Marie Hurault et Louis Caratini, membres de la CGT spectacle ont dénoncé les conditions de vie des compagnies et leur manque de moyens,pour présenter leur création. Avec le désengagement de l’Etat pour la culture, demandant, notamment, aux municipalités, Départements et Régions de réduire de 2,5 milliards leur budget, la culture est bien en passe d’être sacrifiée. Marie Hurault et Louis Carratini en ont fait la démonstration lors de la présentation du festival off. Voici ce qu’ils ont dit.
«La majorité des compagnies sont de petites tailles de formes associatives, ainsi, nous représentons tous ceux qui font vivre la culture : artistes, techniciens, chargés de diffusion, de presse, de diffusion et administratifs. Notre mission ? Défendre leurs droits, leur dignité et rappeler que non, la création artistique n’est pas un passe-temps du week-end mais un métier devenu, chaque jour, plus précaire.»
Austérité budgétaire
«Les chiffres du ministère de la Culture ? Les collectivités territoriales sont invitées à faire 2,5 milliards d’euros d’économie. Résultat ? Municipalités, Départements et Régions se désengagent alors qu’ils sont les principaux financeurs de la culture en France, brisant ainsi la vie des petites structures, des lieux indépendants, des festivals et des artistes. C’est un plan de licenciement massif qui ne dit pas son nom.»
Le Off, caisse de résonnance nationale de la précarité artistique
«Le Off est aussi une caisse de résonnance nationale de la précarité artistique. Chaque année, des centaines de compagnies s’endettent pour venir jouer, pourtant c’est un passage obligé pour présenter son travail de création et aussi un passage de plus en plus périlleux. Les loyers, en juillet, sont hors de prix, supérieurs à ceux de la capitale et atteignent une hausse des loyers de +400 à 600%. Le tarif de location dans les théâtres est toujours cher et croissant. En cause ? L’inflation, le remboursement rapide d’importants emprunts. Cependant la plus importante raison reste que la plupart des enseignes peuvent se permettre ces tarifs au regard de la forte demande des compagnies de participer au off.»
Quelles perspectives de diffusion ?
«Pourtant les perspectives de diffusion s’effondrent, car les programmateurs viennent moins longtemps et avec moins de moyens. Les spectacles s’y jouent plus pour exister que pour réellement partir en tournées.»
L’ouverture à l’international peut-elle changer cette donne ?
«Nous nous questionnons à ce sujet, car peu de spectacles sont exportables, parce que souvent francophones. En revanche, toutes les compagnies sont soumises à la pression concurrentielle de la présence croissante des délégations étrangères. Elles ne prennent pas les mêmes risques et toutes ne jouent pas à armes égales.»
Nous tirons la sonnette d’alarme
«Nous tirons la sonnette d’alarme parce qu’à force de faire reposer tout le modèle du spectacle vivant sur la passion et le sacrifice individuel, on oublie que la culture n’est pas un luxe, mais un droit. L’Etat, les collectivités, les festivals n’ont qu’une responsabilité : garantir un accès juste, équitable et soutenable à la création. La CGT spectacle refuse que la précarité soit le prix à payer pour faire de l’art.»
De quel risque financier parle-t-on ?
«Quel est le risque financier pris par une compagnie lambda lors du festival off, à partir de statistiques médianes fournies par AF&C ? Avec, en moyenne, 2 artistes en plateau, un régisseur, un attaché de production, le tout dans une salle de 90 places pour un spectacle joué 20 fois ?»
Voici les chiffres médians
«Compter 4 000€ pour loger tout le monde ; 14 000€ de masse salariale pour respecter la législation du travail ; 10 000€ TTC pour financer le créneau ; 2 000€ pour imprimer affiches et tracts ; puis le voyage ; puis les frais de nourriture… La compagnie lambda devra trouver 30 000€ pour être à l’équilibre. Au chapitre de la billetterie, pour un remplissage moyen de 50% et une place à 14€, nous évaluons la recette à environ 12 000€. Même avec 3 000€ de dette Fonpeps, -Dispositif de soutien à l’emploi du plateau artistique de spectacles vivants diffusés dans les salles de petites jauges- la compagnie devra trouver la moitié de son budget de production, c’est-à-dire de 15 000€, dans ses fonds propres.»
Ces chiffres
«Ces chiffres démontrent que, face à ces difficultés, on comprend que les compagnies ne soient pas toutes en mesure de respecter la législation, en déclarant artistes et techniciens, car la masse salariale de juillet devient, souvent, la variable d’ajustement des compagnies du off. Didier Super, lorsqu’il jouait, disait en préambule à ses spectacles ‘Bienvenue dans le seul festival au monde qui parvient à couler la moitié des compagnies qui y jouent’. Comme le dit l’adage : Parfois, réussir son off c’est ne pas le faire.»
La chaîne alimentaire de cet écosystème
«Au bout de la chaîne alimentaire de cet écosystème, les compagnies subissent doublement les coupes budgétaires : la baisse des aides à la création d’un côté, et la baisse des moyens des programmateurs de l’autre. Avec une marge de vente de 1 000€ par spectacle, la compagnie Lambda devra vendre son spectacle 15 fois, suite au festival, pour rentrer dans ses frais. Objectif réaliste il y a 15 ans mais extrêmement difficile à réaliser en 2025.»
L’augmentation du nombre de spectacles
«L’augmentation du nombre de spectacles, chaque année, ne représente pas tant un immense engouement pour le festival off, mais la volonté des compagnies de partager les créneaux, pour mutualiser les risques qu’elles prennent, lors du festival. Les conditions de vie des compagnies lors du festival sont un excellent indicateur du spectacle vivant en France. Il y a donc lieu de s’inquiéter.»
Les revendications
«Nous revendiquons la préservation du fonds national pour l’emploi dans le spectacle : le fonpeps ; Le refinancement immédiat du service public pour l’art et la culture ; L’entrée des artistes et auteurs dans la caisse commune de l’assurance chômage et l’extension de leur protection sociale ; L’abandon de la réforme de l’audiovisuel public ; Le dégel et la protection de la part collective du Pass culture. Luttons pour que la culture ne devienne pas un privilège mais un droit pour tous.» La CGT Spectacles a alerté sur la situation précaire des artistes lors de la cérémonie de remise des Molière, des Etats-Généraux de la culture à Avignon et lors de la présentation du festival d’Avignon et du festival off.
Frédéric Tort et Stéphane Pellet Crédit Photo Jérôme Rey
Une importante initiative
Et parce ce que le festival Off d’Avignon donne des sueurs froides aux compagnies des initiatives ont nées ici et là pour aider les compagnies à faire connaître leurs œuvres différemment c’est le cas d’Avignon-If créé en 2014 par Frédéric Tort et Stéphane Pellet.
Pour un autre modèle économique
Dans la grande tradition d’accueil des artistes dans la Cité des Papes, les soirées du ‘IF, les avignonnais font leur festival’, permettent une nouvelle forme de partage et de rencontre. Depuis maintenant 12 ans, des hôtes avignonnais accueillent gracieusement des artistes dans des lieux privés. Les artistes disposent d’un support technique, photo et vidéo et peuvent présenter leur travail devant un public de professionnels invité. Une rencontre décontractée entre artistes et invités suit la représentation. Ensemble, hôtes et artistes offrent ainsi ce temps suspendu dans des conditions idéales pour la révélation de talents pendant le Festival d’Avignon, principale manifestation de spectacle vivant au monde.
Une initiative mise en place depuis 2014
«Comme chaque année, le monde du théâtre s’emballe, observe Simon Salomon : la quête de logements à un prix raisonnable, le lancement de cagnottes en ligne pour financer la location des salles, le recrutement de régisseurs, l’impression des affiches et tracts et la communication tous azimuts et, toujours la même question : «Comment se démarquer parmi les plus de 1 700 spectacles ? Et Où trouver les 30 000€ nécessaires pour passer un mois à Avignon ?» Et comment rémunérer les artistes lorsque les ressources d’une compagnie sont littéralement absorbées par le coût de l’aventure avignonnaise ?»
Depuis 2012
«Depuis 12 ans, un autre modèle a émergé. Grâce au travail d’une équipe de bénévoles qui fédère autour d’elle des citoyens mécènes qui ouvrent gracieusement la porte de leur maison et de leur jardin, des entreprises partenaires et le soutien de la Région Sud, IF- Les Avignonnais font leur festival permet, chaque année depuis 2014, à des artistes de présenter leur création devant des professionnels du spectacle vivant et de la presse. Et ce sans qu’il ne leur soit demandé aucune contrepartie financière. Nous croyons profondément en la possibilité de freiner la bulle spéculative qu’est devenu Avignon en juillet et de permettre aux artistes de travailler sereinement, sans s’endetter.»