La France se prépare à deux journées de mobilisation annoncées contre les projets d’économies budgétaires du gouvernement Bayrou. Le 10 septembre par un mouvement lancé sur les réseaux sociaux et le 18 septembre par l’intersyndicale, alors que certains syndicats du secteur des tranports aérien et ferroviaire prévoient des actions pour les deux dates.
À cette occasion, nous nous sommes penchés sur le recours à la grève en Europe. La France est-elle vraiment le pays où l’on dénombre le plus de mouvements sociaux de ce type ?
Selon une analyse de l’Institut syndical européen (European Trade Union Institute, ETUI), un centre indépendant de recherche lié à la Confédération européenne des syndicats, entre 2020 et 2023, la France faisait partie des pays européens où le nombre annuel moyen de jours de grève recensés était le plus élevé, soit près de 80 journées non travaillées pour 1 000 employés (estimation pour le secteur privé et public). Cependant, elle n’était pas seule en tête et était même devancée sur cette période, et selon les données disponibles, par la Finlande (environ 140 jours par an pour 1 000 employés), la Belgique et le Royaume-Uni (chacun plus de 90 jours pour 1 000 employés). À l’inverse, les pays européens comptabilisant les ratios de journées de grève les moins élevés sur la période 2020-2023 étaient la Pologne, la Lettonie, la Suède et la Suisse (1 à 2 jours non travaillés par an pour 1 000 employés).
Il est toutefois important d’indiquer que les pays qui publient des données à ce sujet utilisent des méthodologies différentes pour comptabiliser les grèves, notamment en ce qui concerne les seuils à partir duquel elles sont recensées (par exemple en France : entreprises de 10 employés ou plus). Ainsi, bien que l’étude de présentée ici offre un aperçu intéressant des tendances à l’échelle régionale, il convient de prendre avec prudence les comparaisons de pays à pays et de tenir compte du fait que les chiffres indiqués représentent une sous-estimation du nombre total réel d’actions syndicales à l’échelle nationale.
Assiste-t-on à une recrudescence des grèves en France ?
Assiste-t-on a une recrudescence des grèves en France ? Tout dépend de l’échelle de temps sur laquelle on se place. Alors que le nombre de grèves est tombé au plus bas pendant la pandémie de Covid-19, un retour en force de la contestation sociale est observé depuis 2022, comme le révèlent les données de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des Statistiques (Dares). Toutefois, les chiffres annuels sur les grèves publiés à ce jour restent assez loin des niveaux enregistrés en 2010.
En 2023, dernière année pour laquelle ces données disponibles, la Dares a comptabilisé 171 journées individuelles non travaillées pour fait de grève pour 1 000 salariés dans le secteur privé non agricole en France. Un chiffre en hausse de 72 % par rapport à 2022 (99 jours pour 1 000 salariés), et de 195 % par rapport au creux enregistré en 2021 (58 jours). L’année 2023 avait notamment connu des mouvements sociaux importants liés à la réforme des retraites. Comme le montre notre infographie, sur la période étudiée (2008-2023), c’est en 2010 que le nombre de jours de grève dans le privé reste le plus élevé : 308 jours par salarié. Cette année-là, d’importants mouvements sociaux avaient touché le pays, principalement contre la réforme des retraites, mais ils avaient aussi pris une dimension anti-austérité plus générale suite à la crise financière de 2008.
Dans le détail, sur la période couverte, les transports et la logistique étaient le secteur d’activité dans lequel le ratio de journées individuelles non travaillées pour fait de grève était le plus élevé : 538 jours par an pour 1 000 salariés, tandis que le secteur de la construction affichait le ratio le plus faible : 11 jours, et que la moyenne nationale dans le secteur privé s’élevait à 110 jours.

De Tristan Gaudiaut pour Statista