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Liberté d’expression des salariés : un nu pas très catholique

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A l’occasion de cette rentrée, Olivier Baglio du cabinet d’avocat avignonnais Axio constate que la Cour de Cassation reconnait désormais comme un ‘droit absolu’ la liberté d’expression de tous les salariés.

Directeur d’une association catholique hospitalière pour adultes handicapés le jour et artiste photographe le reste du temps, un salarié souhaita faire partager sa passion de la photographie au plus grand nombre en publiant sur son compte Facebook une photo de sa propre personne en la présentant nue, agenouillée sur un prie-dieu dans une église.

Alertée par d’autres salariés, des résidents et des membres de leur famille, l’association ne fut que très modérément sensible au charme de la photographie ainsi publiée et engagea à l’encontre de son directeur une procédure de licenciement pour faute grave, que celui-ci s’empressa de contester devant le Conseil de Prud’hommes pour les motifs suivants :

– Il s’agirait de sa liberté d’expression incluant la liberté artistique, le cliché étant en outre dépourvu de caractère obscène,
– Cette photographie avait été prise hors du lieu et du temps de travail et relevait de sa vie personnelle.

La Cour d’Appel a rejeté ces arguments en considérant qu’une telle publication caractérisait un abus du droit à la liberté d’expression puisque :

– La large diffusion de la photographie par le salarié sur le réseau social Facebook, qui plus est sur la page d’accueil, la rendait accessible à tout public, à savoir ses subordonnés, aux résidents et à leur famille.
– Le caractère inapproprié et excessif de la photographie le montrant dénudé pouvait causer un tort à l’employeur.

Par un arrêt rendu le 23 juin 2021 (n°19-21.651), la Cour de cassation a censuré la Cour d’Appel en rappelant que le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci d’une liberté d’expression totale à laquelle, seules les restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, peuvent être apportées.

Or la photographie litigieuse étant dépourvue de caractère injurieux diffamatoire ou excessif et ne faisant aucun lien entre le salarié et son emploi, elle ne pouvait caractériser un abus dans la liberté d’expression du salarié, véritable liberté fondamentale garantie par la Cour…
Quid du trouble objectif causé dans l’entreprise vis-à-vis du personnel placé sous ses ordres, des rapports avec les familles des résidents, des résidents eux-mêmes, et enfin du caractère propre de l’établissement religieux ?
Autant de difficultés abandonnées et renvoyées à l’employeur, car, pour la Cour de cassation, il fallait manifestement et à tout prix préserver la création artistique du salarié au nom de ‘sa’ liberté d’expression. Il n’est pas sûr qu’il faille s’en réjouir.

Par Olivier Baglio

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