Blanche ou l’Odyssée d’une vie, un personnage hors norme à rencontrer le soir à Présence Pasteur
La Compagnie basque Hecho en casa a planté le décor cette année dans la grande salle du gymnase de Présence Pasteur. Le public est installé sur des gradins de part et d’autres d’une grande table de ferme qui servira de plateau pour nous servir… l’histoire d’une vie peu commune.
Née en 1922, Blanche est une petite vieille espiègle et fort sympathique même si quelquefois son sourire cache des grimaces équivoques. Elle nous invite au grand banquet de sa vie. Cette fiction librement inspirée par la propre épopée familiale de l’autrice et comédienne Mélanie Vinolo nous touche immédiatement tant son appétit de vivre et de jouer est communicatif.
Le fil conducteur de ce spectacle est la recette du bonheur
Sa vie n’a pas toujours été facile : le travail à la ferme avec les corvées, le départ pour la guerre de son frère adoré, sa mère sévère face à une tante plus magnanime, ses lectures de Boris Vian ou de Lorca, l’émotion du premier baiser, le départ vers la capitale. Sa mémoire vacille, les fantômes du passé surgissent de l’armoire quand ce n’est pas l’infirmier de la maison de retraite où elle vit désormais qui la ramène à une réalité dont elle veut s’évader : l’heure est venue en effet de tirer sa révérence, mais Blanche veut nous faire un dernier cadeau et soigner son départ. En cuisinant une improbable soupe aux légumes, elle compte bien nous donner une ultime recette de vie. De l’action surgit un souvenir, d’un regard une anecdote fuse, et en un tour de cuillère à pot, entre farine, neige ou plumes, l’histoire d’un siècle est reconstituée avec tendresse.
Une mise en scène intuitive qui reconstitue le puzzle d’une mémoire vacillante
La grande table sert de lieu d’ancrage. On y mange, on y danse, on y dort, c’est un quai de gare ou le toit de la grange. Elle conduit vers la grande armoire qui recèle tous les secrets d’une vie et dont les portes libèrent la mémoire de Blanche. Les trois autres comédiens qui jouent plusieurs rôles excellents dans des registres très divers. Une soirée pimentée, mais néanmoins poétique.
Jusqu’au 21 juillet. Relâche le 15. 22h. 8 à 19€. Présence Pasteur. 13 rue du Pont de Trouca. Avignon. 04 32 74 18 54.
Blanche ou l’Odyssée d’une vie, un personnage hors norme à rencontrer le soir à Présence Pasteur
Dans le gymnase du lycée Mistral, les sierras d’Argentine se détachent sur un voile blanc et les sonnailles des troupeaux évoquent déjà le rassemblement et la réconciliation annoncée.
Tiziano Cruz, auteur et interprète de Wayqeycuna a choisi de clore sa trilogie (Adios Matepac et Soliloquio) commencée en 2022 à la mort de sa sœur et nous ramène dans son pays, après 25 ans d’absence. Il pose là un acte politique fort en renouant avec sa communauté du nord de l’Argentine par la langue « le quechua » et par ses traditions : le partage du pain.
Retour aux origines
Il alterne un discours frontal où il nous offre son corps et son âme en habit traditionnel ou un discours beaucoup plus politique et engagé avec les « sans dents » d’un monde qui se meurt dans un capitalisme décomplexé. La poésie et l’émotion affleurent continuellement, servis par un texte fort, un propos incisif atténué par un film d’une grande beauté où les moutons semblent s’envoler dans les brumes de ses montagnes andines. Dos tourné, Tiziano devient notre guide spirituel face à l’écran.
Un adieu qui est une fête
À la fin du spectacle, il distribue du pain fabriqué lors de deux ateliers. Le pain est un symbole important pour l’artiste, car porteur d’une culture et d’un savoir-faire ancestral propre à sa communauté du nord de l’Argentine. Et là, il peut sourire et laisser éclater sa joie d’avoir partagé ce moment autobiographique.
Samedi 13 juillet. 11h. Dimanche 14 juillet. 11h et 18h. Gymnase du Lycée Mistral. Entrée boulevard Raspail. Festival d’Avignon. Cloître Saint-Louis, 20 rue du Portail Boquier, Avignon. 04 90 27 66 50.
Blanche ou l’Odyssée d’une vie, un personnage hors norme à rencontrer le soir à Présence Pasteur
La semaine de tous les dangers est derrière nous : plus d’école, plus de vent et de pluie, plus d’élections. La crainte de désertion du public pour cette première semaine de festival atypique s’est avérée infondée : le public est au rendez-vous et la qualité des spectacles aussi.
La Cour d’honneur, lieu d’émotion, de débat et de combat pour convoquer ou chasser les fantômes du passé, c’est selon
Le public ne s’imaginait peut-être pas venir deux fois, la même semaine, dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes : pour voir Dämon, el funeral de Bergman d’Angelica Liddell et assister de minuit à l’aube à la ‘Nuit d’Avignon’, événement totalement imprévu, mais nécessaire face à la menace de l’extrême droite aux élections législatives. La performeuse Angelica Liddell a eu – ça devient une habitude risible — ses détracteurs habituels. Elle a pourtant fait l’unanimité publique et critique tant sa performance force l’admiration de courage, de générosité et de clairvoyance.
En invoquant la peur de la mort, de la vieillesse et le fantôme d’Ingmar Bergman qu’elle admire depuis l’adolescence, Angelica Liddell atteint au-delà de sa performance les sphères du Sacré. La Nuit d’Avignon était plus pragmatique — quand ce n’est pas ennuyeuse avec quelques discours institutionnels nécessaires mais conventionnels — mais la mobilisation sans précédent des artistes du Festival et du public a permis une belle nuit de concorde et de réconciliation, unis dans un « même îlot de fraternité » contre les fantômes du passé. L’heure était à la fête malgré la gravité du moment.
Dans l’écrin de la carrière de Boulbon, la Comédie Française a déployé tous ses atouts
Quel bonheur assurément pour l’auteur et metteur en scène Tiago Rodrigues de créer son dernier spectacle Hécube, pas hécube dans ce lieu magique avec les magnifiques acteurs de la Comédie française. Le directeur du Festival d’Avignon n’a pas son pareil pour construire des histoires simples et compréhensibles tout en les raccrochant à la tragédie grecque. Il dit volontiers aimer écrire « entre les lignes des géants. »
On connaît de lui dans ce registre l’adaptation de la Cerisaie, d’Antoine et Cléopâtre ou d’Iphigénie. Dans cet espace minéral, le huis clos qui se joue est double : nous assistons à la répétition d’Hécube d’Euripide et entrons dans un même temps dans la salle d’un tribunal où se tient le procès de l’institution accusée d’avoir maltraité le fils autiste de Nadia. Nadia est comédienne et répète son rôle d’Hécube et tout se brouille… Le ton est donné dès la première scène : le chœur antique « on a le temps, on est large », faisant allusion à la première qui doit avoir lieu dans une dizaine de jours, l’humour de Denis Podalysdes qui fait mouche en répétant inlassablement « Hécube méritait mieux », l’angoisse de Loic Corbery de ne pas être prêt. Elsa Lepoivre est somptueuse dans le rôle d’Hécube et de Nadia écrit spécialement pour elle.
Une belle surprise que ce Mothers, a song for wartime
La Cour du Palais des Papes était particulièrement adaptée pour faire résonner les voix de ces 21 femmes rescapées de conflits armés. Chants traditionnels et rituels, mais surtout témoignages bruts et néanmoins sobres pour nommer les violences faîtes aux femmes en temps de guerre. Quand chaque femme s’extirpe du chœur, du groupe pour se présenter simplement, leur courage force l’admiration. La metteuse en scène polonaise Marta Gornicka, en réunissant ces survivantes de 9 à 72 ans, nous envoie un message incroyable d’espoir et de résilience Elle replace ainsi le spectacle vivant au cœur de sa mission de résistance et de débats.
DR
À suivre pour les autres spectacles …..
Infos pratiques : Carte Festival. 25€. Demandeur d’emploi. 1€. Professionnel du spectacle vivant. 20€. Carte 3 Clés. 1€. réservée au moins de 25 ans. Ou étudiant. Bénéficiaire des minima sociaux. Billetterie : festival-avignon.com Festival d’Avignon. Cloître Saint-Louis, 20 rue du Portail Boquier, Avignon. 04 90 27 66 50.
Blanche ou l’Odyssée d’une vie, un personnage hors norme à rencontrer le soir à Présence Pasteur
Il ne vous reste que les mardi 9 et mercredi 10 juillet pour découvrir cet ovni réjouissant de théâtre contemporain : un entrelacs de La Dispute et de L’Épreuve de Marivaux à la sauce Robin Ormond, metteur en scène dramaturge à l’académie de la Comédie Française.
De la Dispute, le metteur en scène a retenu l’expérience machiavélique du Prince : quatre enfants, deux garçons et deux filles, sont élevés loin de tout, étrangers les uns aux autres… Ici, les personnages vivent en colocation dans un immeuble parisien. De L’Épreuve, on garde le stratagème élaboré par Lucidor afin de connaître la valeur de l’amour que lui voue Angélique. Ensuite, le spectateur est libre de se perdre ou pas, de se raccrocher à ces deux histoires ou de se laisser porter par cette adaptation très libre de Marivaux, servie par de jeunes comédiens inspirés.
Une histoire d’amour et de manipulation entre 2 temporalités et repères spatiaux
Création sonore venant des bas fonds, voile noir partageant la scène, costumes, débit rapide mais précis, tout concourt à entretenir un trouble et à nous placer, nous spectateurs, dans un entredeux pas forcément confortable, où on se perd un peu, mais n’est-ce pas voulu ? L’exercice est brillant, le montage original, les dialogues réjouissants (même si on en perd un peu tant le débit cher à Marivaux est rapide), un deux-en-un efficace malgré tout.
Mardi 9 juillet. Mercredi 10 juillet. 13h40. 17 et 25€.La Scala. 3 rue Pourquery de Boisserin. Avignon. 04 90 65 00 90.
Blanche ou l’Odyssée d’une vie, un personnage hors norme à rencontrer le soir à Présence Pasteur
Mais qui est Sam Karmann ?
Voici le récit passionnant d’une quête d’identité. Sam Karmann, on le (re)connaît de la série Navarro dans le rôle de l’inspecteur Barrada pour les plus âgés d’entre nous ou dans des rôles au cinéma plus récents : Les Couleurs de l’incendie (2022) ou Heureux gagnants (2024).
On sait moins qu’il s’est appelé tour à tour Samir, Dominique ou Sam. Il nous délivre ici le secret de famille qui l’a construit. « Et moi qui croyais que j’étais devenu comédien par hasard. »
Un « Monsieur tout le monde » qui cache bien son jeu
C’est une histoire qui va se construire sous nos yeux, patiemment, avec des rebondissements, des écarts temporels, des arbres généalogiques aux branches tortueuses, des déplacements d’Est en Ouest. Un thriller, une romance ? L’histoire de Sam Karmann, enfant de bourgeois égyptien ou fils de médecin juif ? Seule sa mère Colette lui dira. Ce spectacle lui rend aussi hommage avec pudeur.
Un objet, un son et tout est évoqué
Le montage de ce spectacle (co-auteur Denis Lachaud) est ingénieux : il est simple et en même temps, il suit des circonvolutions uniquement évoquées par un bruitage, un objet ou un subtil déplacement. Sam Karmann cherche son identité et son métier. À travers le théâtre et sa puissance d’évocation, à travers le magnifique portrait de sa mère, forte femme de l’époque, à travers l’amour caché de son père biologique qu’il n’a pas eu le temps d’appeler papa, il dévoile un secret de famille peu commun. Porté par la musique de Pierre Adenot, dans les éclairages de Pierre Mille, au centre de l’univers sonore de Steven Ghouti en guise de décors, ce seul en scène foisonne de personnalités passionnantes.
Jusqu’au 21 juillet. 12h25. 10 à 23 €. La Scala. 3 rue Pourquery de Boisserin. Avignon. 04 90 65 00 90.
Blanche ou l’Odyssée d’une vie, un personnage hors norme à rencontrer le soir à Présence Pasteur
Dans l’intimité de la chapelle du Théâtre des Halles, l’heure est aux confidences
Issam nous accueille avec un large sourire : nous sommes déjà chez nous, avec lui, avec sa mère Malika, fil rouge de son premier spectacle. Lui ? Il s’appelle Issam et il est né à Cognac, en Charente. « Oui, mais avant, tu es d’où ? », lui demande-t-on sans cesse.
Issam Rachyq-Ahrad ne demande rien à la France
Il aime la France, le foot, il est comédien, il aime la langue de Molière assurément. Inutile de se poser des questions sur son identité ou son intégration même si on le lui rappelle souvent, on lui propose même de franciser son nom au moment de sa nationalisation.
Mais un événement national devient un violent déclencheur : le 11 octobre 2019, un élu du Rassemblement National prend violemment à partie une femme voilée — accompagnée de son fils de 10 ans — qui accompagne des élèves à une séance du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté justement pour les sensibiliser aux valeurs de la République.
Et là, tout remonte, telle une madeleine marocaine ! : les regards, humiliations, petites phrases et le silence de sa mère Malika, toujours digne, qu’il va tenter de briser. Ce spectacle lui donne la parole.
Un spectacle salutaire à laisser infuser comme ce rafraîchissant thé à la menthe servi à la fin du spectacle et à diffuser sans modération
Issam nous fait fondre : son sourire, sa tendresse envers sa mère, sa naïveté, son incompréhension, sa résignation quelquefois qui est en fait de la sagesse devant la bêtise humaine. Il est Issam, il est Malika, il est tous ces immigrés qui ont besoin de se justifier sans cesse et de prouver plus que d’autres leur amour de la République. Sans haine ni diatribes, mais avec un humour ravageur, il dresse aussi un portrait glaçant d’un versant de notre République.
Jusqu’au 21 juillet. 14h. 10 à 22€. Théâtre des Halles. Rue du Roi René. 04 32 76 24 51.
Blanche ou l’Odyssée d’une vie, un personnage hors norme à rencontrer le soir à Présence Pasteur
Avant de se produire sur les planches du Festival d’Avignon, l’humoriste Hélène Sido (Hélène Pelletier à la ville) a connu un parcours atypique. Directrice générale des services à la mairie du Thor, elle a mis de côté sa carrière dans la fonction publique territoriale pour se consacrer à sa passion de la scène en se lançant dans le grand bain de l’humour. Un pari réussi puisqu’elle entame son premier Festival d’Avignon après avoir déjà joué son premier spectacle plus de 80 fois à travers toute la France depuis un an maintenant.
Avec l’humoriste Hélène Sido, le moins que l’on puisse dire, c’est que le contraste est plus que saisissant entre son parcours professionnelle et son activité artistique actuelle. Un grand écart qui débute avec des études de droit. Après, cette juriste de formation enchaîne en passant les concours de la fonction publique pour obtenir le grade d’attachée territoriale. Normande d’origine, la jeune femme de 37 ans (ce mois-ci) va ensuite passer une dizaine d’année dans la fonction publique, dont une partie en Haute-Savoie, avant de devenir DGS (Directrice générale des services) de la commune du Thor à partir de 2018. Elle y restera jusqu’en 2023. Entretemps, elle alliera sa passion de la scène, d’abords en amatrice, avant de tout lâcher en juillet 2023 pour tenter la grande aventure du stand-up et de la comédie.
« La scène c’est un endroit où je me sentais très bien.»
Une passion pour le théâtre « En fait, j’ai toujours aimé le théâtre », explique celle qui a définitivement abandonné les tailleurs de l’administration locale pour enfiler le costume d’humoriste. « Enfant, je faisais le clown comme tous les gamins. A l’école, en primaire, on avait le spectacle de fin d’année et j’adorais déjà beaucoup ça. La scène c’est un endroit où je me sentais très bien, où j’avais envie d’aller tout le temps. Mais pour moi, ce n’était pas un vrai métier car on rigolait trop. » Même constat pour ses parents qui ne sont pas du tout issus d’un milieu artistique – sa mère est fonctionnaire et son père ouvrier avant de devenir cadre. « Humoriste ce n’est pas un vrai métier ! », s’amuse-t-elle. « Donc, voilà il fallait faire des études. Ça rassure les parents qui sont tous les mêmes. C’est le profil classique », reconnaît Hélène qui prend alors une voie plus conventionnelle. Des études studieuses, avoir une bonne situation, une maison, une famille… Mais une fois stabilisé, au mitan de la trentaine « on commence peut-être à se reposer des questions afin de savoir ce que l’on a vraiment envie de faire. »
« Cela a commencé à prendre beaucoup de place dans ma vie. »
Un épanouissement avant d’en faire un métier Un cheminement vers les lumières de la scène qui va reprendre vie il y a près de 8 ans maintenant : « Je me suis dits ‘tiens, je vais faire quelque chose qui me plaisait quand j’étais gamine’, juste histoire de gratter un peu plus loin. Alors j’ai commencé à refaire du théâtre. Pour le plaisir et pour mon épanouissement. » D’abords du théâtre d’improvisation, de la comédie, puis après des cours de théâtre, des pièces sur scène, un peu de théâtre à texte… « On fait des personnages. On raconte des histoires. Ça m’a plu et cela a commencé à prendre beaucoup de place dans ma vie. Et après, j’ai eu envie d’écrire. », conclut celle qui n’envisageait pas encore d’en faire son métier. Pourtant, Hélène commence à se prendre au jeu en participant à des concours d’humour dans les festivals où elle multiplie les distinctions. En tout près d’une quinzaine de prix*. « Cela a commencé à bien marcher alors pourquoi ne pas essayer d’aller plus loin en combinant sa passion avec sa vie professionnelle ? »
« La semaine, j’étais au travail, et le week-end, c’était festival. »
« La semaine, j’étais au travail, et le week-end, c’était festival. Et qui dit festival, veut dire bouger un peu quand même. Tout ça avec une vie de famille à gérer. » Hélène essaye de mener les deux de front mais avec une petite fille en garde alternée, il est inenvisageable pour elle d’arrêter son travail. Surtout avec un emploi dans la fonction publique territoriale qui est aux antipodes de celui d’artiste. « C’est cadré, reconnaît Hélène. Vous avez des horaires, vous avez un salaire fixe. Vous savez où est-ce que vous allez. » Avant de faire le grand saut, il faut donc que les conditions soient réunies. Une nouvelle rencontre personnelle, une petite fille qui a grandi et voilà qu’après une longue réflexion la fenêtre de tir se présente. « J’ai rencontré quelqu’un qui m’a poussé à réaliser mon rêve car je pense que tout seul, on ne se lance pas aussi facilement. Il faut derrière des gens, la famille, les amis, les proches qui disent ‘mais si, c’est bon, tu peux’. »
Le maire du Thor comprend sa décision Un changement de vie qu’il a fallu aussi annoncer à son ‘patron’ Yves Bayon de Noyer, maire du Thor depuis 2014. « Au départ, il s’est inquiété pour moi en se disant ‘mais qu’est-ce qu’elle en train de faire ?’. Il faut dire qu’il ne m’imaginait pas du tout là-dedans car je suis plutôt quelqu’un de très réservé qui peut paraître très sérieuse. Mais c’est aussi quelqu’un de très humain et de très droit. C’est aussi un ancien entrepreneur qui sait ce que c’est d’avoir envie de monter son truc à soi. Au final, il a trouvé ça courageux. De mon côté, j’avais pris du temps pour mûrir ma décision et il n’y a donc pas eu de rupture. J’ai laissé du temps pour qu’on puisse trouver ma remplaçante. » Ses anciens collègues sont aussi venus la voir, ainsi que sa remplaçante : « Ils étaient contents pour moi. »
« Il n’y a pas de diplôme d’humoriste. Vous n’êtes pas catégorie B d’humour ou C ou A. »
Un saut dans l’inconnu mais pas à l’aveugle En se jetant complètement dans le grand bain du stand-up Hélène Sido sait quand même un peu où elle met les pieds. En gagnant plusieurs concours d’humour elle a ainsi déjà été repérée par de nombreux théâtres mais aussi par le public. « Il n’y a pas de diplôme d’humoriste pour se rassurer sur ses compétences dans ce domaine, s’amuse-t-elle. Vous n’êtes pas catégorie B d’humour ou C ou A. Alors oui, j’avais besoin d’un peu de légitimité que j’ai trouvé auprès des spectateurs dans les festivals. » Les rencontres avec les professionnels se multiplient aussi, les passages dans les ‘comedy clubs’ également. « Ce n’est pas l’exercice le plus facile car on n’a que 5 ou 10 minutes. On ne fait que des extraits. C’est donc difficile de présenter un personnage surtout si vous proposez un univers qui est un peu cohérent. » Des petits passages où elle y rode ses sketchs en y touchant un public plus jeune. « Du coup, les gens m’identifient », constate-t-elle. Les réseaux sociaux, Instagram et Tik Tok principalement, participent également à cette notoriété naissante, même si elle ne veut pas en être ‘l’esclave’. « Je me refuse d’être la salarié d’Instagram. »
‘Solilesse’ : entre le stand-up et le sketch Celle qui n’a pas forcément de modèles mais avoue qu’elle aime notamment Haroun, Yacine Belhousse, Julien Santini, Alexandre Kominek ou bien encore Blanche Gardin a construit peu à peu son spectacle dans une sorte d’entre-deux. « C’est entre le stand-up et le sketch avec un personnage qui parle pendant une heure. Je m’adresse au public, mais je suis beaucoup dans ma tête, en fait. Derrière, il y a un fil conducteur, il y a une histoire. » Elle s’y inspire subtilement du quotidien : « C’est surtout sur la communication entre les hommes et les femmes. Tous ces diktats, ‘il faut aller bien’, ‘il faut être heureux’, la bien-pensance, la bienveillance systématique… Je dis ce que je vois et comment je le vois. Mais sans dire ‘regardez comme moi’. » Un premier spectacle nommé Solilesse, qu’elle a joué plus de 80 fois depuis un an, lui permet maintenant de monter sur les planches de la scène du théâtre de la Tache d’encre pour son premier festival d’Avignon (voir infos pratiques en fin d’article).
Solilesse, le premier spectacle d’Hélène Sido au théâtre de la Tache d’Encre à Avignon durant le Festival.
Docteur Pelletier ou misses Sido ? « C’est vraiment le bon moment. L’année dernière, c’était impensable de faire le festival avec un spectacle qui avait été joué deux fois. Depuis, j’ai passé ma vie avec la SNCF », s’esclaffe celle qui était encore DGS du Thor l’été dernier et qui a fait de la scène son nouveau métier. Une ‘pro’ qui travaille désormais avec Fabien Ramade productions, société basée à Beaumes-de-Venise qui produit de très nombreux artistes et spectacles, ainsi qu’Anaïs Gardenato, sa directrice de production également fondatrice du théâtre des Brunes à Avignon. Et quand à savoir si Solilesse est tous publics ‘docteur Pelletier ou misses Sido’ lance : « ma fille regarde le spectacle et elle ne fait pas de psychanalyse. »
Le futur dure 3 ans La jeune humoriste entame donc son premier marathon avignonnais (14 représentations en près de 2 semaines) avec la volonté de vivre intensément sa passion pendant tous le mois de juillet. Pour cela, elle assume les concessions matérielles qu’elle a du concéder par rapport à sa vie d’avant. « Je suis moins bien payé qu’avant mais j’ai suffisamment pour m’occuper correctement de ma fille. Certes, mon niveau de vie a diminué mais pourtant je vis mieux maintenant. » Histoire de ne pas injurier l’avenir, Hélène c’est toutefois mise en disponibilité : « J’ai mon petit côté sécurité quand même. Humoriste, mais pas stupide non plus » dit-elle dans un clin d’oeil. Avec cette disponibilité, elle a donc 3 trois pour faire son trou et c’est plutôt bien parti avec plusieurs dates déjà programmée cette année ainsi qu’en 2025,
« Mon Dieu… Si je deviens une fonctionnaire de la vanne. J’arrête ! «
La suite ? Hélène Sido souhaiterait enchaîner dans des salles plus grandes. « J’aimerais aussi faire un peu de radio. Cela me plairait beaucoup de développer d’autres choses dans des médias de parole. » Sa crainte ? Retomber dans une certaine routine en devenant un stakhanoviste du rire, une forçat du stand-up et faire de l’humour comme on enchaîne les trois-huit. « Mon Dieu… Si je deviens une fonctionnaire de la vanne. J’arrête ! » En attendant, Hélène veut profiter pleinement de cette nouvelle carrière qui s’offre à elle. En se rappelant les deux premières représentations de son premiers spectacle, il y a près d’un an. Une première scène en Normandie devant beaucoup de gens de sa famille et la suivante, à Marseille, dans une salle comble remplie d’inconnus. Déjà le grand écart.
‘Solilesse’ d’Hélène Sido au Festival d’Avignon. Du samedi 6 juillet au dimanche 21 juillet (relâche les mardis). 13h (durée : 1h). A partir de 11 ans. Théâtre de La Tache d’encre. Rue Tarasque. Avignon. Réservation en ligne.
*Prix du public et prix du jury Festival de Saint Raphaël, Prix du jury cave de Lugny Festival des vendanges de l’humour à Macon. Prix du public au Pacbo d’Orchies. Prix du Jury aux Marées d’humour de Crotoy. Prix du Gala du Printemps du Rire de Toulouse. Prix du Public et du Jury aux Sommets du Rire à Arêches Beaufort. Prix du Public et Prix Jeunesse du Mondeville sur Rire. Prix du Jury à Vervins. Prix du Jury au Cartel de l’humour à Genève. Prix du Jury aux Lions du Rire à Lyon.
Blanche ou l’Odyssée d’une vie, un personnage hors norme à rencontrer le soir à Présence Pasteur
Un décor à faire frémir
Imaginez : vous entrez dans la salle et vous êtes en réalité à plus de 300 mètres de profondeur. Dans le noir, des bruits, et une voix off qui nous rappelle en quelques minutes l’histoire des corons, des houillères. La reconstitution de la mine est hallucinante et angoissante. Bennes, rails, soutènements, charbon…..soudain, un bruit, la lampe vacille, un survivant apparaît. Nous venons de vivre le drame en direct et pénétrons pendant une heure dans un huis clos dont nous ne sortirons pas indemnes.
Un hommage à ces travailleurs de l’ombre
Parler de la mine, des conditions ouvrières de cette époque, c’est parler aussi d’une région, le Nord-Pas-de-Calais, bassin minier par excellence. Une région qui a accueilli des ouvriers de pays et de religions divers. : près de 29 nationalités. Les deux auteurs de la pièce Kader Nemer – qui joue aussi le rôle d’Ahmed – et Hugues Duquesne ont souhaité rendre hommage à leurs aïeux, respectivement algérien et polonais.
Une leçon de vie
Nous les retrouvons sur le plateau, bloqué dans une poche d’air. Les frontières s’estompent, la hiérarchie aussi. Il ne reste que deux hommes, un algérien et un polonais, qui vont s’épauler afin de ne pas sombrer. Les souvenirs remontent, les regrets aussi. L’espoir renaît quelquefois – on entend des souris, donc il y a de l’oxygène – et si on n’entend pas de canaris, qu’importe, il suffit d’avoir de l’imagination ! On fait des promesses de se revoir au pays, on invente un banquet polonais ou des plats arabes, on s’apprend mutuellement quelques mots de son pays.
De cet espace angoissant et oh combien claustrophobe va surgir des étincelles de vie et de fraternité.
Jusqu’au 21 juillet (relâche les lundis). 19h25. 16 à 22,50€. Théâtre du Roi René. 4 bis, rue Grivolas. Avignon. 04 13 68 06 59.
Blanche ou l’Odyssée d’une vie, un personnage hors norme à rencontrer le soir à Présence Pasteur
Inlassablement, depuis 27 ans qu’il est installé Rue des Lices, Greg Germain, l’ancien président du Off d’Avignon, directeur du Théâtre de La Chapelle du Verbe Incarné, se bat pour donner une visibilité à la culture des départements et territoires de ce petit bout de France d’outre-mer.
Greg Germain prône l’égalité des chances, il insuffle un nouvel élan à la création, il met en perspectives toutes les identités culturelles, les imaginaires qu’elles incarnent, que l’on soit guadeloupéen, martiniquais, mahorais, polynésien ou réunionnais. « Le 1ᵉʳ enjeu de cette aventure humaine est de faire en sorte que l’originalité et l’identité d’Outre-Mer soient reconnues comme des éléments de la richesse culturelle de la France d’aujourd’hui. »
Un métissage qui favorise les rencontres et les échanges avec les autres metteurs en scène, comédiens et créateurs de l’Hexagone. Un brassage qui fait émerger une culture différente, avec une trentaine de compagnies invitées du 5 au 21 juillet à Avignon. « Entre les 2 tours des élections, je n’ai pas trop le goût de la fête », précise-t-il lors de la conférence de présentation du programme 2024. « Cette déferlante extrême m’interroge. Qu’avons-nous fait de mal pour en arriver là ? Cette vague nous parle de repli sur soi, d’exclusion, de peur de l’autre. Or, Aimé Césaire nous a appris à nous ouvrir aux autres. Aucun métissage n’a donné de dégénérescence, les musiques créoles ou brésiliennes apportent plutôt du bonheur et de la jubilation. »
Il a ensuite laissé le micro à la codirectrice de la Chapelle du Verbe Incarné, Marie-Pierre Bousquet, pour décliner le programme. Elle a d’abord rappelé l’existence d’un « PASSTOMA » à 25€ pour assister à tous les spectacles, même quand on a peu de revenus. « Pour que la culture soit accessible au plus grand nombre comme l’avait souhaité Jean Vilar. »
Marie-Pierre Bousquet et Greg Germain.
Un temps fort, le jeudi 18 juillet à 10h, la venue de l’ancienne ministre de la Justice, sociologue, Christine Taubira, qui a donné son nom à une loi qui reconnaît la traite et l’esclavage en tant que crimes contre l’humanité. Auteure notamment d’Egalité pour les exclus : le politique face à l’histoire et la mémoire coloniales, elle lira des pages de l’afro-américain d’origine jamaïcaine Claude McKay, qui a inspiré le concept de « négritude ».
Tous les jours sauf les lundis 8 et 15 juillet, l’affiche propose six spectacles : ‘Kal’, ‘Elles avant nous’, ‘Moi, Kadhafi’, ‘Olympe’ (sur Olympe de Gouges, autrice de La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, qui sera interprétée par Firmine Richard), ‘Cette guerre que nous n’avons pas faite’, et enfin, ‘La supplication’ (Évocation, après la catastrophe de Tchnernobyl, avec des témoignages bouleversants de journalistes, chercheurs, paysans, enseignants, qui nous amènent à nous interroger sur ce qu’est le sens de la vie). Du mercredi 10 au dimanche 14 à 11h45 sera joué ‘Tropique du Képone’ et du mercredi 17 au dimanche 21 à la même heure ‘Maïwenn, 16 ans et demi’. Il sera aussi question le 12 juillet à 15h avec l’Université d’été de La Nouvelle Sorbonne de ‘Scène et créolisation des arts’.
En tout, une quinzaine de rendez-vous (théâtre, rencontres, tables rondes, conférences, lectures…) ont été concoctés par Marie-Pierre Bousquet et Greg Germain.
Contact : 21G Rue des Lices Avignon. reservation@verbeincarne.fr / 04 90 14 07 49