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Rencontres Rhodaniennes 2024 : lutte contre le dépérissement de la vigne et diversification des vins

©Pryska PGP Création vidéo

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Les Rencontres Rhodaniennes ont eu lieu ce mardi 26 mars à Orange. L’occasion de faire un diagnostic et d’évoquer le maintien de la productivité en Vallée du Rhône, ainsi que les orientations possibles pour les vins blancs et rosés rhodaniens.

Vignerons et vigneronnes, mais aussi techniciens des Chambres d’Agriculture de Vaucluse, du Gard et de la Drôme, représentants de l’Institut de la Vigne et du Vin, œnologues, négociants et metteurs en marchés étaient nombreux au sein de la Salle Daudet pour cette matinée studieuse retransmise sur Youtube grâce à David Bérard qui animait les débats et son équipe qui les relayait sur internet.

Première partie : ‘Dépérissement, diagnostic et maintien de la productivité en Vallée du Rhône’, après quelques mots d’accueil du président d’Inter Rhône Philippe Pellaton. « Nous devons avoir une réflexion sur les différents profils de vins qu’on met sur la table, donner un impulsion pour les vendre, grâce à la technique et au marketing. Leur apport sont l’avenir de notre vignoble, nous devons nous adapter aux goûts et attentes du consommateur pour répondre aux enjeux du commerce de demain. »

Changement climatique, maladies et rendement

Marion Claverie de l’Institut Français du Vin a pris la parole pour rappeler que « Le Plan contre le Dépérissement a débuté chez nous en 2010 avant d’être repris dans toute la France, avec ce constat partagé sur des rendements trop bas. C’est ainsi qu’est né le ‘Projet Longue Vie’ pour analyser les causes et organiser un plan d’action. Il n’y a pas que l’azote, il y a aussi le cep improductif, le court-noué, une maladie de la vigne qui jaunit et se rabougrit, un virus insidieux qu’on ne détecte pas forcément, également le mildiou, l’oïdium, la coulure, le climat qui change, le manque d’eau, la canicule, le gel et la grêle. »

De son côté, Manon Tobias de l’Institut Rhôdanien d’Orange a évoqué l’alimentation hydrique : « 2022 et 2023 ont été des années sèches avec un moindre cumul en eau. Du coup, en plus de l’irrigation ou du goutte-à-goutte, on se demande s’il ne faut pas avoir d’autres pratiques végétales et culturales, avec de l’herbe ou des plantes entre les rangs de vigne pour couvrir le sol et la protéger du rayonnement solaire et du stress hydrique. Des sondes ont été placées pour caractériser l’impact de la météo, la fréquence de la pluie, les doses d’intrants à apporter pour, à terme, garantir un rendement stable. » 

Autre intervention, celle d’Isabelle Méjean de la Chambre d’Agriculture de la Drôme. « Entre 1990 et 2000 on a enherbé entre les ceps, mais le problème, c’est que l’été, herbe et vigne se faisaient de la concurrence, elles n’avaient pas assez d’eau pour se développer correctement. Du coup, on a procédé à un enherbement temporaire de l’automne au printemps pour que la pluie pénètre bien dans le sol, humidifie les pieds des vignes, que des racines se forment, structurent le sous-sol et l’irriguent et on enlève ce couvert végétal l’été. On a aussi ajouté dans les vignes des légumineuses qui captent l’azote, des céréales et des légumes crucifères (brocoli, chou-fleur, chou-rave) qui enrichissent la vigne sans avoir recours à la chimie. »

Son homologue de la Chambre d’Agriculture de Vaucluse, François Bérud a évoqué : « Cette bombe à retardement qu’est la flavescence dorée. L’État met moins de moyens à disposition des vignerons, des solutions sont envisagées en dehors de l’arrachage, avec des surgreffes, des replantations d’autres cépages, mais combien cela va-t-il coûter ? Quand le rendement sera-t-il à nouveau rentable ? Il est encore trop tôt pour le dire. »

Il a aussi été question de laisser le sol reposer pendant une dizaine d’années pour qu’il se régénère, mais les vignerons, face à la crise qu’ils traversent, à la déconsommation de vin, aux stocks qui s’accumulent dans leurs chais et bloquent leur trésorerie, ne voient pas cela forcément d’un bon œil, ils ont besoin d’autres solutions plus rapides pour sortir la tête de l’eau et gagner leur vie. De son côté, Anne Sandré de la Chambre d’Agriculture du Gard est revenue sur les calamités agricoles. « On en a eu cinq récemment. Échaudage en 2019, gros gel en 2021, grêle en 2023 avec certaines parcelles détruites à 80%. Chaque année, l’impact de la météo grimpe en flèche et le rendement baisse drastiquement. Ensuite, on se demande comment réparer la vigne, quand elle va cicatriser. Il vaut mieux réfléchir, attendre, garder les bourgeons secondaires qui vont reprendre vie et booster les ceps. Et pas forcément fertiliser davantage. La solution des filets existe, mais elle est coûteuse : 8 000€ par hectare. Celle des canons n’a pas été démontrée. Et l’été, il vaut mieux ne pas trop effeuiller la vigne, de sorte que les grains de raisin profitent de l’ombre et souffrent moins des rayons brûlants du soleil. »

Quel avenir pour le blanc, rosé et rouge ?

Après cette longue première partie, place à une présentation de profils différents de blancs et de rosés et à une dégustation pour envisager les orientations possibles des futurs vins de la Vallée du Rhône. C’est l’œnologue Stéphanie Bégrand qui l’a carrément annoncé : « Le rouge trinque face à la déconsommation. Donc pour pallier ce reflux, il nous faut compenser par les blancs et les rosés. Un groupe de travail d’une vingtaine d’opérateurs est en train de faire un état des lieux sur la stratégie à adopter pour la Vallée du Rhône, étudier les échantillons de ce qui se vend le mieux comme cépages, exotiques ou pas, le type de travail à effectuer de la vigne au chai pour parvenir à avoir des vins plus frais et plus fruités. Savoir au fond s’il faut une sous-maturité ou une maturité tardive, définir la température optimale de fermentation et se demander s’il y a une entité rhodanienne avec ses spécificités du nord au sud de l’appellation, avec ses terroirs, ses micro-climats et ses sous-sols différents de la Côte-Rôtie au Duché d’Uzès. »

Elle a dessiné trois profils pour les blancs : « Généreux et complexes » avec des notes boisées, toastées, une complexité aromatique entre fruits, épices et minéralité, une structure en bouche et un équilibre. Ils pourraient évoluer en vins de garde. Comme ceux à base de Viognier, Grenache blancs, Bourboulenc ou Roussanne. Puis les « Fruités et ronds » avec saveur de fruits jaunes (pêche, abricot) compensés par de l’acidité et qui peuvent servir d’apéritifs ou accompagner un repas comme le Floréal ou le Rolle. Enfin les « Vifs & frais » à arômes d’agrumes (pamplemousse) et de fleurs et comme le Bourboulenc ou le Piquepoul.

Après les blancs, dégustation de deux rosés : le 1ᵉʳ « Frais, fruité et délicat » avec un profil thiol (molécules soufrées), vif en bouche, pâle couleur avec des cépages de Cinsault, Carignan, Clairette, Muscardin. Le 2ᵉ « Fruité, épicé et généreux », plus vineux, plus épicé, avec des arômes de fruits rouges et une couleur plus soutenue. Il est conseillé pour les repas gastronomiques, mais pas comme vin de garde. Avec un assemblage de Grenache, Carignan, mais aussi un zeste de Mourvèdre qui fait toute la différence.

Avant de conclure au micro de David Bérard, Philippe Pellaton a rappelé que « 76% des Côtes du Rhône sont des rouges, 13% des rosés et 11% des blancs et effervescents. La déconsommation est une réalité mondiale. On est passé de 250 millions d’hectolitres en 2007 à 232 en 2022. Entre 2002 et 2021, la Vallée du Rhône aussi, a reculé de -900 000 hl. Nous devons avoir un plan d’action transversal, nous adapter tous ensemble et peut-être modifier le cahier des charges, les dates de vendanges. Et surtout, faire preuve de bons sens et garder notre identité rhodanienne. » Pour garder le moral, ne pas oublier que chaque seconde dans le monde, huit bouteilles des Côtes du Rhône sont dégustées.

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