IRSEA, c’est la recherche fondamentale appliquée, mais aussi l’enseignement et la transmission. »
Patrick Pageat
Si la transmission se fait par la famille à l’IRSEA, il se fait aussi par les jeunes qui effectuent leur stage ou apprentissage à l’institut. Nombre d’entre eux sont embauchés par la suite. « Bien sûr, l’objectif, c’est d’abord d’enseigner, puis après, chacun choisi de faire son chemin comme il l’entend, explique Alessandro Cozzi. Quand on peut les embaucher, c’est tout aussi bien parce qu’ils connaissent déjà les rouages de l’entreprise, et pourquoi casser quelque chose qui fonctionne bien ? »
La technologie et l’innovation au service de la science
L’IRSEA se positionne, avec ses produits et ses recherches, comme pilier de l’innovation en termes de communication du monde vivant. Au fil des décennies, l’institut a dû s’adapter aux différentes évolutions, notamment en matière de technologie. Ainsi a été créé le département de la bioinformatique, qui permet d’étudier l’invisible, à savoir la structure des molécules, notamment grâce à l’usage de l’intelligence artificielle, qui mime l’intelligence humaine par le biais d’un réseau de neurones. « La bioinformatique permet un gain de temps, des économies, c’est prédictif et évolutif », explique Aurore Lamy, ingénieure de recherche en bioinformatique à l’IRSEA.
L’institut évolue donc avec son environnement. En 2020, alors que sévissait le Covid-19, l’IRSEA travaillait sur l’identification des molécules capables d’inhiber la réplication du virus. Il travaille aussi sur les taux de reproduction des moustiques et leurs taux de mutation afin de les diminuer et donc de réduire la transmission de certaines maladies. À l’avenir, l’IRSEA aimerait développer la thérapie par les animaux, tout en veillant à ce que ces derniers aient un équilibre émotionnel psychologique parfait, et ne priorisent pas la santé de l’être humain au détriment de leur propre santé. Parmi tous ces projets, l’objectif reste le même depuis 30 ans : mieux comprendre les comportements des différents espèces afin de favoriser la cohabitation entre elles.

