Ils ont longtemps été des repères importants sur les routes nationales de notre pays. Points d’étapes incontournables pour les chauffeurs de poids lourds, les relais routiers étaient aussi prisés par les automobilistes et en particulier sur la route des vacances. Aujourd’hui, ils disparaissent un-à-un alors que ces restaurants populaires et conviviaux, aux prix très modérés, répondent à une vraie demande. Sur la Nationale 7, ils sont nombreux à avoir tiré le rideau. Mais quelques-uns font de la résistance et se réinventent comme le relais des Fumades à Orgon (13).
Si de grands axes routiers comme la N7, reliant Paris à Menton, ont donné naissance à quelques-unes de nos meilleurs tables étoilées : Troisgros, Bocuse, Point, Pic, Loiseau… on a également vu fleurir aux bords des routes nationales des établissements plus accessibles. Destinés à ceux qui « font la route », ces relais routiers ont émergés avec le développement du transport par camion dans les années 30. A l’époque, il fallait deux jours pour relier Paris à Marseille. Les autoroutes n’existaient pas et les camions n’avaient pas le confort ou la fiabilité de ceux d’aujourd’hui. Dans ces établissements, dignes héritiers des relais de poste d’avant la mécanisation, on peut y manger, y boire, y dormir, y prendre une douche… Et un garagiste n’était jamais loin. Au-delà des services proposés, ces établissements étaient avant tout des lieux de convivialité, où les routiers savaient qu’ils seront toujours accueillis et servis. Des relations d’amitiés se créaient souvent et ces établissements devenaient pour beaucoup comme une deuxième famille.

La première édition remonte à 1934 avec cette promesse « la route facile », il était offert par la marque d’apéritif Saint-Raphaël
Imaginé par François de Saulieu le fondateur du journal « Les Routiers », le réseau des relais routiers a été créé en 1935. A l’origine il s’agissait de trouver un moyen de diffusion pour ce magazine destiné aux professionnels de la route. François de Saulieu a ainsi pensé que ces relais routiers pouvaient aussi être des « relais » pour son magazine, et pour ces établissements, un moyen d’attirer les chauffeurs. Ensuite, l’idée de créer un guide référençant tous ces établissements routiers s’est naturellement imposée. La première édition remonte à 1934 avec cette promesse « la route facile », il était offert par la marque d’apéritif Saint-Raphaël. La création de la marque « Les routiers » avec son macaron bleu et rouge est apparue peu après. Le premier à l’arborer a été Le cheval noir, à Champagne- au-Mont-d’Or, dans le département du Rhône. Ce guide des relais routiers existe toujours (www.relais-routiers.com).

L’arrêt dans les relais routiers n’est plus une nécessité, au risque de perdre en rencontres et convivialité
A son apogée, dans les années 60, le réseau des relais routiers comptaient 3 500 établissements. Aujourd’hui, on n’en dénombre 300. Les raisons de ce déclin sont multiples. Tout d’abord les autoroutes qui ont aspiré une grosse part de la trafic des camions. Et, sur les autoroutes il n’y a pas de place pour les relais routiers indépendants. Les équipements actuels des camions modernes permettent à leurs chauffeurs de vivre en quasi autarcie. L’arrêt dans les relais routiers n’est plus une nécessité, au risque de perdre en rencontres et convivialité. Ainsi, ces établissements ont vu leurs fréquentations baisser. Beaucoup ont tenté de survivre ou de trouver des repreneurs. Certains comme le relais des Fumades à Orgon en bordure de N7 cherchent à se réinventer.
La baisse de la fréquentation par les chauffeurs routiers a incité Helena Amourgis à s’ouvrir vers d’autres clientèles plus sédentaires
Helena Amourgis, est la patronne du relais des Fumades, à Orgon, depuis 21 ans. Son établissement, lui existe depuis plus de 50 ans. Il compte une douzaine d’employés et est ouvert 7 jours sur 7, de 6h00 à 23h00 (en semaine). Le samedi il ouvre à 7 h et le dimanche à 9h00. C’est un bar hôtel restaurant. La baisse de la fréquentation par les chauffeurs routiers a incité Héléna Amourgis à s’ouvrir vers d’autres clientèles plus sédentaires : les salariés des entreprises locales, les résidents du camping d’à côté ou encore les ouvriers du BTP travaillant à proximité… Le dimanche midi, Helena propose un menu amélioré. Les familles et les groupes d’amis en recherche d’un bonne table à des prix accessibles s’y précipitent. « C’est copieux et c’est à petit prix » aime à dire Helena. En semaine le menu routier est proposé à 17,90 € avec un buffet d’hors-d’œuvre, un plat du jour (couscous aux trois viandes le 26 juin dernier), une crème brulée et une boisson au choix. Le restaurant a su élargir sa carte en proposant des pizzas et des grillades au feu de bois.

« Je pense que nous sommes en voie de disparation »
Helena Amourgis
Malgré cela Helena n’est pas totalement optimiste : « je pense que nous sommes en voie de disparation » dit-elle. Dans 3 ou 4 ans, Helena compte prendre une retraite bien méritée. La question de sa succession se pose déjà. Mais il y a peu de candidat. « Il faut forcément un couple pour reprendre une affaire comme celle-là » précise-t-elle. « Mais je suis heureuse de faire ce métier, même si c’est beaucoup de travail » ajoute-t-elle. Surtout l’esprit des relais routiers d’antan demeure encore. La preuve ? Helena a été invité il y a quelque temps au mariage de l’un de ces clients chauffeur routier.

L’avenir des relais routiers est peut-être alors dans les villes, loin des nationales d’antan
La recette à succès de ces restaurants populaires : des maxi assiettes faites à partir de produits simples et de qualité pour un prix mini, a peut-être trouvé un nouveau débouché. Il donne à Laurent de Saulieu, le petit-fils du créateur du réseau et du magazine, de bonnes raisons de voir s’inverser la tendance. Le 29 mars dernier, un restaurant arborant le fameux macaron bleu et rouge a ouvert ses portes dans le centre-ville de Troyes. Même scénario dans le très chic 16ème arrondissement de Paris, où un nouveau relais routier (les Marches) vient d’ouvrir ses portes. Le menu complet est à 25 €. Ici point de routiers mais beaucoup de touristes et de bobos en mal d’exotisme (comme chez Léon rue de l’Isly près de la gare Saint-Lazare ), et des habitants du quartier qui renouent ainsi avec la tradition des restaurants populaires. Ce mouvement n’est pas sans rappeler celui du grand retour des bouillons…
L’avenir des relais routiers s’inscrit peut-être dans les villes, loin des nationales d’antan.