15 septembre 2025 |

Ecrit par le 15 septembre 2025

43e Festival Off pour le duo Danielle & Gérard Vantaggioli avec le Chien qui Fume

Depuis 1982, dans la Rue des Teinturiers, sa calade et ses roues à aubes qui tournent grâce au courant de l’un des bras de la Sorgue, ils en ont accueilli des grands noms du théâtre les Vantaggioli au Théâtre du Chien qui fume. Annie Girardot, Michaël Lonsdale, Rufus, Jean-Louis-Trintignant, Michel Vitold, Andrea Ferréol, Alain Mottet, Jean-Roger Caussimon.

Jusqu’au 26 juillet, pas moins de 14 propositions entre Le Chien qui Fume et Le Petit Chien, à quelques mètres, 76 Rue Guillaume Puy. Avec des représentations qui se succèdent toutes les deux heures, à partir de 10h du matin jusqu’au soir dans les deux théâtres. 

Le Chien qui fume

À commencer par ‘Du charbon dans les veines’ de Jean-Philippe Daguerre, des gueules noires de Noeux-les-Mines qui creusent la mine, élèvent des pigeons-voyageurs et jouent de l’accordéon. Auréolés par 5 Molières, les 7 acteurs sont ravis de revenir à Avignon où tout a commencé, il y a un an. « Et même si nous nous avons joué plus de 160 représentations, ce sont les 20 qu’on a données ici sont les plus marquantes », insiste Jean-Pierre Daguerre, l’auteur et metteur-en-scène.

Toujours dans une production du Grenier de Babouchka, ‘Marius’ de Pagnol qui résonne dans un décor portuaire et industriel du Marseille des années 60. Au programme également ‘À l’avenir’ de Didier Caron avec un pitch excentrique : Lucas, un jeune homme a une obsession, devenir président des Etats-Unis. Et une question : jusqu’où peut-on suivre ses rêves?

‘Les valises bleues’ écrites et mises en scène par le patron des lieux,  Gérard Vantaggioli. Une évocation du couple, du temps qui passe, de la lassitude du quotidien et d’une relation qui, à la longue, peut devenir toxique. Après la passion, la jalousie, la cruauté, la séparation. Avec Stéphanie Lanier et Jean-Marc Catella.

A l’affiche également ‘Still’ créé à New-York, adapté par Christian Siméon avec Florence Pernel et Bernard Malaka, un couple qui après avoir rompu il y a 30 ans, décide de se revoir. Les masques tombent face aux choix qu’ils n’ont pas fait à l’époque. Enfin, toujours au Chien qui Fume, ‘Vieilles chansons maléfiques’ avec Tom Novembre et Nicolas Verdier. A Vienne, en 1986 quand Kurt Waldheim (malgré son passé nazi) devient président. Derrière les valses, la capitale de la musique dissimule mal son passé sufureux et intolérant.

Le Petit Chien

Côté Petit Chien, ‘Un chaperon louche’. Une ode à la fraternité, la tolérance, la solidarité où l’autre, différent de nous, n’est pas forcément un ennemi. ‘À la lumière des misérables’ avec la même troupe (Premier acte) et le même auteur (Sarkis Tcheumlekdjian). Où comment en 1915, une jeune réfugiée rencontre Gavroche et de cette rencontre improbable naît une lueur d’espoir pour défier le destin, chacun tentant de sauver l’autre.

‘Son odeur après la pluie’, d’après le livre de Cédric Sapin-Dufour, vendu à 700 000 exemplaires, traduit en 20 langues. Une histoire d’amour entre un homme et son chien, un lien indéfectible entre bipède et quatre pattes. Ceux qui aiment les animaux, et ils sont nombreux, vont adorer ! 

Place à l’humoriste Jean-Jacques Vanier, ancien chroniqueur à France Inter, avec ‘À la recherche de la recherche’. Il a obtenu le Prix SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) de l’Humour 2025. Et revient à Avignon pour un moment doux-amer, tendre et nostalgique.

‘Elia, généalogie d’un faussaire’ de Jean-Loup Horwitz avec Gabrielle Lazure évoque un homme qui peint un faux Chagall et écrit une lettre d’excuse au peintre. A cet instant, tout peut arriver. Autre moment avec ‘L’homme et le pêcheur’, une réflexion poétique, un voyage en absurdland avec deux italiens déjantés, Ciro Cesarano et Paolo Crocco, une pépite.

Au programme également ‘Cache-cache’ de Vanessa Aiffe-Ceccaldi, un spectacle dont Alexandra Lamy est la marraine. L’histoire d’une petite fille dont la vie s’est arrêtée quand elle avait 11 Ans et qui la reconstruit grâce à la résilience. Dernier spectacle à l’affiche : ‘Quelque chose a disparu, mais quoi ?’ écrit par Michel Bellier et joué par Joëlle Catino. Une fin du monde apocalyptique sur l’inaction de ceux qui ont le pouvoir et n’en font rien pour améliorer la vie des autres, notamment au sommet de l’Etat.

Contact : 04 84 51 07 48


43e Festival Off pour le duo Danielle & Gérard Vantaggioli avec le Chien qui Fume

Pour certains la Nuit de trop, pour d’autres une véritable expérience de catharsis collective

S’il est bien une leçon à retenir pour ce premier spectacle dans la Cour d’Honneur — offert pour la première fois la veille de la première à la population avignonnaise — c’est qu’il ne faut se fier ni aux critiques, ni aux avis amicaux, ni aux personnes qui essayaient de revendre leur billet dans la cour du Cloître Saint Louis. Le spectacle de la cap verdienne Marlene Monteiro Freitas, s’il a pu déconcerter et faire fuir quelques spectateurs au bout de quelques minutes a pourtant trouvé sa juste place sur le plateau de la Cour d’Honneur si souvent difficilement occupée. 

Loin du narratif

Il ne fallait pas s’attendre à ce qu’on nous raconte des histoires, ni découvrir les Contes des Mille et une Nuit qui comme toute tradition orale permet une libre adaptation. Au minimum savoir que les Contes de Mille et une Nuit sont tout sauf de tout repos : c’est l’histoire d’un combat pour survivre, à la vie à la mort, avec un foisonnement de personnages et d’espaces. Cette posture acceptée, il suffisait de se laisser mener par la libre interprétation de Marlene Monteiro Freitas qui  nous propose un voyage vertigineux dans un fouillis, de masques, de sons, de tissus.

Opéra baroque, carnaval grotesque, performance puissante

Porté par une bande son puissante qui va des Noces de Stravinsky à Nick Cave, embarqué par les caisses claires, désarçonné par les propositions chorégraphiques qui surgissent là où on ne les attend pas, infusé par l’énergie des danseurs et interprètes, le spectateur reste en alerte tout au long de cette nuit de tous les dangers jusqu’à l’explosion finale. 


43e Festival Off pour le duo Danielle & Gérard Vantaggioli avec le Chien qui Fume

Algérien pour toujours, Français tous les jours

Mohamed Adi donne le ton, ou plutôt le clap de son spectacle qui nous emmène d’Alger à Marseille. Il va en effet dérouler le film de sa vie, seul en scène, et tout en confidences.Son enfance franco-algérienne est passée au crible de ses souvenirs. Il n’hésite pas également à les modeler à son goût en  créant sa propre république, démocratique et populaire du Sénéné. Normal quand on ne sait pas bien à quel pays on appartient.

Alger et Marseille en miroir

Dans cette recherche d’identité, se dessine la ville de Marseille comme on n’en parle peu, surtout en ce moment. Une ville tendresse avec ses métiers oubliés tels le chiffonnier, le remouleur ou la marchande d’escargots. Mohamed Adi aborde avec pudeur tous ses atermoiements qui le chavirent entre l’Algérie et la France. Il y a l’impossibilité de choisir mais  pas celle de se taire. Sa parole libérée ouvre le chemin de la réconciliation. 

Un spectacle d’une belle générosité loin de tous ressentiments.

Jusqu’au 26 juillet. 20h30. Relâche 15 et 22. 12 à 18€. Isle 80. 18 place des trois Pilats. 06 42 69 00 26.


43e Festival Off pour le duo Danielle & Gérard Vantaggioli avec le Chien qui Fume

‘Les Peintres au charbon’ adapté d’une histoire vraie

L’histoire vraie d’un groupe de mineurs,en 1934, décidant de se familiariser avec le monde de l’art. Passant de la théorie à la pratique, ils créent leur propre mouvement artistique : le Ashington Group.

Sur le plateau ils seront 7 à confronter leur convictions ou leurs doutes dans des joutes verbales savoureuses. 

Une réflexion générale sur l’Art posée avec humour

A quoi sert l’Art ? L’art pose des questions, n’est pas là pour donner des réponses. Le sens d’une œuvre est dans celui qui l’observe, comprendre sa propre réalité émotionnelle. Qui peut-être artiste ?

Autant d’affirmations ou de  questions qui vont se poser par l’introduction d’un professeur d’Art, Hélène, employée pour  leur donner des cours d’éducation artistique. La première partie de la pièce relate cette rencontre entre une prof un peu coincée, loin des réalités du travail physique et la bande d’ouvrier biberonés au syndicat ou à Karl Marx. Deux discours de classe s’affrontent joyeusement et le ressort comique fonctionne à chaque réparti. Il est vrai que cette bande-là donne ingénument du fil à retordre à leur intervenante.

La place de l’artiste dans la société

Après une ellipse de quelques secondes, nous nous retrouvons 2 ans après en plein préparatifs d’une exposition. Le groupe est passé aux travaux pratiques et ils aiment ça. Un conflit de loyauté s’instaure quand l’un d’entre eux est remarqué par une riche collectionneuse.C’est l’heure des choix, des prises de position. De nouveau les questions essentielles : naît-on artiste ? Peut-on le devenir ? Peut-on créer après une dure journée de travail ?En a-t-on l’énergie et le temps ? De la galerie de la mine à la galerie d’Art, il n’y a pas qu’un pas !

Une comédie britannique comme on les aime où le sérieux côtoie l’humour avec justesse.

Jusqu’au 24 juillet. Relâche 11 et 18. 13h05. 11 à 23€. 11. Bd Raspail. Avignon.


43e Festival Off pour le duo Danielle & Gérard Vantaggioli avec le Chien qui Fume

Dès l’entrée dans la cour éphémère du Roi René, on sait que ce choix était le bon : un vrai accueil, un vrai sourire, un vrai service. Des garçons de salle nous placent, nous offrent à boire et nous distribuent la carte littéraire. 

Voici un spectacle plus que sympathique avec des comédiens épatants qui aiment autant la bonne chère que les mots et les textes qui sont souvent passés à la postérité. C’est ainsi que les trois comédiens qui ont préparé plus de 30 textes pour présenter le concours du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, n’ont pas voulu laisser ces textes ensuite sans auditoire.

L’idée a germé de continuer à les proposer mais face à la difficulté de choisir, ils ont conçu ce théâtre à la carte dont le principe est de laisser choisir les spectateurs.

On commande ce que l’on mange, pourquoi pas ce que l’on regarde ?

L’idée est donc venue de faire choisir les textes, de laisser les spectateurs commander et qui dit commander dit restaurant. On nous distribue une vraie carte : un menu découverte, un menu enfant et des plats à la carte, les prix ayant été remplacés par l’année de création de l’oeuvre littéraire.

C’est ainsi que ce jour-là nous avons pu déguster un Tartuffe de Molière de 1669, Les Justes de Camus de 1949, avec une suggestion de Fourberies de Scapin et Le circuit de Feydeau de 1909 choisi parmi un plateau de vaudevilles, le tout couronné par un dessert de Joël Pommerat de 2013. 

Menu enfant de 1697

Les enfants ne sont pas en reste avec un menu enfant succinct mais valeur sûre : Le Petit Chaperon Rouge et sa forêt noire ou les Trois petits cochons apple paille ou feuille de brique.

Un spectacle intelligent et interactif

Les textes ne sont point lus, ils sont joués par les 3 comédiens qui s’adaptent au choix des spectateurs à une vitesse époustouflante, aussi bien dans leur tessiture que dans le décor à changer ou les costumes. C’est drôle, enlevé, très bien joué. Ils ont du plaisir à satisfaire notre dégustation de répliques célèbres — mais que diable allait il faire dans cette galère — accompagnées par la musique aux petits oignons de Raphaël Maillet.

Paradoxalement, on ne sort pas de là repu, on en aurait bien redemandé… mais nous ne sommes pas à la cantine ni dans un fast food !  Nous sommes dans le temple de la gastronomie littéraire !

Jusqu’au 26 juillet. Relâche 16 et 23 juillet. 20h50. 10 à 22€. Théâtre du Roi René. 4 bis rue Grivolas. Avignon. 04 13 68 06 59.


43e Festival Off pour le duo Danielle & Gérard Vantaggioli avec le Chien qui Fume

Depuis 1998, au coeur de La Chapelle du Verbe Incarné, Marie-Pierre Bousquet et Greg Germain, ancien président du Off et doublure française iconique de Will Smith, prônent la richesse des identités ultramarines.

Chaque été, venus de Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon, Nouvelle Calédonie notamment, des comédiens, metteurs en scène, danseurs et musiciens nous font découvrir leurs imaginaires, leurs racines, leur patrimoine, leurs croyances et leurs créations. Jusqu’au 24 juillet, plusieurs évènements et 9 spectacles sont programmés tous les jours sauf le vendredi, de 12h à 21h au 35 Rue des Lices.

À commencer, dans La Petite Chapelle, de l’autre côté de la rue, avec les 8,9 et 10 à 16h, avec des rencontres-débats avec Patrick Chamoiseau, Edwy Plenel et Sylvie Séma sur ‘L’Abécédaire inédit d’Edouard Glissant’ qui invitait à « Résister à la pensée de l’apocalypse. » Le 16, ‘Barrage’, une immersion au coeur des émeutes en Nouvelle-Calédonie en mai 2024 entre indépendantistes et loyalistes, tensions identitaires et politiques, fractures post-coloniales. Le 17 juillet à 16h avec l’Université de la Sorbonne Nouvelle, ‘Retisser les mémoires’, une série d’échanges, lectures sur la créolisation des arts et l’émancipation décoloniale. Le 22 juillet, ‘Le monde brûle et moi, je m’achète des Nike’ d’Anturia Soilihi, une comédienne, autrice d’origine comorienne qui ausculte la violence systémique et lutte contre toutes les discriminations.

Côté spectacles, ‘Porgy & Bess’ composé par Gershwin il y a 90 ans et interprété par Les Voix de Outre-Mer. Une association dont le but est de révéler, former et accompagner les futurs talents lyriques des DOM-TOM et leur offrir une passerelle pour qu’ils entament une vraie carrière et chantent sur les grandes scènes du monde entier à travers un concours national, des master-classes et des résidences artistiques.

La compagnie Difé Kako créée il y a 30 ans propose ‘Moun Bakannal’, un voyage musical et dansé sur les terres du carnaval. Un métissage de danses africaines et antillaises avec multiples percussions (djembé, marakas, steel-pan) mais aussi accordéon, basse et balafon. Avec « Inouï océan », la pianiste et auteure Alexandra Hernandez qui défend le vivant, évoquera la menace sur la biodiversité que constitue la pêche à la morue intensive à Saint-Pierre et Miquelon.

Autre spectacle : ‘Comment devenir un dictateur’ de et avec Nans Gourgousse qui passe en revue les Salazar, Tito, Batista, Pol Pot, Hussein, Kim Jong-un, Al-Assad, Bongo, Hitler, Pinochet, Staline, Hitler, Mussolini, Kadhafi… Liste non exhaustive, mais ils sont 77 cités dans ce spectacle qui, grâce au mensonge, à la manipulation, l’usage de la force contre le droit, contrôlent et mettent au pas les récalcitrants.

‘L’enfant de l’arbre’ de la compagnie réunionnaise Lé La ou « Comment, depuis la nuit des temps, l’arbre veille sur l’enfant mais un jour l’eau vient à manquer. » Une fable écologique qui interroge : pourquoi certains ont accès à l’eau, d’autres pas? Avec en filigrane, le partage, l’égalité, la nature et l’enfance comme boussoles.

Toujours à l’affiche, ‘Entre les lignes’ écrit, chorégraphié et interprété par Florence Boyer qui rend hommage aux invisibles, aux petites mains, aux tisseuses, elle dont la grand-mère était brodeuse à Roubaix. Avec ‘Kanaky 1989’, Fani Carenco qui vivait en Nouvelle-Calédonie quand elle était enfant et qu’elle connaissait Jean-Marie Tjibaou, évoque les violences qui ont secoué l’île et débouché sur la mort de l’indépendantiste kanak. Assassiné lors de l’assaut de la Grotte d’Ouvea le 4 mai 89 alors qu’il avait signé les Accords de Paix de Matignon avec Michel Rocard, le Premier Ministre de l’époque, un an avant (le 26 juin 88).

Enfin, l’humoriste guadeloupénne Laurence Joseph proposera ‘Je ne suis pas comme les autres, just me’, un one-woman show d’une comédienne -caméléon qui enchaîne sketches hilarants et dérangeants qui décoiffent.

À noter que #passtoma est un abonnement qui permet, pour 30€ par famille, d’assister à l’ensemble de ce festival Outre-Mer. Un accès à la culture populaire pour tous, comme le préconisait le père du TNP et créateur du Festival d’Avignon, Jean Vilar.

Greg Germain rêve que Le Verbe Incarné devienne un jour « La Maison des Archipels. » Espérons qu’il sera entendu pour continuer à donner la parole à ces comédiens et créateurs qui s’expriment à Avignon et représentent 2,7 millions de Français d’Outre-Mer.

Contact : 04 90 14 07 49


43e Festival Off pour le duo Danielle & Gérard Vantaggioli avec le Chien qui Fume

Les projecteurs nous aveuglent pendant de longues minutes. L’attente s’éternise. La décence nous oblige à supporter cet inconfort de spectateurs occidentaux que nous sommes. L’éblouissement fait place à l’accoutumance et les ombres se dessinent. Au plateau surélevé,  un musicien et une chanteuse. Au sol, Tenei, Zena et Rania qui jouent leur propre rôle : trois femmes éthiopiennes et libanaises, travailleuses migrantes au Liban, qui ont échappé au système Kafala. 

L’esclavagisme moderne du Kafala

Le système kafala régit les conditions de vie des travailleurs migrants, surtout des femmes venues au Liban comme travailleuses domestiques pour tenter d’avoir une vie meilleure. Le kafala règle leurs conditions de vie : interdiction d’utiliser le téléphone portable, d’avoir une vie sexuelle. Leur passeport est confisqué, elles sont piégées et soumises à des situations de violence pouvant aller jusqu’au viol et meurtre.

C’est l’histoire de Tenei, Zena, Rania et de bien d’autres

Le chorégraphe Ali Chahrour est allé à leur rencontre et a choisi de mettre en scène trois femmes qui ont réussi à fuir ce système et qui sur scène pour la première fois de leur vie vont porter la parole et les gestes de toutes les autres. 

Un témoignage bouleversant de chair et de sons

Si le spectacle commence par le témoignage de Zena qui se veut narratif  et personnel, on bascule petit à petit — et c’est la force de ce spectacle — dans des tableaux sensoriels où le corps parle autant que la parole, porté  par les chants arabes qui surgissent de la terre et de la mer. Les éléments se déchaînent peu à peu pour brandir sans réquisitoire l’étendard de la justice. Dignement et sans pathos, leur fardeau d’exilées est déposé sous nos yeux. Théâtre, danse, musique tout est permis car tout est vrai. 

La révolte et la colère qui ont germé en nous s’apaisent devant tant de dignité et le « Que peut-on faire » fait place à « elles l’ont fait » pour tous et toutes les autres.  


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Le mystère Ophélia’ ou la véritable histoire de Lizzie Siddal

Quand elle découvre le célèbre tableau de Millais ‘Ophélia’, Céline Devalan a le coup de foudre.  Elle se présente ainsi sur le plateau : « je vais vous raconter une histoire, l’histoire tragique et fascinante de la jeune modiste Lizzie Siddal qui servit de modèle au tableau. » Par le pouvoir des mots, en utilisant habilement la poésie, la peinture, la vidéo et les couleurs, elle nous projette dans l’univers d’un atelier d’artiste dans le Londres envoûtant du XIXe siècle.

Londres, 1850

Lizzie Siddal, muse d’un groupe d’artistes romantiques — les Préraphaélites — a une relation tumultueuse avec le peintre Dante Rossetti qui, obsédé par sa beauté, la représente éternellement en Béatrice, figure de l’Amour courtois. Elle rêve et accepte cependant — malgré l’opposition de Dante — d’être le modèle du peintre John Everett Millais pour son tableau ‘Ophélia’ représentant la mort d’Ophélie dans Hamlet de Shakespeare.

Bouleversante Céline Devalan, auteure, metteuse en scène et interprète

Mais aussi Béatrice, Lizzie, Ophélie… femmes évoquées et délicatement interprétées par Céline Devalan. Il y a un vertige à suivre la destinée de Lizzie qui rejoint la fin tragique d’Ophélia tout en vivant sa passion tumultueuse avec Dante. L’ambiguïté de ce destin est efficacement suggérée par des projections de tableaux, des extraits filmés d’Hamlet, des espaces scéniques traversés par un rideau de tulle. Dans la noirceur de ce  mystère, dans cette destinée lugubre jaillissent couleurs chatoyante et poésie, chevelure rousse flamboyante de Lizzie. Céline Devalan retranscrit le trouble qu’elle a eu face au tableau en une mise en scène sensible participant à une ambiguïté temporelle qui nous plonge entre rêve et réalité. 

Mystère et poésie

La pièce a le charme d’une tragédie historique tout en ayant la poésie du mystère. 

Tous les ingrédients sont là : coup de foudre, passion, orgueil, jalousie, costumes d’époque, mystère. Le duo que forment  Dante et Lizzie est magnifiquement interprété et crédible avec un Romain Arnaud-kneisky charmeur, boudeur et égoîste et Céline Devalan fragile et néanmoins obstinée, amoureuse patiente et passionnée. Céline Devalan nous a donné envie d’en savoir plus sur cette époque victorienne et sur le mystère de ce tableau qui n’est pas résolu car il hante toujours l’Art anglais. Elle réhabilite aussi le destin de ces femmes artistes au fil des siècles qui se sont effacées volontairement ou pas face à leurs amants ou maris.  Un beau moment de théâtre savant et sensible. 

Jusqu’au 26 juillet. Relâche les mardis. 10h05. 14 et 20€. Théâtre des Corps Saints. 76, Place des Corps Saints. Avignon. 04 84 51 25 75.


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Autour de Victor, une violence ordinaire

En quelques minutes le ton est donné, le thème est posé : celui d’un ado désespéré, incompris, qui se gratte de partout, prêt à tout sur les toits comme refuge. Prêt à tout ? Ces quelques minutes éclatent aussitôt dans un flash back qui va égrener la journée de Victor, puis la semaine.

Victor n’est pas seul : il y a ceux qui l’aiment comme sa sœur Lola, ses amis Lucky, Amina, et sa prof de français et les autres un père carré, une mère débordée, un prof de math aigri. Cependant sur scène ils ne sont que deux : l’auteure et comédienne Sabrina Chézeau — l’Audace du Papillon, Off 2024 — qui va endosser tous les rôles et Guilhem Verger inventif multi-instrumentiste.  

Une mise en scène nerveuse pour un sujet difficile

Sabrina Chézeau est étonnante : faculté de changer en quelques secondes de débit, de timbre, de posture, de mimique. Une simple table à roulette nous projette dans un autre espace, le temps d’une respiration musicale. Les mots, les sons et les récits se bousculent et nous happent. 

Histoire d’une solidarité

Ce n’est pas une nième histoire de harcèlement ou de mal être adolescent bien que le sujet soit remarquablement traité grâce au slam, au rap et d’une manière générale à l’univers sonore qui soutient et Victor, et la comédienne. 

L’originalité de ce texte écrit par Sabrina Chézeau (avec le regard extérieur de plusieurs adolescents avec qui elle a travaillé en ateliers) est l’issue proposée. Une issue qui est une étonnante solidarité avec Gäia , notre terre nourricière, avec la nature qui peut nous sauver, grâce à ses ressources dont il ne faut pas hésiter paradoxalement à puiser, des ancêtres et des malédictions qu’il ne faut pas hésiter à écarter. Le spectacle bascule alors dans un univers de conte onirique où tout est possible et où la victime devient héros jusqu’à la résilience.

Que faites vous de la beauté qui est en vous ?

Le leitmotiv qui revient : « Que faites vous de la beauté qui est en vous » est sans appel : tout individu a une chance, à saisir et à transformer quels que soient les drames personnels de l’enfance. 

Au détour d’une réplique on peut noter une réflexion sur  les tyrans : Hitler, Poutine ont eu une enfance violente. A méditer ? ‘Une peau plus loin’  n’est pas une peau que l’on abandonne ou que l’on renie. Même si ça s’apparente à une mue salvatrice, c’est une peau qui se transforme pour affronter ce monde impitoyable, qui se régénère en puisant dans les ressources  terrestres mais pas à n’importe quel prix, pas en se servant des armes humiliantes de l’adversaire.

Faire triompher le vivant

Un pur moment d’émotion à partager en famille à partir de 11 ans : rien n’est manichéen. On peut se reconnaître dans les pires attitudes, dans les mots qui tuent que l’on a peut-être prononcé en tant que parent, dans les attitudes dont on a eu honte en tant qu’enfant. Puisse ce spectacle entamer alors un dialogue salvateur pour faire triompher le vivant dans tous ses états !

Jusqu’au 26 juillet. Relâche les 6, 13, 20. 10h30. 10 à 21€. Artéphile. 7 rue Bourg Neuf.  Avignon. 04 32 70 14 02 / contact@artephile.fr

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