21 août 2025 |

Ecrit par le 21 août 2025

LEO : Tout le monde la veut, mais personne ne la fait

Le serpent de mer aurait-il fini par se noyer ? Dossier initié officiellement dès 1987, la LEO (Liaison Est-Ouest), ce fameux contournement par le Sud de l’agglomération avignonnaise, verra t’il le jour ? Rien n’est moins sûr, car si une des 3 tranches est opérationnelle depuis 2010, les 2 autres tronçons sont toujours dans les cartons. Aujourd’hui, la tranche 2 focalise toutes les attentions car son avis de décès n’est pas loin d’être prononcé. De quoi mobiliser l’ensemble des acteurs de ce dossier qui s’inquiètent dans l’urgence des conséquences de l’abandon du projet. Problème : si tout le monde est à l’unisson sur le fait qu’il faut faire quelque-chose, personne n’est d’accord sur la manière de le faire. Entre ‘pas de décision’ et ‘mauvaise décision’, les politiques locaux s’écharpent sous l’œil agacé des services de l’Etat. L’enjeux ? le désenclavement de la cité des papes. Et si face à ces blocages sur la tranche 2, la solution passait par la réalisation de la tranche 3 ? Celle sur le Rhône qui justifie, à elle seule, l’ensemble du tracé. L’arrivée enfin d’Occitanie dans la danse pourrait rebattre la donne.

Devant les multiples atermoiements de ce projet dont la première évocation officielle remonte à 1987, avec une inscription au Conseil général de Vaucluse sous le vocable ‘Déviation Sud d’Avignon par les bords de Durance’, la LEO semble aujourd’hui dans l’impasse. En effet, sur les 3 tranches du projet, seule la première (entre Courtine et Rognonas) a été réalisée. D’une longueur de 3,8km, en 2×2 voies avec un pont sur la Durance, elle a été mise en service en 2010 pour un montant de 136M€. Elle permet de relier la gare TGV de la cité des papes au Nord des Bouches-du-Rhône. La tranche 2 prévoit 5,8km en 2×1 voies (éventuellement passés en 2×2 voies ultérieurement), de Rognonas aux Amandiers, avec un viaduc sur la Durance de 800 mètres. Enfin, la tranche 3 prévoit le franchissement du Rhône (3,7km à 2×2 voies) avec un pont de 1 000 mètres enjambant le Rhône entre l’actuel viaduc TGV et le pont ferroviaire Eiffel.

Calendrier : un jeu de DUP
L’ensemble du tracé ayant été reconnu d’utilité publique par l’Etat en octobre 2003, le projet voit donc sa Déclaration d’utilité publique (DUP) arriver à échéance en 2027. Une perspective qui a incité Georges-François Leclerc, nouveau préfet de région Provence-Alpes-Côte d’Azur, à convoquer l’ensemble des acteurs publics concernés par l’avancée du dossier lors d’un comité de pilotage qui s’est tenu le 19 mai dernier. Un coup de pression du représentant de l’Etat afin de mettre tout le monde autour de la table pour savoir ‘qui paie quoi’ et surtout relancer définitivement la phase 2 avant que la fin de validité de la DUP ne la rende caduque. Peine perdue semble-t-il puisque la Ville d’Avignon et le Grand Avignon, ont campé sur leurs positions en défendant une reconfiguration de la LEO dont « le tracé a été imaginé il y a plus de 30 ans » regrettent en chœur Cécile Helle, maire d’Avignon, et Joël Guin, président du Grand Avignon.

Montage du Collectif anti-LEO afin de montrer l’impact du projet routier de la LEO au niveau de La Grande Chaussée dans la Ceinture Verte d’Avignon. Crédit : DR/Collectif anti LEO

Déception pour Terre de Provence, agacement de la Ville et de l’Agglo
Une position particulièrement mal perçue par Corinne Chabaud, présidente de Terre de Provence agglomération où devrait se situer une partie de la tranche 2.
« Nous sommes surpris et déçus par cette posture. Agir ainsi c’est oublier la complémentarité de nos territoires Bouches-du-Rhône, Vaucluse et Gard. C’est oublier l’enjeu autour de ce projet majeur structurant devenu indispensable. C’est oublier la perte de confiance exprimée ces dernières années par notre population. Ça suffit, nous ne pouvons plus attendre ! Malheureusement, Avignon et le Grand d’Avignon ont décidé de ne pas en tenir compte, nous faisant ainsi prendre le risque de compromettre définitivement la réalisation du projet. »
Cette ‘sortie’ notamment soutenue par Martine Vassal, présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Marcel Martel, maire de Châteaurenard, et Stéphane Paglia, président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) d’Arles, a eu le don d’irriter particulièrement la maire d’Avignon.

« Cela fait des années et des années que les élus du nord des Bouches-du-Rhône viennent dicter ce qui est bon ou pas pour les avignonnais et les avignonnaises. »

Cécile Helle, maire d’Avignon

Lors du conseil municipal du jeudi 26 juin, Cécile Helle a ainsi dénoncé le fait que « le président du Grand Avignon et la maire d’Avignon se fasse injustement attaquer via un communiqué de presse, limite outrancier, de la part d’une présidente d’une collectivité du nord des Bouches-du-Rhône ayant assisté à la même réunion que nous et qui n’a quasiment rien dit face au préfet de région. »
Et l’élue de la cité des papes d’ajouter qu’elle avait eu du mal à accepter de « se faire ‘aligner’ pour avoir défendu une autre vision de ce que peut-être la voie de contournement qu’attendent effectivement tous les avignonnais, en particulier les habitants de la rocade ». Une voie qualifiée de route de ‘grande circulation’ par les services de l’Etat. Pour la maire, la LEO « c’est une vraie bataille d’opinion qui se conduit aujourd’hui car cela fait des années et des années que les élus du nord des Bouches-du-Rhône viennent dicter ce qui est bon ou pas pour les avignonnais et les avignonnaises ».

En rouge, le tracé du projet initial de la tranche 2 de la LEO. En noir, le tracé alternatif voulu par la Ville d’Avignon et le Grand Avignon. Crédit : DR/Préfecture de région Paca

Plus ‘soft’, Joël Guin, le président du Grand Avignon rappelait récemment dans nos colonnes : « Nous voulons faire vivre la LEO, mais dans l’intérêt de tous les citoyens, qu’ils soient des Bouches-du-Rhône ou du Vaucluse ». Il pointe ainsi du doigt la nouvelle mouture de l’Etat, « il faut éviter le tracé dans la ceinture verte. Proposer désormais un projet ramenant la tranche de 2×2 voies à 2×1 voie pour le brancher sur le rond-point des Amandiers ce n’est plus réaliste. Envoyer près 40 000 véhicules dont 3 000 camions vers un feu rouge cela ne va pas fonctionner et cela va engendrer des bouchons. »

« J’ai bien peur que le projet ne soit enterré. »

Corinne Chabaud, présidente de Terre de Provence agglomération

De l’autre côté de la Durance, forcément la lecture n’est pas la même : « On a passé quand même deux heures en réunion avec le préfet de région, a répondu la présidente de Terre de Provence sur les ondes de nos confrères d’Ici Vaucluse. Chacun a évoqué ses points de vue et on peut l’entendre. Madame la maire d’Avignon, Cécile Helle, défend la santé de ses habitants comme nous on défend les nôtres. La santé publique est pour tout le monde sur tous les territoires. Nous, on a demandé à faire quelques ajustements. On pensait qu’en faisant nous, un pas, la maire d’Avignon et le président du Grand Avignon en feraient un également. Bon, ce n’est pas le cas. C’est dommage. »
« La saturation du réseau routier depuis de nombreuses années déjà entre Avignon et le Nord des Bouches-du-Rhône est devenue insupportable pour notre population, poursuit toujours sur Ici Vaucluse celle qui est également maire de Mollégès. Cette situation impacte très fortement l’attractivité, l’économie et l’emploi notamment. Il est donc impératif que nous trouvions un consensus mais j’ai bien peur que le projet ne soit enterré. »
Qu’il semble bien loin, le temps où les deux rives de la Durance saluaient leurs volontés communes d’avancer main dans la main dans ce dossier.

Projet alternatif ou projet utopique ?
La nouvelle joute, lors du comité de pilotage qui vient de se tenir en préfecture de Vaucluse afin de présenter le projet de la Ville d’interdire l’accès la circulation des plus gros poids-lourds sur la rocade aux heures de pointe, n’a fait que renforcer le fossé entre les élus de Terre de Provence et le bloc ‘Avignon-Grand Avignon’ même si les représentants de l’intercommunalité bucco-rhodanienne ont reçu le renfort des départements des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse et du Gard. Tous ont particulièrement du mal à saisir la cohérence de la position de la ville-centre du bassin de vie : « Comment vouloir interdire les camions sur la rocade d’un côté et, de l’autre, ne pas souhaiter réaliser les infrastructures routières qui permettrait d’y dévier ce trafic ? »

Même levée de bouclier au sein des professionnels de la route avec Norbert Zoppi, président de l’Union TLF Méditerranée et aussi vice-président du groupe avignonnais Berto : « Cette approche ponctuelle, purement territoriale, reporte le problème sur les territoires voisins au lieu de le résoudre. »
« La solution serait peut-être de déplacer Courtine de l’autre côté de la Durance », ironisait d’ailleurs il y a peu dans nos colonnes Jean-Yves Astouin, président pour la Région Sud de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) et dirigeant de Provence Astouin à Eyragues.

Estimation du trafic sur Avignon en 2035 sans la LEO. Crédit : DR/Préfecture de région Paca

Oui en 2019, non en 2025
La maire d’Avignon n’a cependant pas toujours était contre la Liaison Est-Ouest.
« Le contournement de la LEO est en effet indispensable pour faire disparaître la fracture urbaine et sociale qui isole et confine les habitants de ces quartiers », écrivait-elle en 2019 à Edouard Philippe, alors 1er Ministre, pour réclamer que les travaux puissent démarrer le plus vite possible « comme s’y était engagé l’Etat ». Tout cela « pour diminuer significativement ce flux continu de camions et d’automobiles » évalué entre 28 000 et 36 000 véhicules/jour dont 9% de camions.

Aujourd’hui pourtant, Cécile Helle estime qu’il n’est plus nécessaire d’attendre la poursuite de la Liaison Est-Ouest pour déplacer ce trafic. Pour cela, elle souhaiterait que soient réalisés les 800 mètres manquants, entre la tranche 1 et le rond-point du pont de Rognonas.
« Cela permettrait d’aller ensuite se connecter sur le réseau départemental existant des voies du nord des Bouches-du-Rhône, en prenant une déviation à Châteaurenard qui éviterait le cœur de village et desservirait son MIN (Marché d’intérêt national) dont le maire vient d’acter l’extension. » Quant à la tranche 2 de la LEO, hors de question de la réaliser dans sa configuration actuelle.

Vue générale du modèle physique du viaduc de la tranche 2. Crédit DREAL PACA

« Le projet qui nous a été présenté est complètement daté car, je le rappelle, ce tracé a plus de 30 ans aujourd’hui. Et en 30 ans, une agglomération et une ville se développent et s’aménagent différemment. »
Une vision à laquelle elle se félicite d’ailleurs d’avoir rallié Joël Guin : « Je me réjouis que nous ayons convaincu au fil du temps, le président du Grand Avignon, à venir sur notre position ».

Ce dernier propose ainsi désormais de longer le Sud de la Durance « avec une route en partie en encorbellement » pour limiter l’impact environnemental et permettre les usages agricoles. « Cela permettrait aussi de supprimer les camions sur Châteaurenard et d’arriver par l’arrière de la zone des Iscles et du MIN », avant un éventuel franchissement de la Durance pour rejoindre le rond-point du parc des expositions et « se connecter à Bonpas où le Département de Vaucluse a débuté les travaux de réaménagement afin de fluidifier la zone. »
Pour les deux élus, il faut donc prioritairement utiliser les voies de circulation existantes et impérativement réaliser la jonction entre l’A9 et l’A7 à Orange pour favoriser l’usage de l’autoroute et y renvoyer le plus de camions

Un enjeu pour les municipales
Comme on l’a vu avec Julien Aubert (voir article principal), la LEO sera l’un des thèmes majeurs des prochaines élections municipales de mars prochain, tant dans la cité des papes que dans les communes limitrophes. Les 3 candidats de la majorité avignonnaise actuelle l’ont parfaitement compris et leur défi sera de trouver le point d’équilibre afin de justifier leur alignement sur la maire sortante concernant leur opposition au tracé actuel tout en affichant leur volonté de faire avancer le Schmilblick.
Joël Peyre assure être celui « règlera le problème de la Rocade pour les habitants » mais constate que le projet c’est « une bonne idée, bloquée par l’Etat, mais désormais datée. Conçu dans les années 80 et validé en 2003, ce projet a 20 ans de retards. Déplacer les bouchons à Saint-Chamand et engorger encore davantage le carrefour de l’Amandier. Installer une voie express près de l’écoquartier, de la plaine des sports et des zones commerciales, c’est condamner un secteur déjà saturé par le trafic des voitures et des poids lourds. »
« Le tracé aujourd’hui proposé pour la tranche 2 de la LEO, entre Rognonas et le rond-point de l’Amandier, est une aberration fonctionnelle. Il ne désengorge pas la ville », estime pour sa part Paul Roger Gontard. « Oui pour une LEO repensée au sud de la voie TGV, longeant la Durance et connectée à Bonpas, poursuit-il. L’urgence est un nouveau pont sur le Rhône. »
« Il faut relancer le débat sur la LEO, insiste plus Sibyllin David Fournier Nous avons besoin de bouger mieux, de respirer mieux. Avignon mérite un plan de mobilité du XXIe siècle qui prenne en compte la situation de la cité des papes : son insularité, la totalité du périmètre de son aire urbaine, son positionnement stratégique sur l’axe PLM (Paris, Lyon, Marseille) et celui de l’Espagne et de l’Italie… Bref, avoir une vision pour demain en accord avec les territoires qui nous entourent. »
Enfin, du côté du collectif Voix d’Avignon réussissant notamment les partis Renaissance et Horizons en vue du prochain scrutin le constat est sans appel : « On me parle de la LEO depuis que je suis gamin. Combien de fois on m’a dit : ‘laisse tomber’, ‘ce projet ne verra jamais le jour’, ‘ce n’est pas pour ta génération’… Mais justement, c’est parce que ça dure depuis trop longtemps qu’il faut enfin le faire. La LEO n’est pas un sujet technique : c’est un choix politique », déclare Julien Paudoie, porte-parole de Voix d’Avignon.

Un ‘chantage’ de l’Etat qui ne passe pas
« Avec le Grand Avignon, nous sommes les seuls à défendre un projet alternatif, rappelle Cécile Helle. Et parce que nous prônons une vision différente, on veut nous faire croire que nous ne comprendrions rien aux enjeux de circulation et de mobilité. C’est assez insupportable, y compris de la part de l’Etat. Je pense qu’il y a effectivement un bras de fer à introduire afin de nous faire entendre plus fort que ce que l’on fait aujourd’hui. »
Un ‘chantage’ qui ne passe vraiment pas puisque la maire d’Avignon disait déjà en décembre 2023 lors d’un conseil communautaire : « L’Etat a tôt fait de nous dire : soit c’est ce projet-là, soit ce n’est rien du tout. Ça c’est le pire qui puisse nous arriver, car il nous faut quand même une solution. »

Du point mort à un état de mort cérébrale
Les partisans de la configuration actuelle de la LEO ont aussi des choses à reprocher à l’Etat : « pourquoi le préfet de région a relancé le dossier maintenant alors que les élections municipales arrivent bientôt ? Il y aura de nouveaux élus pour décider de l’avenir du territoire. Et puis pourquoi l’ancien préfet Bertrand Gaume a-t-il intégré la Ville d’Avignon dans le comité de pilotage alors qu’elle ne finance pas le projet ? C’est faire rentrer le loup dans la bergerie. » Difficile tout de même d’exclure des réflexions qui la concernent la ville centre de ce bassin d’emploi de près de 300 000 habitants, unique exemple en France de bassin de vie à cheval sur 3 départements, 2 régions et 2 zones scolaires.

Durant la construction du premier viaduc de la LEO mis en service en 2010 sur la Durance. Crédit : DREAL-Paca

On l’aura donc compris, la tranche 2 de la LEO est au point mort. « Par expérience quand depuis 20 ans un sujet d’intérêt national ne se fait pas, c’est qu’en fait ce n’est pas un sujet d’intérêt national », observe sobrement Thierry Suquet, l’actuel préfet de Vaucluse. Du point mort à l’état de mort cérébrale, il semblerait qu’il n’y ait qu’un pas.
L’Etat ne s’y trompe d’ailleurs, tout heureux de remettre la main sur le ‘magot’ afin de l’orienter vers les projets des JO 2030 dans la région.

« Ce que l’on attend des élus d’un territoire : qu’ils le défendent, qu’ils le développent et qu’ils l’améliorent afin d’y rendre la vie le meilleur possible. »

Gaby Charroux, maire de Martigues

Les malheurs des uns, faisant le bonheur des autres, les crédits de la LEO ont aussi été fléchés pour financer le contournement autoroutier de Martigues et de Port-de-Bouc. Une nouvelle infrastructure routière qui ne semble donc pas effrayer les deux maires communistes, respectivement Gaby Charroux et Laurent Belsosa, qui se félicitent de passer un cap essentiel pour l’avenir de leurs communes.
« C’est une reconnaisse d’attractivité et d’intérêt. C’est ce que l’on attend des élus d’un territoire : qu’ils le défendent, qu’ils le développent et qu’ils l’améliorent afin d’y rendre la vie le meilleur possible », souligne le maire de Martigues chez nos confrères de Maritima Médias.

Différentiel du trafic sur Avignon en 2035 avec ou sans la LEO. Crédit : DR/Préfecture de région Paca

Enjamber le Rhône plutôt que la Durance ?
A défaut donc d’enjamber la Durance, les 7 maires gardois du Grand Avignon viennent d’écrire à Philippe Tabarot, ministre chargé des transports, afin de prioriser le franchissement du Rhône. Dans un courrier commun en date du 19 juin dernier, Rémy Bachelier, maire de Rochefort-du-Gard, Pascale Bories, maire de Villeneuve-lès-Avignon, Yvan Bourelly, maire de Saze, Jacques Demanse, maire de Sauveterre, Paul Mély, maire des Angles, Nathalie Nury, maire de Roquemaure, et Sandrine Soulier, maire de Pujaut ont ainsi conjointement demandé une inversion de calendrier entre les tranches 2 et 3. Objectif : prioriser la réalisation d’un nouveau pont sur le Rhône se connectant ensuite à RN 100 jusqu’au rond-point de Grand Angle.

« Le projet de LEO est une véritable clé de voûte pour notre territoire. »

Les élus gardois du Grand Avignon

« Le projet de LEO est une véritable clé de voûte pour notre territoire, pour réduire la pollution de l’air et pour le développement de son attractivité économique », rappellent les cosignataires qui demandent dans la foulée que « les crédits étant disponibles, nous vous serions donc grés d’officialiser une inversion des tranches 2 et 3 de la LEO afin de lancer, enfin, la construction de ce troisième pont sur le Rhône attendu de façon unanime par l’ensemble des habitants et des collectivités. »
De quoi répondre tout particulièrement aux attentes des 63% de Villeneuvois qui ont plébiscité la réalisation d’un nouveau franchissement du fleuve-roi lors d’une enquête consultative initiée par la municipalité cardinalice. Pour les électeurs villeneuvois, il s’agit ainsi de la priorité numéro 1 des actions à mener.

Dans la foulée, les 7 maires gardois ont aussi réclamé que la DUP de la tranche 2 soit prolongée au-delà de 2027 et que la tranche 3 soit intégrée au prochain contrat de plan Etat-Région renouvelé, lui-aussi, en 2027.
En début d’année, Pascale Bories, aussi présidente du Scot (Schéma de cohérence territoriale) du bassin de vie d’Avignon avait déjà interpellé le préfet de région Provence-Alpes-Côte d’Azur sur le sujet : « La réalisation des tranches 2 et 3 de la LEO est aujourd’hui une urgence absolue à l’heure d’une crise écologique majeure pour permettre le désengorgement du bassin de vie avignonnais de part et d’autre du Rhône. »
Auparavant, celle qui est aussi conseillère départementale du Gard avait également précisé, lors d’une consultation réalisée en 2021 par la préfecture du Gard sur la LEO que « L’aménagement de notre territoire (était) toujours coincé dans le siècle dernier. (…) Habitants du bassin de vie avignonnais, nous avons le privilège de vivre à la croisée de trois axes majeurs de notre pays. Ce positionnement doit être une chance pour notre économie et notre développement, il ne doit pas être un fardeau. »

Plus de 95% de la tranche 3 (à gauche en violet sur la carte) se situe en Occitanie et dans le département du Gard. Crédit : DR/Préfecture de région Paca/DREAL

Si l’intention est louable afin de garder la main sur les financements de l’Etat, la donne change quelque peu par rapport aux tranches 1 et 2 du projet. En effet, la phase 3 se situe à 95% dans le Gard et donc en Occitanie. Là où la Région Sud avait prévu d’apporter 38,47M€ et le Département de Vaucluse 21M€ afin de financer la tranche 2 (après avoir déjà respectivement contribués à hauteur de 46,2M€ et 14,2M€ pour la tranche 1), les deux collectivités outre-Rhône n’ont jusqu’alors jamais montré leur empressement à s’aligner sur la ligne de départ des financeurs de la LEO. Leur seul concours s’élevant à ce jour à 250 000€ de participation à des études au mitant des années 2000 alors que la région s’appelait encore Languedoc-Roussillon.

LEO : « J’y suis complètement favorable. »

Carole Delga, présidente de la Région Occitanie

Coup de Chance, Carole Delga était en Avignon à l’occasion de la fête nationale. En effet, la présidente de la Région Occitanie, qui assiste chaque année au festival à titre privée, a participé aux cérémonies du 14 juillet à Villeneuve-lès-Avignon. Questionnée sur la LEO par nos confrères de la presse quotidienne régionale, elle a déclaré : « J’y suis complètement favorable. Mais la question de son financement est liée à la participation de l’Etat (…). La France a besoin d’investir dans des infrastructures ferroviaires, routières et maritimes. C’est primordial pour la compétitivité économique des entreprises ».
Un véritable revirement pour Carole Delga qui, interrogée par nos soins sur ce dossier en juillet 2022 lors du lancement officiel à Avignon de la nouvelle ligne ferroviaire TER entre le Gard rhodanien et la cité des papes, avait affirmé que « l’époque n’était plus aux grandes infrastructures, notamment routières ».
Un 360° de l’élue socialiste toulousaine qui laisse désormais en rade une autre élue de gauche, la maire d’Avignon qui martelait encore ses convictions lors du dernier conseil municipal : « Cette bataille, c’est celle qui va dans le sens de l’histoire. On peut tourner dans tous les sens aujourd’hui, les grands projets d’infrastructures routières sont dépassés ! »

Tout le monde a un avis sur la LEO
« Il est temps que le vaucluse cesse de passer à côté de son histoire. A terme, cette voie LEO sera incontestablement l’épine dorsale économique du Grand Avignon », expliquait déjà en 2021 Jean-Baptiste Blanc, le sénateur de Vaucluse. Pour une infrastructure aussi vitale pour le territoire, on peut donc s’étonner du peu d’empressement à la réaliser. Pourtant ce n’est pas les avis qui manquent. Le monde économique d’abord. En avril dernier, la CPME de Vaucluse a sollicité le cabinet du ministère des transports afin de faire le point sur la poursuite du chantier : « On arrive à saturation », se plaignait alors excédé Bernard Vergier, président de la CPME84. Même constat pour Frédéric Laurent, secrétaire général de l’union départementale de la CGT Vaucluse et Roland Paul, président du Medef 84 lors d’un entretien croisé entre les deux leaders syndicaux : « Le tour d’Avignon, c’est devenu catastrophique. Le contournement de la ville avec la LEO, c’est une aberration que l’on n’arrive pas à avancer. »
Du côté des élus, dans les colonnes de nos confrères de La Marseillaise Dominique Santoni, présidente du Conseil départemental de Vaucluse rappelle : « L’État est revenu avec un projet à 175M€, nous demandant si on était d’accord pour réfléchir sur cette nouvelle proposition. Avignon et le Grand Avignon ont décidé de ne pas y aller. C’est une erreur. (…) Car le préfet de Région a été clair : il n’y aura pas de tracé alternatif. Ce que je regrette, c’est que c’est de l’argent qui aurait dû être déversé sur le territoire vauclusien et qui va partir ailleurs. Au final, on n’aura pas de projet routier ni résolu le problème de la Rocade. »
« Il faut absolument un troisième pont sur le Rhône », demandait récemment pour sa part Claude Avril, le maire de Châteauneuf-du-Pape. « Que chacun prenne sa part, c’est une question d’intérêt général ».

Mieux vaut tard que jamais
Après avoir été longtemps aux abonnés absents sur ce projet, on peut s’interroger sur le niveau de motivation de la région Occitanie qui aura mis près de 30 ans à entrer dans le dossier. Vouloir la LEO, c’est bien. La financer, c’est mieux. La remarque est d’ailleurs également valable pour le Département du Gard. En 2014, le coût de la tranche 3 s’élevait à 216M€ avant d’être réévalué à 241M€ vers 2020.
Mieux vaut tard que jamais cependant puisque la Région s’est largement mobilisée pour la remise en service de la ligne voyageur entre le Gard Rhodanien et Avignon. A ce titre, elle vient de débloquer plus de 5M€ d’investissements pour la réouverture de la gare de Villeneuve-lès-Avignon.
Un premier pas néanmoins insuffisant dans ce territoire chroniquement sous doté en matière d’investissement depuis des dizaines d’années. A moins que Carole Delga ne soit venue éteindre le feu des velléités d’expansion du Vaucluse sur ce délaissé de Languedoc-Roussillon puis d’Occitanie.

La Région SUD, mais aussi les départements de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône contribuent fortement au financement de la tranche 2. Pour la tranche 3, l’implication d’Occitanie et du Gard est espérée à des niveaux au moins équivalents. Crédit : DR/Préfecture de région Paca

En effet, ils sont de plus en plus nombreux, élus Vauclusiens comme Gardois, à évoquer le rattachement de l’intégralité du canton de Villeneuve à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. « S’ils viennent, je les accueille avec plaisir. Je ne veux pas décider pour les élus, mais ça paraît cohérent. Car ils ont plus de proximité avec Avignon qu’avec le Gard ou avec Marseille qu’avec Toulouse, la capitale régionale », expliquait Dominique Santoni, présidente du Conseil départemental à nos confrères de La Marseillaise dans leur édition du 26 juin dernier. Un propos qui s’inscrit dans les pas de son prédécesseur, Maurice Chabert qui, déjà il y a quelques années, évoquait ce redécoupage administratif complexe mais pas impossible (voir encadré : ‘D’Occitanie à la Provence : comment modifier les frontières du canton de Villeneuve-lès-Avignon ?’).

Même vision du territoire pour Joël Guin, président du Grand Avignon qui, tout récemment dans nos colonnes, assurait « qu’il y aurait une certaine logique à raisonner en bassin de vie ». Le maire de Vedène s’inscrivant, lui aussi, dans la lignée d’un de ces prédécesseurs à la présidence de l’agglomération : le gardois Patrick Vacaris. « L’ensemble du Gard avignonnais, c’est-à-dire le canton de Villeneuve, là ou je suis né, est tourné vers Avignon. Notre bassin de vie c’est Avignon. On y consomme, on y va pour la culture, les sorties… C’est une évidence, le canton de Villeneuve devrait être rattaché au Vaucluse », déclarait sans langue de bois en 2020 celui a été aussi conseiller général du Gard pendant 20 ans avant de rajouter : « La LEO c’est le parfait exemple du désintérêt total de la région Occitanie pour ce territoire. On a envie de leur demander combien vous comptez y mettre ? »

Tranche 2 : le point sur l’état d’avancement
Aujourd’hui, l’Etat a acquis la maîtrise foncière afin de réaliser la tranche 2 de la LEO. Dans ce cadre, il a même procédé à certaines opérations d’évacuations illégales et de démolitions comme en avril 2024. Des interventions contre laquelle s’était notamment opposée l’ASCVA (Association de sauvegarde de la ceinture verte d’Avignon).
Dans sa configuration d’origine, le projet initial évalué à 142,7M€ en 2014 serait aujourd’hui estimé entre 274M€ et 303M€. C’est pour cela que le préfet de Région est venu proposer une version ‘light’ à 174M€ pour rentrer dans le budget, quitte à recalibrer l’infrastructure dans l’avenir.
Auparavant, alors que les financements étaient bouclés au printemps 2012 (une ‘époque’ où le Vauclusien Thierry Mariani était ministre des transports), il faudra attendre 2020 pour un nouvel alignement des planètes budgétaire. Les financeurs annoncent alors qu’ils sont à nouveau prêt à lancer les travaux pour une mise en service espérée en 2023. Rien ne bouge jusqu’en février 2022 où, répondant à l’assemblée nationale à une question de Souad Zitouni, députée de la première circonscription de Vaucluse, Bérangère Abba, Secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique annonçait espérer un démarrage des travaux en 2023 pour une mise en service courant 2027. Fin 2023, c’est le Grand Avignon qui porte une dernière estocade en retirant une délibération octroyant 600 000€ à la LEO dans le budget 2024 de l’agglomération.
Au final, les entreprises attributaires en 2020 du marché public pour la réalisation de la 2e tranche de la Liaison Est-Ouest ont reçu en février dernier un courrier leur annonçant le classement sans suite de la procédure. Alors que le code des marchés publics impose d’informer dans les plus brefs délais les opérateurs économiques ayant participé à ce type de démarche, il aura donc fallu 5 ans pour les prévenir d’une décision pour motif ‘d’intérêt général’, sans que l’intérêt général en question ne soit motivé… Le tout bien évidemment, sans indemnisations.
Photomontage depuis la rive droite de l’ouvrage de franchissement de la Durance Amont de la tranche 2 de la LEO. Crédit : Lavigne Cheron Architectes/Cerema

Plus près de nous, Julien Aubert, potentiel candidat aux élections municipales d’Avignon de 2026 se demandait « si notre découpage actuel des collectivités départementales et même régionales est adapté à l’époque moderne ? » avant d’ajouter en parlant du canton de Villeneuve « qu’ils sont culturellement tournés vers nous, je ne verrai que des avantages à ce qu’ils soient dans notre région et dans notre département ».

Une offensive tous azimuts qui n’est certainement pas passée inaperçue du côté de Toulouse, capitale occitane située à plus de 3 heures de route, là où Marseille (1h) et même Lyon (2h) sont plus proches. Et ce d’autant plus que vu leur niveau de revenus moyen, les habitants du canton de Villeneuve figurent parmi les principaux contributeurs fiscaux du Conseil départemental du Gard et d’Occitanie. Une manne qui permet de financer des aménagements dans le Lot, l’Ariège ou bien encore le Gers… mais rarement dans le Gard Rhodanien pourtant très largement peuplé.
« Quelle que soit la majorité politique, le canton de Villeneuve-lès-Avignon n’a jamais été bien doté. Nous sommes les oubliés, dénonçait d’ailleurs Patrick Vacaris. Même à l’époque de Languedoc-Roussillon nous n’avons jamais été pris en compte alors que les habitants de notre canton participent très largement aux recettes fiscales. »

« Une erreur stratégique historique. »

Renaud Muselier, président de la Région Sud

En attendant, ce projet cristallise les agacements liés à ce territoire des occasions manquées perpétuelles.
Renaud Muselier, le président de la Région Sud constatait déjà en 2023 en séance plénière : « Ce dossier date presque de la nuit des temps. Il a cristallisé des oppositions mais à un à moment le projet a fait l’objet d’un consensus politique qui faisait que la LEO pouvait avancer. Ce consensus politique a été financé, validé et organisé. »
Conscient que la fenêtre de tir était étroite, Renaud Muselier veut alors que Pierre Dartout, le préfet de région d’alors, lance le chantier. Ce dernier hésite et veut lancer une nouvelle étude. Le créneau de lancement vient de se refermer…
Pas tendre, le président de la Région Sud poursuit : « J’ai Avignon qui est contre, mais le Grand Avignon qui est pour. Je leur dit :‘entendez-vous entre vous, nous on finance’. Joël Guin me dit qu’il n’en veut plus et bien on ne fait plus. L’argent qui est disponible pour cette opération partira sur d’autres opérations. La Région a provisionné 38M€ et l’Etat 54M€. C’est plus de 90M€ qui vont partir de là et qui, mécaniquement, vont aller ailleurs parce que la volonté politique de l’action territoriale sur Avignon fait en sorte qu’ils ne les veulent pas. Je trouve que c’est une erreur stratégique historique. Moi, je pense que la LEO c’était nécessaire. C’est un dossier qui va poser d’énormes difficultés dans l’avenir. »

Laurent Garcia

D’Occitanie à la Provence : comment modifier les frontières du canton de Villeneuve-lès-Avignon ?
Si tout le monde semble d’accord sur l’incohérence des frontières administrative du bassin de vie d’Avignon, l’argument avancé par les élus qui ne veulent surtout pas se lancer dans ces démarches c’est d’affirmer : « C’est compliqué ».
Pourtant, il n’y pas si longtemps que cela le Vaucluse s’est agrandit dans le Gard. C’était en 2007 lorsqu’une partie de la commune des Angles avait été rattachée à celle d’Avignon. Cette modification de périmètre a concerné 7,96ha situés sur l’île Piot, à l’emplacement de l’actuel parking-relais gratuit, ainsi que 5,45ha pris sur le Rhône. Cette demande avait été formulée en 2001 par la commune d’Avignon. La raison ? La commune des Angles n’étant alors pas dotée de police municipale, c’était celle de la cité des papes qui devait intervenir lorsque cet espace de stationnement était occupé illégalement par les gens du voyage. La zone n’étant pas situé dans le même département, ni la même région, cela posait des problèmes juridiques concernant la légalité des interventions des agents municipaux. La solution a donc été de transférer ces terrains sous la juridiction d’Avignon.
De fait, la cité papale s’est agrandie d’un peu plus de 13ha. Effet domino, il en a été forcément de même pour le département de Vaucluse et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Une décision « portant modification des limites territoriales de communes, de cantons, d’arrondissement, de départements et de régions dans le Gard et le Vaucluse » entériné par un décret du ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire du 14 mai paru le jour suivant au Journal officiel. Cependant, ces modifications n’ont entraîné aucun changement dans la population des deux communes puisque les terrains concernés étaient inhabités.

Il existe des jurisprudences
« Dès qu’il y a des habitants cela complique les choses » assurent à nouveau les élus frileux à l’idée de lancer la ‘machine’ à calquer les frontières administratives à la réalité des attentes des concitoyens de leur bassin de vie.
Là encore pourtant, il existe des jurisprudences. La plus récente : depuis le 1er janvier 2018, le village de Pont-Farcy, dans le Calvados, a changé de département pour intégrer celui de la Manche.
Une première en France pour ce village de 550 habitants qui a, en fait, rejoint la commune nouvelle de Tessy-Bocage vers laquelle son bassin de vie se tournait (commerces, établissements scolaires, emploi…). Un transfert validé sans difficulté par le Conseil d’Etat. « Il y a un lien naturel évident », expliquait alors le maire Christian Baude pour justifier cette démarche entérinée par un décret en date du 26 décembre 2017. Ce que les Normands sont capables de faire, des Provençaux ne le pourraient pas ?

La loi permet aux habitants de s’exprimer par référendum
« Pour modifier un tracé régional, il faut une décision législative car les périmètres ont été fixé par la loi de 2016 », éclaire Thierry Suquet, préfet de Vaucluse. C’est donc au parlement que se trouve la clef de cette décision. Pas forcément impossible donc, pour peu qu’il y ait la volonté d’y arriver. Ou simplement d’essayer.
Et si finalement, la réponse se trouvait tout simplement dans ce qui fait l’essence de notre République : la démocratie. « La possibilité de laisser les intercommunalités et leurs habitants s’exprimer par référendum existe, rappelait avec bon sens l’ancien président du Conseil départemental de Vaucluse Maurice Chabert. Elle est prévue par la loi. Pourquoi ne pas l’utiliser alors sur ces questions ? » Effectivement, on peut s’interroger : pourquoi ?


LEO : Tout le monde la veut, mais personne ne la fait

Claude Avril déborde d’idées pour continuer à rénover et embellir son village « dans le respect de sa beauté naturelle ». S’il souhaite développer un tourisme à visage humain, il n’en oublie pas les grands dossiers d’aménagement de son bassin de vie et plaide pour l’usage du transport fluvial ainsi que pour l’urgence de réaliser un troisième pont sur le Rhône.

Elu maire de Châteauneuf-du-Pape en 2014 et réélu haut la main aux municipales de 2020 avec 83,45% des suffrages, il le confirme : « Ce sont les projets qui nous font avancer. Ils sont fondamentaux ». Et des projets, même s’il en a réalisé depuis plus de 10 ans, il lui en reste encore plein la musette dans ce village qui fut la résidence d’été des papes lorsque ceux-ci étaient encore installés à Avignon.

Le pari de la culture et du vin
Dans cette commune d’un peu plus de 2 000 habitants, terre de vignes réputées dans le monde entier depuis plus de sept siècles et première Appellation d’origine contrôlée (AOC) de France dès 1936 grâce au Baron Le Roy, le maire insiste : « Nous avons la chance d’être entourés par un magnifique environnement historique, patrimonial, géographique, viticole, culturel. A nous de le développer tout en le préservant pour continuer à bien vivre à Châteauneuf ».
Après Les Causeries et la matinée passée avec bonheur entre Sylvain Tesson et Franck Ferrand en mai, Châteauneuf en bulles et les fans de BD attirés par milliers grâce à Raphaël Vannelle qui les a organisés avec toute l’équipe municipales en juin, Châto’Off les murs en partenariat avec le Festival d’Avignon (du 15 au 19 juillet) et le passage du Tour de France cycliste, mardi prochain 22 juillet, sur la Route du Mont- Ventoux, le village regorge de festivités à destination de la population et des touristes qui débarquent par cars entiers au pied du château.

Une terre de solidarité
« Mais ici, à Châteauneuf, on s’occupe de tous sans distinction. Il faut savoir qu’il y a 13,5% de logements sociaux, 10% de chômeurs, 20 à 30% de familles modestes et des gens aisés, voire riches » explique le premier magistrat. « Nous avons tissé des liens intergénérationnels avec l’ensemble de la population. Par exemple, la piscine associative est réservée tous les matins aux seniors et aux mamans avec leurs enfants, qui paient 30€ à l’année. De même, en nous basant sur le quotient familial, nous envoyons au frais l’été et au ski l’hiver, en colonie de vacances, les petits aux Orres et à Montgenèvre. Nous ne pourrions pas le faire sans la fameuse ‘Cuvée des Hospices’ organisée par les vignerons du village qui rapporte entre 60 et 80 000€ par an ». Dans le même esprit de solidarité avec les plus démunis, les invendus alimentaires non périmés de la supérette sont offerts, à l’abri des regards, aux pensionnaires du CCAC (Centre communal d’action sociale), aux personnes âgées, aux saisonniers…

« Ici, à Châteauneuf, on s’occupe de tous sans distinction. »

La ‘Cuvée des Hospices’ des vignerons permet à la commune de financer de nombreux projets sociaux comme la piscine associative intergénérationnelle notamment. Crédit : DR/Mairie de Châteauneuf-du-Pape

Moins de poids lourds, davantage de projets
Après avoir aménagé la place Jean Moulin, avec son Benedetti Caffè, sa Maisouneta et son Comptoir de la Mère Germaine qui ne désemplissent pas semaine et week-ends compris, Claude Avril est en train d’implanter un parking supplémentaire végétalisé dans le quartier des Arènes. Objectif ? Désengorger la circulation sur les hauteurs. « Ce seront 220 places avec des caméras de vidéo-protection. Un investissement de plus de 1,3M€ que nous n’aurions pu faire sans l’appui de l’intercommunalité du Pays d’Orange en Provence qui aide un petit bourg comme le nôtre » ajoute-t-il.

La place Jean-Moulin, nouveau lieu de vie du village. Crédit : DR/Mairie de Châteauneuf-du-Pape

Un projet pour valoriser le Château Pontifical
Autre projet et non des moindres puisque sa silhouette est visible à des kilomètres alentour, le Château Pontifical qui date de 1317.
« C’est un site historique et emblématique que nous voulons valoriser. Nous avons procédé en 3 étapes-clés depuis 8 ans : en 2015, un diagnostic d’archéologie préventive avec les services du Département de Vaucluse. En 2017, une étude documentaire en liaison avec l’Université d’Avignon pour analyser les archives écrites et iconographiques et en 2018 une étude archéologique du bâti qui a révélé, par endroits, une montée des eaux par capillarité. D’ici à 2026, en accord avec tous les organismes habilités, la DRAC, les Bâtiments de France et les Monuments Historiques, le Mur ouest va être consolidé, les joints refaits. A terme, nous allons réhabiliter dans les règles de l’art ce site unique, construire une nouvelle salle au-dessus de celle qui existe, avec un ascenseur, un belvédère et une vue à couper le souffle à 360° pour y organiser des évènements culturels d’exception. Il faut que ce joyau médiéval retrouve la place qu’il mérite au cœur du patrimoine régional et national. »
Il a aussi en tête l’idée d’une fête autour de tous les Anglo-Saxons, Irlandais, Gallois, Ecossais, Anglais, Américains, Australiens, Néo-Zélandais qui fréquentent régulièrement Châteauneuf. Elle aurait lieu autour du 4 juillet, jour de la Fête Nationale des Etats-Unis, en mémoire de Lafayette et pourrait aussi créer un évènement festif supplémentaire.

Le maire de Châteauneuf-du-Pape milite pour une meilleure utilisation du Rhône, notamment pour le transport des granulats et des carrières ainsi que pour la réalisation d’un nouveau pont sur le fleuve-roi. Crédit : Emmanuel Chandelier/Mairie de Châteauneuf-du-Pape

« Il faut absolument un troisième pont sur le Rhône. »

Claude Avril parle de « court et moyen terme » pour échelonner dans le temps tout ce qui doit permettre aux habitants de Châteauneuf de s’épanouir dans un environnement calme et préservé Or, malgré l’interdiction faite aux camions de traverser le village et de polluer la vie des Châteauneuvois, la circulation reste un problème. « Y’en a marre de récupérer le trafic du Gard. Il faut absolument un troisième pont sur le Rhône après ceux de Roquemaure et d’Aramon » martèle Claude Avril.
« Nous subissons le bruit, les vibrations, la pollution que génère ce flux de conducteurs qui refusent de payer le péage de l’autoroute. Que chacun prenne sa part, c’est une question d’intérêt général ». En cela, il se retrouve dans la même position que d’autres élus qui, au-delà des clivages politiques, souhaitent sortir de cette inaction qui frappe la LEO depuis plus de quatre décennies pour réduire la pollution et développer l’attractivité de leurs territoires respectifs, tout en fluidifiant la circulation.

Carrières : « Qu’on préfère le fluvial à la route. »

Autre combat, contre l’extension des carrières qui grignotent inexorablement la terre dans un environnement de vignes, de biodiversité et de romanité. Il est vent debout avec l’ODG (Organisme de défense et de gestion de l’appellation).
« Qu’on fasse passer le trafic des blocs de pierres, granulats et cailloux par péniches et non par camions au milieu de nos vignobles. Qu’on préfère le fluvial à la route. »

Pour rester positif, Claude Avril a encore d’autres projets en tête. « La vigne nous protège et malgré un foncier rare, il existe encore des pépites, des espaces à développer. Bien sûr nous avons des hôtels étoilés, mais pas assez. Je suis favorable à l’implantation de chambres d’hôtes de qualité, notamment du côté de la Tour de l’Hers, un site somptueux de 5 hectares à l’ouest du village, au bord du Rhône. Cela nous permettrait de capter les croisiéristes qui sont nombreux à nous rendre visite tout au long de l’année et pas seulement en juillet-août. C’est un site historique d’anciens fours à chaux qui ont servi à bâtir nos maisons et leurs toits en tuiles. Autre possibilité, du côté du Château Maucoil et ses 45 hectares de vignes bio. Ils sont deux associés dont un entrepreneur bourguignon qui a le projet d’un hébergement de luxe avec restaurant huppé et thermes romains. Nous avons aussi la chance d’avoir deux vélo-routes, la via Rhona et la via Venaissia. Notre tourisme doit être humain, mettre en valeur notre terroir, nos paysages, notre savoir-faire, notre histoire, notre culture et notre viticulture. »

Au croisement de la via Rhona et la via Venaissia, Châteauneuf-du-Pape entend concilier tourisme à visage humain, art de vivre, vigne et culture. Crédit : DR/Mairie de Châteauneuf-du-Pape

« Notre tourisme doit être humain. »

Le maire compte aussi sur un évènement qui vient de se dérouler en juin dernier et qui va se pérenniser dans les années qui viennent. « Avec le Centre du Droit et d’Economie du Sport d’où sortent notamment Zinedine Zidane et Nathalie Péchalat, pour organiser des rencontres sur le sport de haut niveau, les performances, la santé des athlètes, leur mental, le suivi de carrières avec de grands champions du monde du rugby, du basket, du volley, du hand et du foot qui viendraient volontiers dans un lieu prestigieux comme Châteauneuf et attireraient un public nouveau. »
Du 1er au 3 août prochains, ce sera La Véraison qui avait attiré 29 000 touristes l’an dernier. « Notre village avance avec détermination. Nous continuons à rester au service de tous en maintenant un service public de qualité, en valorisant le vivre ensemble et en faisant de la proximité et de la solidarité des priorités du quotidien » conclut Claude Avril.

Près de 30 000 visiteurs sont attendus lors de la prochaine édition de la fête de La Véraison qui se tiendra du 1er au 3 août prochains. Crédit : DR/Mairie de Châteauneuf-du-Pape

Andrée Brunetti


LEO : Tout le monde la veut, mais personne ne la fait

Si aujourd’hui personne ne sait qui sera le futur maire d’Avignon, une certitude cependant, les problématiques de mobilité seront au cœur de la campagne des municipales. Tramway, LEO, plan faubourg, étoile ferroviaire, liaison A7-A9, gratuité des transports, piétonnisation, circulation douce… Autant de sujets phares qui commencent déjà à accaparer l’actualité des différents prétendants, déclarés ou non. Parmi eux, Julien Aubert qui, même s’il n’est pas encore officiellement candidat au fauteuil de maire de la cité des papes, entend faire entendre sa voix au nom d’Avignon Passion, l’association dont il est président. Pour cela, l’ancien député de Vaucluse s’appuie sur une enquête menée par ce ‘laboratoire d’idée’ prônant une alternance à Avignon en 2026.

« Ce qui se dessine dans cette étude, c’est en fait l’histoire d’une ville qui est coincée entre un bras de rivière et un bras de fleuve, résume Julien Aubert. Et dont le maire décide à un moment donné de revoir le plan de circulation, piégeant toute la partie de la population qui se trouve vers l’ouest et qui veut aller vers l’est. Des gens qui se retrouvent aujourd’hui principalement bloqués sur la rocade. »
Dans le viseur de Julien Aubert : le plan faubourg. Sa consultation réalisée auprès de 504 participants (voir encadré en fin d’article) fait ainsi apparaître que 76% des personnes interrogées déclarent que leur itinéraire habituel a été allongé et que se sont les secteurs Sud de la ville qui sont les plus impactés (87%). Certains déclarent perdre de 15mn à 30mn lors de leur trajet (40%) et même au-delà de la demi-heure pour 26%. Et pour près des trois quarts (73,5%) l’accès à leur quartier est jugé ‘difficile’ ou très ‘très difficile’.
« Au final, on se retrouve avec une rocade totalement engorgée où tout le monde proteste, les 25 000 riverains qui n’en peuvent plus de subir des niveaux de pollution exceptionnels, ceux qui sont impactés dans la ceinture verte et ceux qui viennent de l’extérieur. »

Le plan Faubourg a accentué le dépérissement du centre-ville
Pour Julien Aubert, les difficultés à circuler entre l’Ouest et l’Est d’Avignon a aussi une autre conséquence pour la cité des papes : le dépérissement de son centre-ville.
« Comme on a coupé les sources d’approvisionnement extérieures naturelles, les habitant de la grande banlieue d’Avignon ou de la première et deuxième ceinture se sont mis à tourner le dos à l’intra-muros pour aller, en toute mobilité, vers les zones du Pontet ou vers l’intérieur du Vaucluse. »
Et bien qu’elles vivent à proximité immédiate du cœur de ville, près de 80% des personnes interrogées limitent leur déplacement à destination du centre-ville. Et plus on s’éloigne du centre-ville, plus cette tendance est forte.

Le trajet n’est pas qu’un simple déplacement
Cette enquête fait aussi apparaître qu’un trajet ne se limite pas à aller d’un point ‘A’ à un point ‘B’. Un déplacement peut ainsi cumuler les usages, c’est-à-dire qu’il peut avoir une fonction logistique (faire des courses pour 42% des répondants de l’enquête), familiale (récupérer les enfants à l’école pour 21%) ou même culturelle, sportive ou de loisirs (20%).
« Ce qui est intéressant avec cette étude, c’est qu’elle bat en brèche certaines idées reçues. Ainsi, on s’aperçoit que la plupart des répondants utilisent tous les modes de locomotion. Ils utilisent la voiture et aussi le vélo. Ils n’ont donc rien contre le vélo qu’ils utilisent pour d’autres usages », (75% des interrogés utilisent ‘souvent’ leur voiture personnelle contre 31% la marche, 20% le vélo, et 10% les transports en commun).
Ainsi sur les déplacements de courtes distances, les participants disent utiliser le vélo ou la marche à pied comme moyen de déplacement à 81%. Les secteurs du centre-ville et de la première couronne avignonnaise étant les plus actifs en ce domaine. Ces deux modes doux sont donc prisés à la fois pour les personnes qui travaillent à proximité de leur logement et pour des déplacements liés aux loisirs, mais toujours dans un périmètre très restreint.

« Les Avignonnais passent en moyenne 67h dans les bouchons. »

« Selon nos besoins et nos contraintes, en fonction de notre vie familiale et professionnelle, des jours et des horaires, nous pouvons être piéton, cycliste, automobiliste ou usager des transports en commun. Par contre, comme il n’existe quasiment pas d’alternative en raison de l’absence d’une offre de transport adaptée à la réalité des besoins des habitants de notre territoire : inadéquation des infrastructures, organisation et offre trop limitée, ruptures de charge, mauvaise organisation etc (65% d’insatisfaits). Nous sommes donc très souvent condamnés à prendre notre voiture, notamment pour travailler, ce qui évidemment nous conduit à nous retrouver piégés dans les bouchons qui ont augmenté de 6% sur Avignon depuis 2019. L’usage de la voiture est donc une nécessité, quitte à perdre du temps, mais qui apporte de la souplesse et de la facilité. »
Ici, les Avignonnais passent en moyenne 67h dans les bouchons. Pas étonnant dans ces conditions que 96% des participants de l’étude d’Avignon Passion soient ‘insatisfaits’ ou ‘très insatisfaits’ concernant la fluidité du réseau routier.

« On doit d’abord faciliter la vie des gens. Ici, on l’a rendue beaucoup plus compliquée. »

« C’est la principale critique que j’adresse aux architectes du schéma de déplacement actuel : ils l’ont conçu avec un prisme idéologique anti-voiture. Une vision qui prévoit tous les paramètres, sauf un, les besoins humains. Et les besoins humains sont souvent dictés par le bon sens ou les nécessités. Au final, on aura beau faire la plus belle piste cyclable du monde, quand il pleut en janvier, vous ne prenez pas votre vélo. Et vous le prendrez encore moins si vous devez aller faire des courses pour la semaine avec vos enfants. Donc effectivement, cela montre toute la complexité des flux, parce qu’en réalité il y a une grande multiplicité des usages de la mobilité. Des usages qui sont très difficile à quantifier. La grande leçon à retenir c’est quand on élabore un plan de mobilité, on doit répondre aux besoins de la population. On doit d’abord faciliter la vie des gens. Ici, on l’a rendue beaucoup plus compliquée. »

« Mais si la première faute a été de mener une politique de mobilité basée sur l’idéologie, indépendamment du besoin des gens et de leur nécessité, la seconde a été de la penser par le nombril. C’est-à-dire comme si le plan Faubourg, c’était uniquement le sujet des gens des Faubourgs et peut-être un peu du reste des Avignonnais. Sans réaliser qu’Avignon joue le rôle de plaque tournante d’un espace géographique très compliqué. Un territoire adossé naturellement à des cours d’eau et débordant sur d’autres départements qui ont besoin d’avoir un accès à la ville centre. Une ville compartimentée, héritière d’une histoire extrêmement riche avec ses remparts mais aussi ses emprises ferroviaires, qui la corsette et l’empêchent de respirer.

« La priorité, c’est de faire la LEO telle qu’elle est. »

Côté solution, Julien Aubert est sans équivoque : « La priorité, c’est de faire la LEO (Liaison Est-Ouest) telle qu’elle est. Oui, le tracé est ancien ! Oui, il passe malheureusement par des espaces naturels ! Oui, il a été très long à débloquer ! Mais il faut être lucide, les gens qui expliquent qu’on va peut-être changer le tracé, en réalité ils enterrent le projet car nous n’avons pas le temps matériel de refaire l’étude avant la fin de validité de la DUP (Déclaration d’utilité publique). Le débat est donc clair, soit on fait la LEO telle qu’elle existe, avec toutes ses qualités et tous ses défauts, soit il n’y aura pas de LEO. Il est donc évident de faire de ce dossier une priorité afin de délester Avignon et ses habitants des excès de trafic et de permettre aux usagers extérieurs de la contourner le plus facilement possible. »
« La LEO est vitale pour l’avenir de notre territoire, insiste-t-il. Attractivité économique, emploi, santé des habitants, pollution atmosphérique…. Trop de temps perdu et trop de retard accumulé, Avignon et son agglomération doivent impérativement réagir sans quoi notre ville déclinera encore et toujours. »
Selon Avignon Passion : 80% des personnes interrogées sont favorables au projet de la LEO, le secteur de la rocade l’étant encore davantage (93%). Dans la continuité, ils sont 83% à considérer ‘très prioritaires’ de fluidifier le réseau routier, tout particulièrement dans les secteurs de la 1ère couronne avignonnaise, de la rocade Charles de Gaulle, du tour des remparts et de la route de Marseille.

« Refluidifier le transit en ville sans dégrader la qualité de vie des gens. »

« L’autre nécessité, c’est de revoir le plan Faubourg. Plus de 84% des personnes interrogées dans notre enquête souhaitent la modification voire la suppression du plan faubourg. Il y a peut-être des endroits où cela a amélioré la vie et tout n’est pas à jeter, mais il faut totalement le remettre à plat avec une vraie concertation des principaux intéressés et sans idéologie. J’habite dans le secteur et on a changé quand même 8 fois le sens de circulation pour arriver jusqu’à chez moi ! Il faut donc repenser tout cela avec une seule et unique boussole : refluidifier le transit en ville sans dégrader la qualité de vie des gens. »

Julien Aubert regrette que le tramway ne rejoigne pas les principaux pôles de la ville : Agroparc, l’hôpital et même le centre-ville comme cela était initialement prévu. Crédit : DR/Grand Avignon

Optimiser les réseaux de transport en commun
Troisième priorité pour Julien Aubert : optimiser les réseaux de transport en commun, le tramway notamment.
« Plutôt que de faire un téléphérique, il paraîtrait plus logique de desservir les pôles principaux d’Avignon comme la zone d’Agroparc ou l’hôpital. »
C’est ce que demandent d’ailleurs 55% des répondants, devant l’université à Saint-Lazare (37%), le parking de l’île Piot à (32%), mais aussi la gare TGV, la zone commerciale du Pontet et Réalpanier.
« Le tramway était un choix stratégique mais c’est aussi un traumatisme pour les commerces durant le chantier. Une forme de ‘vitrification’. On l’a bien vu avec l’avenue Saint-Ruf qui a payé cher l’installation du tramway. Par contre, une fois qu’on a eu les inconvénients, il faut qu’on ait les avantages en desservant enfin les zones principales de notre ville. Si on avait été logique, le tramway serait aussi allé dans le cœur de ville, jusqu’à la place de l’horloge. Si on veut favoriser les déplacements, notamment pour les personnes à mobilité réduite et les personnes âgées il faut que ce tramway soit le plus efficient possible. »

Une réflexion à mener à l’échelle du bassin de vie
En termes de mobilité Julien Aubert a aussi pleinement conscience que la réponse la plus efficace doit être apporté à l’échelle du bassin de vie.
« A minima, il faudrait déjà que le Grand Avignon soit en phase avec Avignon pour commencer », regrette-t-il en constatant que « la ville-centre ne s’entend avec une partie des autres collectivités alentours. Si en plus vous avez la zone gardoise qui joue aussi parfois sa partition contre la partie vauclusienne… ce n’est pas comme cela que l’on bâtit un projet de territoire. Cela se construit par de la confiance. Nous avons donc besoin d’un dialogue de confiance entre la ville-centre, qui doit comprendre qu’elle ne peut pas être Gargantua et dévorer ses voisins, et de l’autre côté, des voisins qui doivent aussi concevoir que cette ville-centre assume un certain nombre de fonctions d’intérêt général avec les coûts importants qui vont avec. Qu’elle a une fonction ‘moteur’ qui doit être reconnue et qu’elle a aussi un rôle naturel pour guider l’avenir du bassin de vie. »

« Se demander si notre découpage actuel des collectivités départementales et même régionales est adapté à l’époque moderne. »

« Après, il y a sans doute une réflexion plus globale à mener, davantage au niveau national qu’au niveau local, qui consiste à se demander si notre découpage actuel des collectivités départementales et même régionales est adapté à l’époque moderne. »
Prenant l’exemple de la LEO avec la récente demande des maires gardois du Grand Avignon de prioriser la tranche 3 (celle franchissant le Rhône) à la tranche 2 (celle franchissant la Durance) : « il ne faut pas reproduire les erreurs de Cécile Helle qui consiste à regarder par le petit bout de la lorgnette. C’est un projet global en trois parties. Et pour qu’il fonctionne, il les faut toutes. Il s’agit donc de remettre les choses dans l’ordre même si, effectivement, il est temps de trouver les financements pour la tranche 3. Là aussi, il serait bon que la région Occitanie se rappelle que le Gard fait bien partie de l’Occitanie. »

« Avignon : c’est une ville qui porte le passé, mais qui doit aussi porter l’avenir. »

Quant au canton de Villeneuve-lès-Avignon, s’il n’est pas loin de penser qu’il s’agit aujourd’hui d’un délaissée d’Occitanie, à l’image de plusieurs présidents du Grand Avignon comme Joël Guin début juin dans nos colonnes, Patrick Vacaris il y a quelques années, ou tout récemment la présidente du Conseil départemental de Vaucluse, Dominique Santoni, dans les colonnes de nos confrères de La Marseillaise, Julien Aubert serait lui aussi favorable à son rattachement au Vaucluse : « S’ils sont maltraités en région Occitanie et qu’ils sont culturellement tournés vers nous, je ne verrai que des avantages à ce qu’ils soient dans notre région et dans notre département. Car il ne faut pas oublier qu’Avignon c’est la porte d’entrée de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et même celle d’Occitanie. La ville ne doit pas être une sorte de caillou qui en bloque les flux. Avignon c’est une ville que toute la France connaît, mais c’est aussi Atlas qui porte le monde sur ses épaules avec un patrimoine unique qui génère des frais et des contraintes architecturales incessantes pour une ville qui n’en a pas les moyens. C’est une ville qui porte le passé, mais qui doit aussi porter l’avenir. C’est pour cela que si nous voulons une métropole attractive et dynamique au plan économique dans un territoire parmi les plus pauvres de France, il nous faut une agglomération élargie.. »

« Cependant pour défendre cette vision, porter cette voix singulière, il faut être au fait de la géographie et de la réalité des problématiques si particulières de ce territoire afin d’être en mesure de l’expliquer au niveau national et des services de l’Etat, assure-t-il. Aujourd’hui, le sujet des mobilités et des déplacements sur Avignon ne concerne plus uniquement les Avignonnais ou les Vauclusiens. C’est un sujet national d’aménagement du territoire. »

Laurent Garcia

L’enquête ‘Circulation-Mobilités’ d’Avignon Passion
Plus de 500 personnes ont répondu à cette enquête ‘Circulation-Mobiliés’, se félicite Julien Aubert : « C’est un nombre suffisamment significatif pour établir un diagnostic fiable. Quand on fait un sondage, on est à peu près cette jauge-là par rapport à notre population ».
Le président d’Avignon Passion estime également que provenance des personnes ayant répondus est assez bien répartie dans toute Avignon ainsi qu’à l’extérieur de la cité des papes.
(Centre-ville : 10%, 1re ceinture d’Avignon : 43%, 2e ceinture : 12% et Hors Avignon : 35%). Dans le même temps, 24% des participants travaillent en centre-ville dont 49% n’habitent pas Avignon et 13% des participants travaillent sur le secteur Montfavet (Agroparc, Cantarel, Mistral 7) dont 41% n’habitent pas Avignon.
« C’est vraiment un retour d’utilisateurs, insiste-t-il. Nous avons à la fois des gens qui vivent à Avignon et qui travaillent à l’extérieur, des gens qui vivent à l’extérieur et qui travaillent dans Avignon, et puis évidemment ceux qui font les circuits intérieurs. »
Crédit photo : Guillaume Samama-Photographe


LEO : Tout le monde la veut, mais personne ne la fait

Réagissant à la dernière publication de Wingz, notre dessinateur humoristique, sur le dossier de la LEO (Liaison Est-Ouest), Joël Guin, président de la Communauté d’agglomération du Grand Avignon a tenu à rappeler sa détermination à voir se poursuivre ce projet.
Remis sur le devant de la scène après la sortie de Corinne Chabaud, présidente de Terre de Provence agglomération, maire de Mollégès et conseillère départementale déléguée aux marchés publics des Bouches-du-Rhône, le débat sur les atermoiements de la réalisation de tranche 2 de la LEO avait déjà fait réagir le président du Grand Avignon et Cécile Helle, maire d’Avignon. Dans un droit de réponse adressé à notre attention, les deux élus Vauclusiens avaient expliqué leur attachement à voir ce dossier aboutir, mais pas dans les conditions actuelles, qu’ils jugent obsolètes.

« Nous voulons faire vivre la LEO. »

Joël Guin, président de la Communauté d’agglomération du Grand Avignon

« Contrairement à ce qui a été dit, nous voulons faire vivre la LEO, mais dans l’intérêt de tous les citoyens, qu’ils soient des Bouches-du-Rhône ou du Vaucluse », explique Joël Guin.
« Il faut éviter le tracé dans la ceinture verte », poursuit-il avant de souligner la nouvelle position de l’Etat : « Proposer désormais un projet ramenant la tranche de 2×2 voies à 2×1 voie pour le brancher sur le rond-point des Amandiers ce n’est plus réaliste. Envoyer près 40 000 véhicules dont 3 000 camions vers un feu rouge cela ne va pas fonctionner et cela va engendrer des bouchons. »

Il faut dire que ce tracé de la tranche 2 a été imaginé il y a 30 ans, lorsqu’il fallait remplir la zone d’activités d’Agroparc en la connectant à la future LEO. Alors que cette zone a été urbanisée depuis, les besoins ne sont plus les mêmes.
« Aujourd’hui, je mets aussi en cause les élus d’une certaine époque qui, pour des problèmes d’égo ou des raisons d’ambitions personnelles, ont travaillé pour retarder la LEO, dénonce le président du Grand Avignon. Il faut voir les quartiers des Amandiers et de la Cristole il y a 30 ans et aujourd’hui pour se rendre compte que le contexte a complètement changé. C’est une réalité et il y a autre chose à faire maintenant en imaginant un nouveau tracé qui pourrait coûter moins cher. »

Une route en encorbellement pour éviter « d’embêter » les anguilles
Joël Guin propose ainsi de longer le Sud de la Durance « avec une route en encorbellement, comme on peut le voir en Sicile par exemple où la nature est restée intacte dessous et les agriculteurs peuvent continuer à travailler. On peut faire tout cela sans ‘embêter’ les anguilles qui se baladent dans la Durance. Cela permettrait aussi de supprimer les camions sur Châteaurenard et d’arriver par l’arrière de la zone des Iscles et du MIN (Marché d’intérêt national). »
Avec un éventuel franchissement de la Durance pour rejoindre le rond-point du parc des expositions et « se connecter à Bonpas où le Département de Vaucluse a débuté les travaux de réaménagement afin de fluidifier la zone. »

La LEO est au centre de plusieurs enjeu environnementaux. Crédit : Préfecture de Paca

« Des moyens, il y en a. »

Il souhaite aussi que l’on raccorde le plus rapidement possible la tranche 1 au rond-point de Rognonas. « Le plus important, c’est de pouvoir faire bouger les choses que l’on puisse, tous ensemble, sortir de l’ornière. »
Pour cela, le président de l’agglo reconnaît « qu’il faudra passer par une nouvelle DUP (Déclaration d’utilité publique) » alors que celle de la tranche 2 ne sera plus valable à partir de 2027.

Pour ce dernier, tout cela est avant tout une question de volonté et de mobilisation. « Des moyens, il y en a, insiste-t-il. Seulement, nous avons aussi à faire à des ‘autruches’ qui mettent la tête sous le sable et qui disent ‘non, cela n’a pas été prévu comme cela’. Qui se plaignent maintenant, mais que l’on n’a pas entendu depuis 15 ans. Pourtant ce chantier est nécessaire, ne serait-ce que pour nos entreprises à qui cela ferait beaucoup de bien. »

Et la tranche 3 ?
« On pourrait d’ores et déjà travailler aussi à la tranche 3, préconise le président du Grand Avignon. Celle avec le pont sur le Rhône qui relie la route d’Aramon dans le Gard avant de rejoindre le giratoire du plateau des Angles. »
Une perspective qui pose cependant la question de la participation financière du Conseil départemental du Gard ainsi que de la région Occitanie à la réalisation de cet aménagement si vital pour une agglomération ‘concurrente’ ne se trouvant administrativement pas dans leur territoire.

Les Gardois : « Ils ne bronchent pas et se laissent faire. »

« Les Gardois qui sont dans le Grand d’Avignon, je peux vous dire que l’Occitanie n’en a rien à faire et a du mal à les reconnaître. Ils sont considérés ‘out’ », assène Joël Guin.
Et quand on évoque les contributions fiscales régionale et départementale de l’ensemble du canton de Villeneuve-lès-Avignon (l’un des plus riches d’Occitanie) sans réelle ‘retour sur investissement’ le président du Grand Avignon enfonce le clou : « Ils ne bronchent pas et se laissent faire. »
« Il faut se baser sur l’histoire et ne pas se cacher derrière son petit doigt. On s’en rappelle très bien, les nouvelles régions ont été dessinées sur un coin de table. Administrativement parlant, ils font partie de l’Occitanie, mais les gens d’Occitanie ne les connaissent pas parce qu’ils font partie d’une EPCI vauclusienne. »
De quoi mettre le sujet du rattachement du canton de Villeneuve à la Région Sud sur la table ? « Oui, il y aurait une certaine logique à raisonner en bassin de vie. Ce qui est également d’ailleurs valable pour le Gard rhodanien. »

Quelles autres solutions d’aménagement pour la mobilité
Evoquant plus largement les problématiques de son bassin de vie, Joël Guin évoque également les autres solutions de mobilités qui pourraient soulager en partie le trafic sur Avignon et ses alentours comme l’interconnexion A7-A9 au niveau d’Orange. En effet à ce jour, les véhicules venant de l’A7 par le du Sud doivent sortir de l’autoroute pour y rentrer à nouveau afin de rejoindre l’A9 en direction de l’Espagne.
La réalisation de cette brettelle d’accès, dont le coût serait estimé à 60M€ environ, pourrait permettre de capter 4 000 véhicules par jour afin de désengorger la cité des papes.
« Nous avons vu la société Vinci pour lui demander quand est-ce qu’elle pourrait réaliser ce barreau. Vinci nous a répondu qu’ils étaient prêts mais qu’il fallait que l’Etat finance. »
Autre idée un temps évoquée en 2020 : la gratuité de l’autoroute entre Avignon-Nord et Avignon-Sud à l’instar de ce que l’on peut trouver à Aix-en-Provence, à Montpellier et bientôt à Nîmes.
« J’ai été le premier à faire cette demande : Je le revendique, martèle Joël Guin. C’était dans les années 2009-2010. Malheureusement, nous ne l’aurons jamais. Cela restera un serpent de mer car l’opération est trop complexe. Il faudrait passer par une DSP (Délégation de service public) et transférer les péages sur l’autoroute. » Le tout sans que Vinci se montre très coopératif sur l’initiative et qu’une solution via une lecture de plaque avec des portiques permettant la libre circulation des habitants de l’agglomération ne soit actuellement réellement au point techniquement.

Un bassin de vie si particulier
Il s’agit aussi de lutter contre les ‘anomalies’ de ce bassin de vie tiraillé entre 2 régions et 3 départements. « Dernièrement en revenant de Roquemaure, je me suis trouvé derrière un bus Orizo de notre réseau du Grand Avignon et un autocar Lio de la région Occitanie. Ils faisaient le même trajet en se suivant alors que vu le nombre de personnes à l’intérieur un seul véhicule aurait largement suffi », constate Joël Guin qui n’entend cependant se laisser décourager par la situation parfois ubuesque de ce bassin de vie si particulier.


LEO : Tout le monde la veut, mais personne ne la fait


LEO : Tout le monde la veut, mais personne ne la fait

En partenariat avec nos confrères de La Marseillaise, rencontre entre Frédéric Laurent, secrétaire général de l’union départementale de la CGT Vaucluse, et Roland Paul, nouveau président du Medef Vaucluse. L’occasion pour les deux leaders syndical et patronal locaux de confronter leur conception du monde du travail et de l’entreprise. Si les deux représentants sont plutôt éloignés sur les sujets nationaux, comme les retraites tout particulièrement, ils affichent en revanche une vraie vision commune sur les sujets vauclusiens comme la LEO, le foncier économique ou bien encore le logement.

Quel est votre vision et votre attachement à ce que l’on appelle le modèle social Français ?
Frédéric Laurent : « Nous sommes effectivement très attachés à ce modèle même si l’on constate qu’il est très fortement mis à mal depuis quelques années. Notamment en matière de protection sociale des salariés avec des inégalités qui se creusent dans un département parmi les plus pauvres de France. Une précarité qui touche tout particulièrement un salariat très féminisé ainsi que beaucoup de familles monoparentales féminines. Je pense en tout cas, que les Vauclusiens, comme les Français, sont très attachés à ce modèle social de solidarité, de partage, d’un système qui permet à tous de s’en sortir, de lever la tête. Mais malheureusement, on le voit, il est attaqué sur le chômage, les retraites, l’emploi ou bien encore les conditions de travail. »
Roland Paul : « De par mes fonctions à GSE, j’ai l’occasion de travailler régulièrement dans différents pays. Et quand l’on se compare avec ces derniers, c’est certain que nous avons un bon modèle social. Un modèle auquel nous restons tous très attachés, c’est une réalité. Mais au-delà de cela, quand on regarde autour de nous on voit aussi que ce n’est pas seulement ce modèle-là qui est attaqué, c’est aussi la démocratie dans son ensemble. Jusqu’à preuve du contraire cependant, nous n’avons pas mieux fait que la démocratie. »

L’une des questions récurrentes liées à ce modèle social est : comment le finance-t-on ?
Frédéric Laurent : « Aujourd’hui, tous les éléments fondateurs de notre système social français, qui est envié dans le monde entier, font l’objet d’attaques multiples. On parle ici de la protection sociale ou de l’accès à la santé, mais il y a également la protection quand on perd un emploi. Donc la question essentielle, c’est la volonté d’agir sur le financement. Parce que l’on nous dit que cela coûte trop, mais regardons aussi comment mettre plus de recettes en face pour pallier ces dépenses. C’est pour cela qu’il faudrait aussi ponctionner là où il faut. Actuellement, le financement de la protection sociale repose sur la répartition, donc la cotisation que vous et nous, entreprises et salariés, mettons dans le pot commun pour la soutenir. Par contre, il y en a certains qui sont bien à l’abri. Pourquoi ne ponctionnerait-on pas les revenus colossaux du capital, comme on ponctionne un peu les salaires des deux parts, patronal et salarial ? Pourquoi, sur le régime des retraites, ne taxerait-on pas les entreprises qui refusent l’égalité homme-femme ? Cela rapporterait, je crois, 2,3 milliards d’euros par an. Il y a aussi tout un tas d’aspects sur certains éléments complémentaires au salaire qui ne contribuent pas au régime de l’éducation sociale. Les primes d’investissement, l’épargne salariale, l’épargne retraite… ne cotisent pas au même niveau que le salaire pur et simple. Pourquoi ne pas le faire rentrer ? Et puis, pourquoi pas augmenter un tout petit peu, 0,5% par exemple, la cotisation patronale. Cela créerait une dizaine de milliards par an. »

« Il faut veiller à ce que nos entreprises, qui créent la richesse dans notre pays, ne croulent pas sous les charges et puissent rester compétitives. »

Roland Paul, président du Medef 84

Roland Paul : « Il y a des choses fondamentales à financer dans notre pays, comme l’éducation ou la santé. Ce ne sont pas des dépenses, ce sont des investissements. En revanche, nous avons déjà les taux de prélèvement et d’imposition les plus élevés d’Europe. Alors je veux bien qu’il y ait tous ces débats sur la TVA sociale, sur l’imposition des riches afin de faire rentrer encore plus d’argent, mais je pense qu’il y a aussi un tri à faire dans les dépenses y compris dans les aides aux entreprises. Quand on ponctionne de plus en plus, on prend le risque de mettre les gens et les entreprises à genoux. Ponctionner la richesse du capital, c’est aussi prendre le risque que les gens s’en aillent. Au final, je pense que, plutôt que d’aller ponctionner et aller prendre plus d’argent pour en distribuer encore plus, il vaut mieux orienter correctement et un peu moins dépenser. Par ailleurs, quoi qu’on en dise nous sommes aussi en concurrence avec les autres pays. Et il faut veiller à ce que nos entreprises, qui créent la richesse dans notre pays, ne croulent pas sous les charges et puissent rester compétitives. »

Frédéric Laurent
Après avoir fait une formation d’infirmier psychiatrique à l’hôpital de Montfavet, Frédéric Laurent ‘est tombé dans la marmite’ du syndicalisme quelques années après. Celui qui est arrivé sur Avignon à l’âge de 3 ans, a ensuite occupé plusieurs fonctions départementales ou nationales au sein de la CGT, notamment dans le domaine la santé. Durant ce parcours, il a été secrétaire départemental de la CGT 84 durant 30 ans avant de prendre, il y a 3 ans, la responsabilité de secrétaire général de l’union départementale de la CGT Vaucluse qui compte près de 7 000 adhérents dans le département. Une fonction qu’il va quitter d’ici une quinzaine de jours. « Je retourne dans mon hôpital, pour exercer le métier que j’aime en attendant la retraite. Le plus tôt possible, je l’espère », dit-il malicieusement avec un sourire pour le président du Medef 84 assis à ses côtés.

Justement, comment concilier tout cela ?   
Roland Paul : « Pour le financement des retraites, c’est simple : il a y une équation à résoudre concernant notre système de répartition. Quand on regarde le nombre de gens qui payent et ceux qui en ont besoin, cela ne marche pas. C’est clair qu’on ne peut pas financer de cette manière-là. Il y a donc quelque chose à faire, mais il n’y a pas 36 solutions. Il y a seulement 3 ou 4 paramètres où l’on peut agir. C’est soit travailler plus ou ponctionner plus. Mais dans ce cas on va gagner moins alors que les salariés et les retraités ont déjà du mal à vivre avec ce qu’ils ont. Il faut donc réfléchir à un nouveau modèle. Je ne sais pas ce qui va sortir des discussions actuelles sur le sujet, mais nous vivons de plus en plus vieux et en meilleure santé. Nous pouvons donc travailler quelques années de plus. Bien évidemment, il y a des métiers ou cela n’est pas possible et il faut voir cela au cas par cas. Au final cependant, quoi que l’on fasse, quand le nombre de gens qui payent est trop petit par rapport au nombre de gens qui reçoivent, la répartition ne fonctionne plus. C’est mécanique. Donc pour financer tout cela, nous risquons de devoir arriver à une certaine dose de capitalisation. »

Frédéric Laurent : « Pour notre part, nous sommes opposés à l’idée de la capitalisation et nous restons très attachés au principe de la répartition. Par contre, nous sommes d’accord sur l’idée d’aller chercher de l’argent ailleurs mais nous ne sommes pas forcément entendus par le Gouvernement. Aujourd’hui, 73% des citoyens sont encore opposés à cette réforme qu’ils jugent néfastes. Travailler jusqu’à 64 ans, on ne le veut pas. Sur la question du vieillissement : il y a vieillir davantage en bonne santé, et il y a aussi la dégradation que nous constatons depuis quelques années. L’accès à la santé est tel aujourd’hui que beaucoup de salariés renoncent à se soigner et vieillissent avec des pathologies qui n’existaient plus. Qui vieillissent avec des maladies professionnelles apparaissant parce qu’ils se soignent moins bien. On va plus chez le dentiste parce que déjà, pour trouver un rendez-vous, c’est catastrophique. On peut travailler plus mais dans qu’elles conditions ? »

A l’heure où la fidélisation des salariés et les difficultés de recrutement constituent un enjeu majeur pour les entreprises, ces conditions de travail sont déterminantes dans le cadre de la fidélisation de ce capital humain ?
Roland Paul : « Je pense profondément qu’une entreprise ne peut marcher que si ses salariés s’y sentent bien. Il y a des sociétés qui fonctionnent en prenant les gens pour des imbéciles, mais ce n’est pas durable. Je le dis souvent, pour qu’une boîte se porte bien, il faut avoir des clients et des salariés satisfaits. Qu’est-ce qui fait que les gens sont bien dans une entreprise ? Bien sûr, que nous allons tous travailler pour être payé. Si tu n’es pas payé correctement, cela ne marche pas. Ça fait partie de l’équation, mais ce n’est pas le seul élément. Il faut également donner des responsabilités aux salariés, leur faire confiance, les respecter et les reconnaître dans ce qu’ils font. Avoir des beaux locaux c’est bien aussi, mais c’est annexe. Chez GSE, nous avons notamment mis en place des accords de participation et d’intéressement. Cela veut dire que quand la boîte va bien, elle partage. Si à cela, on rajoute l’aspect fondamental du développement durable et de la vision sociétale, ton entreprise réunit toutes les bases de son développement. Autant d’éléments qui font que les gens restent un peu plus chez toi plutôt que de partir dans d’autres sociétés. A l’inverse, si on considère l’humain comme une variable d’ajustement, comme une machine, on se trompe complètement. Et au plus on ira dans cette direction, plus on fera fausse route. »

«  Le salaire, c’est ce qui permet de pouvoir faire vivre sa famille, de pouvoir s’émanciper, se cultiver.  »

Frédéric Laurent, secrétaire général de l’union départementale de la CGT Vaucluse

Frédéric Laurent :« Je suis entièrement d’accord. D’abord, il y a la question salariale qui est essentielle. Le salaire, c’est ce qui permet de pouvoir faire vivre sa famille, de pouvoir s’émanciper, se cultiver, etc. Aujourd’hui, la hauteur des salaires dans beaucoup d’entreprises n’est pas suffisante pour pouvoir parer aux besoins fondamentaux. Oui, je pense que les salaires sont nettement insuffisants dans le pays et plus particulièrement en Vaucluse où l’on dénombre beaucoup de personnes en dessous du salaire médian. Ensuite, il y a la question des conditions de travail et du bien-être au travail. On le constate dans toutes les entreprises et les administrations où nous sommes implantés : quand les conditions de travail sont mauvaises, quand il n’y a pas ce respect des salariés, il faut qu’il y ait cet échange, ce dialogue social à tous les échelons. Il y a quelques années, on avait des groupes de travail entre organisations syndicales, le Medef, la CPME… On arrivait à avancer, en évitant notamment les conflits. Peut-être qu’il n’y en a pas beaucoup dans votre entreprise, mais nous voyons une recrudescence de conflits dans beaucoup d’entreprises de tout type, des très grosses, des petites, des artisans… Cela est souvent lié au fait qu’il n’y a pas la volonté d’appliquer les conditions de travail : ‘c’est bosse et tais-toi’. Alors que le respect du salarié, c’est la base des bases, comme le respect des patrons et des cadres. Pourquoi avons-nous des viviers d’entreprises où il y a autant de conflits qui partent aux prud’hommes ? Où il y a impossibilité de discuter. Est-ce parce qu’il n’y a pas de syndicats et de délégué syndical qui peuvent jouer ce rôle de tampon ? La citoyenneté au travail est un manque crucial dans notre pays. Salariés et employeurs ne sont pas les pires ennemis du monde même si nous sommes dans une société où l’on cherche plus à se quereller qu’à essayer de construire ensemble. Même si nous avons des exemples de répression syndicale dans quelques entreprises, nous devons favoriser le dialogue en construisant des passerelles afin d’éviter les conflits surtout dans toutes ces entreprises qui sont privées de représentants ou qui sont privées de volonté de dialogue de part et d’autre. »

Cette détérioration de cette citoyenneté au travail c’est elle accentuée avec la crise sanitaire du Covid ?
Frédéric Laurent :« C’est clair qu’il y a eu un grand mouvement de bascule avec une prise de conscience de vouloir ‘vivre autrement’, de donner ‘une chance’ à sa vie. On l’a constaté dans la tête des salariés. Certains ont complètement changé de métier, parfois par dégoût, comme les professionnels des hôpitaux par exemple. On nous applaudissait tous les soirs, mais derrière cela a été une catastrophe. A l’inverse, dans les entreprises où on était bien, je pense qu’il y a eu un véritable attachement. L’adaptation au télétravail a été aussi un bon point pour les salariés et pour les entreprises qui en avaient besoin. Par contre, il est nécessaire que l’on réinstaure des liens au travail pour améliorer les conditions de travail. Tout ça, cela passera par le dialogue que nous essayons d’avoir ensemble. Car il est clair que les rapports sociaux au travail, c’est primordial. »

Roland Paul : « Effectivement, avec le confinement il y a les gens qui se sont aperçus qu’ils ne pouvaient plus être dans le métier dans lequel ils étaient avant. Ils sont allés dans d’autres secteurs d’activité et se sont aperçus que c’était mieux. Pour le télétravail, moi je l’ai pris avec précaution car chez GSE notre boulot on ne pouvait pas l’arrêter. En plus, je pensais que si le pays complet se mettait au chômage, à la fin on en crèverait car on ne peut tirer sur la bête indéfiniment. Sur le télétravail, je suis convaincu qu’une société c’est autre chose que plein de gens qui travaillent. C’est avant tout des personnes qui travaillent en commun sinon tu n’as pas de société. Nous, nous arrivons à faire projets car nos collaborateurs ‘bossent’ ensemble, ils confrontent les idées. Cela ne marche pas seul devant un écran car nous sommes des ‘bêtes à sang chaud’. Nous avons besoin de nous sentir. Là où il y un problème, notamment de climat social, c’est quand les gens n’ont pas envie d’aller au travail. Quand ils y sont malheureux. Chez nous, en moyenne il y a 1 jour de télétravail autorisé. Nos salariés l’utilisent seulement à 40%. »

Roland Paul
Originaire de Beaumont-du-Ventoux, Roland Paul est le président de GSE. Après avoir travaillé quelques années à Lyon, puis à Nice, il a intégré il y 28 ans les équipes de GSE en tant qu’ingénieur de projet. « J’y ai fait à près tous les boulots » avant d’en devenir président il y a une dizaine d’années.
Côte syndicalisme, Roland Paul est le nouveau président du Medef 84 depuis quelques mois. « C’est un mandat de 3 ans que j’ai accepté pour participer au développement du Vaucluse et de son économie », explique celui qui a été aussi délégué syndical CFTC au sein de son entreprise et qui vient de recevoir l’Ordre national du mérite des mains de Bertrand Gaume, ancien préfet de Vaucluse.

On parle beaucoup de réindustrialisation de la France : comment voyez son développement en Vaucluse et avec quel foncier ?
Roland Paul : « Je peux en parler en toute connaissance de cause puisque c’est mon métier. Chez GSE, nous avons construit un certain nombre d’usines et je peux vous affirmer que ces projets voient le jour là où il y a du foncier et des terrains disponibles ainsi que là où tous les acteurs économiques locaux sont alignés : le maire, le président de la communauté de communes, le préfet, le patron de la Région, les services de l’Etat… Si tout le monde est là en disant ‘on va construire ici’, on peut aller assez vite même si nous sommes en France où cela est parfois un peu compliqué. Moi, j’ai connu un certain nombre de gens qui arrivaient dans le Vaucluse et qui voulaient s’installer. On n’a pas trouvé de terrain et ils sont repartis sans créer d’emplois pour les Vauclusiens. Je discute aussi avec des entreprises du département qui veulent s’agrandir pour répondre à leurs besoins de développement. Ils ne peuvent pas non plus car il n’y a pas de place. Nous avons donc un vrai problème de foncier économique dans le Vaucluse. Il est impératif d’y travailler, là aussi, avec tous les acteurs économiques à développer ce foncier économique. Tout cela, c’est pour créer de l’emploi et de la richesse pour les habitants de ce territoire. Dans cette optique, nous travaillons avec la CCI 84, le Département, la Région ou bien encore l’Etat sur ce sujet dans le cadre des assisses du foncier qui se tiendront le 19 juin prochain au campus de la Chambre de commerce et d’industrie de Vaucluse. On doit donner la priorité à la réindustrialisation. »

« Nous avons un vrai problème de foncier économique dans le Vaucluse. »

Roland Paul

Frédéric Laurent : « Le foncier industriel est une problématique majeure dans le département. Surtout lorsque l’on constate que 10% de l’économie vauclusienne est générée par l’industrie, 52% par le secteur tertiaire et 30% par le commerce. Certes, cela est dû au positionnement de notre département, au carrefour de l’Italie, de l’Espagne et de la Vallée du Rhône, qui favorise l’implantation du commerce, des services et des plateformes logistiques. Oui, il y a besoin d’une réindustrialisation et il faut que tous acteurs locaux y participent. Pour cela, il faut débloquer du foncier pour pouvoir agrandir des entreprises ou en accueillir de nouvelles. Cela doit aussi passer par un nouvel aménagement du territoire, intégrant tout particulièrement la problématique des transports. Moi, je viens de Courthézon. C’est à seulement 21 km, mais ce matin j’ai encore mis 58 minutes pour venir travailler. Si j’habite à Courthézon et que je veux y travailler, je ne vois pas où je pourrais le faire. Pourquoi, n’y a-t-il pas d’entreprises dans certaines localités ? Parce qu’il n’y a pas de services publics à la hauteur, parce qu’il n’y a pas d’écoles qui répondent aux besoins. Parce que l’employeur, s’il implante une usine quelque part, il veut que ses salariés puissent avoir un hôpital pas trop loin, qu’ils puissent mettre ses enfants à l’école sans avoir à faire trop de route pour les y emmener parce qu’il n’y a pas ou peu de transports collectifs. Tout ça pour éviter que les gens arrivent fatigués et énervés. La question du retour des industries dans notre département est liée à tous ces facteurs-là. Créer du foncier pour pouvoir réimplanter des industries et renforcer notre attractivité avec des services publics qui répondent aux besoins autant des salariés que des employeurs. Il faut enfin prendre en compte les besoins de formations. Les métiers du cartonnage, qui était une industrie phare du département, ont tous disparu. Il n’y a plus de formation au métier du cartonnage alors que nous avons encore des savoir-faire colossaux sur Valréas, sur tout le bassin de l’Isle-sur-Sorgue avec les industries du papier aussi. Il y a des choses à travailler ensemble sur ces questions. Quand on voit également que le Vaucluse est un important producteur de fruits et légumes qui partent être transformés dans d’autres départements voire d’autres pays, alors que l’on sait faire tout cela ici. Il nous faut des industries qui permettent à nos salariés d’atteindre d’autres niveaux de qualification et de rémunération. »
Roland Paul : « Un emploi dans l’industrie en génère quasiment 3 sur son territoire. Effectivement, on produit des tomates mais on pourrait en produire 3 fois si nous avions les industries de transformation à côté. Cela a du sens, notamment en termes de développement durable. »
Frédéric Laurent : « Produire et traiter les produits ici, cela impacte favorablement l’environnement quand on voit le nombre de camions qui traversent ce département, ne serait-ce que sur la rocade, par exemple. »

« La LEO, c’est une aberration que l’on n’arrive pas à avancer. »

Frédéric Laurent

C’est l’occasion de parler des mobilités que vous avez déjà abordé en partie auparavant et notamment du dossier de la LEO (Liaison Est-Ouest) ?
Roland Paul : « J’ai entendu que ce projet n’était pas spécialement voulu par tout le monde mais je crois qu’il y a un vrai intérêt à réaliser le contournement d’Avignon. Cela fait partie des éléments déterminants pour l’avenir de ce territoire. De GSE au centre-ville il y en au moins pour trois quarts d’heure. Il y a un vrai travail à faire. Et il faut qu’on le fasse maintenant parce que 2027, c’est trop tard puisque le DUP (Déclaration d’utilité publique) tombera. C’est donc immédiatement qu’il faut que l’on travaille même si ce n’est pas simple car ce tracé touche 2 régions, 3 départements. Ce n’est pas des plus faciles d’un point de vue administratif mais je pense qu’avec une volonté… Plus généralement nous sommes dans un département assez rural où disposer d’un réseau de transports en commun pour amener les gens au travail est assez complexe à mettre en place. Il y a toutefois des choses à faire. »

Frédéric Laurent : « Le tour d’Avignon, c’est devenu catastrophique. Le contournement de la ville avec la LEO, c’est une aberration que l’on n’arrive pas à avancer. Mais la LEO ce n’est pas qu’une problématique économique c’est aussi une question de santé publique. Sur la rocade, nous atteignons des records de cancer des enfants à cause de la pollution générée par le trafic qui passe sous les fenêtres des habitants. Sur ce projet, nous sommes chaque fois percutés par ces changements de départements, de préfectures, etc. Et au final, on n’arrive pas à construire une réelle volonté à long terme. Pourtant, il y a urgence. Prenons l’exemple de la réouverture de la ligne ferroviaire au Carpentras-Avignon. Au début, ça patinait un peu car cela changeait les habitudes : ‘Je viens en voiture, c’est tellement plus simple’. Maintenant, je connais beaucoup de salariés qui apprécient d’utiliser cette ligne. Quand on donne aux salariés la possibilité d’utiliser les transports en communs, quand ils existent ou quand on arrive à les construire, ils les utilisent. Le tramway, quelle aberration ! Pourquoi le tramway ne va pas jusqu’à l’hôpital, la gare TGV, la zone d’Agroparc. Les entreprises n’en profitent même pas alors que pourtant, ce sont elles, et leurs salariés indirectement, qui l’ont financé via le versement transport. Sur ces questions, nous faisons des propositions, avec le syndicat CGT des cheminots d’Avignon sur le projet d’étoile ferroviaire, afin d’amener le salarié de bout à bout. Parce qu’aujourd’hui, le salarié qui veut prendre les transports en commun pour aller, ne serait-ce que dans votre secteur vers le parc d’activités de l’aéroport, c’est impossible. Pour aller sur la zone d’Auchan, selon où l’on habite, il faudra prendre plusieurs moyens de transport. Pour aller en Courtine, c’est pareil. »

« C’est l’aménagement du territoire qui fera que les entreprises reviennent en Vaucluse. »

Frédéric Laurent

Roland Paul : « Pour la LEO, je pense que les organisations syndicales peuvent aider parce que nous ne sommes pas arrêtés par des départements. Nous allons voir les collègues des autres régions et des autres territoires qui ont les mêmes objectifs que nous. Et eux, ne sont pas tenus par un carcan administratif. »
Frédéric Laurent : « Il faut arrêter cette pollution que l’on met sur notre département. Le matin, je vois des gens seuls dans leur voiture. Des gens qui viennent du même village, qui vont dans la même entreprise, qui ont les mêmes horaires et qui utilisent deux voitures. Il n’y a pas de moyens adaptés, pas assez d’aires de covoiturage. Il n’y a rien d’incitatif. L’aide à la mobilité ne peut se faire que s’il y a une offre de mobilité. Allons alerter ensemble le préfet sur cette nécessité pour l’entreprise et les salariés de travailler sur ces questions car c’est l’aménagement du territoire qui fera que les entreprises reviennent en Vaucluse. »

Nous avons parlé de mobilité mais il y a aussi des difficultés d’accès au logement pour les salariés et, plus largement, pour l’ensemble des Vauclusiens ?
Frédéric Laurent : « Ce sujet est également fondamental dans un territoire où certaines communes n’ont pas la volonté d’élargir la capacité d’accueil en logement social. Certains maires préfèrent payer des amendes plutôt que de construire ce type de logements. Alors que malheureusement, 75% des populations sont éligibles au logement social dans notre département. Un département où dans certaines zones, la plupart des habitations sont fermés la moitié de l’année, parce que ce sont des lieux dédiés au tourisme. Avec la recrudescence, dans certaines communes comme Avignon, de la présence de location de type Airbnb. Ce qui fait que le salarié qui veut continuer à travailler près d’Avignon, il ne peut plus s’y loger. L’accès au logement devient très compliqué. Les loyers sont très chers par rapport au revenu. Il y a un manque crucial de logements dans le département. Il y a beaucoup de salariés pauvres qui, faute de moyens, vivent dans leur voiture. Les questions de mobilité et de logements impactent directement les possibilités d’emploi. Il y a peut-être 30 000 postes disponibles et 60 000 chômeurs dans le département. Mais certains de ces postes restent vacants car on ne peut pas s’y rendre ou on ne peut pas se loger à proximité, donc on ne les prend pas. »

« Comment être un territoire attractif si l’on ne peut pas se loger et se déplacer ? »

Roland Paul

Roland Paul : « Je suis entièrement d’accord. Comment être un territoire attractif si l’on ne peut pas se loger et se déplacer ? Nous avons la cité des papes, le Festival, Châteauneuf-du-Pape, le Ventoux, les Chorégies, Fontaine de Vaucluse… plein d’atouts culturels ou naturels. Je le constate, de manière générale les gens sont attachés au Vaucluse. Il peut y avoir du mouvement dans les entreprises mais quand tu es à Paris, tu n’as pas le même turnover qu’à Avignon. Les gens qui sont ici veulent rester ici parce qu’ils y sont bien. Mais il y a aussi de la précarité et de la violence. Avignon fait partie des villes qui sont montrées du doigt en France. Toute cette mauvaise publicité n’est pas de nature à attirer les gens. Si je suis venu au Medef, c’est pour tenter de régler quelques trucs. On ne réglera pas tout, mais si on peut en solutionner quelques-uns. Pour cela, il ne faudra pas agir dans son coin mais il faudra le faire ensemble. »

Propos recueillis par Florent De Corbier pour La Marseillaise et Laurent Garcia pour L’Echo du mardi.


LEO : Tout le monde la veut, mais personne ne la fait

Suite à notre article sur l’état d’avancement de la tranche 2 de la LEO et le mécontentement de Terre de Provence agglomération sur l’enlisement du dossier, le Grand Avignon et la Ville ont souhaité réagir. Pour eux, leur choix d’un tracé reconfiguré n’est pas incompatible avec la poursuite du projet de contournement par le Sud de l’agglomération de la cité des papes.

« Dans un communiqué que nous avons découvert dans la presse, la présidente de la communauté d’agglomération Terre de Provence accuse la Ville d’Avignon et le Grand Avignon de faire courir le risque de compromettre définitivement la réalisation du projet de LEO (Liaison Est-Ouest), écrivent Cécile Helle, maire d’Avignon, et Joël Guin, président du Grand Avignon dans un droit de réponse. Tout cela parce que nous refusons que cette LEO garde le tracé imaginé il y a 30 ans. Aujourd’hui la question n’est pas tant de savoir qui est responsable d’un possible enterrement du projet de LEO car à ce jeu-là, nous pourrions juste rappeler que l’inauguration de la tranche 1 de ce projet porté par l’État, remonte à 2010… La question est bien plutôt de statuer enfin sur le projet de voie de contournement sud que nous voulons pour nos territoires afin de leur assurer attractivité et avenir. »

« Nous sommes favorables à la LEO comme voie de contournement sud de l’agglomération d’Avignon, mais à une LEO reconfigurée. »

« Car, oui, nous défendons la LEO, nous défendons un projet de voie de contournement sud de l’agglomération d’Avignon, mais pas celui-là, pas celui que l’État a imaginé à la fin des années 90, soit il y a plus d’un quart de siècle. Car, oui, notre position est claire : nous disons que nous sommes favorables à la LEO comme voie de contournement sud de l’agglomération d’Avignon, mais à une LEO reconfigurée, avec un autre tracé capable de proposer un vrai projet d’intérêt général utile pour tous les habitants du bassin de vie, vauclusiens, bucco-rhodaniens comme gardois, et exemplaire en matière de transition écologique et de mobilités durables. Nous croyons en une solution acceptable et résiliente pour un aménagement responsable de notre territoire. »

Les questions du Grand Avignon sur l’impact d’un projet conçu il y a 30 ans
« Lors du comité de pilotage organisé le lundi 19 mai dernier, sous la présidence du préfet de Région Georges-François Leclerc, l’État a en effet exposé un projet redimensionné, pour ne pas dire réduit, à deux fois une voie notamment. Mais toujours sur l’ancien tracé, celui prévu dans le cadre de la Déclaration d’utilité publique (DUP) qui date de 2003. Comment imaginer que ce projet puisse traiter la saturation actuelle du trafic et améliorer les conditions de circulation, autrement qu’en l’aggravant ? Comment imaginer aujourd’hui un tracé qui viendrait traverser, créer un boulevard urbain avec feux tricolores au cœur de la ceinture verte, poumon agricole d’Avignon, pour arriver au rond-point de la Cristole sur un axe déjà saturé, en proximité directe du quartier méditerranéen durable Bel Air ? Comment imaginer un projet daté, totalement dépassé, en contradiction avec les dynamiques urbaines à l’œuvre à l’échelle de la ville d’Avignon et du Grand Avignon, affectant la qualité de vie des habitants directement exposés à ce nouveau flux de circulation ? Comment imaginer un projet extrêmement coûteux, lequel a accumulé un retard considérable qui n’apporterait pas de réponse à la fois aux enjeux de mobilités des 500 000 habitants du bassin de vie d’Avignon, d’attractivité économique et de transition climatique de notre territoire ? »

Imaginer des solutions écoresponsables
« Vouloir un autre tracé, poursuivent les deux élus dans leur communiqué, c’est justement prendre ses responsabilités et imaginer des solutions écoresponsables, dans le cadre d’un débat constructif entre les collectivités et l’État, qui ne peut pas se contenter de nous dire : ‘C’est ce projet ou rien ! C’est ce projet ou l’État se retire !’. Vouloir un autre tracé, c’est justement ne pas se désengager, ce n’est pas s’opposer à notre bassin de vie mais bien au contraire le défendre en recherchant des solidarités aujourd’hui inexistantes, c’est regarder devant et non pas faire le choix du passé. Car oui, d’autres solutions existent, face à l’urgence climatique et sanitaire, face à la situation inacceptable et insupportable des 20 000 Avignonnaises et Avignonnais qui vivent de part et d’autre de la rocade, dans une volonté partagée de concertation et d’échanges avec nos collègues élus des communes du Nord des Bouches-du-Rhône. »

« Il est temps de ne pas se tromper. »

Trouver un terrain d’entente
« Une solution visant à trouver ensemble une voie d’entente, y compris pour assurer la bonne desserte des projets économiques qu’ils ont imaginés, comme l’extension du MIN de Châteaurenard. Une solution qui peut commencer par la réalisation rapide du barreau manquant entre la voie actuelle de la tranche 1 de la LEO et le rond-point de Rognonas, justement prévue dans la tranche 2 de cette LEO. Et nous nous réjouissons sur ce point du positionnement conjoint au nôtre, des maires de Barbentane et Rognonas. Il est temps désormais de relever ce défi majeur pour l’avenir de nos territoires et la qualité de vie de leurs habitants. Il est temps d’investir un choix d’avenir aux objectifs à la fois environnementaux, d’aménagement durable du territoire et de santé publique.
« Il est temps de ne pas se tromper », insistent pour finir Cécile Helle et Joël Guin.


LEO : Tout le monde la veut, mais personne ne la fait

Déclaré d’utilité publique par l’Etat depuis le 16 octobre 2003, on savait que les services de l’Etat voulaient remettre le dossier de la 2e tranche de la LEO (Liaison Est-Ouest) sur la pile des grands projets d’infrastructures prioritaires à faire enfin avancer. Si un nouveau tour de table a bien été engagé, les principaux territoires bénéficiaires de cet aménagement (la ville d’Avignon et le Grand Avignon) semblent avoir fait la sourde oreille à la pression de l’Etat, au grand dam de Terre de Provence agglomération ainsi qu’aux collectivités du bassin de vie qui participent au financement de ce projet.

Lundi 19 mai dernier, l’ensemble des acteurs publics concernés par la réalisation de la LEO (Liaison Est- Ouest-voir aussi en fin d’article) ont été convoqués par Georges-François Leclerc, le nouveau préfet de région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
En préambule de cette réunion, ce dernier a souligné avec insistance deux points essentiels : la nécessité que les discussions et propositions relatives à la LEO s’inscrivent impérativement dans le périmètre du projet arrêté dans la Déclaration d’utilité publique (DUP) de 2003 d’une part, et, d’autre part que le lancement de la LEO ne pourra avoir lieu qu’à la condition d’un engagement collectif en faveur de la réalisation complète de la tranche 2. Une injonction qui semble avoir été sans effet pour la ville d’Avignon et la Communauté d’agglomération du Grand Avignon.

« Ça suffit, nous ne pouvons plus attendre ! »

Corinne Chabaud, présidente de Terre de Provence agglomération

« Malheureusement, Avignon et le Grand d’Avignon ont décidé de ne pas en tenir compte, nous faisant ainsi prendre le risque de compromettre définitivement la réalisation du projet, s’inquiète dans un communiqué Corinne Chabaud, présidente de Terre de Provence agglomération. Nous sommes surpris et déçus par cette posture. Agir ainsi c’est oublier la complémentarité de nos territoires Bouches-du-Rhône, Vaucluse et Gard, c’est oublier l’enjeu autour de ce projet majeur structurant devenu indispensable, c’est oublier la perte de confiance exprimée ces dernières années par notre population. Ça suffit, nous ne pouvons plus attendre ! »

Le tracé de la tranche 2 de la LEO validé par la DUP de 2003. Crédit : Préfecture de la région Paca.

Un impact sur la qualité de vie, l’attractivité et l’emploi
Dans ce courrier ayant reçu notamment le soutien de Martine Vassal, présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Marcel Martel, maire de Châteaurenard, et Stéphane Paglia, président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) d’Arles, les élus bucco-rhodanien rappellent que « l’Etat a réaffirmé ses conditions, nous devons assumer nos responsabilités et prendre désormais des décisions constructives qui ne pèseront pas sur l’avenir du territoire. La saturation du réseau routier depuis de nombreuses années déjà entre Avignon et le Nord des Bouches-du-Rhône est devenue insupportable pour notre population. Elle impacte très fortement l’attractivité, l’économie et l’emploi notamment. Il est impératif que nous trouvions un consensus aujourd’hui. »

Aujourd’hui, Joël Guin, président du Grand Avignon, et Cécile Helle, maire d’Avignon, plaident pour une modification de la tranche 2 de la LEO. Le tracé validé par la DUP relie la tranche 1 depuis Rognonas puis Châteaurenard jusqu’au rond-point de l’Amandier à Avignon après un passage dans la ceinture verte et un franchissement de la Durance. Les deux élus préconisent de rester sur la rive gauche de la Durance (côté Bouches-du-Rhône) et de rejoindre le secteur de Bonpas qui est en cours de réaménagement. Une alternative visant à préserver les terres agricoles de la cité des papes et limiter l’impact environnemental de cette infrastructure sur la Durance en évitant la réalisation d’un nouveau pont. Selon les services de l’Etat, cette solution est estimé à minima à 250M€ et aurait peu d’impact sur le trafic actuel de la Rocade-Sud (-7%)

Le risque de tout perdre
Cependant, la conséquence d’une telle initiative est de repousser à 2040-2045 une éventuelle réalisation de cette phase 2 à cause des contraintes de délais de validation d’un nouveau tracé qui n’entre pas plus dans le cadre de la DUP de 2003. Voire plus probablement l’annulation complète du projet en raison des nouvelles réglementations environnementales. A ce petit jeu, Avignon et le Grand Avignon semblent prêt à prendre ce risque et surtout se contenter d’une simple liaison, de moins de 1 kilomètre, entre la tranche 1 et le pont de Rognonas histoire d’être en possibilité de prendre un arrêté d’interdiction de circulation des poids lourds sur la rocade d’Avignon.
Pas sûr toutefois qu’après avoir été envoyé dans les cordes, le préfet de région, qui est aussi celui des Bouches-du-Rhône, se montre très conciliant sur ce dossier…

Le projet de tracé alternatif soutenu par Avignon et le Grand Avignon n’entre pas dans la DUP actuelle. Au mieux, sa réalisation pourrait être envisagés à l’horizon 2040-2045.

« Les élus de Terre de Provence souhaitent des ajustements au tracé, nous l’avons dit, nous avons proposé des alternatives compatibles avec la Déclaration d’Utilité Publique, et nous entendons les défendre sans relâche pour que la Liaison Est Ouest puisse enfin voir le jour, insiste la présidente de Terre de Provence. S’opposer une fois de plus aux conditions fixées par l’État ferait courir un risque majeur à l’avenir de notre Provence dans toutes ses dimensions, sans aucun bénéfice pour nos concitoyens. Ne nous désengageons pas, ne reportons pas le problème sur les générations futures. »

« Nous voulons la Liaison Est Ouest, maintenant. »

Et Corinne Chabaud de poursuivre : « Renaud Muselier, président de la Région Sud, et Dominique Santoni, Présidente du Conseil départemental de Vaucluse partagent notre position. Avignon et le Grand Avignon avaient déjà signifiés fin 2023 l’annulation des crédits réservés sur leurs budgets pour la LEO, transférant ainsi le poids du financement sur les autres collectivités. Il est hors de question de les laisser compromettre définitivement ce projet. Nous voulons la Liaison Est Ouest, maintenant. »

Combien coûterait la phase 2 de la LEO ?
Avec le retard pris sur ce dossier, le coût des travaux de la tranche 2 de la LEO en 2×1 voie est estimé 142,7M€ à la valeur de 2024. Son financement est partagé entre l’Etat (38,05%), la Région Sud (26,95%), le Département de Vaucluse (14,72%), le Grand Avignon (12,62%), le Département des Bouches-du-Rhône (5,56%) et Terre de Provence (2,1%).

LEO : l’arlésienne d’Avignon

Initiée officiellement en 1999 par arrêté ministériel (même si les prémices du projet remontent à la fin des années 1980), la LEO (Liaison Est-Ouest) est destinée à fluidifier le trafic sur Avignon (notamment la rocade Charles de Gaulle) ainsi que dans le Nord des Bouches-du-Rhône. L’ensemble représente un contournement routier de l’agglomération par le sud d’une longueur totale de 13km devant relier la commune des Angles (dans le Gard) au carrefour de l’Amandier à Avignon (dans le Vaucluse).

Le projet comprend 3 tranches :

  • Tranche 1 : entre l’échangeur Courtine-Nord à Avignon et l’échangeur de Rognonas (13) d’une longueur de 3,8km en 2×2 voies avec un pont sur la Durance.
  • Tranche 2 : 5,8km à 2×1 voies (puis à 2×2 voies conjointement à la tranche 3) depuis la tranche 1 à Rognonas au rond-point de l’Amandier à Avignon avec un viaduc sur la Durance de 800 mètres.
  • Tranche 3 : franchissement du Rhône (3,7km à 2×2 voies) depuis la zone de Courtine (tranche 1) aux Angles (30) situé dans la région Occitanie.

Situation actuelle

  • Tranche 1 : En service depuis 2010.
  • Tranche 2 : Après plusieurs années de report, Bérangère Abba, alors Secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique, avait annoncé en février 2022 que le chantier devait débuter en 2023 pour une mise en service espérée en 2027. Des travaux qui, à ce jour, n’ont pas commencé alors qu’une partie du budget a été tracé par les différents financeurs (Région Sud, département 84 et 13, interco…). Un blocage qui s’explique grandement par des oppositions environnementales et une remise en cause du tracé.
  • Tranche 3 : Dossier au point mort.

Les enjeux

Aujourd’hui, la LEO est autant un enjeu de mobilité que de santé publique. Santé publique d’abord, car le trafic actuel expose les habitants de la Rocade actuelle d’Avignon (25 000 habitants directs et 91 000 indirects) à des niveaux de pollution presque équivalent à ceux des autoroutes A7 et A9 autour d’Avignon (source : Atmosud). Mobilité ensuite, car la zone d’Avignon affiche un retard structurel en matière d’infrastructure de transport depuis au moins 50 ans.
Les raisons de ce retard sont multiples : avec le pont de l’Europe, Avignon abrite le seul pont 2×2 voies gratuit entre les Régions Sud et Occitanie. De fait, ce bassin de vie est le point d’engorgement entre les trafics venant d’Italie et d’Espagne. Le tout, à proximité immédiate de plusieurs monuments classés au patrimoine mondial de l’Unesco (remparts, pont d’Avignon, palais des papes). A cela, s’ajoute le positionnement de la cité des papes sur l’axe rhodanien et les flux entre le Nord et le Sud de l’Europe.

50 ans de retard en matière d’infrastructures

Deuxième bassin de vie le plus étendu en France après celui de la métropole marseillaise, Avignon a été le centre d’un projet de pôle métropolitain initié en 2022 et aujourd’hui mis en sommeil. Il regroupait 148 communes alors que l’intercommunalité actuelle du Grand Avignon n’en regroupe que 16. Ce décalage illustre parfaitement les difficultés de ce territoire à mener à bien des projets structurants et cohérents dans ce qui est parfois qualifié de ‘métropole diffuse’ (une aire urbaine très étendue et peu dense). ‘L’espace’ avignonnais affichant les besoins d’une métropole en termes de mobilité alors que ce territoire dispose des moyens d’une agglomération.

D’autre part, le bassin de vie d’Avignon est handicapé par son morcèlement administratif. A cheval sur 3 départements, 2 régions, 2 cours d’eau majeurs (le Rhône et la Durance) deuxième zone d’emploi inter-régionale après celle de Roissy-Charles de Gaulle, seule agglomération française coupée en 2 zones scolaires… Avignon cumule les freins à la prise de décision et aux financements qui vont avec.

Pour preuve, quand ces décisions sont prises dans les mêmes entités administratives (à savoir la région Paca), tout est plus simple. Ainsi, sur les 15 dernière années 3 ponts ont été réalisés sur la Durance entre le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône (1re tranche de la LEO en 2010, Pertuis en 2013 et Cavaillon en 2015). Dans le même temps, il faut remonter à 1975 pour voir un pont 2×2 voies entre Paca et Occitanie (celui du pont de l’Europe).

Des ouvrages arrivés à saturation structurelle

Justement, le pont de l’Europe a dû être renforcé structurellement en 2013 et 2014 car il n’était plus en mesure d’accueillir en toute sécurité le trafic actuel. Cette consolidation a permis de récupérer une certaine marge de manœuvre, mais l’ouvrage ne dispose plus de la capacité à recevoir davantage de poids lourd. Même constat avec l’ancien pont de Rognonas (un pont suspendu construit en 1950 entre Avignon et Rognonas parallèle à la tranche 1 de la LEO). Tôt ou tard, il ne sera plus adapté au volume de circulation qu’il accueille, notamment les camions. Sur le Rhône, les 2 autres ponts de ‘délestage’ en 2×1 voies du bassin de vie souffrent des mêmes contraintes (pont suspendu de Roquemaure construit en 1958 et pont d’Aramon mis en service en 1970).

Actuellement, 450 000 véhiculent circulent tours les jours dans l’agglomération d’Avignon (dont 6,5% de poids lourd). Un quart de ce trafic correspond à des échanges entre l’aire urbaine et les territoires alentours et 5% sont des véhicules de transit. Parmi eux, près de 150 000 véhicules empruntent les ouvrages d’art du bassin de vie.

A l’horizon 2035, même si la DREAL envisage une baisse de la circulation routière pour les courtes distances, elle prévoit aussi une augmentation de la demande de déplacement et notamment triplement de la demande liée au MIN de Châteaurenard situé près du tracé de la ‘future’ tranche 2.

Pont sur le Rhône : la clef de voûte de la LEO

Et la situation ne devrait pas s’arranger, surtout avec des ponts qui ne sont plus en capacités ‘d’encaisser’ des hausses de trafic (hormis la tranche 1 de la LEO). Par ailleurs, l’essence même de la LEO c’est son axe Est-Ouest. Or à ce jour, seul un franchissement Nord-Sud a été réalisé. La Tranche 2 propose aussi un franchissement Nord-Sud.

C’est surtout le franchissement du Rhône (Est-Ouest) qui devrait donner tout son sens à cet aménagement allant bien au-delà du simple territoire de l’aire urbaine d’Avignon, véritable cordon ‘ombilical’ entre l’Europe du Sud. Ce n’est cependant pas gagné, car pour ce franchissement que 63% des habitants de Villeneuve-lès-Avignon classe en tête des priorités des actions à mener sur leur territoire, le Département du Gard et la Région Occitanie figurent aux abonnés absents depuis 30 ans…

La difficulté à mener à bien ce projet illustre cependant les ‘limites’ de la décentralisation. En effet, la trop grande multiplication des intervenants locaux dans ce bassin de vie bloque les prises de décisions. Personne n’étant aligné au même moment, tout particulièrement en matière de financement.

En 2014 le coût de la tranche 3 (cerclée en jaune) était estimé à 200M€. Il faudra prévoir 10 à 15 ans de délais entre le lancement du projet et la mise en service.

LEO : Tout le monde la veut, mais personne ne la fait

La CPME de Vaucluse vient de solliciter le cabinet du ministère des transports afin de faire le point sur la poursuite du chantier de la LEO. A cette occasion, le ministère a annoncé que le ministre devrait prochainement mettre « tout le monde autour de la table » afin d’évoquer la tranche 2 et de finir ce qui a été lancé car il s’agit de la « crédibilité de la parole publique ».

Bernard Vergier, président de la CPME de Vaucluse, vient de s’entretenir avec le ministère des transports afin de faire part de la volonté des entrepreneurs locaux de voir le dossier de la réalisation de la LEO (Liaison Est- Ouest) aboutir. Ce contournement routier par le Sud de 13km de l’agglomération d’Avignon prévoit de relier le rond-point des Amandiers (à côté du centre commercial de Cap-Sud à Avignon) à celui de Grand Angle (à proximité du centre commercial Leclerc aux Angles).

1 seule tranche réalisée sur les 3 sections prévues
En tout, ce projet prévoit la réalisation de 3 tranches pour être mené à son terme. A ce jour, seule a été réalisée la 1re tranche : entre l’échangeur Courtine-Nord et l’échangeur de Rognonas. D’une longueur de 3,8km, en 2×2 voies avec un pont sur la Durance, elle a été mise en service en 2010 pour un montant de 136M€. Elle permet de relier la gare TGV de la cité des papes au Nord des Bouches-du-Rhône.
La tranche 2 (la plus avancée, ou plutôt la moins en retard puisque le début du chantier avait été annoncé en… 2023) prévoit 5,8km en 2×1 voies (éventuellement passés en 2×2 voies ultérieurement) de Rognonas aux Amandiers avec un viaduc sur la Durance de 800 mètres. Depuis, la Ville d’Avignon et le Grand Avignon ont sollicité l’État afin d’obtenir une reconfiguration du tracé de cette portion N°2.
Enfin, la tranche 3 prévoit le franchissement du Rhône (3,7km à 2×2 voies) avec un viaduc sur le Rhône entre l’actuel viaduc TGV et le pont ferroviaire Eiffel.

« On arrive à saturation. »

Bernard Vergier, président de la CPME de Vaucluse

Le tracé de la LEO et ses 3 tranches. DR

« On arrive à saturation, s’exaspère Bernard Vergier. A tel point, que les entrepreneurs ou les artisans ne veulent plus venir travailler sur Avignon, encore moins dans son centre-ville. Et quand ils l’acceptent, c’est à des tarifs prohibitifs pour compenser le temps qu’ils passent dans les bouchons. Au-delà de ça, c’est l’ensemble de la population qui souffre de la pollution. La richesse de ce territoire est également en train de partir aux alentours vers Aix, Montpellier, Nîmes ou Marseille. Côté emploi, on a aussi énormément de mal à recruter. Les gens ne veulent pas passer leur vie dans les embouteillages. »

Le pont de Rognonas sur-utilisé ?
« Le ministère a fait le point sur les problématiques de circulation qui se sont fait jour autour d’Avignon depuis les aménagements qui ont été décidé, a expliqué le cabinet du ministre des transports lors d’une visioconférence organisée sur le sujet avec la CPME 84. En effet, il semblerait que nous observions de nouveaux phénomènes de congestion routière. »
Ainsi, un report des flux intra-Avignon liés au plan Faubourgs aurait entraîné une forme de modification de la circulation avec des mouvements qui n’existaient pas jusqu’à présent. Et contre toute attente, ces points de congestion deviennent récurrents et ne concernent pas que les jours de circulation des poids lourds.
A cela s’ajoute certaines ‘difficultés’ liées au pont de Rognonas. A l’image du pont de l’Europe (entre Avignon et Les Angles), qui est en limite haute de sa capacité d’accueil du trafic et qui a nécessité d’être consolidé en 2013 et 2014, l’ouvrage suspendu construit en 1950 entre Avignon et Rognonas n’est plus forcément adapté au volume de circulation qu’il accueille. Tôt ou tard, il semblerait que des décisions de limitation de son usage devront être prises.

Faire aboutir la LEO : une question de crédibilité de la parole publique
« Il faut trouver une issue commune pour sortir de cette situation d’embouteillage permanent », insiste-t-on du côté du ministère. Dans cette optique, Philippe Tabarot, ministre des Transports, devrait ainsi prochainement se déplacer dans le secteur « afin de remettre autour de la table l’ensemble des élus concernés » – dont les 2 départements – « ainsi que de missionner le préfet de région, pour regarder comment est-ce qu’on peut revoir le modèle pour faire aboutir la LEO », précisent les services du ministère.
Pour ce dernier, l’objectif est donc clair : bâtir un nouveau scénario pour sortir de l’impasse actuelle tout en finalisant l’infrastructure telle qu’elle a été définie pour la tranche 2. Le tout en prenant en compte les contraintes budgétaires présentes et que les crédits alloués à l’Agence de financement des infrastructures de transport (Afit) de France ont été amputé de près d’un milliard d’euros cette année, soit un quart de son budget.

Rattraper le sous-équipement chronique du bassin de vie d’Avignon
Pour autant, il ne faut pas oublier que la réalisation de cette infrastructure initiée depuis près de 40 ans n’est que le rattrapage du sous-équipement chronique du bassin de vie d’Avignon depuis plus d’un demi-siècle avec la mise en service du pont de l’Europe il y a 50 ans tout juste. Ce dernier étant le seul ouvrage 2×2 voies gratuits entre la région Paca et l’Occitanie.
Aujourd’hui, les ouvrages d’art de la cité des papes (principalement le pont de l’Europe et dans une moindre mesure ceux d’Aramon et de Roquemaure) constituent le cordon ombilical entre l’A7 et l’A9. De nombreux chauffeurs de poids lourds l’ont d’ailleurs bien compris en empruntant ce raccourci gratuit pour rallier l’Espagne et l’Italie puis le Nord de l’Europe via le sillon rhodanien.

Un seul franchissement de la Durance a été réalisé à ce jour sur les 3 prévus (un autre sur la Durance et un sur le Rhône). Crédit : Laurent Garcia l’Echo du mardi.

Infrastructure vitale pour le bassin de vie (tout particulièrement le franchissement du Rhône qui donnerait tout son sens à la notion Est-Ouest), le LEO souffre d’un trop grand éclatement des territoires concernés par sa mise en œuvre. Son tracé s’étend sur 3 départements et 2 régions dont l’alignement financier des planètes n’est jamais synchrone repoussant sans cesse la réalisation de cette voie de contournement d’Avignon, une agglomération si étendue qu’elle a les besoins d’une métropole en matière de mobilité.
« Certes, la LEO ce n’est pas la solution à tout. Néanmoins, cela doit permettre de faciliter les choses. En termes de crédibilité de la parole publique, il faut au moins être capable de finir les projets qui ont été entamé », indique les services du ministère qui planchent également sur l’éventuelle création d’un échangeur autoroutier au Sud de la Durance, vers Cabannes, pour décharger la zone.

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